LA TEMPÊTE A SÉVI
HIER ENCORE SUR TOUT LE LITTORAL ALGÉRIEN
Deux morts à Alger et plusieurs millions de dégâts
Le trafic maritime a été interrompu
Seul le " Président-de-Cazalet " a pu franchir la passe
La voie ferrée est coupée sur la ligne Alger- Oran
La tempête qui s'était
brusquement abattue sur le littoral algérien, lundi, a continué
à sévir, hier, avec une exceptionnelle violence, ajoutant
encore aux importants dégâts qu'elle avait provoqués
dans notre ville et dans notre port.
On lira par ailleurs les informations que nous avons recueillies et
qui permettent de chiffrer à plusieurs dizaines de millions les
dégâts dans notre seul département. Le désastre
n'est pas seulement matériel, puisque deux malheureux ont trouvé
la mort dans notre port dans des circonstances tragiques.
Les services météorologiques annoncent une accalmie pour
aujourd'hui. Acceptons-en l'augure d'autant que le trafic maritime a
dû être, hier, totalement interrompu.
Les dégâts
dans Alger
Les incidents et accidents provoqués par la tempête ont
été nombreux dans Alger.
Avant-hier matin, une console de maçonnerie se détachait
de l'immeuble portant le n° 8 du boulevard de Provence et tombait
sur un câble électrique, provoquant la rupture et la chute
de celui-ci. Fort heureusement, à cause de la pluie diluvienne,
personne à ce moment ne se trouvait sur le trottoir.
Le même jour, vers 18 h. 30, un court-circuit, dû au vent,
se produisait rue Charlemagne.
A 20 heures et 21 heures, des inondations étaient signalées
au 21 de la rue Marengo et dans le sous-sol d'un immeuble, 1, rue Henri-de-Grammont.
Hier matin, les pompiers intervenaient également au cabanon "
Beau-Rivage ", boulevard Pitolet, pour dégager les propriétaires
isolés par la tempête.
Les établissements balnéaires de Bab-el-Oued devaient
également être très éprouvés.
Toutes les cabines du " Bain Nelson " ont été
emportées par des rafales de pluie et de vent, quant au
restaurant. il a été lui aussi très endommagé.
Les dégâts, pour cet établissement, sont évalués
à. près d'un million.
La nouvelle jetée protégeant les " Bains militaires
" et une passerelle en bols donnant accès à cette
plage privée ont été réduites en miettes
: plus de 800.000 francs de dégâts.
Les " Bains Padovani " ont eu des charpentes de pergolas enlevées,
un mur de séparation détruit, des toitures arrachées,
des piliers de soutènement ébranlés, un plancher
soulevé : préjudice 500.000 francs.
Une trentaine de pastéras amarrées près de ces
stations ont été englouties par les flots.
Algérois, faites
bouillir votre eau de boisson.
Des eaux boueuses se sont infiltrées dans un des puits alimentant
la ville en eau potable. Celle-ci-sera donc troublée pendant
un ou deux jours et il est instamment recommandé aux usagers
de faire bouillir l'eau destinée à la boisson.
A Pointe-Pescade
A Pointe-Pescade, l'immeuble " Hebrard " et deux villes se
trouvant en bordure de la mer ont été
terriblement éprouvés par le mauvais temps : les volets
ont été arrachés par le vent et les pièces
du
rez-de-chaussée ont été envahies par les eaux causant
des dégâts considérables au mobilier.
D'autre part, un chemin rocailleux descendant vers la Pointe, profondément
raviné par les eaux, est devenu complètement impraticable,
Tous les cabanons de Raïsville ont été évacués,
ces habitations ont également beaucoup souffert : planchers défoncés,
mobilier détruit, toitures enlevées etc...
Le nombre de pastéras coulées est, inimaginable, fort
heureusement quelques propriétaires de ces légères
embarcations ont pu les retirer à temps de la mer et les mettre
à l'abri dans la rue.
