PRESENTATION GENERALE
HISTORIQUE
2° 32 ans pour coloniser la
Mitidja : 1830-1862
Je prends le mot colonisation dans son sens
étymologique, qui signifie installation de colons soit par le gouvernement,
soit à son initiative, soit avec son accord, dans une territoire
dépendant d'une métropole. Ainsi conçue la colonisation
de la Mitidja est achevée en 1862 avec la création des deux
villages d' Attatba et de Montebello. A cette date, au plus tard, les
territoires dépendant d'un village de colonisation sont limitrophes
et recouvrent toute la plaine.
Cette installation de colons fut, pour l'essentiel, l'uvre
des gouvernements français ; mais elle fut toujours accompagnée,
voire précédée, par des initiatives individuelles.
Elle a commencé bien avant que la sécurité ne soit
établie solidement : on se souvient du désastre de l'automne
1839. Et elle fut lente car les problèmes furent nombreux et les
solutions difficiles à imaginer et à imposer à une
population indigène musulmane qui ne pouvait pas être favorable
d'emblée à cette cohabitation contrainte avec des chrétiens
qui la dépossédaient nécessairement d'une partie
de ses terres de parcours.
Pour coloniser il faut trouver des terres disponibles,
des colons, des compromis acceptables par la population indigène
et des modes d'attribution des terres judicieux. Ce ne fut pas facile
: il y eut beaucoup d'hésitations de 1830 à 1851, date de
la création de la commission des transactions
et partages. Comme, durant cette période, la plaine de la
Mitidja était la seule région un peu étendue à
voir débarquer des centaines de colons, elle a servi de banc d'essais
; pas étonnant que les solutions retenues aient été
changeantes au début
2a/ Comment prendre
possession des terres à coloniser ?
Il y a trois façons de s'y prendre
- incorporation au Domaine
public
- mise sous séquestre
- achat.
Les deux premières pratiques ne sont accessibles qu'à l'Etat
; en l'occurrence à l'initiative du Commandant en chef ou du Gouverneur
Général. Les achats peuvent être privés ou
publics : s'ils sont publics, ils peuvent accompagner une expropriation
pour cause d'utilité publique. Ces expropriations furent exceptionnelles
dans la Mitidja, et le plus souvent liées à des travaux
d'assainissement ou de routes. Quel que soit le mode choisi, il était
rendu délicat par la destruction des registres notariaux (lorsqu'ils
avaient existé) et par l'absence de cadastre.
Dès le 9 septembre 1830 Clauzel
signe un arrêté qui décide
l'incorporation au domaine public des
biens du beylik (propriétés du dey et de son administration),
des Turcs qui s'étaient enfuis (il y en avait beaucoup dans la
Mitidja, notamment autour de Blida) et des habous publics. Cet arrêté
est confirmé par les ordonnances royales d'octobre
1844 et de juillet 1846 qui ajoutent que pourront être
saisies les terres non cultivées si aucun propriétaire ne
possède de titre officiel (cas très rare). L'application
de ces mesures fut souple : voici les chiffres trouvés dans un
article des Annales de Géographie de 1951 pour la Mitidja.
Attribués à des colons
européens, presque toujours français |
37 000 hectares |
Attribués à des colons
indigènes |
27 000 hectares |
Consacrés à la création
de 9 villages de colonisation |
49 000 hectares |
Laissés aux occupants indigènes |
11 000 hectares |
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Ce total de 124 000 hectares est compatible avec la surface
de la plaine qui est de l'ordre de 130 000 hectares. A noter que les attributaires
indigènes pouvaient vendre leur terre à un autre indigène,
mais pas à un colon ; disposition mal appliquée, semble-t-il.
Les biens habous
privés
Ce sont des
biens de mainmorte musulmans dans la version sunnite
malékite en usage dans les pays du Maghreb ; en orient on
dirait biens waqf.
Ils sont créés
par des particuliers qui font un don perpétuel de tout ou
partie de leurs biens à une institution pieuse ou charitable
; mosquée, zaouïa, medersa, hôpital, cimetière
etc. La donation est enregistrée par un cadi.
Le bien donné ne sera mis à la disposition du donataire
que lorsque la lignée du donateur sera éteinte (ou
déshéritée).
En attendant ce jour lointain le donateur, puis ses descendants
gardent l'usufruit.
Les biens habous sont inaliénables et incessibles ; ils ne
peuvent être ni vendus, ni cédés, ni partagés.
Dans l'école juridique malékite les biens meubles
ne peuvent être dissociés du bien donné. Si
le don concerne un haouch, les instruments et les troupeaux en font
partie.
Quelles peuvent être les raisons
du donateur ?
Elles sont de deux sortes : la piété et l'intérêt.
La piété peut suffire ; mais ce doit être rare.
L'intérêt peut être multiple :
garantie contre le risque de spoliation
garantie de garder ses revenus
pouvoir favoriser ou léser un héritier.
En ce qui concerne la répartition entre les héritiers,
elle est enregistrée par le cadi et gardée secrète
jusqu'à la mort du décideur. Pas de dispute prématurée
entre futurs héritiers et pas de dispute utile au moment
de l'héritage.
Dans la Mitidja la pratique des biens habous s'est développée
surtout durant la période ottomane. Les haouchs de la Mitidja,
proches d'Alger, intéressaient les dignitaires turcs résidant
à Alger : le risque de confiscation sous divers prétextes
était donc réel. Pour les propriétaires pas
de meilleure protection : bien qu'hanéfites (et non malékites)
les Turcs ont respecté l'inaliénabilité des
biens habous.
A la mort du dernier dévolutaire
les biens habous privés deviennent publics. Tous
les habous privés ont vocation à devenir publics.
Les biens habous publics ne peuvent jamais redevenir privés.
Les habous publics sont administrés par l'institution choisie
au départ par le donateur, ou par un mandataire appelé
nadhir si la susdite institution a disparu.
Dans la Mitidja ces biens privés ont survécu à
tous les changements politiques depuis 1830. Ils sont aujourd'hui
régis par une loi, complexe, promulguée en 1984, et
consultable sur internet.
