Le Professeur Henri Choussat
(1906 -1994)
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-------Le Professeur Henri Choussat vient de nous quitter, à la fin d'une longue vie de labeur, d'efforts, et toujours de réussite ; vie exemplaire et exceptionnelle que j'ai eu le privilège de suivre depuis son entrée en Médecine en 1926. -------Mes souvenirs personnels ont pu être complétés et précisés par ceux de M. Patrice Clarac. Je l'en remercie. -------H. Choussat était né à Montpellier, fils unique, de famille modeste, qui vient s'installer en Algérie, à Lafayette, dans le sud constantinois. Son père y devient médecin de colonisation, où il vit de son maigre traitement, ayant renoncé à faire payer une clientèle sans grandes ressources. -------Ainsi Henri Choussat, jusqu'au certificat d'études, ne peut faire ses études primaires qu'avec un ancien curé, gendarme du village. -------A quatorze ans, il entre au Lycée d'Alger, en quatrième, qu'il suit d'abord difficilement, puis "se rattrape" au point d'être proposé pour le prix d'excellence, qui ne lui est cependant pas attribué ; mais ce qui lui permet, après avoir étudié sans répit pendant les vacances, dans son bled, d'un été torride, qui l'oblige à travailler dans la cave, un peu moins chaude. <<<<<<< -------Il peut ainsi "sauter" une classe, et obtient, en seconde, le prix d'excellence. I1 est même proposé pour le Concours général. -------Après encore un même effort estival, il parvient à "sauter" la première, et à la fin de l'année de philosophie, à passer son baccalauréat, à dix-sept ans. -------Ayant d'abord ambitionné de préparer Normale supérieure, il se fait finalement inscrire en Médecine, et en même temps en Droit (qu'il ne poursuivra pas). -------C'est alors, en 1927, que nos destinées se rencontrent, lorsque son père vient me demander d'accepter son fils dans mes conférences d'Internat. ------ -------Aussitôt se révèle, parmi nous, sa puissance de travail dans les "questions d'internat" du programme. Les "questions étudiées à fond étaient de véritables" questions d'agrégation. II est interne en 1928 ; puis il ira un certain temps travailler à Constantine chez le Dr Oulie, excellent chirurgien, et s'initiera à la pratique chirurgicale qui lui permettra de faire les opérations courantes ou urgentes. -------A la fin de son internat, il épouse une camarade d'études Juliette Clausse, qui suivait aussi mes conférences d'internat. -------Ayant obtenu, plus tard, un certificat de radiologie, son épouse adjoindra cette spécialité à la pratique du couple dans leur clientèle. -------Ils vont alors s'installer dans une petite ville, Ménerville, à une cinquantaine de kilomètres d'Alger, où ils exerceront la médecine de campagne. Leur clientèle va rapidement se développer et dépasser le cadre du domaine de la ville. Henri Choussat est vite considéré comme un médecin consultant dans sa région et même la dépassant. -------Il était médecin de l'hôpital de Ménerville, son activité va vite dépasser, et multiplier les services de ce petit hôpital. Il l'agrandit, convertit les salles communes en chambres particulières, crée une salle opératoire (où il m'invite parfois à opérer), il installe un service de radiologie dirigé par son épouse, recrute des internes. Il organise une formation d'enseignement post-universitaire pour une vingtaine de médecins de la région, en fait une véritable petite Université régionale de médecine. Il y adjoint une bibliothèque classée dans des caisses obtenues d'une usine d'explosifs dont il est médecin, et des fauteuils désaffectés d'Air France, dont il est aussi médecin (en effectuant le service à l'aéroport d'Alger à 40 km). Il était aussi médecin des chemins de fer, de la police et de la gendarmerie, et de bien d'autres organismes locaux. -------Le travail du couple était intensif, de six heures du matin à onze heures ou minuit. Bien plus, il avait en même temps ouvert un cabinet