gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5642217/f1.textePage.langEN
( Note du site:
Incident que j'ai trouvé sur Gallica. La source est indiquée
dans le titre ci-dessus, en vert.
Les fautes, mots tronqués, etc... sont ceux de l'original
scanné de Gallica.)
SECOND INCIDENT
FRANCO.ITALIEN Le paquebot "Manouba" arrêté par le croiseur
"Agordat" Le capitaine est contraint à débarquer à Cagliari
vingt» neuf infirmiers turcs qui se trouvaient à bord. LA PROTESTATION
DE LA FRANCE
L'incident du Carthage
n'était pas encore réglé à Rome qu'un second incident était provoqué
par la flottille italienne de Sardaigne.
Le croiseur Agordat
a, en effet, abordé en pleine mer le vapeur français Manouba,
qui se rendait de Marseille il Tunis, l'a saisi et amené à Cagliari,
et le capitaine a été forcé de débarquer 29 infirmiers turcs qu'il
avait pris à son bord et qui appartenaient au Croissant-Rouge,
institution ottomane analogue à notre Croix-Rouge. Après quoi,
d'après une dépêche de Rome, le Manouba a été .autorisé à reprendre
sa route. On lira ci-dessous les détails de cette affaire, qui,
connue dans les milieux officiels à la fin de la matinée d'hier,
y a provoqué une vive émotion. M. Raymond Poincaré conféra immédiatement,
au quai d'Orsay, avec M. Barrère, notre ambassadeur à Rome, et
M Louis Renault. Puis il invita télégraphiquement notre chargé
d'affaires, M. Legrand. qui devait être reçu dans l'après-midi
par NI. di San Giuliano pour discuter la mise en liberté, impatiemment
attendue, du Carthage, à protester avec véhémence contre la saisie
du Manouba. Cette protestation s'appuyait à la fois sur ta convention
de la Haye. qui protège la correspondance postale, et sur l'article
10 de la convention 10, qui déclare les services hospitaliers
inviolables.
Nous croyons savoir
qu'à Paris, on est fermement décidé à assurer la liberté des communications
entre les deux rives françaises de la Méditerranée, comme à faire
valoir tous les droits de nos nationaux lésés à des dommages-intérêts=
L'attitude des officiers
italiens de Cagliari demeure inexplicable, car elle est absolument
contraire à la lettre même des traités, et l'on s'étonne qu'après
avoir prolongé l'incident du Carthage, ils aient suscité celui
du Manouba.
Les bonnes relations
des deux pays pourraient être compromises par la répétition de
semblables abus de force. Le devoir de la diplomatie italienne
consiste avant tout à apprécier à sa juste valeur le courant d'irritation
qui se manifeste à Marseille, à Tunis, est, nous rajouterons,
à Paris.
Hier après midi, on
annonçait comme imminente la mise en liberté du Carthage, après
une dernière négociation relative à l'aéroplane de Duval, entre
M. di San Giuliano et M. Legrand.
Le cas du Manouba
est loin d'être réglé; puisque les officiers italiens, à l'encontre
de tout droit, ont forcé à prendre terre les infirmiers turcs
que ce vapeur transportait. Ces infirmiers, aux termes des conventions
internationales, étaient en sécurité à bord d'un bâtiment neutre.
C'est un grave attentat à leur liberté qui a été commis.
LE RÉCIT DE LA
CAPTURE Marseille, 19 janvier.
On a appris ici avec
stupeur, cet aprèsmidi, que le Manouba, paquebot-poste de la Compagnie
mixte, commandant Coste, qui se rendait à Tunis avec 99
passagers, dont Turcs, médecins et infirmier. a été capturé par
la flottille italienne de Sardaigne. Voici les faits
Mercredi, à trois
heures de l'après-midi, à 5 milles environ de Saint -Pierre-de-Sardaigne.
le navire fut toul à coup entouré par un croiseur et plusieurs
torpilleurs italiens qui lui coupèrent le chemin.
Sur un coup de canon
tiré blanc par le croiseur, le Manouba stoppa et le commandant
du navire de guerre monta à bord, où le reçut à la coupée le commandant
Coste. "vous avezà bord, lui dit l'officier italien, des
sujets ottomans il faut que vous nous tes livriez.
