BOUINAN VILLAGE DE REGROUPEMENT
Cette photo a été prise en 1960 ; vraisemblablement
en été car l'oued paraît à sec.
Elle a été prise du nord vers le sud et tard le matin (ombres
vers l'ouest étroites).
Elle représente une petite partie de l'Atlas blidéen. Par
rapport à la photo, Blida, qui est à l'ouest est donc "
à droite " et non " à gauche " comme sur
les cartes habituellement.
LE CADRE GEOGRAPHIQUE
C'est l'Atlas avec des altitudes modestes ( tout juste
1400m pour la crête la plus haute) mais un relief tourmenté
dans le détail en raison d'une érosion rapide à cause
du régime des pluies violentes et de la proximité du niveau
de base local des torrents qui descendent de l'Atlas. Il y a 1000m de
dénivellation en 6km (à vol d'oiseau). Le pied de la montagne
est à 110m d'altitude ; et le village de colonisation de Bouinan
à 95.
L'oued du milieu de la photo est l'oued el Had. Très
encaissé dans la montagne, son lit s'élargit beaucoup ensuite
avec les habituels chenaux anastomosés de tous les oueds qui débouchent
dans la Mitidja. Un petit bout de la plaine apparaît tout "
en bas " de la photo.
A l'arrière-plan deux alignements de djebels ;
le plus éloigné est le djebel Feroukha (1481m) dont la crête
se poursuit jusqu'à Chréa, et au-delà jusqu'à
la grande coupure des gorges de la Chiffa. Le plus proche est le djebel
Marmoucha (1143m). Les sommets paraissent déboisés, mais
il subsiste, à mi-pente, quelques espaces forestiers qui ont survécu
à l'exploitation intensive des années de guerre après
1939. A moins qu'ils n'aient été reboisés par le
service des eaux et forêts après 1945.
LES MARQUES D'ACTIVITES HUMAINES
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Les cultures
ne sont bien visibles, sans être identifiables, que dans la
plaine. Il s'agit, non pas de rangs de vigne pour une fois, mais
de vergers. De quels arbres ? Si l'on en croit les textes, on avait
planté dans la plaine des orangers bien sûr, mais aussi
des oliviers et des amandiers ; et sur les premières pentes
des caroubiers et des figuiers.
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Les fermes
européennes ou indigènes sont nombreuses au contact
du piémont et de la plaine. La plus imposante, sur la rive
droite est bâtie à un endroit qui m'étonne car
tout près d'une rive concave qui est, comme chacun le devine,
la plus exposée au travail de sape des oueds en crue. Je doute
qu'elle soit toujours là 50 ans plus tard. |
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Les pistes.
On voit nettement le départ des deux pistes qui serpentent
vers les crêtes. A cet égard, grâce à ces
pistes de montagne, Bouinan est une commune exceptionnelle. Ailleurs
il n'y a rien de carrossable dans la montagne (que des sentiers de
chèvres) hors des rares grandes routes du sud. A l'ouest (à
droite de la photo) la piste rejoint une piste de crête qui
conduit à Chréa, la station de ski des Algérois.
A l'est (à gauche de la photo) la piste grimpe jusqu'à
la crête et redescend vers la vallée de l'Harrach qu'elle
atteint un peu en amont d'Hammam-Melouane. En 1950 il était
question de la prolonger jusqu'à Berrouaghia. |
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Les banquettes
du service de la DRS. On aperçoit nettement leurs
parcours qui respectent rigoureusement les courbes de niveau. Il y
en a au-dessus et au-dessous du village de regroupement. Ces banquettes
sont l'aboutissement d'une réflexion qui a commencé
avant 1914, avec en 1903 une loi de principe sur la lutte contre l'érosion
et en 1911 la création d'un service du reboisement. Le service
de DRS (défense et restauration des sols) est plus tardif et
plus ambitieux. Il a été créé le 8 septembre
1941 par un arrêté du gouvernement de Vichy ; et il doit
restaurer ce qui a été déjà bien érodé.
