Emile RENAUDIN
(1881 - 1968 )
Journaliste. - Rédacteur aux "Annales africaines" (1900), correspondant du "Petit parisien", etc.. - A été directeur du "Petit oranais" et du "Journal de la marine marchande"

On ne peut trouver d'Algérien plus algérien que notre confrère Emile Renaudin, secrétaire de la direction du Journal de la Marine marchande. Il est né à Maison-Carrée, le 6 décembre 1881, de parents nés eux-mêmes à Alger. Des circonstances fortuites avaient conduit ses grands parents sur le sol algérien. Son grand-père paternel y avait été déporté par l'Empire ; son grand-père maternel, officier de zouaves, était venu tenir garnison à Alger, après la campagne d'Italie. C'était le père d'Etienne Baï-lac, fondateur de l'Echo d'Alger, dont Emile Renaudin est le neveu. Les premières familles algériennes avaient à honneur de faire souche et celles des Renaudin et des Baïlac ne comptaient pas moins de dix enfants chacune ce qui explique le léger écart d'âge entre l'oncle et le neveu.

Comme nous demandons à notre confrère des détails sur sa longue carrière journalistique, il nous répond :
« J'avais, dès mon adolescence, désiré devenir journaliste. Un concours organisé par Ernest Mallebay, directeur de la Revue algérienne, me fournit l'occasion de réaliser cet espoir. J'y avais pris part et mon envoi fut retenu par Mallebay qui me convoqua, rue de Constantine, où étaient alors situés les bureaux de la Revue algérienne. Je lui fis part de ma « vocation ». Il me proposa de diriger mes premiers pas dans la carrière. J'acceptai sur-le-champ, et c'est ainsi que je devins rédacteur au Turco-Vélo.

» Ceci se passait en 1899, au plus fort de la tourmente antisémite, qui avait gagné toute la jeunesse algérienne. Cependant, le mouvement qui était parti avec Fernand Grégoire des milieux « radicaux », lesqurls reprochaient au Consistoire l'appui total qu'il apportait aux « opportunistes » avait évolué avec Max Régis et Edouard Drumont, élu député d'Alger en 1898, vers des buts nettement réactionnaires. L'affaire Dreyfus battait son plein. L'ardente campagne de Clemenceau et de Zola commençait à trouver des échos en Algérie où bien des consciences avaient été troublées par lè suicide du colonel Henry. Une minorité courageuse prit parti parmi la jeunesse et, attiré par ce mouvement, je fondai, avec quelques camarades, riches seulement d'illusions, l' Etendard social, que nous vendions nous-mêmes dans les rues de Mustapha et d'Alger — ce qui prouve que les camelots du roi n'ont rien inventé !

» A ce « brûlot » qui eut une vie bien éphémère, succéda l'Union républicaine : j'en étais à la fois le rédacteur en chef et l'administrateur. Mais, malgré le concours que voulaient bien me donner quelques aînés : Hébrard, directeur du Sémaphore ; Casteran, que ses allures de mousquetaire avaient popularisé ; Auguste .Beuscher, le spirituel échotier de la Vigne, il connut assez vite la même infortune que l'Etendard social.

» Heureuse époque où un journal ne coûtait qu'un sou et où l'on pouvait, avec un billet de cinquante francs, assurer un tirage de deux à trois mille exemplaires chez Zammith, rue des Consuls, qui était le spécialiste de ces éditions. Le jeune prote qui dirigeait alors l'imprimerie n'était autre que Villeneuve. Celui-ci, depuis, a fait une brillante carrière politique dans ces quartiers de la Marine. Brave Villeneuve 1 Le même drame se renouvelait pour lui tous les samedis quand, avant de livrer le tirage en cours, il présentait la facture de la semaine précédente. Je le revois sous sa blouse de typo, criant, gesticulant, menaçant et finalement se laissant fléchir, prolongeant ainsi de quelques semaines la vie d'un « canard » agonisant. •

» Un événement imprévu vint mettre fin, pour moi, à cette incertitude des lendemains. Il se manifesta un beau jour sous la forme d'une entrée théâtrale à la brasserie Masclaux, où nous nous réunissions pour l'apéritif, de mon confrère Auguste Beuscher, brandissant comme un trophée triomphal un télégramme qu'il venait de recevoir : Zannettacci, rédacteur en chef de l'Echo du Soir, de Constantine, lui demandait un rédacteur, et avant même de s'assurer de mon acceptation, Beuscher avait indiqué mon nom. Il fallait partir sur-le-champ. Je descendis à la gare d'El-Kantara 48 heures après. Là m'attendaient les braves gens dont j'allais devenir le collaborateur : le papa Carbonnel, père du secrétaire général de l'Echo d'Alger ; Paul Pompéani, l'administrateur, et Théodore Zannettacci. »

Renaudin nous parle ensuite des luttes menées aux côtés de Paul Cuttoli, aujourd'hui sénateur et maire de Philippeville, puis du pacte de « conciliation » qui suivit, assurant vingt-cinq années de calme et de prospérité au département de Constantine. Entre temps, il devenait correspondant du Petit Parisien, puis l'envoyé spécial de ce journal au Maroc où il suivit tous les événements qui précédèrent l'arrivée de nos troupes à Casablanca. Il débarqua en même temps que les marins de l'amiral Philibert.

(suite dans l'article.)

PLUS
https://data.bnf.fr/fr/11032898/emile_renaudin/

Echo du 19-1-1938 - Transmis par Francis Rambert


sur site : mai 2020

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