MEURAD, le cadet de
la Mitidja
-----Corréard en 1938
était tombé éperdument amoureux de I 'Algérie.
C'est par un ton lyrique qu'il décrivait les environs de Meurad.
-----Qu'on en juge:
-----"La Mitidja blidéenne, c'est
un ensemble de vallées qui s'écoulent vers deux fleuves
sans qu'on puisse distinguer la ligne de partage des eaux, tant le niveau
de l'ensemble est uni. Sans transition vient la pente raide des montagnes
formant, depuis la mer, une longue rangée de crêtes qui s'élève
lentement jusqu'à atteindre ici plus de mille mètres au-dessus
de la plaine. Elle est abrupte et verdoyante, accueillante
et majestueuse. De plus en plus fière apparaît sa ligne,
à mesure que la nuit approche. La mélancolie du soir étend
ses soupirs sur la terre, sans en éteindre la joie. Nous sentons
aussi les soupirs des vents qui font une alternance étrange, suivant
les inflexions de la route, entre les brises fraîches qui viennent
du Tell et les effluves chauds que jette le siroco saharien.
-----L'ombre n'est pas assez grise encore
pour que nous ne puissions voir, en appuyant sur la droite, ces jardins
qui nous montrent que ceux des Hespérides n'étaient pas
une chimère. Combien elle est éblouissante cette apparition
des fruits d'or! Chacun deux, fixé à la branche par son
pédoncule, entouré de feuilles effilées comme les
femmes de Boticelli, recherche la structure parfaite de la sphère
: les inégalités révèlent l'essence vivante
et diversifient, dans l'ensemble, la répétition harmonieuse
des formes. Pommes d'or, disaient les Grecs ! Mieux que de l'or, cette
variété de couleurs où le jaune du métal est
nuancé de rouge, pour les fruits mûrs, de vert pour ceux
qui portent encore en eux les espoirs infinis de la jeunesse ! Et des
centaines de fruits sur chacun de ces milliers d'arbres font une admirable
synchromie, capable de lutter avec une symphonie beethovenienne par sa
puissance de beauté ".
-----Il est vrai que c'est non loin de là,
à Boufarik que se développait la Mitidja et partant l'Algérie
française. Meurad vit le jour en 1875.Il est le dernier né
des 38 villages de la Mitidja et fut fondé près du premier
(1857) des 18 grands barrages de retenue d'eau de l'Algérie française.
-----Outre son barrage, Meurad doit son expansion
à la vigne.
-----Marc Monnet, hélas aujourd'hui
décédé, avait fort bien étudié Meurad
dans un article de l'Algérianiste de décembre 1988. voici
ce qu'il en disait : " Meurad ne comptait que 3 ans d'existence en
1878 et il avait déjà plus de 34 hectares de vignes. A l'âge
de 13 ans, en 1888, son vignoble s'étendait sur 364 hectares. Nous
ne braquerons pas cependant notre projecteur sur la prolifération
des sarments déjà plusieurs fois décrite dans d'autres
monographies. Son barrage et une de ses propriétés pieds-noirs
serviront de support à une méditation sur l'hydraulique
et la réforme agraire.
Innovation hydraulique
et réforme agraire
-----Cet ouvrage d'art fait
partie d'une série qui s'inspire de la technique espagnole des
barrages réservoirs. L'autre grande catégorie comprend ceux
du programme hydraulique de 1920 qui prit pour exemple les Etats-Unis
d'Amérique. Tout en voyant grand, les Assemblées algériennes
surent limiter leurs ambitions. Les ouvrages prévus furent réalisés,
on baptisa l'un d'eux "Gouverneur STEEG" de même qu'en
Arizona on trouve "HOOVER dam".
-----Après l'indépendance,
les objectifs des programmes planifiés pour l'hydraulique entre
1967 et 1978 comportaient la réalisation d'une vingtaine de barrages,
les réalisations effectives ont été par contre très
faibles puisque 3 seulement ont été achevés au cours
de la période remarque Simon-Pierre Thierry dans " La crise
du système productif algérien ". (Thèse en sciences
Economiques, Université de Grenoble, 1982 page 139). Quand en 1956
la réforme agraire, voulue par Guy Mollet et appliquée par
Robert Lacoste, décréta la redistribution des terres irrigables
au-dessus de 50 hectares, par expropriation, la CAPER (Caisse d'accession
à la propriété et à l'exploitation rurale)
pièce maîtresse de la réforme, racheta une propriété
pieds-noirs de 320 hectares.Cet organisme installa 85 familles sur des
lots voisins de 4 hectares. Les attributaires, liés par contrat
à la CAPER, devaient consacrer l'essentiel de leurs activités
à la culture du raisin de table dont l'écoulement était
prévu par l'intermédiaire d'une coopérative.
-----La CAPER favorisa leur accession à
la propriété rurale. Mais le morcellement de cette grande
exploitation ne dura pas plus de 8 ans puisque durant l'été
1964 les terres loties par la CAPER furent nationalisées et confiées
au secteur autogéré. Celui-ci comprend, à Meurad,
5 immenses domaines dont le numéro 6 appelé aussi Si Messaoudi.
Cette exploitation de 849 hectares souffre de boulimie : elle possède
non seulement des terres dans la commune même mais aussi 250 hectares
sur celle de Marengo et 150 hectares sur les pentes du Sahel dans la commune
de Tipasa !".
-----Aujourd'hui, 37 ans après, on
est effaré de constater le gâchis de cette reforme agraire
sur Meurad en particulier et sur l'Algérie en général.
-----" Ils ont tout pris et ils ont
tout loupé " nous disait dernièrement un agriculteur
du coin qui compte, en attendant, sur de nouvelles réformes.
Une association
-----Chaque année,
depuis 15 ans, les anciens Meuradiens se réunissent à Mazères,
dans 1'Ariège, chez nos amis Marie-Thérése Saurel
et son époux mazérien Jean Plazolles.
-----Une association fut créée
: l'Amicale de l'Olivier en souvenir de cet olivier plus que centenaire
qui vit se fonder Meurad et aux côtés duquel fut édifiée
la Mairie.
Marie-Thérèseet
Jean Plazolles
Avenue de Belpech
09270 Mazères
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