La méthode utilisée consiste à creuser une banquette
horizontale où l'eau pourra s'infiltrer au lieu de dévaler
la pente. S'il pleut assez pour y planter des arbres fruitiers, c'est
encore mieux car leurs racines fixent la terre. |
LE VILLAGE DE REGROUPEMENT
Il n'est pas conforme au schéma habituel . ce village
est moins " confortable " pour les regroupés que les
autres. Il y a peu de maisons familiales, il n'y a aucune cour fermée
familiale où les femmes pouvaient aller s'aérer sans sortir
de la maison, et il n'y a pas de place centrale où se réunir.
Il n'y a, en bas des maisons les plus petites, qu'un vaste espace marginal
qui reste peut-être à construire. Le village paraît
coupé en deux par une piste : à gauche des maisons pour
deux familles et à droite pour une seule. Mais l'absence de cour
est générale. On n'aperçoit aucune tour ; donc ni
mirador, ni château d'eau.
La promiscuité tant redoutée par les regroupés
devait être à son zénith pour les quelque 70 familles
(c'est peu) qui vécurent là 3 ou 4 ans ; car je doute que
le village soit resté habité après 1962. Il était
trop contraire aux traditions. Par contre il n'est pas impossible que
la proximité des champs ait permis aux hommes, sous surveillance
militaire, d'aller récolter les fruits de leurs figuiers, voire
de semer. Mais pas tous les jours. La crainte française était
qu'une liberté de mouvement ne favorise trop les contacts avec
les rebelles qui n'étaient pas très loin, ainsi que leur
ravitaillement.
Il est tout à fait possible que les hommes aient
trouvé du travail sur des chantiers d'entretien des pistes et des
banquettes de la DRS.
Les bâtiments de l'inévitable SAS sont un
peu au-dessous du village. Une piste y conduit. Par contre je ne discerne
pas de dispositif de protection militaire de l'ensemble. Pourtant il devait
sûrement y en avoir un, bien camouflé.
Notule sur
les SAS : sections administratives spécialisées
Les SAS s'insèrent dans la tradition des
bureaux arabes (1838-1870) que la République a eu le tort
de supprimer, ainsi que dans celle des officiers des affaires indigènes
(1926-1955) qui devaient être diplômés en arabe.
Elles sont implantées tout près d'un poste militaire
qui assure indirectement leur protection.
C'est Soustelle qui les créa en septembre
1955 pour remédier au sous encadrement administratif des
communes mixtes ; communes où les Européens étaient
très peu nombreux. En 1960 il y en avait au moins 700.
C'est l'échelon administratif le plus accessible
pour toute démarche. Elle est aussi un dispensaire (éventuellement
mobile) qui dispense un minimum d'assistance médicale en
assurant des consultations, des vaccinations et des soins gratuits.
Elle participe, indirectement, au plan de scolarisation. Elle est
bien sûr aussi , en liant le plus de contacts possibles avec
les habitants, un organisme de renseignement et de " guerre
psychologique ". D'ailleurs la consigne est, pour le lieutenant
chef de la SAS, de multiplier les tournées dans les douars
pour souligner la pérennité de la présence
française ; et ramener vers la France les hésitants.
Il peut aussi se charger du premier interrogatoire des suspects,
avant de les confier à des personnes mieux rodés pour
cet exercice difficile.
Dans son personnel, au demeurant peu nombreux, il
y a forcément un interprète, et un médecin.
Et un chauffeur. L'instituteur éventuel peut être un
militaire.
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De tous les officiers cocufiés
par De Gaulle , les officiers des SAS sont ceux qui ont porté les
plus belle cornes. Ils avaient mission d'inspirer confiance
aux populations en général et aux supplétifs en particulier
( moghazni et membres des GAD : groupes d'auto-défense : les futurs
harkis). Cela ne pouvait s'obtenir sans de solennelles promesses de ne
jamais céder devant le FLN. A partir de juillet 1961 De Gaulle
a pourtant changé de politique et au printemps 1962 on a demandé
aux officiers des SAS de désarmer leurs hommes ; on leur a même
interdit toue initiative susceptible de les sauver de l'égorgement,
puisqu'ils étaient, faisait-on semblant de croire, protégés
par les garanties inscrites dans les accordes d'Evian.,
Notule sur les
communes mixtes du Tell (hors Sahara)
Ce sont des communes très vastes (à
peine 78 en 1930) où vivent très peu d'Européens
; et le plus souvent il s'agit de fonctionnaires de passage : instituteurs
médecins de colonisation et forestiers notamment.
