OUARGLA, oasis de plus d'un million de palmiers (1956)

En présence de MM. BRUNE, DE CHEVIGNÉ, LÉONARD et DE HAUTECLQOQUE
Ouargla a célébré avec éclat le cinquantenaire des Compagnies sahariennes

En présence de MM. BRUNE, DE CHEVIGNÉ, LÉONARD et DE HAUTECLQOQUE
Ouargla a célébré avec éclat le cinquantenaire des Compagnies sahariennes

" L'avenir du Sahara français s'inscrit dans le sens de la prospérité future de l'Algérie et de la collectivité nationale ". M. BRUNE
" Des richesses minérales enfouies sous ses terres austères peuvent bouleverser l'économie, la stratégie à l'échelle mondiale " M. DE CHEVIGNÉ
" Longtemps encore, les compagnies sahariennes resteront indispensables. Les populations plus que jamais, auront besoin de leur affectueuse tutelle " M.Roger LÉONARD

Ouargla, perle du désert, a célébré avec faste le cinquantenaire des Compagnies sahariennes qui ont remporté sur le cœur des nomades leur plus sûre victoire.
Le chef-lieu du territoire des oasis méritait l'insigne privilège de servir de cadre à ces grandioses et émouvantes manifestations. Orgueilleuse d'un passé que la légende fait remonter à Salomon, Ouargla fut, face à la haute mer de sable, le port d'où s'élancèrent pour d'héroïques entreprises, les missions qui traversèrent récemment et pacifiérent l'immense Sahara.

La prise d'armes

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En présence de MM. BRUNE, DE CHEVIGNÉ, LÉONARD et DE HAUTECLQOQUE

En présence de MM. BRUNE, DE CHEVIGNÉ, LÉONARD et DE HAUTECLQOQUE
En présence de MM. BRUNE, DE CHEVIGNÉ, LÉONARD et DE HAUTECLQOQUE
Ouargla a célébré avec éclat le cinquantenaire des Compagnies sahariennes

" L'avenir du Sahara français s'inscrit dans le sens de la prospérité future de l'Algérie et de la collectivité nationale ". M. BRUNE
" Des richesses minérales enfouies sous ses terres austères peuvent bouleverser l'économie, la stratégie à l'échelle mondiale " M. DE CHEVIGNÉ
" Longtemps encore, les compagnies sahariennes resteront indispensables. Les populations plus que jamais, auront besoin de leur affectueuse tutelle " M.Roger LÉONARD

Ouargla, perle du désert, a célébré avec faste le cinquantenaire des Compagnies sahariennes qui ont remporté sur le cœur des nomades leur plus sûre victoire.
Le chef-lieu du territoire des oasis méritait l'insigne privilège de servir de cadre à ces grandioses et émouvantes manifestations. Orgueilleuse d'un passé que la légende fait remonter à Salomon, Ouargla fut, face à la haute mer de sable, le port d'où s'élancèrent pour d'héroïques entreprises, les missions qui traversèrent récemment et pacifiérent l'immense Sahara.

La prise d'armes
A 9 h. 30, MM. Brune, ministre de l'Intérieur ; de Chevigné, secrétaire d'État à la Guerre ; Roger Léonard, gouverneur général de l'Algérie, étaient accueillis à leur descente d'avion par le colonel Thiriet, commandant le territoire des Oasis.
Un imposant cortège se formait alors pour gagner un immense terre-plein situé au delà de l'oasis de Ouargla.
Dans ce décor féerique, les compagnies sahariennes venues de tous les points du désert, du Fezzan, du Hoggar. des confins du Rio del Oro, offraient un spectacle d'une incomparable grandeur.
A la tribune d'honneur, on notait aux cotés de MM. Brune, de Chevlgné, Léonard et du général Calliés, M. de Hauteclocque, résident général de France en Tunisie, le général Chevillon, représentant le général Guillaume, résident général de France au Maroc ; M. Laquière, président de l'Assemblée algérienne, de nombreux parlementaires, délégués a l'Assemblée algérienne, élus des trois départements.
Après avoir passé les troupes en revue, M. de Chevigné donna lecture de la citation à l'ordre de l'armée des compagnies sahariennes, et agrafa à leur étendard la croix de guerre avec palme.
Ce fut ensuite l'échange solennel et traditionnel de l'étendard. Le porte-fanion de la compagnie de du Touat, encadré de méharistes en grande tenue blanche, transmit l'oriflamme au porte-fanion de la compagnie de la Saoura, qu'encadraient deux reguibats vêtus de gandourahs bleues, des tribus de Mauritanie.
Puls M. Brune remit la plaque de grand officier de la Légion d'honneur au général Meynier et la cravate de commandeur au colonel Nabal et à M. Fontenaud, un des derniers survivants de la mission Foureaun-Lamy.

