PREFACE
Sous le nom de Sciences anthropologiques,
on désigne actuellement trois disciplines dont l'avènement
ne remonte qu'au milieu du siècle dernier, et qui ont pour but
commun l'étude de l'Homme dans son évolution et dans celle
de ses civilisations.
C'est d'abord l'Anthropologie, qui envisage
l'Homme en lui-même, tant les races de nos jours que celles qui
vivaient autrefois et ne nous sont plus connues que par leurs restes fossiles.
C'est ensuite l'Ethnographie, qui s'occupe
des caractères culturels des groupes humains, c'est-à-dire
des civilisations : celles des peuples primitifs que l'histoire laisse
de côté et celles des peuples évolués dont
l'analyse laisse sou-vent reconnaître la persistance de maint élément
archaïque.
C'est enfin la Préhistoire, science
des Hommes d'avant l'histoire, qui ne se révèlent à
nous que par les rares vestiges qui ont résisté à
l'usure des siècles.
En Afrique du Nord, ces trois sciences prennent
un intérêt particulier. Séparés de l'Europe
par la Méditerranée, du reste du continent africain par
l'immensité du Sahara, les habitants de cette région ont
eu jusqu'à un certain point un développement autonome. Mais
leur isolement n'était pas absolu : dès
l'époque de la Pierre polie, l'Homme a sillonné la Méditerranée
; peu auparavant, à l'époque mésolithique, et à
plusieurs reprises durant l'âge de la Pierre taillée qui
l'a précédée, le désert saharien avait fait
place à une contrée fertile où circulaient des hordes
de chasseurs et, plus tard, des pasteurs. L'Afrique septentrionale a ainsi
recru des apports du Nord et du Sud, tandis que par l'Est, le long de
la zone côtière, elle était en relation avec le delta
égyptien et, par l'intermédiaire de celui-ci, avec l'Asie.
Ainsi se sont développés les
traits qui donnent à la préhistoire, à l'anthropologie
et à l'ethnographie de l'Algérie ses caractères particuliers.
Nous savons maintenant que, pendant une durée qu'il n'est pas exagéré
d'évaluer à 3 ou 400.000 ans, ce pays a vu prospérer
ces premières civilisations paléolithiques, Chelléen,
Acheuléen et Moustérien, que l'on retrouve dans une partie
de l'Europe, au Sahara et en Afrique orientale. La faune était
alors différente de celle d'aujourd'hui. Le climat aussi n'était
pas le même. L'Homme de ces périodes ne nous est pas encore
connu, mais les trouvailles faites au Maroc nous apprennent qu'ail Moustérien,
tout au moins, il était représenté par un type extraordinairement
primitif, l'Homo Neanderthalensis, dont l'équivalent se retrouve
en Europe.
Après le Moustérien, l'âge
de la Pierre en Algérie prend un caractère spécial.
Plusieurs civilisations se succèdent, Atérien, Capsien,
Ibéro-maurusien, qui n'ont plus de rapport avec celles de l'Europe,
tandis qu'elles ont leur parallèle en Afrique orientale et méridionale.
A l'Homme de Néanderthal se substitue une nouvelle race, venue
sans doute du Proche-Orient et parente des Cro-Magnon d'Europe occidentale,
mais beaucoup plus brutale d'aspect, la race de Mechta, dont les grottes
et les escargotières du département de Constantine ont livré
de nombreux spécimens. Cette race a disparu à son tour,
mais à l'Est, elle avait envahi le Maroc et occupé les îles
Canaries où les Guanches, que les Espagnols combattirent au XVIe
siècle, en ont été sans doute les derniers survivants.
Avec l'âge de la Pierre polie, on voit apparaître les Hommes
modernes, auteurs de gravures et de peintures sur rochers qui, de l'Algérie
méridionale, débordent sur une grande partie du Sahara alors
largement habité, Hoggar, Fezzan, Tassili, Tagant, et nous apportent
de précieux renseignements sur les meurs et le genre de vie de
leurs auteurs. Tous ces Hommes venaient probablement de l'Est ; ce sont
les ancêtres directs des Méditerranéens, la race de
base de la population actuelle. II n'est pas sans intérêt
de noter que les recherches anthropologiques ont montré qu'à
côté de cette race, deux autres contribuent essentiellement
à former cette population : la race alpine et la race nordi-que.
Avec des proportions différentes, ce sont les trois mêmes
types que l'on rencontre en Europe occidentale. Nord-Africains et Français
sont beaucoup moins distincts anthropologiquement, qu'on aurait pu le
supposer.
Toutes ces données ne se sont que
progressivement dégagées de l'ignorance totale où
nous étions encore à ce su jet au début de ce siècle.
Ce sont les recherches et la persévérance admirables de
nombreux préhistoriens, en tout première ligne desquels
il faut citer M. Reygasse, les recherches aussi de divers anthropologistes,
en particulier MM. Bertholon et Chantre, qui ont permis d'édifier
une histoire nord-africaine qui n'est plus celle de tel ou tel peuple,
ou de telle ou telle nation mais, dans un sens autrement plus large, celle
de l'Homme. C'est à cette histoire qu'est consacré le Musée
du Bardo. Les remarquables collections archéologiques, qui y sont
réunies, révèlent le développement des civilisations
humaines en Algérie et au Sahara pendant l'immense espace de temps
qui s'est écoulé entre l'arrivée des premières
populations préhistoriques dans ces territoires et l'aube des périodes
historiques. Des collections anthropologiques encore en formation, mais
dont il faut espérer qu'elles pourront elles aussi être un
jour présentées au public, montrent la succession des races
dans ces mêmes contrées.
Mais cet ensemble serait incomplet si les civilisations actuelles étaient
laissées de côté ; elles aussi sont envisagées.
L'ethnographie des populations urbaines avec tous les détails de
leur vie journalière est l'objet de remarquables reconstitutions,
tandis qu'une place spéciale est réservée aux grands
nomades sahariens :Touareg Hoggar en particulier, dont les éléments
culturels les plus caractéristiques en sont présentés
avec autant d'art que de science. Grâce à ces séries
dont MM. G. Marais et M. Reygasse ont été les infatigables
collecteurs, ces civilisations, si proches de nous mais déjà
en voie de désagrégation rapide, nous apparaissent dans
tous leurs traits essentiels.