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Dès 1840, après la grande peur de la fin
1839 dans la Mitidja, les biens des tribus révoltées, essentiellement
les Hadjoutes, sont mis sous séquestre. Un séquestre
est une confiscation provisoire qui peut déboucher sur
- une restitution sans condition
- une restitution après paiement d'une amende
- une incorporation au domaine public.
En 1840 les tribus du Sahel , complices des Hadjoutes, ont récupéré
une partie seulement de leurs biens, mais les terres des Hadjoutes ont
servi à la création des villages de la région de
Marengo. On se souvient que les Hadjoutes appartenaient, sous les Ottomans,
au Maghzen supérieur.
Les trois sortes
de tribus à l'époque turque
Les tribus
du Maghzen supérieur devaient se tenir prêtes
à fournir un appui militaire (hommes et chevaux) à
n'importe quel moment. En échange elles sont dispensées
du paiement des impôts non coraniques. Elles sont propriétaires
de leurs terres et ne doivent donc payer aucun fermage.
Les tribus du Maghzen inférieur
ne sont mobilisables qu'à titre exceptionnel ; et ne sont
dispensées du paiement que d'une partie des impôts.
Elles sont assujetties au paiement d'une taxe territoriale qui est
une sorte de droit d'usage des terres.
Les tribus raïas payent tous les impôts et
ne peuvent jamais être mobilisées. Pour elles les tribus
Maghzen sont une calamité.
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Dans la Mitidja, avant 1842, il y avait les Hadjoutes
du Maghzen supérieur et les autres qui étaient raïas.
Les Hadjoutes nous furent forcément hostiles car ils risquaient
de perdre leur statut privilégié. Les raïas les plus
proches des Hadjoutes en étaient souvent les victimes au moment
où ces derniers aidaient à la collecte des impôts.
C'est ainsi que les Beni-Moussa et les Beni-Khelil ont aidé Changarnier
à soumettre les Hadjoutes en 1842 ; prenant leur revanche sur trois
siècles d'humiliations.
L'achat de terres est une solution
facile en apparence qui s'est révélée difficile en
réalité à cause de l'absence
de tout cadastre, de la mauvaise foi de certains vendeurs et
de l'aveuglement de certains acheteurs. Et aussi en raison d'une législation
changeante qui tantôt autorisait et tantôt interdisait les
transactions entre indigènes et européens ; essentiellement
français dans la Mitidja au tout début.
De 1830 à 1834
la souveraineté française n'est pas considérée
comme définitive. Comme vendeurs et acheteurs envisagent la possibilité
d'un retrait français, les transactions se font selon des pratiques
inhabituelles adaptées à ce risque. L'acheteur ne verse
qu'une rente perpétuelle fixée à un taux très
bas. Si la France se retire, il n'aura pas perdu grand chose, et le vendeur
récupérera son bien. Durant ces quatre années ce
mode d'achat entraîne, pour ce qui concerne la Mitidja où
les déplacements n'étaient pas aisés, des conséquences
fâcheuses : l'acheteur, encouragé par la faiblesse en jeu
achetait à l'aveuglette n'importe quoi, voire un bien imaginaire,
et le vendeur pouvait vendre le même bien à plusieurs acheteurs,
et même vendre un bien qui ne lui appartenait pas ou qui n'existait
pas.
Ce n'est qu'en octobre 1844
qu'une ordonnance royale fixa des règles claires, soumettant à
la loi française les transactions entre européens et indigènes.
Cette même ordonnance interdit l'achat de terres indigènes
par des fonctionnaires ou des officiers français. En 1846
on ajouta l'obligation de cultiver ses terres sous peine du paiement d'un
impôt spécial de 10fr par hectare laissé inculte ;
et de confiscation si l'impôt n'est pas payé. Cela gêna
les colons possédant de trop grands domaines, comme De Vialar ou
De Tonnac.
En 1851 est instituée
une commission des transactions et partages pour superviser
tous les problèmes liés aux ventes et achats de terres.
Cette commission fut dissoute en 1867 après avoir terminé
sa tâche : à savoir installer des colons, recaser les anciens
occupants, promouvoir la propriété familiale. Accessoirement
elle eut aussi à mettre fin à l' usurpation de certaines
terres domaniales. Elle considéra comme saisissables les terres
des propriétaires absentéistes ou négligents, mais
offrit des compensations aux indigènes dépossédés.
Elle partagea ces terres entre des européens soumis à des
conditions précises de construction de maison, de défrichement
et de plantation d'arbres ; et des arabes sans les astreindre aux mêmes
conditions que les européens. Les arabes avaient le droit de revendre
à d'autres arabes, mais pas aux européens. Cette généralisation
des biens familiaux (melk) et non collectifs (arch) a entraîné
le déclin de l'élevage traditionnel et l'extension des cultures
qui trouvaient un débouché à Alger grâce aux
routes aménagées depuis les années 1840.
2b/ L'évolution
de la colonisation : ses principales étapes chronologiques.
1830
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Le temps des initiatives
de Clauzel. Clauzel était pour la colonisation
sans même savoir si la France resterait : son successeur Berthezène
fut contre, mais il n'annula pas les deux décisions de Clauzel
pour des terres de la plaine de part et d'autre du fort Sidi Yahia
(futur Maison-Carrée) ; à savoir achat de fermes à
l'est, pour 40 000 francs ou moins, et saisie en octobre, du vaste
domaine de l'Haouch Hassan (ou Hossein ?) Pacha pour en faire un
exemple. Ce domaine est depuis lors connu sous le nom de ferme-modèle.
Mais il n'a guère été un modèle de ferme
à cause de l'insécurité et du paludisme qui
ont empêché la tenue de travaux agricoles réguliers.
Il aurait été abandonné, pour ce qui concerne
l'agriculture, vers 1836 ou 1837 après la fin du deuxième
séjour de Clauzel à Alger. Mais ses bâtiments
ont continué à servir de caserne. Après 1842,
la sécurité enfin établie, il a été
acheté par des particuliers. En 1962 c'était, dans
la commune de Birkhadem, la ferme De Keroulis.
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Le maréchal Clauzel
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Clauzel effectua 2 séjours à
Alger ;
d'août 1830 à mars 1831
et d'août 1835 à décembre
1837.
