LES MANUFACTURES J. BASTOS
La famille Bastos est de
celles dont l'uvre participe étroitement à l'histoire
industrielle et économique de l'Algérie, et devant les
résultats magnifiques obtenus aujourd'hui par le petit-fils,
M. Alfred Bastos, on ne peul s'empêcher de songer aux origines
modestes de cette fortune, édifiée sur le travail, à
force d'activité. d'énergie, d'intelligence.
C'est ce que les premiers Oranais ont fort justement signalé
en évoquant la figure bien algérienne de l'aïeul,
débarquant dans la rade d'Oran - alors une petite ville - et
jetant les fondations de l'humble usine dont il devait être, pendant
longtemps, l'unique ouvrier.
Depuis, la rade est devenue un port, Oran, l'une des capitales maîtresses
de l'Afrique du Nord, la petite usine, une grande manufacture, dont
la renommée, est aujourd'hui mondiale.
Ainsi Jean, Emmanuel et Alfred Bastos représentent-ils, dans
leur trilogie, la dynastie algérienne à qui trois générations
suffisent, pour jeter les bases d'une uvre, la développer
par des prodiges d'économie et de travail et l'étendre
enfin, en accord avec les idées nouvelles et les pays nouveaux,
dans un magnifique rayonnement.
A M. Alfred Bastos échoit aujourd'hui ce vaste héritage.
Ce n'est que justice, car nul n'ignore la part considérable prise
par M. Alfred Bastos dans les affaires de la maison paternelle et que
le fils aîné du défunt est, depuis longtemps, le
véritable chef de cette, maison.
Depuis 1912, en effet, époque à laquelle fut constituée
la Société " G. Bastos ", il assuma la lourde
charge et les pesantes responsabilités d'une direction à
laquelle sa haute compétence a donné plus d'ampleur encore.
C'est à M. Alfred Bastos que l'on doit la création des
trois usines d'Oran, des deux manufactures d'Alger, de celle de Bruxelles,
de celle de Barranquillo, en Colombie, sans omettre les comptoirs, les
agences et les dépôts que cette importante Société
a fondés dans le monde entier.
Aussi M. Emmanuel Bastos, sachant bien sur quelle force nouvelle allait
s'appuyer désormais l'avenir de son entreprise, en avait-il abandonné,
sans crainte, l'entière direction à son fils.
Il faut donc associer étroitement M. Alfred Bastos aux éloges
si mérités que toute la presse algérienne adressait
à M. Emmanuel Bastos, qui vient tout récemment de disparaître.
Saluons ici d'un nouvel hommage celui qui dut mourir heureux à
la pensée qu'il laissait entre des mains puissantes et sûres
de l'avenir, les destinées de sa maison.
La maison J. Bastos fut fondée, en 1838, par M. Juan Bastos venu
à Oran dès les premiers jours de la conquête de
l'Algérie..
Nul n'est besoin d'insister sur les difficultés sans nombre qu'eut
à surmonter ce travailleur infatigable et il lui a fallu une
énergie et un esprit de résolution, pour arriver aux résultats
que pût atteindre ce dernier, avant sa mort. Au décès
de M. Juan Bastos, ses fils continuèrent la suite des affaires
dans une étroite collaboration d'idées et de travail qui
leur permirent de développer encore davantage l'uvre commencée
par leur père.
L'extension considérable des. affaires et les projets de développement
que nécessitait la marche ascendante des affaires obligèrent
MM. Bastos frères à transformer, en 1912, leur affaire
en société anonyme au capital de 3,300,000 francs.
Cette transformation amena un accroissement plus grand des affaires
et l'acquisition ainsi que l'installation d'autres manufactures, tant
en Algérie qu'à l'étranger. Dans ce but. la Société
porta son capital de 8.300,000 francs à 10 millions, puis à
11 millions 500.000 francs, le siège social de la Société
est toujours à Oran. berceau de la maison J. Bastos. mais le
siège administratif est à Paris, 43. rue Cambon.
La Société a, à sa tête un Conseil d'administration,
composé de personnes de la plus haute compétence et de
la plus grande notoriété. Son président est M.
Albert Galicier.
Pour donner une idée bien faible encore de la puissance de celle
Société et de l'importance de ses exportations, nous ajouterons
qu'indépendamment de ses deux manufactures d'Oran - modèles
d'organisation et d'installation - elle possède également
à Oran une filiale : la manufacture Dahan, dont les produits
jouissent, auprès de la clientèle, d'une faveur qui n'est
point usurpée.
Outre ces trois manufactures d'Oran, cette Société possède,
comme nous l'avons déjà signalé, deux manufactures
à Alger, une à Bruxelles et une à Barranquilla
(Colombie). Malgré ses sept manufactures, ce n'est qu'assez difficilement
que la Société J. Bastos parvient à satisfaire
sa nombreuse clientèle.