Ainsi conçu, le Musée du Bardo, magnifique création
du Gouvernement Général de l'Algérie, est une réalisation
dont on ne saurait trop souligner la valeur. Dans aucune autre contrée
de l'Afrique, on ne rencontre un tel ensemble, exposition systématique
de l'évolution des cultures et des Hommes, des temps les plus reculés
jusqu'à nos jours. Les collections préhistoriques de ce
Musée, ses séries de gravures et peintures rupestres sahariennes,
certaines de ses séries ethnographiques, sont des documents uniques.
De France et de l'étranger les spécialistes viennent les
consulter. Mais, pour l'Algérie, le Bardo est mieux encore que
cela : c'est le livre qui montre comment, sur ce coin de terre africaine,
lentement et péniblement, durant des siècles et des siècles,
l'Homme est parvenu à se dégager de l'emprise de la Nature
et à créer des civilisations qu'il n'a cessé, qu'il
ne cesse de perfectionner.
H. V. VALLOIS.
Directeur de l'Institut
de Paléontologie Humaine de Paris
LE
PASSE DU BARDO
Sur le passé de cette belle villa
algéroise, sur l'homme de goût qui la bâtit vraisemblablement
au XVIIIe siècle et sur ses premiers occupants, nos renseignements
demeurent imprécis. Le nom de Bardo qu'elle porte, déformation
probable du " Prado " espagnol, nous fait penser au somptueux
palais que les sultans Hafcides possédaient dès le XVe siècle
dans la banlieue de Tunis. Telle est peut être l'origine de la tradition
qui concerne notre villa. Elle l'attribue comme résidence à
un doble tunisien exilé, que nous identifions volontiers avec l'énigmatique
prince Omar ( Ou Mustapha ben Omar, d'après la
légende d'un dessin du Capitaine Longuemare, daté de 1832
et représentant le " divan ", salle ouverte de la cour.)
mentionné par Henri Klein dans ses Feuillets d'El-Djezaïr.
Acquis après 1830 par le général Exelmans, le Bardo
fit' retour en des mains musulmanes, celles de Ali Bey, agha de Biskra.
Celui-ci la revendit à un français, M. Joret, qui l'accommoda
à ses besoins, l'agrémenta de plantations et ajouta notablement
à la parure de ses salles et de ses cours. Ce propriétaire
était fort riche : il adjoignit à la partie basse de vastes
communs, écuries et remises, qui, à la faveur de larges
passages taillés dans les murs et de plafonds vitrés, purent
abriter les collections de préhistoire. Par surcroît,
ce propriétaire était artiste et passionné de musique
: le grand salon, où Camille Saint-Saëns se fit entendre,
est devenu la salle du Sahara et du Hoggar. Ces adjonctions laissaient
au reste intacte la partie proprement musulmane de la villa. Celle-ci
se présente comme un type heureusement conservé de ces maisons
des champs, où les citadins de la ville barbaresque aimaient à
se reposer avec leur famille durant les mois d'été.
UNE
VILLA BARBARESQUE
Au bout d'une voûte de grands arbres,
la demeure blanche apparaît, avec les cubes étagés
de ses murs et de ses terrasses. Un escalier plaqué de faïences
bleues accède au porche dont la porte massive, cloutée,
verrouillée et bardée de fer, s'ouvre (PL. 1) ; et, passant
sous la logette d'où un esclave de confiance surveillait les allées
et venues des étrangers comme des gens de la maison, on débouche
dans la cour pavée de marbre.
L'eau chante au-dessus d'une vasque ; le grand rectangle d'un bassin reflète
les architectures et les bouquets de palmes ; un cyprès élève
vers le ciel son obélisque sombre. (PL. 2 et 3).
Trois galeries encadrent la cour lumineuse
de leurs colonnades et de leurs arcs en fer à cheval. L'un de ces
portiques surélevé s'enfonce et se rétrécit
en mirador, qui domine les vergers et la campagne du Sahel (Pl. 4). On
imagine sans peine le maître de maison recevant ses amis dans l'agréable
pénombre de cette salle largement aérée et leur donnant
le plaisir d''une collation et d'un concert.
Au bout d'une autre galerie, un pavillon fermé s'offre pour un
repos plus discret.
Sous la troisième galerie s'ouvre une salle de réception.
Dans un renfoncement (" Qbou ") creusé en face de la
porte, des divans devaient accueillir les visiteurs.
Suivant l'usage, cette partie antérieure de la maison était
en effet accessible aux étrangers. Elle servait aussi de passage,
et des salles basses à usage domestique, celliers et cuisines,
y prenaient jour. A l'opposé de l'entrée, un porche semblable
au premier donnait accès au jardin potager. Dans l'une des chambres
de service fut reconstitué - sans doute par le propriétaire
européen du Bardo - un intérieur de café maure (G)
pourvu ,de son foyer et de ses étagères.
Par une porte cintrée, on pénêtre dans l'habitation
proprement dite. Du vestibule (" Sqifa ") orné de toute
une collection de faïences, l'étranger admis à entrer
gravissait un escalier étroit qui conduit au premier étage
ou plutôt au rez-de-chaussée de la maison ; car la déclivité
du terrain le met presque au niveau d'une seconde cour aujourd'hui rétrécie
par l'aménagement de la rue qui longe le Bardo.
Une porte s'ouvre sur cette autre façade, elle donne entrée
à un second vestibule couvert d'une coupole et à un couloir
(PL. 5) en chicane conduisant au patio (A) qu'encadrent les chambres
cliquer sur
l'image pour agrandir
Le
patio
|
Cette cour intérieure est d'une ordonnance
architecturale fort remarquable (PL. 6) ; mais qui n'est. d'ailleurs pas
exceptionnelle dans les villas de la banlieue d'Alger. Les huit arcs sur
colonnes de pierre qui en circonscrivent les quatre côtés
- deux arcs sur chaque face - portent une grande coupole octogonale, qui
en fait plutôt un hall qu'un patio semblable aux cours centrales
des maisons de ville.
