Coïncidant avec le pèlerinage
du marabout de Sidi-Benanem
L'inauguration du monument aux morts de Meurad
a donné lieu à une magnifique fête d'union franco-musulmane
Une brillante fantasia a clôturé la cérémonie
Meurad était en
fête hier. Ce n'était peut- être pas cette joie qu'on
lit sur tous les visages les jours des grandes solennités. Non.
C'était la joie grave, la joie pas d'un enthousiasme exubérant,
mais celle qui reflète le sentiment d'un devoir justement accompli.
Meurad inaugurait le monument élevé à.la mémoire
de ses morts glorieux.
Cette manifestation du souvenir prenait une importance d'autant plus
considérable qu'elle coïncidait avec le grand pèlerinage
musulman au marabout de Sidi Benanem. Aussi Français et Musulmans
étaient-ils intimement mêlés autour du mausolée
qui, dorénavant, rappellera à celui qui traversera ce
charmant petit centre, dominant la plaine de Marengo, le sacrifice de
ceux qui, deux fois en cinquante ans, ont donné leur vie pour
la gloire de la France.
Il n'en fallait pas plus pour que cette fête fut aussi et surtout
une fête de la parfaite union franco musulmane.
La cérémonie d'inauguration
Bien avant l'arrivée des différentes personnalités,
une foule de plus en plus nombreuse se masse sur la place publique devant
l'église. Là, se dresse le monument aux Morts encore recouvert
du pavillon tricolore. La musique du 1er R.T.A. prend bientôt
place face au monument aux Morts tandis qu'un détachement d'honneur
de ce même régiment encadre le mausolée.
Les musulmans venus en foule dess communes mixtes de Cherchell, des
Braz, du Chéliff, de la Mitidja et de plus loin encore assister
au pèlerinage du marabout de Sidi Benanem se rangent devant les
cavaliers de ces communes mixtes. Ceux-ci, montés sur de magnifiques
chevaux et " moukhalas " au poing, font également une
garde d'honneur tandis que " raïtas " et " derboukas
", par leurs mélopées, assurent une monotone musique
de fond.
Il est 9 heures 45. Une brève sonnerie militaire annonce l'arrivée
de M. Delahaut, sous-préfet de Blida. Il est accompagné
de MM. le colonel Dutaret, commandant la subdivision de Blida ; du colonel
Lemière, commandant le 1er R.T.A. et du commandant Intertaglia,
commandant la gendarmerie. Reçu par M. Deron, maire de Meurad,
ainsi que par les élus de la région, parmi lesquels nous
notons MM. Amat, Baretaud et Saoudi, délégués à
l'Assemblée algérienne ; Lestrade-Carbonel et Imalayène,
conseillers généraux ; Végler, maire de Marengo
; le bachagha Laradji de Marceau ; Riboulet, etc..., M. Delahaut se
dirige vers la mairie où M. Deron lui présente les membres
du Conseil municipal, ainsi que les personnalités musulmanes
de la région.
Une brève cérémonie se déroule alors. M.
le sous-préfet de Blida, après avoir rappelé les
mérites du caïd Ben Ghernane, lui remet, au nom du gouvernement,
le burnous rouge d'investiture d'agha. M. Delahaut décore ensuite
M. Gonzalès de la médaille départementale et communale
que ce brave et loyal serviteur de l'administration communale a amplement
mérité par son labeur et sa fidélité.
Le cortège se rend ensuite au monument aux Morts qui est découvert
par le fils d'un mort au Champ d'honneur. Le président de la
section des Anciens combattants fait l'appel de ceux dont le nom s'inscrit
en lettres d'or sur le monument. Dans un silence que ne troublent seulement
que les sanglots étouffés des parents des disparus, une
voix répond " Mort au Champ d'honneur ". Puis de jeunes
enfants dont le père est tombé dans les glorieux combats
de la Libération, des pères et des mères dont le
fils repose en terre étrangère, des épouses qui
ont perdu leur mari en 1914 ou en 1939-45, viennent déposer des
bouquets au pied du mausolée.
M. Delahaut, à son tour, fleurit le monument aux Morts. La musique
du 1er R.T.A. fait entendre la poignante sonnerie " Aux Morts "
suivie de la " Marseillaise ".
Les discours
Le président des Anciens combattants, après avoir, salué
la mémoire de tous ses camarades qui sont tombés pour
la défense de la France, incite les jeunes à venir se
recueillir devant ce monument aux Morts dressé grâce à
des âmes généreuses.
M. Deron lui succède. Il remercie tous ceux qui ont contribué
à l'érection du monument aux Morts, ainsi que les personnalités
qui sont venues présider son inauguration. Le maire rappelle
le sacrifice de tous ceux qui sont morts pour une juste cause et il
demande aux vivants de garder dans leur cur leur souvenir.
Il termine en faisant un appel à l'union.
M. Imalayène dit que Français etMusulmans étaient
unis sur le front et furent unis dans la mort. Il demande que cette
union qui fut la leur se poursuive dans la vie civile.
M. Lestrade-Carbonel désire que le sacrifice de ces héros
ne soit pas vain.
" Nous devons rester unis, dit-il, pour rester Français.
"
Dans sa péroraison, il indique les devoirs qui nous incombent
pour rester fidèle à. la mémoire des disparus.
M, Baretaud félicita la municipalité pour son uvre
pieuse. Grâce à elle, la population et surtout les jeunes
pourront venir se recueillir devant le monument aux morts et trouver
dans le souvenir de ces héros la force de rester unis pour la
grandeur de la France.
M. Delahaut rend, lui aussi, un suprême hommage à la mémoire
de ceux qui sont morts au champ d'honneur et demande que leur sacrifice
ne soit pas oublié. En terminant, il dit que seule une union
féconde pourra garantir une victoire qu'ils ont chèrement
payée.
Pour terminer, le bachagha Laradji prononce une allocution en arabe
et dit notamment :
" Comment ne pourrait-on pas aimer la France, lorsque l'on considère
tous ses bienfaits. "
La fantasia
Cette cérémonie terminée, le cortège officiel
se reforme et se dirige sur les lieux du pèlerinage du marabout
Sidi Benanem. A leur arrivée, les autorités sont saluées
par les acclamations d'une foule enthousiaste de musulmans et les "
youyous " des femmes indigènes.
Les cavaliers des communes mixtes se rangent alors et pendant plus d'une
heure une magnifique fantasia se déroule devant les yeux émerveillés
de nombreux visiteurs venus de toutes les communes avoisinantes, Les
cavaliers font admirer leur virtuosité et leur adresse et font
parler la poudre, tandis que la musique et la nouba du 1er R.T.A. jouent
des airs entraînants.
Enfin, un couscous monstre réunissait à midi les habitants
de Meurad, tous les anciens combattants de la région, ainsi que
les notabilités musulmanes du marabout de Sidi Benanem. Au cours
de ce repas amical, la plus franche cordialité et la meilleure
entente ne cessèrent de régner.