TEXTE reproduit sous
les "images".
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La Translation des Restes de Savorgnan de Brazza
Avant de mourir, le grand
explorateur Savorgnan de Brazza avait dit sa volonté d'être
inhumé à Alger, au cimetière de Mustapha. Déférant
à ce désir suprême, la veuve du défunt fit
construire un monument à Mustapha, sur l'emplacement offert par
la Ville, et ordonna la translation des cendres qui a eu lieu le 22
décembre avec un apparat officiel.
Arrivée la veille, la dépouille mortelle de Savorgnan
de Brazza était exposée dans une chapelle ardente que
le commandant du Félix Touache avait fait dresser à son
bord. Mme veuve de Brazza, le comte de Chambrun, député
de la Lozère, beau-frère de l'explorateur, accompagnaient
le cercueil.
Les autorités civiles et militaires vinrent s'incliner respectueusement
devant les restes de l'ancien Gouverneur général du Congo,
puis commença l'imposante cérémonie décrite
par les instantanés de nos photographes.
Le défunt étant commandeur de la Légion d'honneur,
les honneurs militaires étaient rendus par un bataillon de zouaves,
avec le drapeau et la musique, commandés par le colonel Gard,
du 1er zouaves, un piquet de marins sans armes escortait la prolonge
d'artillerie drapée de pavillons tricolores et ornée de
palmes vertes.
Parmi les notabilités présentes on remarquait : MM. Varnier,
secrétaire général, représentant le Gouverneur
général de l'Algérie, en France ; Verne, préfet
d'Alger, représentant le Gouvernement ; le général
Bailloud, commandant le XIXème Corps d'armée : les généraux
Bertrand du Grancey, Drude ; les commandants Drogue et Grandconseil,
le lieutenant de vaisseau Laffont, de la maison militaire du Gouverneur
général.
MM. Salmon et Moreau, secrétaires généraux de la
Préfecture ; Aynard, directeur du cabinet ; David, Merciecca,
Luciani, conseillers de Gouvernement ; Démontés, adjoint
au Maire, représentant M. Savignon ; Serre, docteur Fuster, Jamar,
Pamart, Rozier, conseillers municipaux : le contre-amiral Arago, commandant
la Marine en Algérie ; Vacher, premier président de la
Cour d'Appel ; Lacanaud, directeur, et Lys du Pac, rédacteur
en chef de la Dépêche Algérienne : Boutier, directeur
de l'Agence Africaine ; Moucheront, directeur des Douanes ; Jourdan,
président du Tribunal de Commerce : Day, directeur du P.-L.-M.
algérien ; Rouzaud, directeur des chemins de fer algériens
de l'Etat ; Dousseau, chef de cabinet du Préfet ; Huré,
chef de cabinet de M. Varnier ; commandant Chaylard ; Dollin du Fresnel,
agent commercial du P.-L.-M. ; Willot, inspecteur général
des Postes et Télégraphes: Armand Mesplé, président
de la Société de Géographie; Pelleport, vice-président,
et une délégation des membres de la Société
; de Samboeuf et une délégation des membres de la Ligue
Nationale ; Cherfils et une délégation de la Ligue Maritime
: Coudray, directeur de la Compagnie de Navigation Mixte ; Petit, architecte
; Mélia, consul du Pérou ; Burke, consul du Portugal :
l'agha Lakdar : Ali Chérif, conseiller général
; les représentants des Consulats généraux à
Alger; des délégations d'officiers de tous les corps de
la garnison et de la Défense mobile, etc.
Salué par l'exécution de la Marche funèbre, de
Chopin, le cercueil fut placé sur la prolonge et les personnages
officiels prirent place au centre du carré formé par les
troupes pour entendre les discours.
M. Varnier prit le premier la parole :
" Je ne veux pas ici, dit-il. retracer la carrière de M.
de Brazza et mettre en lumière les services qu'il a rendus à
la Patrie : une voix plus autorisée que la mienne s'est acquittée
de cette tache.
" Je viens saluer, au nom du Gouvernement de la République,
la dépouille mortelle de de Brazza à son arrivée
dans cette deuxième France et redire encore bien haut la reconnaissance
de la Mère-Patrie. Je veux aussi dire, au nom de l'Algérie,
combien elle est heureuse d'avoir été élue pour
garder le précieux dépôt que nous allons aujourd'hui
confier à son sol ; quelle émotion et quelle fierté
nous avons ressenties en apprenant que la digne compagne du grand homme
nous remettait le soin de veiller sur son précieux trésor.
". Nous déposons aux pieds de Mme de Brazza nos hommages
respectueux, l'expression des remerciements de toute la population algérienne.
"
Définissant la carrière de Savorgnan de Brazza, l'orateur
poursuit :
" Lui, le conquérant pacifique, l'homme si bon. si désintéressé,
suivait d'un il particulièrement attentif la politique
du Gouvernement envers les indigènes. Il appréciait les
idées de justice et de bonté qui sont les bases de cette
politique. Justice d'abord : pour faire respecter notre domination,
nous ne voulons user qu'avec une stricte équité de la
force dont nous sommes dépositaires ; bonté aussi : pour
faire aimer cette domination, et non pas cette bonté dédaigneuse
qui se borne à atténuer les souffrances physiques, à
améliorer les conditions d'existence matérielle, mais
bonté affectueuse, telle que l'éducateur la ressent pour
ses enfants : bonté faite surtout de confiance dans l'avenir
de la race au profit de laquelle elle s'exerce. Nous voulons, nous espérons
fermement rapprocher de nous nos sujets musulmans en les faisant participer
à nos connaissances et à notre idéal..."
Et M. Varnier terminait en ces termes : " Nous chercherons ici
notre réconfort, nous tournerons nos regards vers le coteau de
Mustapha où repose le bon Français qui n'a jamais désespéré,
qui a, malgré tout, toujours persévéré et
avec un courage si simple, une abnégation si complète,
à su mener à bien la grande tache qu'il s'était
tracée : ouvrir de nouvelles et vastes surfaces à la civilisation
el rendre la France plus grande et plus glorieuse. "
D'autres discours furent prononcés : par M. Verne, au nom du
Gouvernement ; par M. Démontés, au nom de la Municipalité
; le général Bailloud, au nom de l'Armée, et M.
Pelleport, au nom de la Société de Géographie.
Après les discours, le carré lut rompu et, devant le corps,
devant Mme de Brazza, le comte de Chambrun et le comte de Richement,
représentant la famille, le bataillon de zouaves défila
au son de la marche de Sambre-et-Meuse.
Le cortège s'ébranla ensuite. Immédiatement après
le cercueil venait un sous-officier de zouaves portant, sur un coussin,
les décorations du défunt.
Le deuil était conduit par la veuve de l'explorateur, son frère,
M. de Richemont et M. Brunache, administrateur de commune mixte, ancien
compagnon de mission de Savorgnan de Brazza.
L'absoute fut donnée à la chapelle Sainte-Marie, étincelante
de lumière et drapée de noir. Puis le cortège se
dirigea, par le boulevard Bru. vers le cimetière de Mustapha.
En présence des autorités le cercueil fut placé
dans le caveau de famille où les restes de Savorgnan de Brazza
dormiront du dernier sommeil dans cette terre africaine à laquelle
il donna sa vie et qui gardera ses cendres.