Le croquis ci-dessous montre une ferme fortifiée qui
a plutôt des allures de poste militaire que d'exploitation
agricole. En 1839 elle offrit un refuge aux colons des environs.
Le croquis exagère la hauteur des collines du Sahel.
Une ferme fortifiée qui a
plutôt des allures de poste militaire que d'exploitation
agricole.
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En
cliquant
sur la carte ci-dessous, vous
obtiendrez une image agrandie à promener sur votre
écran, où bon vous semble,
en la tirant par la barre de navigation.
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La ferme-modèle est située en bordure
de la plaine, à peine au-dessus des zones inondables de la
vallée de l'oued Harrach, près de son confluent avec
l'oued Kerma.
En 1830 cette zone était très paludéenne
et les soldats de la petite garnison devaient être relevés
très souvent.
La ferme est située dans la commune de Birkhadem
avec à l'est la commune de Kouba et à l'ouest celle
de Saoula.
L'oued Harrach coule vers le nord-est.
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1830-1834
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Le temps des interdictions.
Le gouvernement français n'ayant pas encore décidé
de rester il est fortement déconseillé aux européens
de s'éloigner des environs immédiats des camps français
et de la ferme-modèle. Pourtant un docteur, Savinien Longueville
achète une ferme payable en rentes annuelles près
du futur l'Arba, dès le 26 mai 1831. L'acte d'achat a été
enregistré par un cadi d'Alger.
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1834-1842 |
Le
temps des pionniers. La Mitidja est officiellement ouverte
aux européens en 1834. Ce qui me semble étonnant, vu
l'insécurité et le paludisme, c'est qu'il se soit trouvé
des volontaires pour acheter des terres et s'y installer à
demeure, sans autre garantie que la proximité, parfois, d'un
camp militaire français. Les pionniers sont allés à
l'est et n'ont pas dépassé vers l'ouest le méridien
de Blida : au delà était le territoire des Hadjoutes
tant redoutés à juste titre et qui ont en décembre
1839, à la demande d'Abd-el-Kader, presque effacé cette
première colonisation rurale. De surcroît Valée
avait donné l'ordre d'évacuer de force les colons qui
refusaient de partir.
Je me contenterai de proposer quelques portraits
de ces colons de la première heure.
Maximilien Tonnac de Villeneuve
vient en 1834. Ce magistrat était légitimiste.
Après la révolution de juillet 1830 il refusa de servir
" l'usurpateur " Louis-Philippe, démissionna et
quitta la France. Il avait de l'enthousiasme, des capitaux et un
ami qui partageait ses vues, le baron De Vialar. Tous deux arrivent
à Alger en 1832 et s'installent d'abord dans le Sahel, à
Tixeraïn. Encouragés par le nouveau Gouverneur Général
Voirol il achète en 1834 dans la Mitidja le haouch de l'Aïn
Khadra près de l'Atlas. Il s'efforce de se faire accepter
par ses voisins arabes ; il apprend leur langue, porte le burnous,
finance la restauration d'un marabout et leur offre le café.
Il négocie avec les caïds locaux et réussit à
vivre presque seul (il a un domestique arabe) au milieu de 35 familles
indigènes. En 1839 Valée lui ordonne d'évacuer.
Il obtempère et va à Blida présider le Tribunal
civil. Lorsqu'il y meurt en 1884, à 81 ans, il était
maire de la ville
et père de neuf enfants. En 1873
il avait rattaché à Blida les terres des Beni-Salah
(futur Chréa).
Augustin de Vialar
démissionna lui aussi en 1830, de sa charge de Procureur
du roi à Epernay. Avec De Tonnac il partit pour l'Egypte
en 1832, mais une tempête les détourna sur Alger. Il
décide d'y rester et achète deux fermes dans la Mitidja,
l'une tout près du Sahel, à Baraki, l'autre près
de son ami à Aïn Khadra. En 1835 il fonde près
du camp d'Erlon (futur Medina Clauzel, futur Boufarik), un dispensaire
qui sera tenu par des religieuses recrutées par sa sur
Emilie qui avait fondé la congrégation charitable
dite des surs de Saint Joseph de l'Apparition.
En 1835 également il va à Paris défendre
l'idée d'une colonisation libre. Au retour une tempête
(encore une !) l'oblige à rester quelques jours à
Mahon où il a un ami. Avec ce dernier il monte une sorte
de réseau pour aider des Mahonnais dont il connaissait les
compétences en maraîchage, à venir à
Alger. Il en installe quelques uns à Boufarik sans pouvoir
leur faire attribuer les lots de 4 hectares prévus par l'arrêté
de Clauzel du 27 septembre 1836. En effet ces lots, gratuits mais
soumis à une redevance annuelle de 8fr sont réservés
aux Français.
Natif de Gaillac Il avait pu faire profiter de cet arrêté
quelques paysans du Tarn. Son action ne s'arrête pas là
; nous le retrouverons à La Rassauta en 1845.
Il faut mettre à part le cas du peintre
orientaliste Horace Vernet. En quête d'exotisme
il débarque à Alger en 1833 ; et il est très
déçu : pas assez d'arabes en ville et pas assez deminarets
dans le ciel. On lui procure une escorte militaire pour sillonner
durant 10 jours Sahel et Mitidja. Le Directeur de la colonisation
d'alors, Victor Amanton, accepte de lui vendre près de Boufarik
un grand haouch appelé Ben Koula. Il n'a nulle intention
de s'y fixer, mais de l'exploiter, oui. Il nomme un gérant
qui se révéla efficace : les revenus de cet haouch
l'auraient enrichi. Horace Vernet revint trois fois en Algérie,
en 1837, 1845 et 1853.
Voilà ce que j'ai pu trouver de précis
sur quelques acheteurs éminents. Mais il y eut aussi ces
concessionnaires qui n'eurent pas à payer leurs grosses parts
de biens domaniaux. Comment ces heureux hommes étaient-ils
choisis ? Je l'ignore. Je suppose qu'il fallait de solides appuis
bien placés. Je sais néanmoins qu'il fallait prendre
des engagements pour un avenir trop incertain pour que ces engagements
soient tenables.
