Alger, Mustapha supérieur
le palais d'été du Gouverneur

Encore que les guides à touristes ne lui consacrent que dix lignes, dont au moins deux pour le qualifier assez impuissamment de " construction de style mauresque aménagé ", par le faste, la somptuosité et l'élégance de ses bâtiments autant que par la splendeur des jardins qui l'entourent et la perspective unique qu'il ouvre aux regards sur l'approfondissement de la baie, le Palais d'Été de Mustapha constitue la plus représentative des villas nigériennes, la plus riche et la plus harmonieuse parmi celles dont Alger fait chanter la tache au cœur de ses verdures et qui se disséminent parmi les bouquets d'arbres comme des joyaux scintilleraient aux cheveux des sultanes.

C'est la maison mauresque type, avec le confort et l'aération dont ne sauraient se passer les Français du XXème siècle et que nous offrent trop imparfaitement la plupart des villas mauresques originales, d'une valeur de travail et d'une pureté peut-être plus grande, telles Dar-el-Raïs, et le merveilleux Bardo, distant de quelques pas. Patio, coins, arcatures, cintres, faïences, fontaines, jets d'eau et galeries, rien ne manque là, qui fait pour l'ordinaire le charme de ces demeures. Mais le cadre est merveilleux. Ni Bagdad, au temps qu'y parlait la voix d'or de Shéhérazade, ni Grenade, ni Fez ne firent mieux. Mêlés d'antique, sans doute, les matériaux étaient plus riches ; il y avait des minarets et des coupoles, les murs étaient d'onyx, de marbre, de plâtre sculpté, de cèdre ouvragé aux décorations polychromes, et arcades en fer à cheval, cintres brisés ou lobés, voûtes, lambris à nervures y furent, paraît-il, de style authentique, encore qu'à vrai dire il n'y ait jamais eu d'architecture proprement arabe, mais une adaptation aux besoins climatériques locaux des procédés latins, byzantins et persans, tous inspirés de l'art grec et dont Sainte-Sophie, une fois pour toutes, a fait la somme, groupant toutes les caractéristiques, tous les préceptes et toutes les données.


*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1923. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
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Afrique du nord illustrée du 28-7-1923 - Transmis par Francis Rambert
sur site :juin 2021

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le palais d'été du Gouverneur

LE PALAIS D'ÉTÉ

Encore que les guides à touristes ne lui consacrent que dix lignes, dont au moins deux pour le qualifier assez impuissamment de " construction de style mauresque aménagé ", par le faste, la somptuosité et l'élégance de ses bâtiments autant que par la splendeur des jardins qui l'entourent et la perspective unique qu'il ouvre aux regards sur l'approfondissement de la baie, le Palais d'Été de Mustapha constitue la plus représentative des villas nigériennes, la plus riche et la plus harmonieuse parmi celles dont Alger fait chanter la tache au cœur de ses verdures et qui se disséminent parmi les bouquets d'arbres comme des joyaux scintilleraient aux cheveux des sultanes.

C'est la maison mauresque type, avec le confort et l'aération dont ne sauraient se passer les Français du XXème siècle et que nous offrent trop imparfaitement la plupart des villas mauresques originales, d'une valeur de travail et d'une pureté peut-être plus grande, telles Dar-el-Raïs, et le merveilleux Bardo, distant de quelques pas. Patio, coins, arcatures, cintres, faïences, fontaines, jets d'eau et galeries, rien ne manque là, qui fait pour l'ordinaire le charme de ces demeures. Mais le cadre est merveilleux. Ni Bagdad, au temps qu'y parlait la voix d'or de Shéhérazade, ni Grenade, ni Fez ne firent mieux. Mêlés d'antique, sans doute, les matériaux étaient plus riches ; il y avait des minarets et des coupoles, les murs étaient d'onyx, de marbre, de plâtre sculpté, de cèdre ouvragé aux décorations polychromes, et arcades en fer à cheval, cintres brisés ou lobés, voûtes, lambris à nervures y furent, paraît-il, de style authentique, encore qu'à vrai dire il n'y ait jamais eu d'architecture proprement arabe, mais une adaptation aux besoins climatériques locaux des procédés latins, byzantins et persans, tous inspirés de l'art grec et dont Sainte-Sophie, une fois pour toutes, a fait la somme, groupant toutes les caractéristiques, tous les préceptes et toutes les données.

Mais Bagdad, Grenade el Fez, qui eurent les jardins, n'eurent point la mer ; devant elles l'horizon s'étriquait et la vision leur manqua des eaux sans limite étalées, sous le soleil, chatoyantes en bassin de légende sous les ardeurs du soir et la nuit, niellées d'argent lunaire.

Au surplus, le reproche d'insuffisance d'art, auquel pourrait se complaire l'amateur de style et Je touriste antiquaire, n'a plus sa raison d'être. Le pur arabe, s'il en fut jamais, est révolu, chaque époque a ses formules et il serait aussi puérilement anachronique de vouloir refaire l'Alhambra, que de prétendre recommencer le gothique. Pour situer le représentant de la France dans un décor d'apparat digne de lui-même et de notre pays, car le Palais d'Été est davantage à usage réceptionnaire qu'à celui d'un vrai logis, des travaux furent entrepris, aboutissant à cette somptueuse salle byzantine que montre notre image, à des galeries parées de mosaïques éclatantes et décorées par notre bon peintre Antoni de fresques allégoriques, de dessin ferme et vivant, et de coloris miraculeux.

Si bien que, pour ne point dater du XIIIème siècle, comme la grande mosquée de Tlemcen, le Palais d'Été apparaît comme un domaine d'enchantement, inégalable à séduire et le plus propre à faire aussi valoir aux yeux du passant charmé, qui ne les oubliera plus quand il sera remonté vers la brumeuse Europe, la splendeur, la beauté et la richesse de la terre africaine.