de médecine thermale à Vittel, pendant la saison d'été, ajouté à sa pratique ménervilloise. -------Aucune fatigue ne l'arrête, et une magnifique ambition l'amène à Alger comme Chef de Clinique du Professeur Lebon à l'hôpital de Mustapha, en entreprenant des voyages quotidiens, chaque matin à Alger, pratiquant à Ménerville l'après-midi. - ------Il ne s'arrête pas là : il prépare et obtient la fonction et le titre de médecin des hôpitaux d'Alger, dont il assure le service de la même façon. -------Bien plus, il décide de se présenter au concours d'Agrégation de Médecine en 1925. Pour le préparer, il n'hésite pas à s'installer pendant trois mois à Paris (dans l'hôtel Madison, à Saint Germain des Près), où, dans trois pièces, il va travailler sans arrêt, puisant dans les trois caisses de livres, de dossiers, de documents apportés de Ménerville, avec la collaboration permanente de deux secrétaires. Cet effort est couronné par un magnifique succès : le voilà reçu major de l'Agrégation (devançant les candidats parisiens, à qui est réservé traditionnellement cet honneur et ce titre). -------Ayant obtenu de la direction de la Santé, par convention, le rattachement de son hôpital de Ménerville au Centre hospitalo-universitaire d'Alger, il va - jusqu'à l'indépendance de l'Algérie en 1962 + assurer à la fois sa pratique à l'hôpital de Ménerville et ses fonctions universitaires à Alger. Il devient Professeur de la Chaire de pathologie générale à la Faculté d'Alger. Déjà en 1950, il avait été élu membre correspondant de la Société médicale des hôpitaux de Paris, titre très envié ; il est promu Chevalier de Légion d'Honneur en 1956, et officier dans l'Ordre national du mérite ; officier dans l'ordre des Palmes académiques. Ces honneurs sont justement rendus à ses efforts, à son mérite et à ses réalisations sociales et médicales ; il est en outre décoré de la médaille des épidémies et de la médaille d'honneur du Service de Santé des armées. Lorsqu'arrive le moment de quitter notre Algérie Française, en 1962, il est affecté à la Faculté de médecine de Bordeaux, au titre de professeur de séméiologie, puis de pathologie médicale. Il va se consacrer particulièrement à la gérontologie jusqu'à sa prise de retraite en 1977. -------Un évènement dramatique survient alors, trois mois avant sa retraite : au cours d'un congrès en Roumanie avec son épouse, celle-ci est tuée sur le coup, dans un accident de voiture, et lui-même est grièvement blessé au crâne. Il ne se remettra jamais du chagrin de son deuil, entretenant pieusement la tombe de sa femme. -------Sa mise en retraite hospitalo-universitaire ne sera pas une accession au repos. Au contraire, et peut-être pour distraire son chagrin et sa solitude, il multiplie ses activités et ses voyages de façon incessante, à des conférences, des congrès, des organisations diverses, aux travaux de l'O.M.S., de l'U.N.E.S.C.O., ou de l'O.N.U. En 1983, il participe à la mission dirigée en Polynésie française par le Professeur Dausset pour l'étude des groupes sanguins H.L.A. De même, par trois voyages, à l'île de Pâques ; il se rend aussi dans les îles les plus septentrionales du Japon, chez les populations A'inhous, race non mongoldide, d'origine encore mystérieuse. -------La gérontologie
continue à l'intéresser et il s'y consacre totalement. II
est membre du conseil scientifique du C.L.E.I.R.P.A. (Centre de Liaison
et d'Etude, d'information et de recherche sur les problèmes des
personnes âgées) ; aussi, membre de l'A.I.U.T.A. (Assemblée
internationale des universités du Troisième âge).
Il est membre du conseil d'administration du F.I.A.P.A. (Fédération
Internationale des associations des personnes âgées) ; et
de l'O.P.A.B. (Office aquitain de recherche, d'étude, d'information
et de liaison sur les problèmes des personnes âgées).
Il est membre de la Société française de Gérontologie
de Bordeaux et du Sud-Ouest. F. Lagrot - P. Clarac |