Le prince polonais Sviatopolk
de Mir-Mirski est le meilleur exemple de concessionnaire
incompétent. Il avait dû fuir Varsovie après
l'échec de l'insurrection du 29 novembre 1830 contre les
Russes. Il s'était réfugié à Paris comme
beaucoup de ses compatriotes. Il était sans ressources, mais
avait beaucoup d'allure et d'entregent ; et de surcroît la
Pologne était à la mode. Il obtint de Drouet d'Erlon,
en 1835, la concession de 3000 ou 4000 hectares entre les futurs
Maison-Blanche et Réghaïa autour de La
Rassauta
et un prêt de 100 000 francs. Pour
impressionner ses ouvriers arabes de la tribu des Aribs, il mettait
son uniforme de général polonais et ses décorations.
Il créa une infirmerie et des écoles française
et arabe. Il aurait aimé convertir ses ouvriers au christianisme
et plaça une croix au-dessus du bâtiment principal.
Las ! Personne ne se convertit et le prince, trop endetté,
dut céder son bien à ses créanciers. Après
5 ans de palabres il dut céder son bien qui fut confié
à un autre comte qui s'avéra tout aussi mauvais gestionnaire.
En 1843 le domaine fit retour à l'Etat. Je reparlerai de
ce domaine de La Rassauta dans le chapitre suivant car son histoire,
exemplaire, n'est pas terminée.
Il a existé des concessionnaires plus avisés
tel Borély-la-Sapie qui
bénéficia d'un " petit " domaine de 403
hectares de terres marécageuses à Souk-Ali,
à 4 km à l'est de Boufarik. Il se mit au travail et
essaya de tenir ses engagements : implanter 20 familles françaises
(en fait il créa un hameau pour 6 familles). En 1842 la menace
hadjoute avait été écartée, mais les
moustiques étaient toujours là. Il réussit
à assécher ses terres grâce au travail de 40
employés européens et de 40 khammès. En ce
temps-là c'est la
vente de fourrages à l'intendance militaires
qui fournissait des revenus aux colons. Borély-la-Sapie innova
en semant du blé et en plantant de la vigne, des orangers,
du tabac, des mûriers avec succès, et du coton sans
succès. Il fut un précurseur agricole et devint une
personnalité politique de la Mitidja. En 1849 il est le premier
maire de Boufarik ; en 1867 il est le maire de Blida. 1866 et 1867
furent des années terribles : en 1866 il plut très
peu et en 1867 trois autres fléaux s'ajoutèrent à
la sécheresse : les sauterelles, le typhus et le choléra.
En tant que maire Borély-la-Sapie se démena efficacement
pour trouver des secours aux meskines (pauvres) en ouvrant des chantiers
de charité près de Blida.
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1842-1848 |
Le temps du plan Guyot.
La date symbolique fondamentale du choix décisif fait par
la France d'une politique de colonisation de peuplement en milieu
hostile est le 12 mars 1842. Ce jour-là le comte Guyot
signe un texte de 34 pages consultable aux archives d'Aix (cote
5 M2) intitulé " Plan de colonisation du Sahel d'Alger
". Depuis 1838 le comte Guyot était à Alger Directeur
de l'Intérieur et de la Colonisation. Il prône
la création de villages français malgré une
ambiance d'insécurité et d'inquiétude où
les impératifs stratégiques seront déterminants.
Cette politique inaugure un siècle de colonisation de peuplement
vouée dès les origines à l'échec puisque
les populations locales n'ont été
ni éliminées, ni refoulées, ni assimilées,
ni submergées par les colons. Malgré la
référence au seul Sahel de l'intitulé, le plan
concerne trois villages de la Mitidja dans l'immédiat et
tous les autres par la suite ; ainsi que tous les villages français
créés en Algérie aussi longtemps que l'insécurité
persista, c'est-à-dire jusqu'aux années 1880.
Je reproduis ou résume les principales propositions
de Guyot qui furent effectivement appliquées durant quelques
années. Un siècle plus tard, même leur souvenir
avait disparu des mémoires. Les titres des encarts sont de
Guyot.
Des
enceintes de sécurité
Il faut des villages pour offrir aux populations aide et
protection. Ces villages devront être revêtus
d'ouvrages de protection derrière lesquels, à
force ouverte ou par surprise, on puisse résister.
Deux moyens ont été mis en avant ; l'un par
le Génie militaire, ce sont des murailles ; l'autre
par moi, c'est le fossé avec parapet en terre garni
de plantes épineuses et flanqué de 2,3 ou 4
tours. La paysanne avec le parapet entouré d'une ou
deux rangées d'arbres, ne perd pas de vue la campagne
et peut veiller de loin sur le chef de famille et les enfants
travaillant aux champs. Le village est gai et riant. L'air
y circule librement.
L'entretien sera facile et sans frais par des prestations
en nature. Cet aménagement coûtera 8fr au mètre,
au lieu de 30 pour les murailles.
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Guyot admettait tout de même une exception
pour la ville de Blida dont les murailles turques furent maintenues
et améliorées. Mais il est vrai que Blida n'était
ni un village, ni une création française.
Des casernes de gendarmerie
Par suite de sa fixité et de son rayonnement perpétuel
le gendarme a appris à connaître tous les individus
européens et indigènes de sa circonscription.
Il connaît le ravin, le sentier, le buisson, la grotte
qui servent de passage et de retraite à l'ennemi ;
aussi acquiert-il en peu de temps la confiance du colon.
Les gendarmes encadrent les colons organisés en milice,
ce qui permettra de diminuer les garnisons militaires et rendra
les troupes disponibles pour être postées dans
l'intérieur.
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Je ne sais à quel intérieur pensait
Guyot ; mais vu la date et le risque hadjoute pas encore levé,
les camps militaires de la bordure de l'Atlas et du pourtour de
Blida devaient en faire partie.
Du choix des
noms de villages
Il faut garder les noms de lieux en usage car ils ne laissent
à craindre aucune équivoque avec d'autres noms
en Europe. Ils facilitent l'entente avec les indigènes
restés parmi nous.
