Le mouvement du port d'AIger en 1950
Des divers secteurs de
l'activité maritime nous parviennent les premiers résultats
globaux de l'année écoulée. Le bilan du mouvement
portuaire algérois, en maintenant Alger largement en tête
des ports d'Algérie, marque dans l'ensemble d'importants progrès
par rapport à 1949.
Compte tenu de l'incertitude
qui pèse sur la situation internationale, et de l'ébranlement
des marchés mondiaux, parfois même de leur bouleversement,
consécutif à la guerre de Corée, c'est là
un indice de vitalité indéniable, aussi bien du côté
de l'économie algérienne que de celui de nos transports
maritimes.
Les entrées et sorties du port d'Alger ont totalisé, en
1950, 7.185 navires d'une jauge brute de 12.956.000 tonneaux, progressant
ainsi de 1.168 navires et de 2.929.000 tonneaux sur l'année précédente.
Le trafic des marchandises, plus spécialement caractéristique
de l'activité des régions desservies, a porté,
cabotage et soutages compris, sur 3.135.000 tonnes métriques,
réparties en un exact équilibre, entre 1.574.000 tonnes
d'importations et 1.561.000 tonnes d'exportations. Ces dernières
accusent la progression la plus remarquable : 336.000 tonnes, alors
que les importations n'augmentent que de 154.000tonnes.
Les exportations
Le vin reste le premier
des produits exportés avec 401.000 tonnes, chiffre qui dépasse
de 96.000 tonnes celui de 1949. et atteint presque le record d'après-guerre
qui fut de 422.000 tonnes en 1948. Rappelons que ce chiffre avait été
en 1938 d'environ 660.000 tonnes. Le commerce du vin entre Alger et
la métropole. avec les navires et camions-citernes, les pipe-lines
et les chais portuaires, dispose maintenant de facilités de transport
et de conservation qu'il ne possédait pas avant-guerre. Il engendre
le trafic maritime le plus puissant et le mieux équipé
entre l'Algérie et la France, et ses fluctuations ont d'immédiates
répercussions sur l'activité de nos bateaux et de nos
ports.
Les hydrocarbures s'adjugent la deuxième place des exportations
: 364.000 tonnes de mazout et de gas-oil ont été embarquées
en 1950 pour le soutage des navires. L'augmentation sur l'exercice précédent
est de 93.000 tonnes, et s'explique à la fois par le plus grand
nombre de bâtiments venus se ravitailler, et par la prédominance,
chaque année plus accentuée, de l'emploi du combustible
liquide à bord des navires.
Au troisième rang. les primeurs et agrumes, avec 206.000 tonnes,
progressent de 67.000 tonnes et battent leur record de 1948. Elles semblent
bien parties pour la course ascendante que leur ménagent les
deux grands courants de navigation vers la métropole par la Méditerranée
et par l'Atlantique, à condition que le problème des débouchés
soit l'objet de recherches constantes et
des soins les plus avisés.
Quatrième et dernier parmi les gros tonnages exportés,
le minerai s'inscrit pour 222.000 tonnes. Accusant un fléchissement
de 29.000 tonnes sur son précédent niveau. Viennent ensuite
les charbons de soute (46.000 tonnes, en progrès de 15.000 tonnes),
les alfas (23.000 tonnes) et les céréales (9.000 tonnes).
Les importations
Que les hydrocarbures, avec 612.000 tonnes, au lieu de 495.000 en 1949,
constituent le poste de beaucoup le mieux pourvu des importations, voilà
qui s'explique de soi-même et se situe tout à fait dans
la ligne d'une économie dominée par le pétrole.
Le charbon suit de loin ; mais, après ses constantes régressions
de 1944 à 1949, il enregistre un retour de faveur qui le fait
passer de 205.000 à 244.000 tonnes, le surcroît des soutages
n'absorbant, nous l'avons vu, que 15.000 tonnes. Le phénomène
est probablement fortuit à Alger et, de toutes façons,.
n'est pas assez marqué pour signifier autre chose qu'une tendance.