Le discours de M. LÉONARD
Après avoir salué le ministre l'intérieur " venu témoigner de sa sollicitude pour ces terres lointaines d'Algérie , le secrétaire d'État à la guerre " qui vient de rentrer, il y a eu quelques jours à peine. d'Indochine où se défend la liberté du monde ", les parlementaires ,. délégués à l'Assemblée algérienne et élus, M. Roger Léonard s'adressa à tous ceux qui représentent la France dans ces régions : officiers, médecins. instituteurs, missionnaires.
" Les Sahariens, dit-il, sont aujourd'hui à l'honneur C'était une justice à leur rendre. car ils sont bien souvent à la peine dans leur quotidienne existence de solitude et de silence, ces militaires au prestigieux képi bleu qui assurent la sécurité du désert à la tête de leurs pelotons mobiles ou qui, avec des moyens réduits, assument la tâche complexe et souvent délicate d'administrer les populations déshéritées des oasis. "
Puis le gouverneur général rappela la glorieuse épopée des compagnies sahariennes, depuis leur création en 1902, évoquant les noms des Flatters, Fourreau, Lamy, Joalland, Meynier. Gentil, Pein-Flamand, Laperrine, Gardel, Lehureaux, Clavery, jusqu'à la prise de Ghat.
" Maintenant, les Sahariens ont repris leur travail obscur et quotidien soit que, cheminant pendant de longues heures à l'allure balancée de leur méhara, ils aillent à la tête de leurs pelotons vers les campements les plus reculés, soit que, dans leurs bureaux, ils écoutent patiemment les doléances de leurs administrés, soit que, sur les chantiers, ils dirigent les travaux des maçons et des terrassiers.
Le Sahara, poursuit-il est impitoyable pour les faibles, il durcit et élève les torts. Dans ce pays implacable, les Sahariens ont, dans tous les domaines, accompli une œuvre à laquelle on doit rendre hommage. Soldats, ils se sont battus quand cela s'imposait. Mais c'est surtout dans leur tâche pacifique qu'ils ont donné leur mesure. Ils furent souvent des savants, ou du moins des collaborateurs précieux pour les savants. "
Et le gouverneur général souligna les réalisations administratives de ces bâtisseurs :
" De ces populations, confiées à leur garde, ils mettent leur point d'honneur à développer l'hygiène et à diminuer la mortalité. Avec le même esprit que leur grand ancien des bureaux arabes, le duc d'Orléans qui écrivait : " je mettrai plus d'ambition à la conquête d'un matelas et d'un toit pour des malades qu'à la prise d'une place forte " ils ont construit les infirmeries et les dispensaires où leurs camarades, les médecins des territoires du Sud, accomplissent avec une rare abnégation leur si belle mission. Grâce à leur action conjuguée avec celle des médecins, les épidémies les plus mortelles sont en régression et, dans certaines régions comme celle d'Ouargla, le paludisme a disparu.
L'ignorance et l'analphabétisme tendent eux aussi à disparaître devant les écoles qui s'ouvrent dans le désert, grâce aux Sahariens. Bâtiments clairs et vastes demeures confortables pour les maîtres, qu'ils construisent jusque dans les plus petits centres, nomades qu'ils incitent à envoyer leurs enfants au " taleb " français, par tous les moyens, leur action tend à développer l'instruction et ils sont fiers de voir les jeunes de plus en plus nombreux parler notre langue et nous aimer plus, nous connaissant mieux. "
M. Roger Léonard conclut :
" Et maintenant. l'oeuvre des Sahariens est-elle terminée ? Les képis bleus doivent-ils disparaître du Sahara qui leur doit tant ?
Assurément non, alors même que certaines régions présahariennes en raison du degré d'évolution où ils ont su les conduire, passeraient à l'administration civile ".
Aujourd'hui, et sans doute pour longtemps encore, les grandes étendues sahariennes devront demeurer leur domaine. Ils y resteront d'indispensables chefs, d'irremplaçables guides, même et surtout si les prospections géologiques actuellement entreprises au Sahara y font naître des activités nouvelles, Les techniciens auront besoin de leur expérience, les populations plus que jamais auront besoin de leur affectueuse tutelle.
Les Sahariens sont, dans le désert, la représentation sensible de la France, de cette France qui, a travers eux, parait, selon les termes du petit-fils de Renan, ancien méhariste, " vertueuse, pure simple casquée de raison, cuirassée de fidélité.
Puis M. Lehureau, délégué à l'Assemblée algérienne pour les Territoires du Sud, retraça à son tour l'existence de ceux parmi lesquels ii vécut durant de nombreuses années. M. de Chevigné apporta ensuite aux Sahariens l'hommage de son ministère et conclut :
" Le rôle de ces unités dont nous louons et récompensons le passé est loin d'être terminé. Il devra certes s'adapter au rétrécissement de l'espace qui caractérise notre temps. Le Sahara est devenu un des carrefours du monde moderne. Il requiert des gardiens éprouvés et attentifs.
Des richesses minérales enfouies sous ses terres austères peuvent bouleverser l'économie, la stratégie même à l'échelle mondiale, le tirer de son isolement. Nous devons donc rester vigilants et perfectionner l'instrument au passé prestigieux. Ce passé nous assure que demain les compagnies sahariennes sauront faire race aux tâches qui les attendent encore ".
Dans une courte allocution, M. Charles Brune donna aux compagnies sahariennes le salut du gouvernement. Parlant des futures richesses du Sahara, il dit : " c'est grâce à vous que ces richesses sont connues. C'est de tout ce passé, c'est de tout ce présent, de tout ce que nous espérons de l'avenir, que je vous exprime. au nom du gouvernement de la République. une inaltérable gratitude ".
Longuement applaudis, les pelotons défilèrent alors devant la tribune officielle. Parmi les uniformes blancs classiques des méharistes on distinguait ceux plus caractéristiques des tribus de Mauritanie en gandourahs bleues et les uniformes noirs des Touareg du Hoggar et du Tassili.
Puis l'on vit revenir du fond de l'horizon, tous les pelotons méharistes alignés sur un rang et qui s'arrêtèrent à une centaine de mètres de la tribune, saluant les autorités.
Le cortège officiel se reforma aussitôt, après et, sous un soleil implacable, rejoignit le centre de l'oasis.