Les deux chambres à coucher (B.C.)
qui le bordent en équerre diffèrent également de
celles des demeures urbaines. Sans doute y retrouve-t-on la même
proportion très large et peu profonde, que commande la portée
réduite des poutres ; sans doute présentent-elles ce renfoncement
médian, si caractéristique à Alger comme à
Tunis ; mais nous sommes ici à la campagne ; l'indiscrétion
des voisins n'est pas à craindre ; la vie du harem est moins secrète
et plus libre ; on ne peut se refuser de jouir de la vue du domaine et
de la clarté du ciel, celle-ci n étant plus assurée
par le patio. Les fenêtres trouent largement le mur du fond, voire
un des petits côtés.
Ajoutons que la maison présente d'autres commodités fort
appréciables. Un escalier, montant de cet étage, conduit,
en même temps qu'à des chambres hautes, à un hammam
privé, ce bain de vapeur étant l'accessoire traditionnel
des riches intérieurs algérois. La petite salle carrée
à demi obscure est couverte d'une coupole qui conserve la chaleur.
Le foyer placé au dessous, qui en chauffe le réservoir et
le pavage, sert aussi de four pour cuire le pain.
LE
MUSÉE D'ETHNOGRAPHIE URBAINE
Tel est le cadre de la section d'ethnographie
urbaine. Il présentait par lui-même une caractère
local trop marqué et une valeur d'art trop réelle pour qu'on
ne s'efforçât de les conserver, tout au moins de ne pas en
compromettre le charme par un aménagement trop rigoureusement didactique
des collections.
La plus belle chambre (B) donnant sur le patio (A) a résolument
été traitée comme une reconstitution d'intérieur
algérois, tel qu'il pouvait en exister vers 1830, tel celui qu'avait
pu voir Eugène Delacroix, qui nous en a laissé une admirable
et très véridique image. On s'est librement inspiré
de ce chef-d'oeuvre de la peinture française " Femmes d'Alger
dans leur intérieur ".
Deux femmes de la riche bourgeoisie musulmane reçoivent une amie
et devisent avec la visiteuse autour du café et des friandises
qu'une négresse vient de servir (PL. 7).
Les maîtresses de maison sont habillées de la veste longue
(ghlîla) largement decolletée sur la chemise (qmedja), qui
passe par dessus le haut du pantalon (sarwâl), et de la foûta
de soie nouée autour des reins. Elles sont coiffées du foulard
(mharma) qu'agrémentent le diadème
('açaba) et les épingles trembleuses (wardat). L'étrangère
est vêtue du qaftan ; sur la tête elle porte la çarma,
sorte de hennin métallique. L'habillement de la négresse
consiste, outre la chemise, en une frimla, petit corsage serrant le haut
du torse, et en une foûta de toile rayée.
Si les vieux vêtements authentiques
- maintenant hélas, démodés -, que portent les mannequins
du sculpteur Dideron, trahissent par leur coupe l'influence levantine,
les étoffes sont pour la plupart d'importation européenne.
Il en va de même du grand lit à colonnes, meuble italien
en usage à Tunis et à Alger, des coffres sculptés
également italiens, des soies et velours gênois ou lyonnais
qui, assemblés, composent les haïtis, tentures murales, des
brocarts qui couvrent les divans et les coussins, des glaces de Venise
et des verreries de Bohême.
Quelques accessoires disséminés
dans la chambre disent les travaux et les loisirs de la vie du harem.
Un berceau somptueusement recouvert de damas bleu et or évoque
les soins attentifs de la mère de famille. Un métier à
broder est tendu, sur lequel traîne une vieille écharpe qui
servira de modèle. Un narghilé de cristal - analogue à
celui qui figure dans le tableau de Delacroix - se dresse dans l'embrasure
d'une fenêtre. Aux barreaux d'une autre fenêtre, une cage
se balance, un luth pend à l'étagère...
Absent de cette réunion féminine,
le maître du logis n'est représenté que par son turban,
qui coiffe une patère voisine du grand lit.
Dans le patio à coupole (A) sont exposés,
outre un grand brasero de fabrication européenne, des fontaines
et autres vases de cuivre, produits de la dinanderie algérienne
ou tunisienne, des lanternes dont on se servait dans la ville barbaresque,
des coffres et des étagères découpées dont
les artisans locaux n'ont pas perdu la tradition.
La seconde chambre (C) est consacrée au costume et aux industries
qui s'y rapportent.
Une grande vitrine groupe seize petits mannequins représentant
les types les plus caractéristiques de vêtements en usage
dans les trois départements algériens.
Ces documents ethnôgraphiques, établis grâce à
la collaboration des ouvroirs ou écoles et de personnalités
musulmanes des différents centres, sont d'autant plus précieux
que les conditions nouvelles de la vie font rapidement évoluer
les modes dont ils fixent le sou-venir (PL. 8 à 21).
Une série de photographies d'une femme d'Alger, permet d'étudier
le haïk, la grande draperie si comparable au peplos antique, et elle
montre les temps successifs de son ajustement.
Une seconde vitrine haute renferme deux grandes figures représentant,
l'une la mariée de Tlemcen le jour de la noce, avec les tatouages
'et le costume rituel, l'autre la jeune épousée lors de
la réception donnée sept jours après. Des robes musulmanes
et juives d'un beau style archaïque, des vestes féminimes
et des cor-sages précieusement brodés complètent
la garniture de cette vitrine.
Un mannequin fait connaître le vieux costume que les bourgeois tlemceniens
portaient encore il y a une quinzaine d'années : le qabboût,
veste courte à capuchon en grosse étoffe brune agrémentée
de motifs de couleurs, la veste de toile bleue, la ceinture de laine et
le pantalon de toile grenat. De même origine, une jellaba, grand
manteau fermé à capuchon et à manches courtes voisine
avec cette effigie du passé.
Dans une vitrine basse ont été réunis les différents
types de chaussures, depuis les traditionnelles babouches sans quartier
ni talon, qui ne couvrent que le bout du pied, jusqu'aux souliers brodés,
dont la forme atteste l'intrusion des modes européennes. Des sandales
de bois (gabgâb) en usage dans la maison et au hammâm sont
présentées sur une étagère.