Ces passagers, lui
répandit avec calme le commaindant Coste, sont placés sous ma
sauvegarde. Le pavillon français les protège, je ne vous les livrerai
lamais, dussiezvous employer la force.
En présence de celle
attitude énergique, le capitaine de vaisseau italien se mantra
moins impérieux, mais il somma néanmoins le commandant Coste de
le suivre à Cagliari et il quitta le Manouba.
Le commandant Coste
ne pouvait qu'obtempérer à cet ordre. Il le fit et, à cinq
heures, le Manouba mouillait dans le petit port de aux côtés du
Carthage. A sa vue. les passagers de ce paquebot poussèrent plusieurs
fois les cris de « Vive la France »,cris que répétèrent ceux du
Manouba, y compris les médecins ottomans. Les formalités accomplies,le
commandant Coste, entouré de tous ses officiers, se rendit auprès
dn consul de France et lui raconta les faits qui précédent. Notre
représentant en informa à son tour fe ministre des Affaires
étrangères.
Ce soir, M.Poincaré,
président du Conseil des ministres, a fait savoir à la Compagnie
mixte qu'il a télégraphié à notre ambassade à Rome, pour
hdter la solution de cet incident.
Un autre navire de
la Compagnie mixte, le Tafna,
parti également mercredi pour Bizerte et Tunis, a été aussi arrêté,
presque au méme endroit et au cours de la même journée, par la
flottille des torpilleurs italiens. Aprés la vérification de ses
papiers, il a pu contirruer sa route.
A Marseille, la nouvelle
des derniers incidents a provoqué une effervescence très grande.
Les quai, ainsi que les usines, sont gardés par la police et par
la gendarmerie, car l'on craint des rixes.
[NB. Leca, notre représentant
consulaire à Cagliari, contrairement à ce qui a été dit par certains
journaux, était à son poste quand l'incident du Carthage s'est
produit, et ne l'a pas quitté.]
La mission ottomane
Marseille, 19 janvier.
La mission ottomane
qui se trouve à bord du Manouba se compose de 27 infirmiers du
Croissant-Rouge, sous la direction des docteurs Eymin bey et Rifki
effendi.
Au point de vue postal,
le Manouba transportait sacs de dépêches pour Tunis et un sac
pour Tripoli.
L'irritation à
Tunis
On apprend ici que
le vapeur français Manouba, de la Compagnie mixte, venant de Marseille,
et qui devait arriver dans la matinée à Tunis, a été arrêté, hier
soir, en pleine mer, par des torpilleurs italiens qui l'ont saisi
et emmené à Cagliari.
Ce paquebot naviguait
avec le steamer allemand Schleswig, de la compagnie du Norddeutscher-Lloyd,
qui fut égalemenl arrêté, visité, mais autorisé à continuer sa
route sur Bizerte, où il est arrivé dans la matinée.
C'est par le Schlesu
ig que l'office postal fut téléphoniquement informé qu'il ne devait
pas compter sur son courrier. La chambre de commerce de Bizerte
vient de traduire le sentiment public par l'ordre du jour suivant,
voté en séance extraordinaire
» La chambre de commerce
de Bizerte, profondément indignée des actes antiamicaux et injustifiés
de l'Italie, réclame l'intervention du gouvernement français contre
l'atteinte portée à la dignité de la France. Il saura rappeler
l'Italie à une plus juste appréciation de ses obligations à l'égard
d'une nation qui ne cessa de garder une attitude de neutralité.
»
lA VERSION ITALIENNE
Rome, 19 janvier.
On annonce que le
vapeur Mnouba, qui avait été arrêté et conduit à Cagliari par
le navire ayant, débarqué les officiers et soldats turcs qu'il
avait à bord, a été mis en liberté.
On communique, d'autre
part, la note officieuse suivante
Le gouvernement avait
été informé, de source sûre, que de Marseille devaient partir
pour Tripoli, à bord du vapeur Manouba en passant par la Tunisie,
29 officiers et soldats turcs, dont on avait aussi indiqué les
noms.
Ceux-ci étaient dirigés
par deux organisateurs de contrebande de guerre, et portaient
de très fortes sommes destinées à l'armée turque.
C'est à la suite de
ces nouvelles que le Manouba fut arrêté hier matin et conduit
à Cagliari par le navire italien Agordat, On a trouvé, en effet,
à bord les personnes et les sommes indiquées. »
Protestation des
armateurs
Le comité central
des Armateurs de France a adressé au ministre des Affaires étrangères
une lettre dans laquelle il proteste contre la saisie du Manouba
succédant à celle du Carlhage.
