Alger : Les transports maritimes
le " Lamoricière"
+ sous la carte postale,

Un article de l'Écho d'Alger du 26-6-1920, transmis par Francis Rambert
+ un récit du dernier rescapé
+ Ajout ,+ 3 illustrations compléments par Guy Simon
27-5-2008...+ février 2016

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Le dernier rescapé du naufrage du Lamoricière (des extraits du Figaro du 24 mai 2008)


le lamoriciere

Les cauchemars du dernier rescapé d'un naufrage oublié

Jean-Marc Philibert, envoyé spécial à Canet-en-Roussillon
23/05/2008 | Mise à jour : 20:36 | Commentaires 9 .

« J'ai eu de la chance. J'étais un très bon nageur. C'est pour cela que je m'en suis sorti», confie Gérard Bénessy en évoquant le drame.
Des plongeurs viennent de retrouver l'épave du paquebo «Lamoricière » dont le naufrage, en 1942 au large des Baléares, a coûté la vie à 300 personnes. Le dernier survivant se souvient pour «Le Figaro».

Il est le dernier survivant d'un drame dont personne n'a jamais entendu parler. Rescapé d'un terrible naufrage où 300 hommes, femmes et enfants ont trouvé la mort, il y a plus de 60 ans, au large des Baléares. Une tragédie que lui-même pensait avoir occultée, n'en livrant que des bribes à sa famille la plus proche. La découverte, il y a deux semaines, de l'épave du paquebot Lamoricière par une équipe de plongeurs italiens, l'a depuis replongé dans ses souvenirs comme dans le bain glacé de ce 6 janvier 1942.

Installé dans sa petite maison du Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales), Gérard Bénessy n'a rien oublié de son embarquement, il y a 66 ans. «Nous allions d'Alger à Marseille. J'avais 20 ans, engagé dans l'armée de l'air en Algérie. Le soir du départ, la mer était déjà grosse», se rappelle le vieux monsieur.

Des cheveux blancs tirés en arrière, un regard bleu dissimulé derrière de fines lunettes, le retraité se replonge dans le petit nombre de documents qu'il a conservés. «Voilà ma citation militaire pour acte de courage. Et là, la photo du Lamoricière dans le port d'Alger», montre-t-il. Puis, comme s'il ne savait plus quoi dire, Gérard Bénessy se renferme, le regard au loin, perdu dans ses pensées. Alors, c'est Renée, sa femme, qui parle à sa place.

«Mon mari est le dernier survivant du Lamoricière. Tous les autres sont morts. Mais lui, même les poissons n'en ont pas voulu », plaisante-t-elle comme pour exorciser des souvenirs que l'on devine pesants. «Tu te rappelles de ton copain de Montpellier ?» poursuit la dame au caractère visiblement bien trempé. «Mort=», répond son mari. «Et les deux de Marseille ?» «Ils sont morts aussi…»


Le code Enigma

Sur les circonstances du naufrage, les souvenirs de Gérard Bénessy sont précis, presque obsédants. Ce 6 janvier 1942, malgré une météo exécrable, le Lamoricière prend la mer. L'Europe est alors déchirée par la guerre et l'interdiction des communications radio avec la côte empêche de connaître l'état de la mer sur le parcours.

À bord du paquebot, près de 400 personnes ont pris place pour rejoindre Marseille, le principal port d'une France coupée en deux par l'occupation allemande. Des femmes, des enfants, des militaires, mais aussi des espions au service des Alliés. Ainsi le mathématicien polonais Jerzy Rosycki, qui avait réussi avec deux collègues à décrypter en 1933 le fameux code Enigma utilisé par l'armée allemande. Recherché par la Gestapo, il voyage sous un faux nom à bord du Lamoricière.

«La mer était tellement démontée que, très vite, la plupart des passagers sont tombés malades. Le lendemain du départ, on nous a même fait dîner dans la salle à manger des premières classes. Nous n'étions que 13 à table.» Funeste signe du destin. Dehors, les vagues frappent la coque avec la régularité d'un métronome. La tempête hivernale fait rage et prend tous les navires dans ses filets. C'est en répondant au SOS lancé par un cargo en détresse que le Lamoricière va d'ailleurs sceller son sort.

«Deux jours après le départ, le commandant nous a prévenus que nous nous portions au secours du Jumières, en difficulté au large de Minorque. Mais en arrivant sur zone, on n'a pas trouvé de bateau. Alors, on a fait demi-tour et c'est là qu'on a reçu les premiers paquets d'eau. Les soutes à charbon qui fermaient mal étaient restées ouvertes.» Dans des creux de douze mètres, le navire commence à gîter sur le côté.