Le stade Cerdan submergé
Le stade Cerdan, orgueil des sportifs algérois, est une des principales
victimes de cette intempérie. En effet, l'enceinte en ciment
préfabriqué, qui se trouvait face à la mer, ayant,
cédé sous les assauts furieux des vagues, les divers terrains
de sport furent transformés en lac. Les énormes blocs
du brise-lames entre cette enceinte et la mer ont été
déplacés de plusieurs mètres.
DANS LE PORT
La furie des vagues qui s'écrasent lourdement contre les blocs
protégeant la jetée et dont quelques-uns ont été
déplacés par les chocs répétés, la
houle et le remous tourbillonnant qui se sont emparés de la "
passe ", ont obligé le commandant du port d'interdire l'entrée
à tous les navires, à l'exception des courriers réguliers.
Et cette mesure n'est prise qu'en cas d'absolue nécessité,
afin de ralentir le moins possible les activités portuaires.
C'est tout dire.
DEUX MORTS
La tempête a causé la mort de deux personnes âgées
d'une cinquantains d'années : M. Léonard Behocet et sa
compagne. nommée Annie.
Dans la nuit de lundi à mardi, surpris par la tempête à
la jetée nord, les deux malheureux essayèrent de fuir
cet endroit. Malheureusement, ils furent happés par une lame
et projetés dans les flots furieux.
Leurs corps furent retrouvés hier matin près de la jetée
Est.
Les pompiers intervenaient également à la jetée
nord hier matin pour dégager l'automobile d'un professeur de
notre faculté, les vagues ayant amoncelé des blocs et
des poutrelles autour du véhicule.
LE " SIDI-MABROUK
" IMMOBILISE
Le paquebot " Sidi-Mabrouk ", de la S.G.'I'.M.. a vainement
essayé, hier matin. de décoller du quai d'Ajaccio, aidé
cependant par deux remorqueurs.
Force lui fut donc de retarder son départ qui aura lieu probablement
aujourd'hui, si les éléments le permettent. _
Le bateau ayant heurté plusieurs fois le quai de son flanc tribord,
la bordure du poste est ébréchée
à plusieurs endroits.
Profitant d'une accalmie, le " Présiclent-de-Cazalet ",
venant de Port-Vendres, a réussi à doubler la passe hier
matin vers neuf heures, après une remarquable manuvre du
pilote M. Bechler. C'est le seul navire à être rentré
dans le port.
Le cargo " Odette ", moins heureux, n'a pas encore pu, au
moment ou nous écrivons ces lignes.
pénétrer dans notre port. Il se trouve en rade de l'autre
coté de la jetée, furieusement ballotté par les
flots depuis hier matin.
Les chalutiers ont dû fuir le môle de la Pêcherie
trop exposé et sont venus mouiller en rade aux
abords immédiats du quai d'Ajaccio.
Aucun cargo n'a pu décharger au quai Fort-de-France car tous,
dans ces parages, ont également été obligés
de mouiller dans les divers plans d'eau, cap au vent.
LES CLUBS NAUTIQUES TRÈS
ÉPROUVÉS
Le " Sport nautique " a perdu une dizaine de vedettes et de
palangriers, une trentaine d'autres sont endommagés.
Quant au " Club nautique ", il est actuellement complètement
isolé sa passerelle d'accès ayant été arrachée.
Ce club a également perdu une dizaine d'embarcations.
Le ¢ Yacht-Club " a subi aussi quelques dégâts
et a assisté à la disparition du bateau " Commandant-Raynal
" dont la grise et haute carcasse, étayée sur la
jetée Nord, ne sera plus aperçue en ce lieu par les sportifs
ou les promeneurs.
Aux cales sèches, les radeaux servant à protéger
les navires sur cales, les avant-cales et tout le matériel de
hissage ont été emportés par les flots tumultueux.
Peut-être que lorsque la tempête se sera calmée on
s'apercevra que les dégats sont encore plus importants qu'on
ne le suppose.