Les ports maritimes algériens
par Paul Laurent, ingénieur des ponts et chaussées
Les ports secondaires
Le port de Philippeville

- collection B.Venis
sur site le 27-10-2010

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Les ports secondaires
Le port de Philippeville

SITUATION ET HISTORIQUE

Tout comme son concurrent du département d'Oran, Mostaganem, qui lui dispute la quatrième place parmi les ports algériens, le port de Philippeville est un établissement maritime créé de toutes pièces depuis la conquête de l'Algérie.

La ville française a été fondée en 1837 par le Maréchal Valée sur l'emplacement de l'antique Rusicada, entrepôt du commerce de Cirta (Constantine), à 3 km. environ au Sud-est de Stora, où venaient mouiller et se réfugier les galères romaines.

Le port est situé dans la partie la plus méridionale du golfe, ouvert au Nord-ouest en forme de croissant de 17 milles d'ouverture et de 9 milles de profondeur, dont les deux extrémités sont à l'Ouest, la pointe de Tasrah (ou Esrah) et à l'Est le Cap de Fer. Il est battu par tous les vents du secteur allant du Nord-ouest au Nord-est.

Ce n'est que vingt-trois ans après la fondation de la ville que le programme des travaux de construction du port fut approuvé (décret du 28 juillet 186o). Et pourtant Philippeville, tout d'abord baptisé Port-de-France, avait dès 1840 acquis une importance comparable à celle de Bône.

Les navires qui apportaient les marchandises de la Métropole déchargeaient alors en rade, à une demi-lieue du rivage, et par mauvais temps s'abritaient tant bien que mal clans l'anse de Stora où le mouillage n'offrait qu'une protection insuffisante (le 51 décembre 1854 une tempête jeta à la côte vingt-deux navires sur les vingt-neuf qui s'y étaient abrités).

Les travaux initialement prévus furent modifiés en cours d'exécution. Commencés en 1861, ils étaient achevés en 1884. Le port comprenait alors une darse et un avant- port couverts des vents du Nord-est par une digue du large de 1.390 m. enracinée à la pointe du Skikda de direction Sud-Est-Nord-Ouest et, du côté du Nord-ouest, par une traverse dite jetée du Château-Vert.

Depuis cette époque, la jetée du large à été prolongée sur 235 m. et la passe d'entrée dans l'avant-port réduite ; des travaux d'aménagement des deux bassins ont été exécutés.

LE PORT ACTUEL

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port de Philippeville, années 1950-60
port de Philippeville, années 1950-60

Le port actuel est situé entre la pointe du Skikda et celle du Château-Vert.

La jetée du large a 1.625 m. de longueur. La passe d'entrée dans l'avant-port, entre la traverse Nord enracinée près de l'extrémité de la partie de la digue achevée en 1884 et la traverse Sud, ou Jetée du Château-Vert, de 502 m. de longueur, a 100 m. de largeur avec fonds maximum de 15 m.

L'avant-port mesure 500 m. de longueur entre la jetée du Château-Vert et la traverse séparant les bassins et 600 m. de largeur entre la digue principale et la côte ; sa surface est de 32 hectares environ dont 16 hectares avec fonds de 10 m. et au-dessus. Le long de la traverse séparant les bassins, les navires disposent de 400 m. de quais avec profondeur variant de 6 m. à 7 m. 40 dans la darse, et de 5 m. 5o à 6 mètres dans l'avant-port. -

La darse a une longueur de 600 m. et une largeur variant de 164 à 380 m. ; elle couvre une superficie de 19 hectares environ, dont 7 ha. 45 a., avec fonds de 10 mètres et au-dessus. Les quais mis à la disposition des navires s'étendent sur une longueur de 1.000 m. avec une profondeur minimum de 7 m., sauf contre les murs des quais, où règne une risberme de 5 m. de largeur et une profondeur de 6 m. seulement.

La passe faisant communiquer les bassins est établie sur les fonds de 10 à 12 mètres.

Les quais sont arasés à 1 m. 6o au-dessus du niveau moyen des eaux.

Le port est établi, dans toutes ses parties, sur fonds rocheux.

De gros navires de commerce peuvent évoluer facilement dans l'avant-port et clans la darse, où les fonds atteignent jusqu'à 15 m. au voisinage de la digue principale et chacun de ces bassins peut recevoir de fortes unités de guerre.

Les terre-pleins ont une surface de 201.200 m. carrés répartis comme suit :
- Terre-pleins pour stockage de charbons 6.300 m2
- Terre-pleins découverts affects aux marchandises 77.240 -
- deux hangars couverts appartenant à la Chambre de Commerce et loués aux usagers du port 4.320 -
- Hangars, bureaux et magasins appartenant aux Compagnies de Navigation et à des particuliers 54.500 -
- Services publics 14.400 -
- Voies ferrées et voies charretières 64.400 -

En 1938 a été mis en service le nouveau parc à moutons permettant de dégager 6.000 m. carrés environ de terre-pleins bien desservis.

L'outillage public comprend quatre grues à vapeur d'un modèle désuet, installées sur les quais Sud et Sud- Est de la darse, un ponton-mâture de 50 tonnes, une cale de halage et les deux hangars déjà cités. La Société d'Entreprise Maritime et Commerciale possède deux grues flottantes de 12 et 8 tonnes.