«La mort ici erre»

En compagnie de quelques autres militaires, le jeune Gérard est réquisitionné. Sous les ordres du commandant, les hommes valides tentent de rééquilibrer le bateau, de l'alléger. Peine perdue. Après toute une journée et toute une nuit de lutte dans une mer déchaînée, ordre est donné d'abandonner le navire. Seules 93 personnes, dont quatre enfants, vont être repêchées sur les 394 passagers et membres d'équipage. «La mort ici erre», titre la presse quelques jours plus tard.

Dans le salon de la petite maison du Canet, on devine les souvenirs de noyés, comme ces enfants engloutis sous ses yeux, flottant autour du rescapé. «J'ai eu de la chance. J'étais un très bon nageur. C'est pour cela que je m'en suis sorti.» Dans un vieux numéro de Paris Soir, Gérard Bénessy parcourt la liste des victimes du naufrage. «Je n'y avais jamais repensé auparavant. Je n'en avais pas parlé à la famille. C'est comme si le naufrage n'avait pas affecté ma vie», confesse le vieux monsieur qui a fait carrière dans l'armée. Depuis deux semaines pourtant, il semble que le Lamoricière soit finalement de retour dans sa vie

L'Atelier Imaginaire : A Jeanne noyée
Pour l'anecdote, douloureuse, qui appartient en même temps à l'histoire littéraire, précisons que l'une des naufragée était Jeanne Fouchet née Ghirardi que Max-Pol Fouchet, alors adjoint au Musée national d'Alger, avait épousé le 13 juillet 1940.

Max-Pol Fouchet animait et dirigeait Fontaine, revue d'études poétiques qui devint légendaire, « au lendemain de la défaite de 40 », en regroupant aussitôt les poètes et les écrivains qui refusaient de se soumettre à "l'envahisseur et au gouvernement vichyste à ses ordres". Max-Pol Fouchet a souvent raconté comment dans les jours précédant l'embarquement de Jeanne sur le Lamoricière, il éprouvait une terrible angoisse, écrivant des poèmes où, sans raison, il mêlait l'amour, la mer et la mort.

La disparition de Jeanne lui inspira l'écriture d'un superbe texte "La Mer intérieure" dédiée "à Jeanne, noyée" que l'on peut lire dans "Demeure le secret et autres poèmes" publié aux éditions Actes Sud.

C'est à Max-Pol Fouchet que l'on doit sans doute la lecture singulière "La mort ici erre", reprise par la presse' ensuite. Il eut cette révélation au moment même où le navire appareillait. Il a souvent dit comment il aurait voulu retenir le paquebot dont il pressentait confusément qu'il n'arriverait pas à bon port et déposerait Jeanne "sur l'ouate des fonds".

Vieunovis : J'ai connu un autre survivant du Lamoricière
Je me souviens de ce naufrage. j'avais 10 ans à l'époque. Cette catastrophe m'avait alors beaucoup frappé.

Un an plus tard, nous avons reçu chez nous, à Berrouaghia, en Algérie, un vague cousin qui se prénommait Michel. Il revenait des USA où il avait suivi une formation de pilote de chasse.

C'était un escapé du naufrage. Il nous a raconté alors cette catastrophe.

Je me souviendrai jusqu'à ma mort des horreurs qu'il nous a racontées.

Manu : Amiral Guesdon
Le Lamoricière a été secouru par un autre paquebot faisant le même trajet , des rescapés ont été ramenés à bord par des plongeurs gardés "en laisse depuis le navire sauveteur
Ajouts (texte,illustrations), compléments par Guy Simon

Bernard

Ton site vient de mettre en ligne des extraits du Figaro du 24 mai 2008 concernant le dernier rescapé du naufrage du Lamoricière paquebot de la Transat coulé en janvier 1942.

Je pense qu’il y a là matière a compléter l’article du Figaro .

Je possède un livre acheté d’occasion sur ce naufrage :

Pas d’auteur, seulement : xxx

Le titre : NAUFRAGEE

Collection du vaste monde, H. LARDANCHET à LYON

MCMXLIII 23 juin 1943

Ce livre commence donc au lundi 5 janvier 1942.

Il semblera dans le texte que cette dame se nomme MAGUY, elle devait voyager en première, mais sa cabine a été réquisitionnée par des officiers de l’armée française, elle s’est donc retrouvé dans une cabine à 6 personnes.