Elles ont une organisation spéciale, avec à leur tête
un administrateur nommé. Il joue le rôle de maire mais
est aussi " l'agent de la surveillance et de la tutelle
des citoyens de statut civil local " (les musulmans donc).
Il préside une commission municipale où siègent
des adjoints européens et musulmans, élus ou nommés
selon la période.
Ce maire peut s'appuyer sur des caïds, des aghas et des bachagas
nommés. Il doit aussi composer avec les Présidents
des Djemaâs locales ; assemblées de notables représentant
les douars et les mechtas (fractions de douar).
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A la suite de ces notules générales
et sans images, je souhaiterais ajouter une notule personnalisée
et illustrée sur " ma "SAS d'Aït-Aïcha.
Notule
sur la SAS d'Aït-Aïcha
Durant les vacances d'été en 1956,
je fis un séjour imprévu en zone rebelle dans une
SAS de la commune mixte du Haut-Sébaou : celle d'Aït-Aïcha.
Pour s'y rendre il faut une bonne carte de Kabylie : allez à
Azazga, puis prenez la route touristique de Michelet. Au bout d'une
vingtaine de kilomètres prenez la piste à gauche.
Après 6 ou 7km, de bonne piste vous y serez. En 1956 c'était
une impasse.
J'avais été en tant qu'étudiant
algérois " réquisitionné et mis à
la disposition d'un Général Commandant civil et militaire
dans une zone de pacification ". Deux réquisitionnés
étaient envoyés dans la même SAS. Mon collègue
était un ami personnel. Nous fûmes mis à la
disposition d'abord de l'administrateur de la commune mixte qui
résidait à Azazga. Il ne savait pas à quoi
nous occuper. Il finit par nous expédier à Aït-Aïcha.
Juste un détail pour mesurer l'ampleur de la sous-administration
du bled. La SAS dépendait de Fort-National soit à
76km par la route la plus commode et à 51km par la plus courte.
La SAS était attenante à un poste
militaire tenu par des " rappelés " dont le parti
communiste n'avait pas réussi à empêcher le
départ. Nous y avons trouvé le vivre, le couvert,
une bonne ambiance et une occasion de nous instruire. Elle était
dirigée par le lieutenant Goldstein (d'active) tout juste
rentré du centre-Annam et avait un médecin civil rappelé
nommé Hesnaut.
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Avec mon collègue réquisitionné nous
eûmes à mettre de l'ordre dans un énorme monceau de
cartes d'identité qui avaient été enlevées
aux villageois pour confisquer d'éventuelles fausses cartes, et
en fabriquer de nouvelles. L'opération exigeait dans un premier
temps de photographier tous les hommes ( les hommes seulement). Je fus
chargé du développement des clichés, que mon collègue
avait pris, dans un modeste laboratoire. On m'affecta un aide kabyle prénommé
Dib qui, me croyant plus compétent que je n'étais, me demanda
de lui communiquer un savoir-faire que je ne possédais nullement.
Vers le milieu du séjour nous partîmes à
dos de mulet, et avec une escorte de moghaznis, passer deux jours en bas
dans la vallée, chez le caïd dont dépendait le territoire
où se trouvait . la SAS. Son village s'appelle Tifrit ; son couscous
était bon, mais j'ai oublié son nom. Nous n'avions rien
à faire. Le lieutenant s'informait et le docteur soignait les bobos
qu'on lui montrait.
Je termine par ces quelques petites photos.
Le site. Au fond la forêt d'Akfadou
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Le site et le bâtiment de
la SAS. Les villageois attendent pour la photo.
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Les deux barbus réquisitionnés
pour des vacances au bon air de la Kabylie.
Au fond le village.
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A gauche, deux moghaznis ; dont un fellagha repenti
au garde -à -vous.
À
droite, Dib qui servait surtout d'interprète.
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La table du caîd et le chemin
pour y accéder.
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