Faisant pendant à cet ensemble, une vitrine et une étagère
semblables groupent divers types de coiffures : les chechia coniques que
portaient naguère les femmes de Tlemcen et de Constantine ; les
chechia tasse des jeunes filles, qui s'ornent parfois d'un motif décou
pé et d'un gland d'or ; les chéchia hémisphériques
des hommes et des enfants ; les beniqa, bonnets algérois en étoffe
brodée et les koûfiya de Constantine et de Tunis, de forme
analogue.
Le mdhel, grand chapeau en sparterie, dont les Arabes surmontent la large
calotte du gannoûr, occupe le bas de la vitrine.
La çârma, cette étrange tiare métallique d'origine
vraisemblablement syrienne, qu'Alger connût depuis la première
moitié du XVIII0 siècle jusqu'au milieu" du XIXe, est
représentée par divers échantillons et par un dessin
qui en montre l'ajustement.
L'outillage des artisans du costume réuni dans cette salle, du
fabricant de belgha (pantoufles de cuir), du brodeur sur cuir ou sur velours,
de la brodeuse sur toile ou étamine, du passementier (notamment
un métier archaïque de tissage aux cartons) fournira aux ethnographes
des documents sur une activité industrielle périmée
ou en voie de disparition.
Un placard contient quelques miroirs à main naguère en usage
chez les coiffeurs.
La porte voisine donne entrée dans une petite salle (D) consacrée
à la Tunisie.
Les costumes féminins y garnissent une vitrine haute. Autour d'un
buste de femme de Mandiya sont disposés les vestes et les énormes
pantalons lamés d'argent des Tunisiennes. Au sommet s'étend
un de ces voiles de soie au centre noir et aux deux bouts tissés
de jaune et rouge, travail des artisans de souche andalouse, dont les
femmes de Tunis se couvraient la tête, il y ,a de cela quelques-
années, et dont l'usage appartient .aujourd'hui au passé.
La fabrication des chechia est aussi une
industrie apportée en Tunisie par les Musulmans chassés
de la péninsule ibérique. Une grande vitrine plate réunit
tout leur outillage, ainsi que des pièces en cours de fabrication,
depuis le bonnet tricoté jusqu'à son dernier état
après foulage, teinture et peignage. Les termes techniques uniquement
empruntés à l'espagnol attestent l'origine du métier
et de ceux qui le pratiquent encore (PL. 22).
La salle voûtée (E) qui donne
sous un des portiques de la cour de marbre est consacrée à
diverses activités masculines. Dans le renfoncement médian,
c'est la vie guerrière : une panoplie groupe les longs fusils au
bois incrusté d'argent et orné de corail, les pistolets
et les sabres, les éperons et les ceintures à cartouchières.
Une selle brodée se dresse accostée d'étendards.
La vie religieuse et intellectuelle ainsi que les rites populaires trouvent
place à gauche. On y voit une de ces cathèdres où
siègent les professeurs de mosquées. Au mur sont suspendus
un drapeau de confrérie et des enluminures représentant
le sanctuaire de la Mekke. Dans une vitrine sont exposés, outre
un gros turban, coiffure authentique d'un mufti d'Alger, un beau manuscrit
et des planchettes à Coran, des chapelets et des bougies, des boîtes
à talismans et une tasse entièrement gravée de formules
pieuses, dont l'effet bénéfique doit soulager les malades
qui y boivent.
A droite, une seconde vitrine à deux étages contient une
collection à peu près complète des instruments de
musique nord-africains.
En bas, c'est la musique bédouine : le hautbois (gnaïta, zorna)
et les flûtes de roseau (qoçba, zemmara), depuis la grande
flûte à la voix grave jusqu'au chalumeau ; et ceux qui marquent
le rythme : le gros tambour (tobal), les crotales de fer (qrâqeb),
dont les nègres accompagnent leur danse, et le grand tambourin
(gallal) creusé dans le bois, avec lequel les aèdes populaires
scandent leur mélopée et récoltent les offrandes.
La partie supérieure renferme les instruments de l'orchestre citadin
; d'abord les plus vénérables : le gânoûn (cithare),
le rbâb (rebec) à deux cordes avec son archet archaïque
et le 'oûd, ancêtre du luth qui en gardait le nom, éléments
sonores qu'ont générale-ment remplacés le violon
européen, le piano, voire la guitare hawaïenne ; puis les
instruments à percussion : les tambourins de poterie, la derbouka
algérien-ne et la tarija du Maroc, le tambour de basque (târ)
à plaques vibrantes et le tambourin carré (deff).
Bien que satisfaisant à des besoins apparemment moins nobles, la
cuisine est un fait de civilisation que l'on ne saurait tenir pour négligeable
et qui, lui aussi, intéresse l'ethnographie. Les ustensiles dont
elle dispose sont réunis dans une petite chambre (F) contigüe
à celle que nous quittons. Récipients pour le transport,
la conservation et la cuisson des aliments y sont groupés, notamment
le grand plat de bois (guessa'a), le fourneau de terre, la marmite et
le vase au fond per-foré (keskes) utilisé pour la préparation
du couscous, mets quasi-national des Nord-africains (PL. 23).
Enfin, on a reconstitué dans le cadre
architectural préparé à cet effet, l'intérieur
d'un café maure (G), qu'un peintre algérien a décoré
de naïves enluminures (PL. 24). Le foyer est pourvu de son récipient
où chauffe l'eau qui sera versée bouillante dans les cafetières
individuelles ou les petites théières. Des tasses pour le
café et des verres pour le thé s'alignent sur l'étagère,
et les clients pourront savourer le breuvage choisi en jouant aux dominos,
aux dames, au trictrac ou aux car-tes. Ces différents jeux trouvent
naturellement place dans cette dernière salle consacrée
.à l'ethnographie urbaine.
LA
PREHISTOIRE
Huit grandes salles sont consacrées
à la préhistoire . outillage lithique, oeuvres d'art, mobilier
funéraire. Dans les diverses salles du Musée, les collections
sont classées dans l'ordre chronologique. Le plan annexé,
planche 43, précise d'autre part la disposition des salles et des
vitrines. Enfin seules les pièces les plus caractéristiques
actuellement exposées seront signalées, indépendamment
de milliers d'autres classées dans les réserves et qui sont
surtout destinées aux recherches scientifiques.
SALLE N° 1
consacrée à la technique, à
l'historique
des découvertes et à la morphologie comparée
Cette salle est en cours de réorganisation et de modernisation.