Ce qui est intéressant, c’est que ce livre d’occasion a du passer avant moi dans les mains d’une autre personne au nom de Mr DUMONT qui lui aussi devait se trouver sur ce bateau car il a rajouté quelques commentaires et corrections au crayon dans la marge quand cela lui a paru nécessaire

Quelques extraits ::

….nous avons passé la nuit à courir au secours du JUMIEGES un cargo qui a lancé des SOS nous ne l’avons pas trouvé, et maintenant il n’envoie plus de nouvelles.

…Nous sommes en panne (chaudières noyées) On va venir nous remorquer, Le SAINT LOUIS, se dirige vers nous…

Les hommes valides ont été réquisionnés pour faire la corvée de cagots qui consiste à transporter le fret d’un bord sur l’autre pour que le bateau retrouve sa stabilité.

…Vers 20 heures on nous annonce qu’il n’y aura plus de courant dans dix minutes….

…Nous dérivons en direction des Balèares que nous apercevons à une dizaine de miles… .

….Avant de quitter le hall, j’ai entendu une voix (Mr Dumont a rajouté au crayon : la mienne) annoncer que le GUEYDON avait télégraphié qu’il nous voyait…

…Il est maintenant 10 h du matin, le Gueydon tente de se positionner sur notre tribord…

…Le Gueydon ne semble pas pouvoir faire grand-chose pour nous…

…Vers 11h le Gueydon se met a reculer lentement et se met a 700m de notre arrière…

…Les femmes et les enfants aux embarcations crie le Commandant MILLIASSAU qui se tient sur la passerelle…

…Le Gueydon veut barrer la route à ceux qui seront entrainés par le courant..

Suivent toutes les scènes d’embarquement sur les canots ( le N°2 sera écrasé par le mouvement du paquebot)

….l’ avant d’un Paquebot a l’air de se diriger vers nous, on nous dit que c’est le Chanzy…

…Attrapez toutes les planches que vous pourrez, nous dit le lieutenant commissaire qui se trouve parmi nous (Mr Dumont a rajouté au crayon : Cechini ou Lechini )

…sur le radeau….a ma gauche, celui qui est assis est probablement mécanicien car il porte un bleu (Mr Dumont a écrit : Si Bachir Ali Chauffeur, ce qui me laisse à penser que Mr Dumont faisait partie de l’équipage)

Nombreux commentaires sur la survie dans l’eau des naufragés

…il y a des bateaux de guerre derrière nous annonce le lieutenant, ce sont eux qui peuvent le mieux nous ramasser car ils sont bas sur l’eau….

…deux bateaux s’approchent l’un est un aviso de la flotte de guerre, sa silhouette grise suit un petit remorqueur….

…deux hommes sont déjà debout qui se précipitent sur les cordages que l’aviso fait pleuvoir sur le radeau…

…infirmerie, friction énergique et allongée sur la couchette supérieure de l’infirmerie je constate que les aiguilles de ma montre bracelet sont arrêtées à 12h28, l’heure de notre plongeon…grog bouillant et au chaud…

L’aviso en question se nomme l’Impétueuse et vient de Toulon, les rescapés seront ramenés à Marseille par le Jean De Vienne croiseur de 7000 tonnes qui se trouvait là également.

L’Impétueuse a reçu l’ordre d’appareiller pour aller au secours du Jumièges jeudi matin mais le Jumièges a coulé le mercredi à 21 heures.

L’Impétueuse n’a mis qu’une demi heure pour lever l’ancre alors que le Jean de Vienne a mis 6 heures et demi, ce qui est très rapide.

L’Impétueuse est un bateau de 630 tonnes sorti en mai 40 des chantiers de Dunkerque ; il a fait toute l’évacuation de Dunkerque et a vu couler le torpilleur Sirocco

lamoriciere
jean de vienne
impétueuse

…la vedette du Jean de Vienne est là…nous embarquons…et nous grimpons..

…J’interroge pour savoir comment le Lamoricière a coulé ….il s’est d’abord enfoncé, plus fortement sur sa gîte, par l’arrière. Puis une grosse lame l’a redressé tout en le soulevant au dessus de l’eau…c’est alors qu’il a piqué de l’avant et s’est engouffré brusquement. (là Mr Dumont qui n’est pas d’accord a écrit : non ! par l’arrière, l’étrave entièrement sortie de l’eau)

Arrivée à Marseille…..Six jours seulement se sont écoulés depuis notre départ d’Alger, six jours qui m’ont parus une éternité…demain on recommence à vivre, il me faudra bien rentrer dans la réalité.


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