Nous avons confiance,
disent les signataires, que vous ne manquerez pas de protester
avec énergie contre une violation continue des conventions qui
assurent le tram¡port libre, sons pavillon neut.rt, entre deux
ports neutres, de marchandises ne rentrait pas dans la catégorie
de la contrebande de guerre absolue.
Il ne vous échappera
pas, au surplus, que tes recours des armateurs contre le gouvernement
capteur sont compromis par le fait que le tribunal des prises
devant lequel ils seront portée est un tribunal purement national
et tout naturellement incliné, par suite, à apprécier favorablement
les actes du gouvernement de la nation à laquelle il appartient.
»
Le comité demande
en terminant â M. Poincaré de soumettre au Parlement la
la convention de la Haye, du 18 octobre 1907, qui prévoit l'élai)lissi:ment
d'une cour internationale des prises 2° la déclaration de Londres
du 26 février 1909 3° le protocole additionnel de qui ont jeté
les bases d'une nouvelle législation maritime. LE "MANOUBA"
Le paquebot Manouba, de la Compagnie de navigation miXte, est
un courrier postal à
marche rapide, affecté
au service de Tunis, où il se trouve en correspondance avec des
j navires desservant les différents ports tu1 nisiens, Sousse,
Monastir, Mehdia, Sfax, Gabès et Djerbah.
Le Manouba, parti
de Marseille mercredi il :nidi, devait arriver à Tunis dans la
nuit de vendredi, à 3 h. 15 du matin*
;|, Dans les bureaux parisiens de la Compa"gnie
de navigation mixte, 5, rue du Faubourg-Poissonnière, on fut très
surpris par ¡la dépêche annonçant la capture du Manouba, et l'on
ne parait pas ajouter grande créance aux bruits mis en circulation
pour justifier l'intervention italienne.
Il est impossible,
nous a-t-on dit, d'accuser sérieusement le capitaine Coste d'avoir
favorisé la contrebande de guerre. Le paquebot-poste qu'il commande
ne touche aucun des ports de la côte et dessert directement Tunis,
où la surveillance est très active, surtout en ce moment. L entreprise
serait donc des plus téméraires, et, pour notre noue doutons que
le capitaine Coste s y soit jamais prêté.
LE DROIT DE LA MER
Les incidents du Carthage et du Afanouba, survenant d'ailleurs
après quelques incidents du même ordre; démontrent combien imparfaite
demeure la législation internationale en matière de droit maritime.
Quelques conventions qui aient été signées jusqu'ici, les droits
et obligations des neutres^ la nomenclature des contrebandes de
guerre, les prérogatives qui résultent pour la puissance bloquante
de la déclaration du blocus, d'autres données essentielles encore,
restent plus ou moins incertaines. Du moment cp^en temps de guerre,
les armateurs et les commerçants des pays non belligérants doivent
s'en remettre à la mansuétude ou au doigté des belligérants, d'innombrables
litiges peuvent surgir. Déjà le conflit armé de l'Italie et de
la Turquie, qui n'engage qu'une seule puissance navale, a'eréé
à la navigation, soit par l'abus du droit de visite, soit par
l'extinction des phares, de multiples difficultés. Qu'adviendrait-il
au cas d'un conflit armé entre deux puissances navales de premier
rang, et dont les croiseurs sillonneraient toutes les mers à la
recherche des paquebots à-capturer ou à visiter. Dans l'état actuel
des échanges, le trafic universel subirait un énorme, préjudice.
La conférence de la
Haye de 1907 s'était attachée à ces matières complexes du droit
maritime, que la cenvention de 1856 n'avait envisagées qu'en gros.
L'Amérique avait voulut faire prévaloir ce principe capital, que
la propriété privée ne pourrait plus être confisquée sur mer le
pillage est interdit dans la guerre terrestre pourquoi ce pillage
même réglementé est-il toléré sur l'Océan ? Mais les délégués
des Etats-Unis n'obtinrent qu'un tiers des voix.
Il serait vraiment:temps
que le droit maritime fût internationalement établi dans toutes
ses parties, et aussi qu'il s'adaptât mTèts aax besoin* de l'activité
Sion'dlate
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