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Ce principe fut respecté à de rares
exceptions près (Saint-Pierre Saint-Paul, Marengo, Joinville,
Montpensier, Dalmatie et Maison-Blanche) par la Seconde République
et par le Second Empire. Mais après 1870 la troisième
République se crut obligée de donner à ses
créations des noms de généraux, de savants,
d'écrivains ou de personnalités politiques de premier
plan.
Des
églises et des presbytères
Quoi de plus propre que la religion à établir
l'union entre les colons, à leur inspirer la patience,
la résignation, le courage ? Mais il n'est pas possible
d'établir une église par village ; il faut les
répartir de manière à ce qu'elles puissent
servir à plusieurs localités.
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En fait tous les villages ont eu leur église
assez rapidement ; mais pas leur temple car les protestants étaient
trop peu nombreux ou absents. Pour ce qui est du courage et de la
patience, il en fallut beaucoup plus encore que n'imaginait Guyot
car certains villages ont dû être peuplés deux
fois.
Guyot évoque aussi la nécessité
de " faire entreprendre rapidement les travaux de route
" afin que le produit des récoltes puisse être
acheminé jusqu'à Alger ou jusqu'à Blida et
que les colons trouvent ainsi des acheteurs pour leurs productions.
Les soldats du Génie furent employés pour accélérer
la construction de pistes empierrées et pour acheminer les
matériaux de construction. Ces travaux étaient à
peu près terminés vers 1845.
Guyot envisage, pour la Mitidja, la création
de 5 villages : Beni-Mered, Ouled Yaich, Ouled Mendil, Mebdoua et
l'Arba.
Beni-Mered,
entre Boufarik et Blida était déjà en cours
de construction par les soldats du Génie. Il est l'un des
trois villages prévus autour de Blida.
Ouled Yaich est
le deuxième de ces trois villages blidéens. Il a été
créé sous le nom de Dalmatie
un peu au sud des mechtas des Ouled Yaich.
Mebdoua aurait
dû être le troisième de ces villages blidéens.
Il y avait là, au nord de Blida une ferme avec des orangers,
près de " l'obstacle continu ". Guyot craignait
l'insalubrité des marais du Mazafran et de l'oued Tleta.
Ce village ne fut jamais créé.
Ouled Mendil
est le nom d'une tribu et d'un marais. Le village qui ne fut pas
créé aurait eu ses champs dans la Mitidja et ses maisons
un peu au-dessus du marais, sur la route descendant de Douéra
vers la plaine ; donc près de l'actuel carrefour et hameau
dit des quatre chemins.
Pour l'Arba Guyot
était moins précis : il croyait à la nécessité
d'implanter un village près de ce camp militaire pour protéger
les fermiers européens installés sur le territoire
des Beni-Moussa et des Beni-Khelil. Sa proposition peut tout aussi
bien désigner le futur l'Arba que le futur Sidi-Moussa.
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1848-1851 |
Le
temps des " colonies agricoles. Le
choix de ce terme est étrange car tous les villages créés
par la France en Algérie furent agricoles à l'origine.
Mais il est de tradition chez les historiens pour désigner
les 54 villages prévus par les arrêtés du 19
septembre 1848 (42 villages dont 2 dans la Mitidja Bou-Roumi
et El Affroun créés dès 1848), et du 19
mai 1849 ( 12 villages dont 2 dans la Mitidja, Ameur-el-Aïn
et Bourkika). On doit souligner que tous ces villages se trouvent
dans la Mitidja occidentale, celle dont l'accès avait été
interdit aux européens jusqu'à la fin 1842 par les Hadjoutes.
En vérité certains parisiens avaient déliré
début février tant leurs projets étaient stupidement
grandioses. Je prends plaisir à en dire quelques mots avant
de décrire une réalité plus modeste, bien que
considérable : 13 900 colons dans 54 villages au total en Algérie.
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Le
fantasme des " philanthropes ". Ils croyaient
pouvoir régler la question sociale en envoyant des ouvriers
chômeurs volontaires cultiver l'Algérie. " L'Etat
donnerait un capital au lieu de donner un salaire aux ouvriers des
Ateliers Nationaux. On concèderait 10 ha par famille et l'on
concèderait ainsi 10 millions d'ha à un million de familles
". Avec une femme et deux enfants par famille c'est 4 millions
de Français qui auraient traversé la Méditerranée
pour submerger la population indigène estimée à
3 ou 4 millions. |
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· |
Le
rêve des " villages départementaux ".
C'est le titre d'une brochure rédigé et publié
par un certain Ducuing qui pensait trouver dans chacun des 86 départements
de l'époque assez de volontaires pour créer en Algérie
un village par des gens de la même région métropolitaine.
Il croyait pouvoir établir 40 000 colons dès la première
année. |
|
Les réalisations
des années 1848-1852 furent plus modestes, mais nullement négligeables.
Tout commence à Paris où de nombreux ouvriers sont sans
travail et sans ressources : on n'indemnise pas le chômage en
1848. Le Gouvernement Provisoire né de la
révolution des 22-23-24 février croit trouver
une solution en ouvrant des chantiers de terrassement à Paris
appelés Ateliers Nationaux. Cette tâche, payée
2fr par jour ouvrable, a eu un énorme succès ; on vint
même de province pour profiter de l'aubaine.
En fait on ne sait à quoi employer les 40 000 volontaires,
et ces travaux sans objet coûtent trop cher. Les ateliers nationaux
furent supprimés le 23 juin. Cette fermeture entraîna
les trois jours d'émeutes sanglantes dites
journées de juin, du 24 au 26 juin. Il y eut 4000
morts chez les insurgés, 1600 chez les forces de l'ordre ;
et 11 000 arrestations. Que faire de tous ces gens ? Le ministre de
la Guerre La Moricière eut une idée : envoyer en Algérie
ceux qui se porteraient volontaires.
Le décret-loi du 19 septembre 1848 ouvrit un crédit
de 50 millions et celui du 19 mai 1849 ajouta 5 nouveaux millions.