Indépendamment, en effet, des manufactures de Bruxelles, qui
fournit toute la Belgique, et de Barranquilla qui fournil toute la Colombie,
les manufactures d'Oran exportent leurs produits dans l'univers entier.
L'unique raison de la faveur dont jouissent, les produits des manufactures
Bastos réside dans le fait que cette Société n'utilise
que des tabacs de toute première qualité, lesquels, emmagasinés
très longtemps dans ses vastes entrepôts, acquièrent
des propriétés spéciales permettant ainsi d'obtenir
des tabacs manufacturés possédant constamment le même
arôme spécial et unique qui vaut à ces produits
la renommée mondiale qu'ils se sont faite.
Les tabacs, cigares et cigarettes Bastos sont donc fumés dans
les cinq parties du monde, où cette Société possède
des agents, et dépositaires qui déploient leur activité
à étendre davantage la consommation des produits de ses
manufactures..
Les photographies que nous reproduisons ici donnent un léger
aperçu de l'importance de ces manufactures qui disposent d'un
matériel mécanique perfectionné permettant d'atteindre
le summum du fini, tant dans la fabrication que dans la présentation.
Notons, en passant, que les diverses manufactures de tabacs J. Bastos
occupent continuellement un nombre approximatif de 2,500 ouvriers.
Disons, pour terminer, que la Société " J. Bastos
" a, dans toutes les expositions universelles, légitimement
triomphé de ses concurrents.
Indépendamment, en effet, des médailles d'or obtenues
aux Expositions universelles de Paris, 1889 et 1900. cette Société
s'est vu décerner un grand prix à l'Exposition universelle
de Saint-Louis (États-Unis) en 1904, grand prix et rappel de
grand prix à Liège 1905. grand prix à Marseille
1900. grand prix à Turin 1911, grand prix à Gand 1918.
et déclarer hors-concours à Londres 1908, hors concours
à. Bruxelles 1910, et tout récemment encore hors concours
à Strasbourg 1919, son directeur général. Al. Alfred
Bastos. ayant en outre été membre du jury à ces
trois dernières expositions.
La plus grande part des merveilleux résultats acquis par cette
puissante Société revient, sans conteste, à son
directeur général, M. Alfred Bastos. qui la dirige, depuis
sa fondation, et qui, par son inlassable activité, conduit vers
des destinées toujours meilleures, toujours plus belles, les
manufactures de tabacs, cigares et cigarettes " J. Bastos ",
résultats qui, s'ils n'étaient tangibles, pourraient être
taxés d'irréalisables, voire même de surhumains.
La culture du tabac est une des plus grandes ressources de l'Afrique
du Nord.
Or. les lieux les plus renommés pour sa culture sont : La Havane.
Bornéo, le Brésil, la Virginie, le Mexique, l'île
de Ceylan : il faut reconnaître que la production de l'Algérie
n'est pas inférieure à celle de ces grands centres d'exploitation.
On y fabrique cigares et cigarettes, en quantité considérable.
Il y a quarante ans, les cigares ordinaires étaient uniquement
composés de feuilles de Virginie, de Kentucky et de Maryland.
Ces crus exotiques, ou du moins les deux premiers cédèrent
la place, à partir de 1841 et de 1850, aux tabacs d'Algérie.
Ces changements furent bientôt suivis par l'introduction des tabacs
indigènes légers, dont le taux d'emploi, d'abord de 15
pour 100, a atteint, en 1869. 50 pour 100 et est encore aujourd'hui
de 44 pour 100.
Quand l'on songe aux progrès surprenants accomplis depuis 1835
dans la confection des cigares et des cigarettes, on demeure étonné
d'admiration et de surprise. A cette époque, les intérieurs
se composaient de feuilles plaquées enroulées autour d'une
aiguille centrale que l'on retirait pour que le cigare brûlât.
Puis, ce fui la création de différents systèmes
de confection mécanique, la machine Reininger entre autres appliquée
au roulage des cigares à bout coupé, et la machine Susini.
qui permettait, vers 1800. de fabriquer à La Havane plus de trois
millions de cigarettes par jour.
L'Allemagne, toujours industrieuse, étudiait à son tour
toutes les possibilités de perfectionnements à apporter
à la confection des tabacs exotiques et créait à
Hambourg l'une des fabriques les plus considérables et les plus
parfaites du inonde.
Aujourd'hui, les machines se sont substituées peu à peu
à l'ouvrière. Elles coupent le tabac en portions égales
et l'offrent à la sortie dans l'élégant étui
de cigarettes impeccables.
Il n'est pas jusqu'aux emboîtages qui ne se fassent automatiquement
par milliers en quelques heures.
La fabrique Bastos compte parmi les plu perfectionnées de l'Afrique
du Nord.