Elle sera consacrée à la technique, à l'historique
des découvertes et à la morphologie comparée. Il
y sera présenté des vitrines de moulages d'oeuvres d'art
préhistoriques, de séries d'initiation telles que "
Les pierres taillées ", " L'évolution générale
des industries préhistoriques ", etc..., ainsi qu'une carte
(au 1/1.200.000e) de la distribution des industries préhistoriques
de l'Afrique du Nord et du Sahara jusqu'au Niger, établie par M.
Reygasse.
SALLE N° II
Paléolithique ancien
Vitrine n° 1 : Collection César - Acheuléen - Sahara
occidental.
n° 2 : Acheuléen - El Ma El Abiodh.
n° 3 : Paléolithique ancien de la région de Tébessa.
n° 4 : Acheuléen - El Ma El Abiodh.
n° 5 : Découvertes paléolithiques et néolithiques
dans la région de Ouargla.
n° 6 : Industries paléolithiques et néolithiques relevées
dans le Tidikelt.
n° 7 : Paléolithique inférieur
de l'Oasis de Négrine (Sud Constantinois).
n° 8 : Paléolithique inférieur
de S'baïkia (Sud Constantinois).
n° 9 : Paléolithique inférieur d'Aoulef Chorfa Tidikelt.
n° 10 : Paléolithique inférieur - Carrière de
Si Abderrahmane - Casablanca.
: Paléolithique inférieur - Erg Tihodaïne.
n° 11-12 : Acheuléen - El Ma El Abiodh (planche 25).
n° 13 : Paléolithique inférieur - Erg Tihodaïne.
n° 14 : Paléolithique spécial de l'Oued Mahrouguet (Sud
Constantinois).
n° 15 : Paléolithique ancien du Lac Karar.
NOTE. - Les objets et documents exposés proviennent
des collections découvertes au cours des fouilles de MM. Ayme,
Balout, Barbin, César, Flamand, Huguenot, Girod, Jean, Latapie,
de St Martin, Mellis, Meunier, Neuville, Pallary, Reygasse, Roffo, Ruhlmann,
Strahleim, Touchard.
|
|
L'examen des documents exposés dans cette salle,
permet d'avoir une idée très précise de l'évolution
du paléolithique inférieur dans l'Afrique du Nord.
Les stations paléolithiques relevées au Nord de l'Atlas
donnent des formes absolument identiques à celles des niveaux classiques
d'Europe.
Dans l'extrême Sud Saharien, au contraire, (fouilles César
pour le Sahara Occidental, et Reygasse pour le Sahara Oriental), la présence
de nombreux tranchets synchroniques des haches taillées doit être
au contraire rapprochée des industries de l'Afrique du Sud.
Parmi les séries exposées, il en est une qui, par la splendeur
des formes et la richesse des spécimens, mérite de retenir
l'attention. Il s'agit de la technique acheuléenne d'El Ma El Abiodh
(vitrines 2, 4, 11, 12).
SALLE N° III
Vitrine n° 1 : Paléolithique moyen d'Aoulef Chorfa.
n° 2 : Acheuléen - paléolithique moyen - Aïn-Fritissa
(Maroc).: Atérien du puits des Chaâchas.
n° 3 : Atérien de l'Afrique du Nord.
n° 4 : Moustérien de Bir El Ater (planche 26)
n° : 5 Paléolithique inférieur et moyen de l'Afrique
du Nord.
n° 6 : Paléolithique inférieur et moyen de l'Afrique
du Nord.
n° 7 : Atérien de l'Oued Djebbana.
n°8 : Atérien de l'Oasis de Négrine (Sud Constantinois).
n° 9 : Techniques diverses du Tidikelt.
n° 10-11 : Techniques particulières de S'Baïkia (Sud Constantinois).
n° 12 : Moustérien de Bir El Ater. Moustérien de Hassaï
El Boul.
n° 13 : Moustérien de Bir El Ater.
n° 14 : Atérien d'Oum El Tine (Tunisie). Atérien de
l'Oued Djebbana. Atérien d'Aïn El Mansourah.
n° 15 : Atérien de l'Oued Djebbana (pl. 27).
Dans cette salle consacrée au paléolithique moyen, ont été
réunis des éléments extrêmement riches provenant
du Sud Constantinois et du Sahara Central.
L'examen de ces séries permet de constater qu'il a existé
en Afrique du Nord une technique du paléolithique moyen absolument
identique aux séries européennes : le moustérien
classique.
(Voir en particulier le moustérien de Bir El Ater, vitrines 4,
12, 13 et le moustérien d'Hassaï El Boul - Sud Constantinois
- Tébessa).
Dans cette même salle, a été également rassemblée
une riche série de l'industrie du paléolithique moyen qui
avait toujours été considérée à tort
comme extrêmement récente, contemporaine de l'âge des
métaux. Il a été donné à cette industrie
le nom d'atérien. C'est à cette période que sont
apparues pour la première fois avec un outillage
moustérien, les premières for-mes d'armes de jet, pointes
de flèches pédonculées massives, outils divers présentant
un pédoncule, grattoirs, lames simples et lames à dos, burins,
qui offrent beau-coup d'analogie avec les formes du paléolithique
supérieur.
Enfin, toujours dans la même salle n° 3, sont exposées
des pièces provenant du Sud Constantinois (S'Baïkia), pierres
taillées sur les deux faces qui donnent morpho-logiquement un terme
de passage très net entre les formes du paléolithique inférieur
(acheuléen) et les for-mes du paléolithique supérieur
(solutréen). Cette industrie porte le nom de S'Baïkien (vitrines
10 et 11).
SALLE N° IV
Vitrine n" 1 : Techniques diverses de Fort-Flatters.
n° 2 : Capsien des Ouled Sidi Abid.
n° 3 : Capsien de Chéria.
n°4 : Découvertes diverses de l'Afrique du Nord.
n°5 : Capsien de Saf-Saf (planche 28). n° 6 : Capsien de Bir Zérif
El Ouaar.
n" 7 : Néolithique du Tidikelt (Nezia Hadj Ahmed).
n° 8 : Néolithique d'Abd El Hadim.
n° 9 : Capsien de Bir Zarif El Ouaar.
n°10 : Capsien de Chéria.