Le discours de M. BRUNE
A l'issue du banquet servi au cercle Commandant-Noël, MM. Tidjanl, délégués l'Assemblée algérienne ; Laquiere, président de l'Assemblée algérienne, et Bengana, député, prirent successivement la parole. Ils s'élevèrent en particulier contre le projet actuellement à l'étude du rattachement des Territoires du Sud d'une manière directe à la métropole.
Prenant, la parole, M, Brune déclara :
" C'est l'épopée légendaire des compagnies sahariennes qui a valu à la France d'étendre sa souveraineté sur cet immense domaine saharien, d'y instaurer l'ordre et la sécurité, non seulement par le prestige de ses armes, mais encore par le rayonnement de ses bienfaits.
Là, où régnaient, au début de ce siècle anarchie, pillage et misère, là où les populations sédentaires étaient prostrées sous le rude joug des guerriers nomades qui vivaient exclusivement du profit de leurs rezzous, nous avons accompli ce miracle de faire régner la paix presque sans effusion de sang, complétant par la persuasion et la diplomatie l'action militaire ; là où régnait, la loi du plus fort et du plus cruel, nous avons garanti la sécurité des personnes et des biens, nous avons instauré le règne de la. justice et de la liberté ; là où des tribus affamées tentaient de vivre sous les rigueurs d'un climat implacable qui n'épargne ni les hommes, ni les bêtes, ni les plantes, nous avons prodigué les
bienfaits de notre science et de notre technique, nous avons apporté aux malades l'assistance du médecin et de nos dispensaires. creusé des puits, fait jaillir des sources génératrices de vie, irrigué et fécondé des terres, créé de nouveaux centres de culture, développé des palmeraies, amélioré l'élevage par l'aménagement des points d'eau sur les parcours de transhumance, ouvert des écoles,
multiplié les centres artisanaux, amélioré l'habitat. Avant tout, la France peut s'enorgueillir d'avoir délivré les tribus de l'envoûtement de la soif, de la faim et de la peur.
Le sceau de notre protection et de notre sollicitude est marqué ici comme ailleurs. Le progrès démographique atteste l'efficacité de notre présence : plus de 650.000 âmes peuplent maintenant cet immense et inexorable désert qui ne laissait naguère aux vivants qu'une infime parcelle de chance.
Quelle autre nation, parmi celles qui nous prodiguent leurs remontrances, peut se flatter d'avoir accepté pareille mission. de l'avoir remplie avec courage, avec honneur et désintéressement, dans le plus pur esprit d'apostolat ?
Puis le ministre de l'Intérieur retraça l'œuvre admirable de Laperrine qui donna un empire de deux millions de kilomètres à la France.