On placarda des affiches pour informer les citoyens intéressés
d'avoir à se faire inscrire dans l'une des 12 mairies existant
alors à Paris. Il y eut foule. Il fallut nommer une commission
de sélection des candidatures dont les 14 membres (6 représentants
du peuple, 2 maires d'arrondissement, 2 médecins, 3 fonctionnaires
et le Président Trélat) siégeaient à tour
de rôle de 8 heures du matin à minuit car on était
pressé de voir partir les péniches des convois vers
Arles où un train prendrait le relais.
Chaque colon avait droit à 50 kg de bagages pour les adultes
et 25kg pour les enfants. Le voyage était long mais gratuit
jusqu'au village où, en théorie, chaque colon trouverait
un lot à cultiver (3 à 10ha), une maison, des semences,
des outils, un attelage, une truie ; plus une charrue pour 3 familles
et un chariot pour 5. Malheureusement le Gouverneur Général
Charon, avisé trop tard,
n'avait eu le temps que de faire monter par le Génie des baraquements
collectifs partagés en chambres familiales par de légères
cloisons : ni confort, ni intimité. Ce fut bien sûr provisoire.
Au bout de quelques mois chaque famille eut une maison de 40m²
environ non carrelée au début, et divisée en
2 pièces dont l'une avec cheminée. Pour l'eau il y avait
un lavoir-abreuvoir et pour le pain des fours publics. Pas de WC,
mais des feuillées.
Le colon avait trois ans, durant lesquels il percevait des vivres
ou un viatique de 10 centimes par personne, pour défricher
(avec l'aide de l'armée) et mettre en exploitation sa terre.
Après le passage d'un Inspecteur de la colonisation il pouvait
recevoir son titre de propriété, ou un sursis d'une
année non renouvelable
Il y eut tellement de défections que certains
villages durent être peuplés deux fois ! Les raisons
invoquées pour expliquer ces échecs sont :
·L'incompétence d'ouvriers
ou d'artisans improvisés agriculteurs ;
·L'incompétence ou
le désintérêt des moniteurs nommés pour
les aider ;
·La rigidité de l'
encadrement militaire peu motivé et pas compétent ;
·L'obligation du travail
en commun à horaires contraints ;
·La trop faible superficie
des lots (on la porta à 10 ha assez vite).
Il y eut des exceptions à ce tableau négatif. L'un des
noms le plus souvent cité est celui du capitaine du Génie
Malglaive qui eut à s'occuper des villages de Marengo
et de Bou-Roumi.
Les convois qui transportèrent les colons des 2 villages de
la Mitidja déjà cités pour 1848 furent les numéros
12 et 13 (sur 17) qui débarquèrent passagers et bagages
à Cherchell, le 8 décembre
et le 11 décembre 1848. Débarquèrent ainsi 807
personnes le 12 et 808 le 11, qui furent aussitôt acheminées
vers leur destination finale. Il en vint d'autres en 1850 pour Ameur-el-Aïn
et Bourkika, mais je n'ai pas
trouvé la date précise de leur traversée, ni
le nom du port utilisé en Algérie.
|
Les colonies agricoles dites de 1848 et 1849 ne sont pas
les seules fondations de villages de colonisation imputables à
la IIè République. Reste à évoquer le cas
de la région de La Rassauta située sur le territoire des
Aribs, une tribu ralliée en 1835 à la France et qui nous
avait aidé à battre les Hadjoutes. Ce territoire est au
nord de la Mitidja et à l'est de Maison Carrée. Une bonne
partie de ce territoire avait été donné en concession
à un noble polonais (voir plus haut) qui l'avait perdu à
cause de ses dettes, puis à un autre comte, José del Valle
de San Juan qui ne fit pas mieux. En 1843 au plus tard ces terres sont
retombées dans le domaine public français.
On se souvient qu'un certain baron de Vialar, avait apprécié
au cours d'une escale imprévue à Mahon, les qualités
des maraîchers mahonnais. Il en avait même fait venir comme
métayers dans sa propriété de Kouba.
Fin 1845 il prend conscience de la richesse des terres de La Rassauta
particulièrement adaptées à la culture des légumes.
Manquent les agriculteurs. Des Mahonnais sollicitent l'octroi d'une parcelle.
Mais ces concessions de terre sont réservées par la loi
aux seuls citoyens français. C'est alors que le baron de Vialar
écrit au ministre de la Guerre une lettre en faveur des candidatures
mahonnaises, " les Mahonnais sont plus acclimatés, plus
sobres et plus habiles dans la petite culture et ont trouvé le
moyen de vivre dans l'aisance dans les propriétés des autres
Européens et de leur payer des fermages élevés ".
Comme ce sont de vrais agriculteurs " ce serait pour la première
fois qu'un village agricole serait fondé en Algérie dans
des conditions assurées du succès ". On ne lui
dit pas carrément non : on réunit une commission d'enquête
et on fait traîner les pourparlers jusqu'à la chute, inattendue,
de la Monarchie de Juillet. La IIè République, plus conciliante
donne satisfaction aux demandes des Mahonnais. En 1849 on octroit à
50 familles 8ha de terres plus un lot à bâtir, avec jardin
attenant, de 26 ares. Les années suivantes d'autres concession
sont accordées : au total 300. En août 1851 La Rassauta devient
une CPE, commune de plein exercice ; mais son territoire est trop grand
pour que les 300 familles puissent habiter le même centre. ; certaines
allèrent habiter à Maison-Blanche, et les autres dans trois
communes créées dans la Mitidja à
Rouiba en 1853, ou Réghaïa
créée en 1854 ou à l'Alma
créée en 1856. Curieusement le nom de La Rassauta ne fut
repris par aucun de ces nouveaux centres.
C'est sous le Second Empire que furent établis
à l'exception d'un seul, Meurad, les tout derniers centres de colonisation
de la Mitidja même si certaines études préalables
avaient été menées sous la IIè
République.