Capsien de l'Henchir Oued Melloul.
n° 11 Riches séries de moulages provenant du Musée de
St-Germain, représentant des pièces classiques de l'Art
Aurignacien et Magdalénien d'Europe.
n° 12 Industries diverses du Sahara Occidental.
n°13 : Industries diverses de la région de Beni-Abbès.
Cette salle est réservée aux industries
du paléolithique supérieur et aussi en partie au néolithique.
L'évolution du paléolithique supérieur dans l'Afrique
du Nord présente de grandes différences avec l'évolution
de ces industries en Europe.
En effet, nous avons eu en Europe à cette période trois
civilisations bien connues : l'aurignacien, le solutréen, le magdalénien.
Dans l'Afrique du Nord; le paléolithique supérieur est caractérisé
par une indus-trie désignée sous le nom de capsien composé
d'un ensemble d'outils de pierre, très légers, harmonieux
de forme comprenant de nombreux couteaux, grattoirs, burins, poinçons
en os. Cette industrie de la pierre présente beaucoup d'analogies
avec l'aurignacien français. Ces techniques sont en particulier
bien représentées dans la région de Gafsa et de Tébessa,
tandis que sur le littoral, de Casablanca au Cap Bon paraît s'être
développée une civilisation littorale peut-être synchronique,
connue sous le nom d'ibéro-maurusien.
Les éléments les plus caractéristiques du capsien
exposés proviennent de fouilles dans le Sud Constantinois : Chéria
(vitrines 3 et 10), Saf-Saf (vitrine n° 5), Bir Zérif el Ouaar
(vitrines 6 et 9) Henchir Oued Melloul (vitrine 10).
L'Afrique du Nord n'ayant pas connu les civilisations solutréenne
et magdalénienne, pas plus que les for-mes d'art mobilier de l'aurignacien,
la vitrine n° 11, renferme à titre de comparaison, des moulages
des pièces les plus classiques de ces périodes provenant
du Musée de St-Germain.
Trois vitrines sont enfin consacrées au néolithique saharien
:
Vitrine
n° 1 Fort Flatters.
n° 7 Néolithique du Tidikelt (Nezia Hadj Ahmed).
n° 8 Néolithique d'Abd El Adhim, Grand Erg occidental.
A cette époque, apparaissent pour la première
fois des haches en pierre polie, de formes très pures, de minuscules
pointes de flèches, admirablement retouchées sur les deux
faces. L'homme connaît aussi la poterie et c'est de cette période
que date également la domestication des animaux ainsi que les premiers
rudiments de l'agriculture.
SALLE N° V
Vitrine n° 1 : Série de moulages de crânes :
a) pithecantropus erectus (Trinil - Java).
b) homo neanderthalensis (Spy - Belgique).
c) homo neanderthalensis (La Chapelle aux Saints - Corrèze).
d) homo sapiens fossilis (Cro Magnon - Dordogne).
Reproductions de pièces européennes de l'âge de la
pierre polie, du bronze et du fer - Moulages du Musée de St-Germain).
Statuettes néolithiques de Tabelbalat (Sahara Oriental).
n° 2 : Tête de bélier, idole de Tamentit
(Gourara).
nos 3-4 : Monolithes recouverts d'inscriptions tifinar (Hoggar).
Riches séries de meules dormantes et de broyeurs néolithiques
sahariens de provenances diverses.
n°: 5-6 : Statuettes néolithiques sahariennes diverses et pièces
de comparaison américaines.
SALLE N° VI
Vitrine n° 1 : Ibero-maurusien de la Mouillah (près de Marnia
- Oran).
n°2 Technique tardenoisienne de Negrine - (Planche 29).
: Néolithique du Damous El Ahmar (C.M. de Tébessa).
n°3: Néolithique du Damous El Ahmar (C.M de Tébessa)
n°4 : Néolithique saharien. (Sahara occidental)
n° 5 : Néolithique saharien.
n° 6 : Sahara Occidental.
n° 7 : Monuments mégalithiques de Gastel.
n° 8 Monuments mégalithiques de Castel. Monuments mégalithiques
divers.
La vitrine n° 1 renferme des specimens très caractéristiques
de l'industrie ibero-maurusienne typique de la Mouillah (province d'Oran).
A côté on peut remarquer une série identique de la
province d'Alger.
Dans la vitrine n° 2, est exposé un bel ensemble
de pièces de technique tardenoisienne relevé dans l'Oasis
de Négrine (Sud Constantinois). Cette industrie est absolument
identique aux formes les plus pures découvertes en Europe dans
les gisements tardenoisiens
classiques.
Il y a lieu de signaler la remarquable industrie néolithique
du Damous El Ahmar (C.M. de Tébessa) - (vitrine n° 3). Cette
fouille a donné pour la première fois des oeufs d'autruche
complets ayant servi de récipients, de grands couteaux en silex
blond d'une finesse de taille et de dimension tout à fait exceptionnelle,
des haches polies, des molettes et broyeurs enduits d'ocre rouge, galets
gravés, gravures sur oeufs d'autruche, parures en oeufs d'autruche,
poteries ; etc...
De très nombreux éléments de la civilisation
mégalithique sont réunis dans les vitrines 7 et 8. Ce mobilier
archéologique comprend quelques bijoux et de nombreuses poteries.
Aucune sépulture préhistorique en pierres sèches
pouvant être attribuée à l'âge de la pierre,
n'a été découverte en Afrique du Nord. D'autre part
dans les divers monuments funéraires mis au jour, aucune arme ou
bijou pouvant être attribué à l'âge du cuivre
et aux divers stades de l'âge du bronze n'a été trouvé.
Les principaux monuments funéraires qui ont livré
le mobilier exposé sont :
a) les tumuli : kerkour ou redjem en arabe, bazina en berbère,
simples tas de pierres au-dessus du sol.
b) les chouchets : monuments funéraires de forme cylindrique, leur
nom vient de leur ressemblance avec une chéchia.
c) cercles de pierres.
d) dolmens.
Les tumuli et les chouchets sont spécifiquement
berbères ; on les rencontre dans toutes les régions colonisées
par eux. Gsell signale leur existence dans les Iles Canaries et divers
explorateurs en ont retrouvé jus-qu'au Soudan. Il a même
été signalé récemment l'existence de chouchets
berbères au Bornou et au Tibesti.