Nous remarquerons toutefois qu'il coïncide avec le renversement
de situation qui se manifeste au même moment sur le plan mondial.
Partout les besoins en charbon se sont soudainement accrus, la France
a repris ses importations de charbon américain, et l'Angleterre,
jadis grande exportatrice s'il en fut, vit des jours presque tragiques
dans l'attente des deux millions de tonnes qui lui font défaut
et qu'elle a commandés aux États-Unis.
Parmi les autres produits importés par le port d'Alger, citons
les bois bruts et équarris (60.000 tonnes contre 52.000 en 1940),
les céréales (31.000 tonnes contre 42.000), les matériaux
de construction (27.000 tonnes contre 35.000), les automobiles (14.800
tonnes contre 10.200).
Le développement de la population et l'industrialisation de la
région algéroise motivent ces différences. Les
fûts vides, qui figurèrent jadis parmi les gros tonnages
d'importation, n'interviennent plus que pour 6.400 tonnes
Les passagers et la concurrence aérienne
Un autre élément fondamental du mouvement du port est
le nombre de passagers à l'arrivée et au départ.
En 1950,les services du port d'Alger ont enregistré 135.000 passagers
à l'entrée et 123.000 à la sortie. Soit un total
de 258.000. Ce total avait été de 270.000 en 1949. de
249.000 en 1948, de 256.000 en 1947. On notera la sensible équivalence
de ces nombres, une équivalence qui se
maintient malgré la concurrence de plus en plus déterminée
que l'avion fait au paquebot. Cela montre que, depuis quatre ans, si
la voie aérienne marque incontestablement des points, la voie
maritime n'en garde pas moins de très nombreux et fidèles
partisans.
Pratiquement. chacun des deux modes de transport a déjà
sa clientèle. Les divers facteurs qui jouent en la circonstance,
rapidité et commodité de l'avion, confort, délassement
et distractions du voyage en mer, ne sont pas et ne seront jamais appréciés
d'une façon uniforme.
La question des tarifs est au moins aussi importante : c'est en fonction
du prix du passage et de ses ressources personnelles que le voyageur
exerce ordinairement son choix. Le verdit de 1950 confirme la réponse
de la clientèle. à savoir que, bon an mal an, environ
260.000 passagers de nos lignes de navigation maritimes s'embarquent
ou débarquent à Alger. Longtemps encore, le paquebot restera
aussi utile, aussi nécessaire que l'avion. La coordination des
deux modes de transport, déjà réalisée sur
certains parcours, finira par s'imposer. Cela n'exclura pas la course
au rendement, et peut-être connaîtrons-nous un jour, selon
un anticipation devenue courante, le paquebot de 30 nuds mettant
Alger à 13 heures et demie de Marseille, et offrant aux passagers,
dont le nombre pourrait ainsi considérablement s'accroître,
de simples places assises, comme le fait le chemin de fer ou l'avion
lui-même. -
Un outil efficace et moderne
En bref, les résultats de l'exploitation en 1950 du port d'A1ger,
dans les principales formes de son activlté, sont encourageants.
Les installations pétrolières s'agrandissent encore, une
gare maritime moderne est en construction, l'outillage se perfectionne
sans cesse, d'importants travaux de réfection et d'amélioration
sont en cours. Les exportations sont en hausse sensible, ce qui est
particulièrement caractéristique de cette vitalité
de l'économie algérienne que nous constations dès
le début.
Mais il serait bien risqué d'émettre un pronostic sur
les années qui viennent : l'influence est trop grande d'événements
que commande la situation politique mondiale, et qui, de ce fait, échappent
à toute prévision. Ce que l'on peut du moins affirmer,
c'est que le port de commerce d'Alger,. et les industries maritimes
auxquelles il est lié, constituent un magnifique outil, efficace
et moderne, bien adapté au rôle qui lui est dévolu
dans l'essor économique dr pays. Et que cet outil, pour le cas
où la conjoncture internationale se ferait plus heureuse, est
apte à. retrouver et à dépasser bien vite l'activité
qui fut la sienne aux temps-records de 1937 et 1938.