Palikao, Maoussa, Cacherou, les trois petites soeurs oranaises
pnha n°70, juillet 1996
sur site le 16/11/2002 ...déplacé en mai 2013

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-----Sous-Préfecture dans le département d'Oran, à environ une centaine de kmde la côte, Palikao se trouve à une altitude de 500 m dans la plaine de Ternifine et à une vingtaine de km de Mascara. Le village est construit sur le versant méridional d'une colline qui forme un des contreforts des montagnes du massif des Benichougran.
-----La région est complantée principalement en vigne. Les vins y sont renommés et atteignent souvent 1415°, sans que cela nuise à leur qualité.
-----En 1962, la commune compte 15 000 habitants et est dotée d'une excellente infrastructure administrative et économique : Commissariat, Justice de Paix, Ponts et Chaussées, Maison de l'Agriculture, Sté agricole de Prévoyance, Coopérative agricole, Huilerie, Distillerie de plantes aromatiques, Contributions diverses, 2 pharmacies, des médecins, une Mahakma, un Dar-El-Askri, des écoles, hôtels etc... tout ce qui fait la vie d'une sous-préfecture florissante.

HISTOIRE

-----En 1858, le douar se nomme Ternif, il est entouré à la fois de marécages, de deux petits lacs, de sable, de broussailles. Il se trouve au milieu de la tribu des Hachem-Cheraga, berceau de l'Emir Abd-El-Kader, dans la belle et immense plaine d'Ighriss où il occupe une bien petite place.
-----Aucune colonisation à cette date.
-----Mais pourquoi lui avoir donné ce curieux nom chinois de Palikao ?
-----En septembre 1860, le Général Cousin-Montauban, Commandant du Corps Expéditionnaire franco-anglais balaie l'armée chinoise entre Tien-Tsin et Pekin, s'empare du pont de Pa-Li-Kiao et du Palais d'été de l'Empereur, ouvrant ainsi la route de la capitale du Céleste Empire.
-----Cette victoire vaut au Général le titre de Comte de Palikao, attribué par l'Empereur Napoléon III.
-----Son grand-père, de Launay, a été le dernier Gouverneur de la Bastille et lui-même a fait une très belle carrière : en 1845 il commande le 2è Régiment de Spahis, puis le 2è Régiment de Chasseurs d'Afrique. Enfin, il est présent lorsque l'Emir Abd-El-Kader fait le 23/12/1847 sa soumission au Général Lamoricière et au Duc d'Aumale.
-----En 1855, 56, 57, il commande la Division d'Oran.
-----Plus tard pour lui rendre hommage, on changera le nom de Ternif en celui de Palikao.

PEUPLEMENT

-----"C'est par décret du 28/01/1870 que Palikao est créé pour 50 feux avec un territoire de 1 253 hectares. A cette date les concessions étaient vendues à prix fixe. Là comme partout où ce système a été appliqué, le développement n'a pas été rapide. En 1874, on agrandit le village de 20 feux et 67 hectares, avec obligation de résidence pour les nouveaux attributaires. Le village de Palikao ne compte alors que 13 maisons bâties. Trois ans après, la population de 93 âmes passe à 193.
-----Le 5 mars 1880, Palikao est érigé en commune de plein exercice et au recensement de 1886 on compte 880 habitants.
On se demande comment on a pu attendre jusqu'en 1870 pour implanter la colonisation dans une contrée aussi fertile, qui se prêtait bien à la colonisation européenne.
-----Il a fallu l'aveuglement ou le parti pris de l'autorité militaire pendant 40 ans pour n'avoir pas couvert plus tôt de centres forts et bien constitués cette plaine si riche entre toutes".
-----Parmi les pionniers, les familles Balavoine (Monsieur Balavoine est le premier Maire du village), Canasin, puis viennent les Charrin, Font, Combes, Tordjman, Tourvielle, Morales, Bensadoun, Serres, sa, Honorat... (Extrait de d'Oran du Jeudi 30 Mai 1889)
-----Au 1er février 1899, le Maire est Monsieur Gérard.
-----En 1878 à la demande des habitants on divise une partie du Communal en 58 lots de vignes attribués ou vendus aux habitants du village . En créant un centre aux portes de Mascara on n'avait pas encore songé que la première chose à faire dans ce pays qui est celui de la vigne par excellence était de ménager des lots propres à cette culture.
-----Très bonne terre, bonne situation, eaux abondantes, mais ces eaux qui alimentaient Palikao sourdent de cuvettes situées en amont du village en formant le grand lac et le petit lac.
-----Or, ces deux lacs se sont transformés en générateurs d'effluves pestilentiels, d'où moustiques et fièvres. Le "Réveil de Mascara"dans un numéro de 1886 nous apprend qu'il y a eu en trois mois 30 décès.
-----La Direction de l'Hygiène propose de combler les lacs. Les habitants refusent, car ils considèrent que le remède est pire que le mal, la conséquence étant d'aveugler les sources ou au moins de diminuer leur débit.De ce fait : plus d'irrigation, plus d'élevage dans ce centre qui compte déjà à cette époque 1 000 têtes de gros bétail et 2 000 moutons.
-----Les Ponts et Chaussées proposent le curage des lacs et la construction d'un barrage. Ce projet a le mérite d'être moins onéreux et plus efficace.
-----En attendant, les pionniers ont la tâche difficile : il faut arracher les palmiers nains à la main, labourer, ensemencer, planter. Les outils font défaut, les maisons sont plus que rustiques ; les lacs sont toujours infestés de moustiques et la malaria sévit.Les maigres récoltes sont ramassées avec le fusil à la bretelle. Chaque nuit on met en place un tour de garde Les femmes font un travail d'homme, les gens plus âgés ne sont pas épargnés. C'est ainsi qu'un membre de la famille Charrin, Claude se tue accidentellement. En allant aux champs porter leur repas à ses fils, sa carriole verse sur une souche de palmier nain et il est éjecté, se fracassant le crâne.