Les voies ferrées du port, de 6.o25 m. de longueur, sont reliées à la gare tête de ligne de chemin de fer Philippeville-Constantine installée sur les terre-pleins de la darse.

LES TRAVAUX PRÉVUS

Débouché naturel d'un vaste hinterland comprenant les hauts plateaux constantinois et les oasis des Zibans, du Rhir et du Souf, l'établissement maritime actuel de Philippeville, en raison de l'exiguïté de ses terre-pleins et de l'insuffisance de son outillage, ne répond pas aux besoins du commerce et de l'industrie.

Un premier agrandissement de la surface des terre- pleins sera donné par l'exécution d'une tranche de travaux dont le programme a été approuvé par décision gubernatoriale du 11 juin 1941 et comprend :
- la construction d'un môle de l'avant-port limité à l'Ouest provisoirement par la jetée du Château-Vert, et à l'Est par un quai orienté sensiblement Nord-Sud ;
-- des dragages en fondation et en avant des quais de ce môle, des déroctages réduits à la suppression de quelques pointes de rocher à la côte (-8 m. 00) ;
- la construction, à l'Ouest de l'enracinement de la jetée du Château-Vert, d'un terre-plein-abri destiné à recevoir les routes et voies ferrées de desserte du nouveau môle ;
- la construction d'une amorce du futur quai Est- Ouest de l'avant-port, en vue d'abriter une petite darse de pêche ;
- la construction de quais en bordure du terre-plein Ouest, dans cette darse de pêche, au Nord et au Sud de la cale de halage.

Mais la surface totale des terre-pleins dont disposera ainsi le port sera encore insuffisante. De plus, il est nécessaire de prévoir à Philippeville un port pétrolier ; tout l'arrière-pays de la moitié Est du département de Constantine est en effet desservie en hydrocarbures par le port de Bône où la concentration des dépôts présente un grave danger.

Ces raisons ont conduit la Chambre de Commerce, sur les propositions du Service des Ponts et Chaussées, à envisager la création au Sud du massif du Skikcia, dans la plaine de l'Oued Zeramna, d'une zone industrielle desservie par la voie ferrée Philippeville-Constantine et par les routes venant de Constantine et de Jemmapes et reliée au port par fer et par une route contournant le massif montagneux sans traverser la ville. Sur l'emplacement choisi,, qui devra être au préalable assaini, drainé et mis à l'abri des inondations du Zeramna, seront édifiés les dépôts d'hydrocarbures ; leur liaison aux postes prévus dans la darse, le long de la jetée du large, sera faite par pipe-line passant en tunnel sous le massif du Skilkda dans le souterrain d'évacuation des eaux de drainage de la plaine de Zeramna.

Enfin, la Chambre de Commerce se préoccupe de construire :
-- sur la traverse Sud séparant l'avant-port de la darse, à la place des deux hangars actuels de la Compagnie Générale Transatlantique et de la Compagnie des Transports Maritimes, deux hangars modernes comportant des aménagements pour le trafic passagers et colis postaux et des installations pour les expéditions des dattes, des fruits et des primeurs (l'utilisation des eaux du barrage des Zardézas va développer le trafic de ces derniers) ;
-- un dock-silo à grains de 20.000 tonnes le long du quai Est de la darse ;
-- un chai à vins ;
- et une cale de halage.

Elle a prévu en outre l'installation de quatre grues électriques de 1,5 t à 5 tonnes et, sur le nouveau môle de l'avant-port destiné aux charbons et aux matières pondéreuses, un portique à charbon de 1t tonnes.

Ultérieurement sera poursuivie la réalisation du programme de création d'un nouveau bassin accolé au Nord-ouestà l'avant-port actuel.

LES ÉLÉMENTS DU TRAFIC ET L'IMPORTANCE DU PORT

Bien desservi par la ligne de chemin de fer Philippeville-Constantine prolongée sur Batna, Biskra et Touggourt et par un réseau de routes nationales sillonnant son arrière-pays du Nord au Sud jusqu'à Biskra, de l'Est à l'Ouest de Jemmapes à El-Milia dans la partie littorale et de Guelma à Sétif sur les plateaux constantinois, le port de Philippeville est à la fois un port de voyageurs, un port *marchand et un port de pêché.
Trois Compagnies de Navigation (C. G. T., C. N. M. et S.C.T.M.) assuraient en 1938 des liaisons régulières hebdomadaires avec Marseille pour les voyageurs et les colis postaux. Philippeville était aussi relié aux ports de la côté algérienne par des services de caboteurs. 52.794 voyageurs sont entrés et sortis par le port en 1938.

Cette même année, le tonnage des marchandises embarquées et débarquées s'est élevé à 388.126 tonnes ; 1.564 navires d'un tonnage de jauge total de 2.217.176 tonneaux sont entrés et sortis. Les exportations qui ont représenté 195.436 tonnes étaient constituées principalement par des produits agricoles : primeurs, dattes, gins, céréales et par des expéditions de moutons. Aux importations (192.690 tonnes) figuraient en première place les houilles et agglomérés pour plus de 53.000 tonnes, puis les matériaux de construction.

Du point . de vue de la pêche, soixante-douze bâtiments montés par près de trois cents marins ont livré à la consommation plus de 847 tonnes de poissons représentant à l'époque près de 3.700.000 francs.

Philippeville était le cinquième port algérien en 1938