Ces formes ont duré dans les diverses régions de l'Afrique
du Nord, jusqu'à la conquête musulmane.
L'ère de distribution des dolmens est beaucoup plus restreinte,
on n'en connaît aucun dans le Sahara. Le mobilier archéologique
le plus archaïque relevé dans les dolmens ne paraît
pas antérieur au III° Siècle avant notre ère.
Les plus récents ne sont probablement pas postérieurs au
IIIe Siècle après J.-C.
Il a été réuni dans les vitrines 7 et 8 une très
riche série de pièces archéologiques provenant, en
particulier, de la riche nécropole de Castel (Sud Constantinois)
(Planche 30). La plupart des poteries exposées sont des poteries
indigènes. Cependant on peut constater dans les diverses formes
des influences carthaginoises et gréco-romaines.
SALLE N° VII
Derniers documents provenant du Sahara Central, (Hoggar et Tassili des
Ajjers).
Art Préhistorique
Les reproductions les plus caractéristiques des
oeuvres d'art préhistoriques sont exposées sur les murs
des salles 2, 3, 4 et 5. Les statuettes néolithiques sont groupées
dans la salle n° 5.
Les salles 2, 3, 4, renferment des reproductions de gravures rupestres
des Ksour du Sud Oranais.
Les gravures et peintures des salles 4 et 5 ont été relevées
au cours de missions dans la Vallée de l'Oued Djerat en pays touareg
Ajjers.
Les oeuvres étudiées dans cette vallée
peuvent être divisées, comme dans tout le Sahara d'ailleurs,
en deux grandes catégories :
A) les gravures archaïques ou gravures rupestres proprement dites,
d'un réalisme parfait, reproduisent au début une faune bien
différente de celle actuelle et contemporaine d'un Sahara très
humide pouvant être comparé au régime actuel du Tchad
et du Zambèze.
B) les gravures libyco-berbères, plus récentes, caractérisées
par une grande décadence et par l'apparition de nombreux animaux
domestiques et en particulier du chameau.
Les oeuvres les plus anciennes sont caractérisées
par une patine très sombre souvent identique à celle de
la roche encaissante, le trait large, évidé est générale-ment
poli. Beaucoup d'animaux sont reproduits en grandeur naturelle. La faune
de ce premier groupe a des affinités nettement tropicales : Hippopotames,
Rhinocéros, Eléphants, Girafes, Bubales, Antilopes, Bovidés,
Autruches et Echassiers. L'homme de cette période est généralement
nu, armé de l'arc et masqué.
39
Ces oeuvres archaïques d'un style réaliste
remarquable, peuvent être comparées aux plus belles manifestations
de l'art préhistorique de l'Europe. A ces lointaines périodes
l'homme ne connaissait encore ni l'agriculture, ni la domestication des
animaux. Dans l'Afrique du Nord, comme chez tous les primitifs, l'art
avait à ces époques une valeur magique profonde. (Planches
31 et 32).
Les oeuvres des premiers pasteurs apportent des éléments
nouveaux méditerranéens : animaux domestiques, chevaux,
bovidés, chèvres. Au début quelques éléments
de la faune ancienne subsistent encore : girafes, autruches. La technique
de ces oeuvres est encore remarquable par le fini de l'exécution,
l'observation des attitudes et le réalisme. Dans ce groupe, l'homme
est généralement armé du javelot et de l'arc. Le
costume présente des affinités avec l'Egypte, l'Espagne
orientale, et la Crête (Planche 33). Les reproductions de gravures
et de peintures représentant des chars attelés de chevaux
peuvent être attribuées au premier siècle avant notre
ère (Planche 34). Bien plus tard, vers le Ille Siècle, à
l'arrivée, en grand nombre, du chameau dans le Sahara, on retrouve
avec la reproduction d'une faune identique à celle de nos jours,
des personnages armés de la lance et du bouclier rond. Ces oeuvres
décadentes, accompagnées dans le Sahara Central de caractères
libyques actuellement utilisés par les Touareg, ne présentent
plus aucune valeur artistique. On verra dans la salle n° 5 plusieurs
reproductions de ces graffiti libyco-berbères,
Statuettes néolithiques
Dans la salle n° 5, est exposée la totalité
des statuettes néolithiques appartenant au Musée du Bardo.
A plusieurs reprises, des statuettes dénotant un art du polissage
de la pierre remarquable ont été découvertes dans
le Sahara Algérien. En 1905, le Commandant Touchart relevait dans
le Sahara Oriental, à Tabelbalet, entre In-Salah et Ghadamès,
six statuettes en pierre polie qui paraissaient entourer un tombeau (planche
35). Leur forme générale est comparable à un pain
de sucre surbaissé à base arrondie, dont la hauteur moyenne
est de 0,25 à 0,40. La partie supérieure représente
une tête humaine, la bouche fait toujours défaut, les yeux
sont parfois vaguement représentés. Au moment de leur découverte,
ces statuettes anthropomorphes étaient encore l'objet d'un culte
de la part des Touareg.
Dans l'oasis de Tamentit, capitale historique du Touat,
une statuette néolithique représentant une tête de
bélier a été trouvée par M. Martin, officier
interprète. Ce document est déposé au Musée
du Bardo, salle n° 5. Une autre statuette représentant un bovidé,
trouvée à Silet près d'Abalessa a été
remise au Musée par le Capitaine Jean. Ces sculptures de bovidés
et d'ovins, de la période néolithique sont sans aucun doute
en relation avec les cultes zoomorphes déjà signalées
dans les gravures et peintures de l'Afrique du Nord.
Ethnographie saharienne
Dans la partie supérieure du Musée une grande
salle (H) donnant sur les jardins du Palais d'Eté a été
réservée à l'exposition d'objets provenant du Sahara
Central et en particulier du Hoggar. Beaucoup de ces objets sont aujourd'hui
devenus introuvables. Dans cette salle, l'armement est représenté
par des séries de lances, boucliers, et poignards. Tous les éléments
du harnachement, selles diverses de mehara, les bijoux, les bracelets
en pierre, bois gravé, cuir incisé, les costumes d'hommes
et de femmes, les jouets d'enfants y figurent en de très nombreux
exemplaires (Planche 36).
