Les Sapeurs-Pompiers d'Alger à
l'uvre
Le sinistre appel des avertisseurs
spéciaux réservés aux voitures des pompiers se
faisait entendre dimanche matin vers neuf heures. A toute allure, reluisantes
de casques et appareils de cuivre, les autos filent... La foule suit...
Et puis, le barrage d'agents la masse sur les trottoirs. Là-bas,
tels des acrobates de cirque, plus agiles encore, malgré leur
pesante tenue, les sapeurs escaladent un à un les étages
de l'immeuble du " Splendid-Cinéma ". Dans un ordre
parfait, avec un calme surprenant, chacun d'eux exécute un périlleux
exercice, sautant les balcons, grimpant, accrochant les échelles,
les décrochant, recommençant la même manuvre
sans reprendre le souffle. Les voici en haut sur toutes les façades
à la fois.
- " Gare dessous ! "
Des cordes sifflent dans l'air, se déroulent, remontent des câbles
plus résistants auxquels sont accrochés des hommes balancés
dans le vide, reçus à terre, par une équipe spécialisée.
Un appareil pour la respiration artificielle fonctionne, tandis que
les pompes déroulent leurs longs rubans de tuyaux. Une turbine
hydraulique ronfle, enfle une grosse conduite de toile aspirant la fumée
amassée dans les caves où a disparu un sapeur au visage
enfoui sous un masque hideux. Partout à la fois, une activité
prodigieuse règne et la foule, bien que sachant assister à
un simulacre demeure silencieuse, anxieuse même à contempler
la hardiesse et le courage des braves sapeurs.
Et puis, refaisant à l'inverse le chemin parcouru, les voilà
qui dévalent à toute vitesse de balcon en balcon ; une
sonnerie de clairon, l'ordre " repliez ", une autre sonnerie,
des voitures qui démarrent et la chaussée reste vide de
ses occupants, nette comme si de rien n'était.
Rapidité et précision de la manuvre, telle est l'impression
dominante.
Le commandant Farnet rit dans sa barbe ; le capitaine Lippert dans sa
moustache ; le commissaire central Tritsch se frotte les mains ; les
officiels se concertent, hochent de la tête avec approbation et
la foule applaudit avec joie le défilé impeccable des
sapeurs et de leurs chefs.
Un apéritif amical est offert par MM. Caruana et Henry, propriétaires
du
Touring-Hôtel qui servit de lieu d'exercice. Congratulations,
compliments, allocutions sincères et vibrantes de MM. l'intendant
général Lévy, Daurces, Henry et Farnet.
- " Félicitations, commandant ".
- " Ce n'est pas moi qu'il faut féliciter, mais ceux à
qui nous devons de pouvoir réaliser ce que vous avez vu : la
Ville d'Alger et la Chambre de Commerce. L'une et l'autre ont fait pour
le bataillon de sapeurs-pompiers de gros sacrifices. La ville nous a
doté d'un matériel de choix susceptible de rivaliser avec
celui des plus grandes villes métropolitaines. La Chambre de
Commerce, en accord avec la ville et comprenant les besoins de défense
du port n'hésite pas à développer le service incendie
des quais. "
- " Quels projets... ? "
- " La ville se propose de réaliser immédiatement
une grande caserne centrale pour le bataillon des sapeurs. Ce programme
de réalisation, nous le devons à
M. l'intendant général Lévy et à M. Brunel
qui, en accord avec la Municipalité, s'emploient à nous
porter le plus grand intérêt. "
- " Vous êtes les enfants gâtés... "
- " Toute ma reconnaissance va à la Municipalité
actuelle, à la précédente, à la Chambre
de Commerce, aux services administratifs qui ont su donner une suite
favorable à mes demandes justifiées. Et puis, je suis
fier de diriger un tel corps composé d'un état-major d'une
technique éprouvée, de sous-officiers dévoués
et de sapeurs animés du meilleur esprit de sacrifice. "
Ces éloges dans la bouche du commandant Farnet, sons les plus
beaux et les plus mérités qui puissent être décernés.
A l'apéritif d'honneur qui termina cette splendide manifestation,
MM. l'intendant général Lévy, Daurces, Villeneuve
et Farnet félicitèrent encore les sapeurs de leur maîtrise
due à un entraînement rationnel et constant, leurs chefs
de leur compétence, la ville et la Chambre de Commerce de leur
aide efficace.
Nous y joignons les nôtres bien sincères.