MAOUSSA, l'OEUVRE de JOSEPH

-----Joseph Charrin, (arrière grand-père d'Yves Mathieu-Saint-Laurent), arrivé en Algérie avec l'armée s'installe à Mascara. Devenu notable et voulant faire prospérer la région il fait venir toute sa famille : ses frères, soeurs, neveux, originaires d'un village de l'Ain.
-----En 1874 à sa demande, on bâtit un village entre Palikao et Mascara. Les nouveaux habitants veulent l'appeler Charinville, mais Joseph demande modestement que ce soit Maoussa, (nom local).
-----Les premiers résidents en sont bien sûr les Charrin. En 1876 le premier né au village est un de ses neveux, Jules Charrin. S'y installent également les familles Fabre, Martin, Font, Dejean, Foyard, Combes, Tourvielle, Vabre..

CACHEROU, le site de la Smala.

-----Plus tard on crée la commune de Cacherou entre Maoussa et Palikao. De la vigne y est également plantée.
-----S'installent les familes Camplo, Font, Charrin, Cannebotin, Catroux, Batana, Rousseau, Radicich...
-----C'est à proximité de Cacherou, sur une éminence très boisée que se trouvait un village construit pour abriter la smalah d'Abd-El-Kader, forte de 23 000 âmes dont 5 000 combattants.
-----Abd-El-Kader qui est originaire de la région y trouve ses plus fidèles compagnons. Il est itinérant mais revient très souvent. Un peu plus loin, pour protéger ce village, se trouve un ksar sur l'emplacement de ce qui sera la propriété Saint-Paul. Sous le gouvernorat Naegelen on édifiera à cet endroit un monument à la mémoire d'Abd-El-Kader "Grand Ami de la France".
-----A Cacherou, le site de la smalah est superbe, il devient plus tard propriété de l'Etat et est par la suite attribué à la famille du Maréchal Pélissier, Duc de Malakoff. Au début du XX, siècle, la Duchesse de Malakoff y réside avec sa Dame de Compagnie la Marquise de Choiseul. Elles entretiennent avec les familles du voisinage d'excellentes relations.
-----A leur mort, c'est aux U.S.A.qu'il faudra rechercher les héritiers du Duc de Malakoff, et la propriété est alors achetée par Henri Font, fils du Maire de Palikao Antoine Font.
-----Les ruines des habitations de la smalah sont à cette époque encore très visibles, les murs étant partiellement effondrés, ainsi que celles du ksar dont on distingue très bien les meurtrières.

UN PAYS de DÉCOUVERTES FONDAMENTALES.

--A la fin du siècle dernier, au cours d'une journée de chasse dans les marécages, Monsieur Balavoine remarque que l'eau est huileuse en surface. Supputant l'existance d'une nappe pétrolière, il achète les terrains. Il avait vu juste car les terres avoisinantes, prospectées par une Cie, sont exploitées. La Cie y fait quelques forages mais refuse d'étendre son exploitation qui toutefois perdurera de nombreuses années.
--Au début du siècle des fouilles sont faites à Palikao. Ce site est habité depuis la préhistoire par des hommes venus du Sahara, alors extrêmement fertile, et d'Europe méridionale. Ce sont des nomades qui vivent dans des grottes autour des lacs.
-----Au cours de ces fouilles on trouve bien sûr des ossements mais aussi d défenses de mammouth, des outi des armes...
-----Plus tard en 1955 on découvre l restes d'un Atlanthrope - 500 000 ans - qui sera baptisé "L'Homme de Ternifine". II mesure environ 1 m et a des orbites très saillantes. apporte une nouvelle technique (africaine) des outils bifaces ; le coup poing est remplacé par un casse-tête en amande à l'arête tranchante, fixé au bout d'un manche et servant de hache. Son crâne se trouve actuellement au Musée de l'Homme à Paris.
-----Cette découverte est faite derrière l'huilerie sur un terrain appartenant à Raoul Charrin, notable de Palikao qui en fait don à la ville.
-----Une Commission Internationale (France, U.S.A., Angleterre, Suède, Italie, ...) se déplace pour examiner l'Atlanthrope et étudier ce site privilégié.
-----Elle est dirigée par le professeur Arambourg, reçu par la suite à l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres. La mission de cette Commission durera 2 ans. Monsieur Pimont ancien Directeur d'école à Palikao est nommé Conservateur des fouilles.
-----Le village de Palikao n'existe plus.
-----Il s'appelle à nouveau Ternif modernisé en Tighennif.
-----Il compte maintenant environ 40 000 habitants. Les vignes ont été arrachées et la prospérité comme la progression économique ont été remplacées par la disette et la paupérisation jusqu'à ce jour irréversibles.

Nelly MONI née Cannebotin-Charrin