Dans cette salle, est exposée la totalité des documents
recueillis à Abalessa dans le monument de Tin Hinan. D'après
la tradition, c'est dans ce monument qu'aurait été inhumée
la première reine du Hoggar. Les documents et les photographies
prises au cours des fouilles permettent d'établir que ce tumulus
de dimensions exceptionnelles, (26 m. 25 de grand axe, 23 m. 75 de petit
axe et 4 m. de hauteur moyenne) est un fort romain qui pourrait être
daté du IV° Siècle de notre ère. Une seule salle
aurait été utilisée pour servir de lieu d'inhumation
à Tin Hinan.
Le mobilier archéologique recueilli dans la première salle
était d'une richesse exceptionnelle : sept splendides bracelets
d'or, huit bracelets en argent pur, grains et éléments de
colliers en or, pierres perforées et polies d'origine carthaginoise
qui se retrouvent jusque dans le golfe de Guinée. Une lampe romaine
au type de la victoire du III' Siècle, ainsi que des empreintes
de monnaies de Constantin ont permis de fixer la date de ce monument célèbre.
Poteries Berbères
Dans la partie supérieure du Musée du Bardo,
à gauche du grand patio, une salle (I) a été réservée
à l'exposition de poteries berbères (Planches 37 et 38).
Les principaux centres de fabrication représentés sont
ALGER
Adelia
Azzefoun
Beni Douala
Beni Ourlis
Djendel
Dra El Mizan
Fort National
Miliana
Ouadhias
Oumalou
Palestro
Port Gueydon
Tablat
Taourit Amokrane
Ténès.
|
ORAN
CONSTANTINE
Ait Ichen
Arris (Aurès)
Bouzina (Aurès)
Cap Aokas
Djidjelli
Feraïa
Négrine
Oum el Bouaghi. |
Les décors de ces poteries rectilinéaires présentent
des ressemblances frappantes avec ceux des vases qui se fabriquaient dans
la Méditerranée Orientale aux premiers
âges du bronze (3e millénaire) et qui sont surtout connus
par des trouvailles faites dans l'île de Chypre.
Dans cette salle, a été rassemblée une série
de bois sculptés, de boites à poudre, provenant du Sud Constantinois,
ainsi qu'une série d'instruments chirurgicaux encore utilisés
par les populations de l'Aurès pour la trépanation ; quelques
travaux de sparterie des populations berbères de l'Aurès
complètent ces collections
LABORATOIRE
CENTRE DE RECHERCHES
Le réaménagement du Musée du Bardo
a rendu possible l'installation d'un petit laboratoire d'Archéologie
et d'Anthropologie préhistoriques. Il occupe une salle indépendante
du musée mais contigüe aux collections de Préhistoire.
Il se complète d'un bureau occupé par le professeur de Préhistoire
à l'Université, chargé de mission au Bardo. On a
regroupé dans ce bureau la bibliothèque encore très
rudimentaire du musée.
Bien qu'équipé rapidement, le laboratoire constitue dès
à présent un instrument de travail dont l'absence était
particulièrement regrettable.
Sa création a répondu en effet à une triple préoccupation
:
- Sur le plan pédagogique, donner aux étudiants le moyen
de faire les exercices pratiques indispensables à leur formation
technique.
- Dans le domaine de la recherche, assurer la préparation et l'étude
des documents provenant des fouilles et entrant dans les collections,
en particulier des squelettes d'hommes préhistoriques, généralement
ex-humés à l'état fragmentaire et dont les os s'altèrent
et se désagrègent rapidement à l'air.
- En exécution du plan de modernisation du
Musée, classer les objets à exposer, mettre au point leur
présentation avant mise en place dans les vitrines.
En bref, on a voulu tirer les conclusions logiques dé-coulant des
décisions prises en 1948 par le Ministre Gouverneur Général
de l'Algérie : l'une mettant les collections du Bardo à
la disposition de la maîtrise de conférences d'Ethnographie
et Archéologie préhistorique de l'Afrique du Nord ; l'autre
chargeant M. L. Balout, titulaire de cet enseignement à l'Université,
de suivre les recherches préhistoriques effectuées en Algérie.
Bien que n'ayant que quelques mois d'existence, le laboratoire semble
avoir pleinement justifié sa création. Une série
considérable de documents anthropologiques y a été
réunie et soumise à l'examen du Professeur Henri Vallois,
Directeur de l'Institut de Paléontologie humaine, en mission auprès
de la Direction des Antiquités de l'Algérie. Ces précieuses
reliques du passé font maintenant l'objet d'une restauration scientifique
propre à garantir leur conservation et à permettre leur
étude (Planches 39 à 42).
D'autre part, la publication d'une série de " Travaux d'Anthropologie
préhistorique effectués au laboratoire du Bardo " a
été entreprise : les deux premiers numéros sont à
l'impression ; la préparation technique de plusieurs autres est
achevée.
Ainsi étudiants et collaborateurs trouvent enfin au Bardo un organisme
moins préoccupé que le Musée proprement dit de la
seule conservation des objets anciennement recueillis, et plus orienté
vers les investigations et les techniques nouvelles.
C'est en ce sens que le laboratoire devient un centre de recherches ou-vert
à tous. Sur cette table un étudiant classe le produit de
fouilles dans la banlieue d'Alger ; cet autre s'initie à la technique
de préparation des ossements fossiles. Ici sont entreposés
avant dénombrement et étude, les résultats des fouilles
d'une mission étrangère, là se poursuit la restauration
de crânes humains vieux de milliers d'années.
Appelé à recueillir des documents nombreux pour constituer
les séries indispensables aux méthodes de l'Anthropologie,
à étendre pour la même raison son activité
jusqu'aux temps historiques, à recevoir les spécialistes
venant travailler en Afrique du Nord, à centraliser les découvertes
des chercheurs français et des missions étrangères
autorisés à prospecter en Algérie, le petit laboratoire
du Bardo s'avère déjà trop exigu. Aussi son extension
et l'enrichissement de soi équipement technique sont-ils à
l'étude afin qu'il puis-se continuer à remplir son rôle
au rythme même des découvertes.
|