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·
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Au pied des monts de l'Atlas on compléta
la suite des villages de bordure par la fondation, d'ouest vers
l'est, des centres de Bouinan, Rovigo,
L'Arba et Rivet.
|
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·
|
Au milieu de la plaine, à mi-chemin
des montagnes de l'Atlas et des collines du Sahel, on bâtit
Chebli et les villages jumeaux
de Saint-Pierre et
Saint-Paul. |
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· |
En bordure du Sahel toutes les nouveautés
furent créées en Mitidja occidentale, dans une zone
très insalubre à cause du lac Halloula et des marécages
à superficie variable qui le prolongeaient le long des oueds
qui s'y jetaient. Ils sont fondés en 1862, 68 ans avant le
creusement du tunnel d'un peu plus de 2km qui permet l'écoulement
des eaux du lac vers la mer sous les collines du Sahel. L'hiver les
champs risquaient d'être inondés. C'est sans doute la
raison pour laquelle ces centres ont connu un développement
modeste. Il y eut deux villages, Montebello,
le plus proche du lac, et vers l'est Attatba,
puis, dans la commune de Koléa les hameaux de
Tekteka et de Berbessa. |
Meurad a été
fondé en 1875 au début de la IIIè République,
près de Marengo. Je tiens pour probable que cette fondation avait
été envisagée avant la chute de l'Empire.
Le croquis ci-dessous a pour ambition de fournir une conclusion
cartographique à ce chapitre de présentation historique
en situant l'ensemble des centres de colonisation officiels situés
dans la plaine de la Mitidja, villages et hameaux, ainsi que Maison-Carrée
où passe l'Harrach qui offrit aux colonisateurs la première
et la principale porte d'entrée et de sortie pour les personnes
et pour tous les produits importés comme pour les productions exportées
lorsque la mise en valeur de la plaine fut suffisante.
En cliquant
sur le carré bleu, vous
obtiendrez une image agrandie à promener sur votre écran,
où bon vous semble,
en la tirant par la barre ve navigation.
Centres de colonisation officiels : les cercles
sont des villages, les points des hameaux
|
Bien sûr pour être complet il aurait fallu
ajouter les fermes : le format ne le permettait pas : vous les verrez
sur les extraits de carte au 1 : 50 000 dans la troisième partie.
Le barrage de Meurad serait le premier barrage-réservoir construit
en Algérie de 1852 à 1857. Le premier barrage du Hamiz est
de 1883.
La période bleue est celle de la Monarchie de Juillet ; la marron
celle de la Seconde République et la période jaune celle
du Second Empire.
Après la conclusion cartographique, voici une conclusion
sous forme de tableau chronologique. Il y a du flou dans les dates de
création des centres de colonisation. Lorsque l'écart entre
les sources n'est que de 1 ou 2 ans, c'est que l'on peut choisir la date
du décret décidant la création ou la date du peuplement
du village. Parfois l'écart est plus grand. Comme je ne sais pas
qui se trompe, j'ai choisi de recopier les dates parues en 1898 dans le
volume 7 des Annales de Géographie. Les auteurs précisent
qu'ils ont utilisé deux brochures fournies par le Gouvernement
Général de l'Algérie.
Le chiffre de droite est celui de la population
européenne au premier recensement suivant la création
: 1861 ou 1871 ou 1877. Les noms en gras désignent les "
colonies agricoles " de 1848-1849.
Monarchie
de Juillet
1830 - janvier 1848
|
Seconde
République
février 1848-nov. 1852
|
Second
Empire
déc. 1852 - sept.1870
|
1836
|
Boufarik
|
?
|
1848
|
Bou-Roumi
|
72
|
1853
|
Rouiba
|
272
|
1843
|
Maison-Carrée
|
257
|
1848
|
El-Affroun
|
242
|
1854
|
Réghaïa
|
151
|
1844
|
Fondouk
|
233
|
1848
|
Marengo
|
555
|
1856
|
Chebli
|
682
|
1845
|
Souma
|
135
|
1849
|
Ameur-el-Aïn
|
249
|
1856
|
Hamedi
|
67
|
1846
|
La Chiffa
|
114
|
1849
|
Bourkika
|
196
|
1856
|
L'Alma
|
313
|
1846
|
Mouzaïaville
|
358
|
1849
|
L'Arba
|
237
|
1856
|
Rivet
|
225
|
1848
|
Beni-Méred
|
284
|
1851
|
Berbessa
|
44
|
1857
|
Bouinan
|
361
|
1848
|
Dalmatie
|
212
|
1851
|
Birtouta
|
88
|
1858
|
St-Pierre-St-Paul
|
83
|
1848
|
Joinville
|
123
|
1851
|
Maison-Blanche
|
195
|
1862
|
Attaba
|
223
|
1848
|
Montpensier
|
122
|
1851
|
Oued-el-Alleug
|
696
|
1862
|
Montebello
|
53
|
|
|
|
1851
|
Rovigo
|
321
|
1851
|
Sidi-Moussa
|
256
|
|
|
|
1851
|
Tekteka
|
?
|
+ en 1875
|
Meurad
|
141
|
|
3°
/ Sept ans d'insécurité pour perdre la Mitidja : novembre
1954-été 1962
Il faut sans doute beaucoup d'imagination pour vivre par
procuration, et sur la durée, les angoisses et les contraintes
de la vie quotidienne; et la désespérance finale !
Pour aider le lecteur à comprendre ce que veut dire au juste 7
ans d'insécurité, j'ai choisi d'aligner ci-dessous, la liste
macabre des attentats, dans la seule Mitidja pour une seule année,
celle de 1956. Ce sera bien suffisant pour en tirer, en conclusion, quelques
enseignements.
|
16 février |
Une ferme incendiée et 3 assassinats
dans la vallée de l'oued Boudouaou |
|
23 février |
Plusieurs fermes incendiées et
vignes saccagées dans la même vallée |
|
24 février |
Trois fermes attaquées à
Saint-Pierre-Saint-Paul |
|
31 mars |
Assassinat du Commandant de l'unité
de défense territoriale à l'Alma
NB. La territoriale est formée de civils du village astreints
à un ou deux jours de garde ou de patrouille par semaine. Ce
ne sont pas des militaires. |
|
7 mai |
Assassinat d'un policier à Boufarik.