LA PART DE L'ALGÉRIE
" L'Algérie a pour sa part, dit M. Brune bien mérité de l'action saharienne. Elle a fourni des hommes, des cadres, des moyens, des bases ; elle a prélevé une part appréciable de ses ressources pour l'accomplissement de cette œuvre de civilisation.
Pour sa sauvegarde, comme dans un sentiment de profonde solidarité humaine , elle comprit d'emblée sous l'impulsion de ses gouverneurs généraux et du service des affaires indigènes, la nécessité de consentir une contribution à l'effort qu'imposant, dans l'ordre administratif, économique et social, la situation de ses territoires sahariens.
L'intégration des Territoires du Sud au budget de l'Algérie, qu'a prononcée la loi organique du 20 septembre 1947 n'a donc fait que consacrer l'étroite communauté qui existait déjà entre l'Algérie et ses prolongements sahariens.
Or en même temps qu'elle établissait ainsi l'unité budgétaire de l'ensemble algérien, la lol a posé un problème complexe, celui de l'extension de l'administration civile et de la réorganisation territoriale des régions sahariennes,
Ce changement; de structure administrative a fait l'objet, après étude approfondie du pouvoir central et du gouvernement général, après consultation de l'Assemblée algérienne et des conseils généraux, d'un projet de loi soumis à l'Assemblée nationale. Les travaux des commissions parlementaires compétentes approchent actuellement de leur terme Le gouvernement souhaite ardemment qu'un décision législative intervienne prochainement_
Celle-ci après les consultations étendues qui l'auront précédée, s'inspirera sans nul doute aussi bien des possibilités réelles d'aménagement des territoires que du degré d'évolution des populations et du souci dominant qui fut toujours la règle d'or de notre action : favoriser le progrès dans le respect des traditions et des croyances.
A quoi servirait-il en effet de brûler les étapes, an risque d'aller à l'encontre du but recherché et d'aboutir à une organisation dangereusement inadaptée aux réalités géographiques et humaines ?
Certes les perspectives économiques que l'on commence à entrevoir dans ces régions apparemment déshéritées méritent de retenir notre attention : les ressources minières et pétrolières que le Sahara algérien recèlerait sous l'aridité de ses sables et_de ses roches appellent d'ores et déjà un vigoureux effort de prospection entrepris sur une vaste échelle ainsi qu'une large mobilisation de capitaux et de moyens techniques. Mais ne serait-il pas excessif
- voire imprudent- de subordonner à ces ressources encore hypothétiques une réforme de structure territoriale aussi considérable ?
Souhaitons en tous cas que ces recherches - que les pouvoirs publics entendent entourer de toutes les sauvegardes nécessaires - se révèlent bientôt positives et que les richesses ainsi mises à jour nous libèrent de certaines entraves et contribuent à un plus grand essor de l'Algérie.
Ne serait-il pas injuste que celle-ci qui fut à l'avant-garde des investigations de son sous-sol n'en fut pas le principal bénéficiaire au sein de la collectivité nationale ?
Car sans les patientes études des services techniques et des organismes spécialisés qu'elle a créés à cet effet, que serait aujourd'hui le Sahara ? - Une terre brûlée de mirages et d'illusions, rien d'autre qu'un terrible désert - celui à propos duquel un homme d'État étranger se réjouissait en 1890 " d'avoir donné au Coq gaulois de quoi gratter jusqu'à s'user les ergots ".
L'avenir du Sahara français s'inscrit donc dans le sens de la prospérité future de l'Algérie et de la collectivité nationale. Cette interdépendance qui existe déjà dans la nature des choses est précisément celle qu'a voulu traduire le législateur de 1947.

RIEN NE DOIT ÊTRE NÉGLIGÉ POUR ACCROÎTRE LE POTENTIEL DE L'ALGÉRIE
Aussi. rien ne doit-il être négllgé pour accroître le potentiel de l'Algérie dont le prochain programme de modernisation et d'équipement soulignera l'impérieuse nécessité.
Bien que les prévisions annoncées concernant les crédits d'investissement du prochain exercice soient supérieures aux crédits consentis en 1952, elles n'ont pas, je le sais, répondu pleinement à votre attente, tant il est vrai que vous mesurez avec autant de réalisme que moi-même les conséquences financières qu'entraînent inévitablement les réalisations du progrès social à mesure que l'équipement se développe.
Cette considération ne serait pas étrangère à l'intention que, sur mes instances personnelles et celles de M. Léonard, a manifesté mon collègue et ami M. André Marie, ministre de l'Éducation nationale, de prendre dans l'avenir, sur son budget propre, une partie des dépenses de scolarisation de l'Algérie.
Je veux espérer qu'une aide complémentaire appréciable pourra être trouvée là et qu'ainsi se poursuivra, selon le rythme des nécessités, en tenant compte des priorités immédiates et vitales, le développement culturel et social de ce pays en même temps que son évolution économique, contribuant ainsi à rapprocher plus étroitement encore notre province algérienne de la mère patrie.
Le destin de l'Algérie est plus que jamais indissolublement lié à celui de la France ", conclut le ministre de l'Intérieur.

La diffa
Les ministres et leur suite visiterent ensuite Ouargla, tandis que les fêtes folkloriques attiraient de nombreux spectateurs.
Le soir, une diffa monstre et une fête de nuit clôturaient ces imposantes cérémonies.