-le drame des disparus en Algérie
extrait de " aux échos d'Alger, mars 1999, n°64 "

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Extrait d'un rapport exceptionnel et inédit sur « Le drame des disparus en Algérie »(février 1964)


C'est par milliers que des Français d'Algérie, musulmans, chrétiens et israélites, ont été enlevés par le F.L.N. quelques-uns entre le 1er novembre 1954 et les Accords d'Évian (18 mars 1962) mais la plus grande partie entre le 18 mars 1962 et l'indépendance de l'Algérie (1er juillet 1962) ou pendant les semaines qui ont suivi.
Si, à ce jour, les enlèvements massifs d'Européens ont à peu près cessé, en raison même de l'exode de cette population, des " rapts" isolés, surtout de femmes, se produisent encore à l'heure actuel le.
Il est extrêmement difficile d'avancer un chiffre rigoureusement exact; en ce qui concerne les musulmans, on estime ,grosso modo, à 10.000 le nombre des disparus. Ce chiffre s'ajoute aux 150.000 musulmans assassinés au moment de l'indépendance.
Notons, au passage, que ce chiffre de 150.000 morts résulte de renseignements recueillis par les autorités militaires françaises et qu'il est vérifiable en faisant le compte village par village, douar par douar, ville par ville, des " veuves de la Libération ", c'est-à-dire des femmes dont les maris ont été abattus dans des conditions souvent atroces et barbares, lors des jours et des semaines qui ont précédé cette proclamation de l'indépendance.
Citons deux chiffres à cet égard : BOGHARI, petite sous-préfecture du département du TITTERI dans l'Algérois, compte 700 " veuves de la Libération ",AIN BOUCIF, village voisin en compte 400.
Ces " veuves de la Libération " ne perçoivent plus d'allocations familiales parce que ce sont " des femmes de traîtres ". Quant à leurs enfants, qualifiés fils et filles de traîtres, ils ne sont pas admis dans les établissements scolaires " pour des motifs d'ordre public ".
En ce qui concerne les chrétiens et les israélites, les chiffres sont très variables. Le Prince de BROGLIE, secrétaire d'État aux affaires algériennes du gouvernement français a donné deux chiffres : le 7 mai 1963 devant l'Assemblée Nationale, il indiquait: 3.080 disparus. 1er novembre 1963 devant le Sénat, il donnait : environ 1.800 personnes disparues.
Le 19 novembre, le sénateur DAILLY déclara devant le Sénat (Journal Officiel page 2571):
" Il est maintenant certain que 2.100 personnes civiles ont été enlevées après les accords d'Évian après les 400 militaires dont 50 ont été enlevés, eux aussi après les accords d'Evian ".
Revenant sur le chiffre de 3.080 qu'il avait donné le 7 mai 1963 devant l'Assemblée Nationale en réponse à une question de M. René PLEVEN, M. de BROGLIE affirme aujourd'hui qu'il y a environ 1.800 personnes disparues. Ce chiffre correspond à celui des cas enregistrés par l'Association de Défense des Droits des Français en Algérie qui n'a, cependant, pas la prétention d'avoir pu faire un recensement complet, certaines familles étant demeurées en Algérie, et d'autres n'ayant pas voulu se faire connaître. Il semble que le chiffre produit par le ministre soit, véritablement, un minimum.

Aucun contrôle n'ayant été exercé par la France au moment de l'exode des Français d'Algérie, il est impossible de connaître à 50.000 unités près, le nombre de personnes dont on est encore sans nouvelles. Or, si le Comité International de la Croix Rouge peut donner, à dix unités près, le nombre des Hongrois ayant quitté leur pays au moment des événements de Budapest, ou celui des Nord-Coréens ayant gagné le sud après Pan-Mun-Jong, il est dépourvu de tous moyens d'estimation en ce qui touche les Français d'Algérie...


On se bornera à souligner deux faits:

- C'est après les accords d' Evian et souvent même après la proclamation de l'indépendance algérienne que plus de 2.000 personnes ont été enlevées, séquestrées, torturées, soumise à des traitements dégradants et souvent assassinées.

Cette constatation permet d'apprécier à sa juste valeur la thèse selon laquelle les accords d'Evian, geste de sage politique du plus haut degré, ont jeté les bases d'une coopération confiante entre la France et le nouvel État algérien.

2 - Un millier d'hommes et de femmes vivent encore (ou vivaient encore il y a quelques semaines) dans des camps de travaux forcés, dans des mines ou dans des maisons de prostitution.

Le gouvernement français préfère nier obstinément ce fait et laisser sans suite les ouvertures dues à des initiatives non officielles, qui auraient pu conduire à la libération de quelques-uns de ces infortunés.

La conscience du monde civilisé qui s'émeut à juste titre quand les droits de la personne humaine sont violés où que ce soit sur la terre, continuera-t-elle à opposer un silence honteux à la tragédie des disparus d'Algérie.