Assassinat de deux soldats à Maison-Carrée |
|
10 mai |
Une ferme attaquée et un assassinat
à Fondouk
Assassinat d'un fermier à Réghaïa |
|
18 juin |
Deux fermes incendiées et vignes
saccagées à Réghaïa |
|
19 juin |
Deux fermes incendiées et 6ha
de vignes saccagées près de l'Alma
Un retraité assassiné à l'Alma également |
|
21 juin |
Assassinat de l'Imam de la mosquée
hanéfite à Blida |
|
8 juillet |
Assassinat de 9 personnes à Boufarik |
|
9 juillet |
Assassinat d'un garde-champêtre
à Saint-Pierre-Saint-Paul |
|
11 juillet |
Deux fermes attaquées à
Saint-Pierre-Saint-Paul |
|
17 juillet |
Trois fermes incendiées près
de Maréchal-Foch. Vignes saccagées |
|
19 juillet |
Assassinat d'un fermier à l'Arba |
|
19 juillet |
Vignes et orangeraies saccagées
près de Fondouk |
|
23 juillet |
Deux fermes incendiées près
de Maréchal-Foch |
|
5 août |
Un adjoint au maire de l'Alma blessé |
|
5 août |
Attentat contre un autocar à Bourkika
: trois morts |
|
26 août |
Attentat à l'Arba : un blessé |
|
4 septembre |
Attentat à Boufarik : un blessé |
|
8 septembre |
Un adjoint au maire de Boufarik blessé |
|
12 septembre |
Assassinat de trois personnes à
l'Arba |
|
12 septembre |
Attentat à Blida, un mort |
|
18 septembre |
Assassinat d'un chef de chantier à
l'Arba |
|
22 septembre |
Assassinat d'un policier à Blida |
|
26 septembre |
Assassinat d'un maçon à
Blida |
|
28 septembre |
Attentat à Boufarik : un fermier
blessé |
|
29 septembre |
Assassinat de deux personnes à
Fondouk |
|
2 octobre |
Bombe dans le car Alger-Tablat : 9 morts |
|
19 octobre |
Bombe dans un café à Blida
: 7 blessés |
|
1 novembre |
Assassinat d'un garde-champêtre
à Maréchal Foch |
|
5 novembre |
Assassinat d'un cantonnier à Chébli |
|
10 novembre |
Assassinat d'un enfant de treize ans
à Saint-Pierre-Saint-Paul |
|
12 novembre |
Deux fermes attaquées à
Saint-Pierre-Saint-Paul |
|
12 novembre |
Hangars à tabac incendiés
à Ameur-el-Aïn |
|
16 novembre |
Découverte d'un cadavre égorgé
et enterré près de Blida |
|
17 novembre |
Attentat à Blida : plusieurs morts
et blessés |
|
18 novembre |
Bombe dans un café à Maison-Carré
: 2 blessés |
|
25 novembre |
Un chef de chantier blessé à
La Chiffa |
|
4 décembre |
Attentat à Blida : un mort.
Et deux ou trois jours plus tard quatre tués au cours des obsèques
de la victime du 4 décembre |
|
7 décembre |
Attentat à Réghaïa
: deux morts |
|
11 décembre |
Attentat à Oued-el-Alleug : un
mort |
|
12 décembre |
Attentat à Boufarik : un blessé |
|
16 décembre |
Grenade dans un cinéma à
Boufarik : deux morts, trente blessés |
|
16 décembre |
Attentat à Blida : deux morts,
deux blessés |
|
16 décembre |
La mine (de baryte) de Keddara est abandonnée
(près de Fondouk) |
|
18 décembre |
Attentat à Boufarik : un blessé |
|
18 décembre |
Enlèvement d'un fermier à
Fondouk |
|
24 décembre |
Attentat à Blida : deux morts,
un blessé |
|
25 décembre |
Attentat à Blida : un blessé |
|
27 décembre |
Attentat à Blida : un blessé |
|
28 décembre |
Assassinat du maire de Boufarik |
|
28 décembre |
Attentats à Blida : un mort, un
blessé, trois enlèvements |
|
28 décembre |
Grenade au boulodrome de l'Arba : des
blessés |
|
30 décembre |
Bombe à l'Arba : deux blessés |
Le rythme des attentats s'est maintenu en 1957, beaucoup
réduit en 1958 (moins de dix) et reparti à la hausse en
1959. Outre le risque d'attentats il faut noter, pour la vie de tous les
jours les perturbations suivantes.
L'inquiétude devant tout retard au retour chez soi pour celui qui
attend au foyer.
Les routes, et même les voies ferrées, dangereuses.
Aucune protection possible contre les mitraillages, les embuscades et
les faux barrages de contrôle par de faux militaires en uniforme.
Les attaques contre fermes et fermiers. Certaines avaient
été pourvues d'un mirador et d'un petit détachement
de soldats. En l'absence de cette protection militaire non généralisable,
on renforçait portes et fenêtres ; en vain, car l'assassin
pouvait monter facilement sur le toit de ces bâtiments, bas le plus
souvent. De toute façon aucune protection possible dans les champs.
Les doubles portes avec sas intermédiaire grillagé,
à l'entrée des cafés, bars et restaurants, pour rendre
plus difficile la fuite de l'auteur de l'attentat (pas de kamikaze à
l'époque).
Les fouilles systématiques à l'entrée
des grands magasins et des salles de spectacle. Mais pas des petits commerces,
ni des terrains de jeux extérieurs.
Le couvre-feu de 20 heures à 6 heures du matin.
On pourrait ajouter la lecture du journal chaque matin.
On y trouvait le décompte des victimes de la veille : victimes
européennes, civiles et militaires, victimes musulmanes, le plus
souvent égorgées. Ainsi que le nombre des rebelles tués.
Très fréquemment, mais pas tous les jours, s'ajoutaient
les photos des fermes incendiées, du bétail abattu, des
récoltes détruites, des véhicules brûlés,
des cadavres torturés et mutilés par les rebelles. Ces derniers
étaient presque toujours ceux de musulmans loyalistes. L'histoire
officielle, mensongère, a occulté le fait que les "
événements " ont été aussi une
lutte entre musulmans : loyalistes lâchés par la France,
et rebelles soutenus par les Etats-Unis, l'U.R.S.S., l'O.N.U et les "
porteurs de valises " français réunis. Cette amnésie
volontaire a permis de rendre crédible la fiction d'un peuple unanimement
soulevé contre l'oppression et pour sa liberté.
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