Médecine à Alger, en Algérie
La réorganisation hospitalière et l'équipement sanitaire del'Algérie
Algeria et l'Afrique du nord illustrée, revue mensuelle, septembre 1935.Édition de l'Office Algérien d'Action Économique et Touristique (OFALAC), 26 bd Carnot ou 40-42, rue d'Isly, Alger

 

mise sur site le 2-11-2005...augmentée le

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---------Nous avons, il y a quelque mois, à l'occasion de la présentation aux lecteurs d'Algeria, du futur hôpital psychiatrique de Blida, indiqué dans quel esprit avaient été coordonnés, en Algérie, les services sanitaires, groupés par décision du Gouverneur Général en date du 26 septembre 1932, sous une direction unique : celle de la Santé Publique, confiée au Médecin inspecteur général Lasnet.
---------Auprès de cette direction siège un conseil supérieur de la Santé Publique, institué par un arrêté de même date et qui comprend des commissions techniques spéciales. Elles sont chargées de l'étude des questions d'organisation et des programmes se rapportant au fonctionnement des services d'assistance, ainsi qu'à la lutte contre les maladies sociales. ---------Ces commissions sont au nombre de huit et se répartissent de la manière suivante :
---------Commission des hôpitaux ;
---------Commission de l'Assistance médicale indigène ;
---------Commission de la Tuberculose ;
---------Commission de la Protection maternelle et infantile ; ---------Commission des maladies vénériennes ; ---------Commission des maladies des yeux ; Commission des maladies mentales ;
---------Commission des stations hydro-minérales et climatiques.

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---------On peut juger, par les attributions qui leur sont dévolues, queces commissions poursuivent l'étude de toutes les questions intéressant l'hygiène sociale et médicale.
---------La seule commission des hôpitaux, à l'examen de laquelle nous nous livrons aujourd'hui, nous révélera l'importance de la tâche entreprise et déjà réalisée en partie par la Direction de la Santé Publique.

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UN PEU D'HISTOIRE

---------On peut dire que l'assistance médicale en Algérie était à peu près inexistante avant l'arrivée des Français en 1830. Paludisme, dysenterie, variole, typhus sévissaient partout. Des asiles sans médecins, annexés aux mosquées, recevaient les infirmes, les vieillards et les fous.
---------Un équipement complet de cinq hôpitaux de 300 lits fut apporté par l'escadre de l'amiral Duperré. Avec les troupes du général de Bourmont s'installaient des infirmeries et des ambulances fixes et nos médecins militaires y soignaient militaires, colons et indigènes.
---------Le premier hôpital civil fut créé à Alger en 1831 et la construction des hôpitaux militaires était activement poussée. En 1844, on en comptait déjà 32 avec 13.700 lits. ---------Le statut des hôpitaux date de 1849 et ces établissements, dotés de l'autonomie financière, sont ouverts de la façon la plus libérale à tous les malades sans distinction de race ni de religion.
---------A la fin de l'Empire et à partir de ce moment, l'Assistance publique reçoit une vive impulsion qui se manifeste par la création de la plupart des hôpitaux civils qui existent aujourd'hui. Des sections de vieillards et d'incurables, des dépôts de mendicité sont organisés.
---------En 1894, l'Institut Pasteur est créé et l'Algérie s'oriente vers la lutte contre les maladies contagieuses et sociales.
---------L'extension donnée à la médecine de colonisation permet de sur-veiller davantage l'application des mesures et, peu à peu, disparaissent les épidémies qui, périodiquement, ravageaient le pays choléra, variole, peste, typhus et le paludisme même recule pas à pas.

 

L'EFFORT DEPUIS LA GUERRE

---------C'est vers l'hygiène sociale et la médecine préventive que l'effort a été fait depuis la guerre. La protection sanitaire des indigènes a été la préoccupation dominante de nos gouvernants. Aux médecins de colonisation
dont le nombre accru s'élève actuellement à 112 ont été adjointes des infirmières-visiteuses au nombre de 80, chargées de la surveillance des mères et des nourrissons, et des auxiliaires-médicaux dont l'effectif est de 108, chargés de les assister dans les hôpitaux et dans les tournées des douars.
---------Les crédits pour ces services sont passés de 20 millions en 1920 à 145 millions en 1932.
---------Les lits d'hôpital sont passés en dix ans de 3.600 à 6.671 ; les lits de vieillards de 750 à 2.002.
---------Le corps médical algérien compte, aujourd'hui, plus de 800 praticiens. En 1833, les médecins civils étaient au nombre de 81.
---------Le nombre de consultants augmente à une cadence régulière. De 35.000 en 1914, il est de 74.000 en 1933. La confiance gagne les populations indigènes et les femmes, notamment, sortent de leur claustration pour venir demander des soins. Aussi, en résulte-t-il une diminution de la mortalité et un accroissement régulier de la population.
---------En 1856, la population indigène est de 2.446.000 ; en 1931, elle est de 6.533.000. Cet accroissement qui ne dépassait pas 50.000 unités annuellement a fait de considérables progrès en passant à 91.529 en 1931, 92.958 en 1932 et 104.754 en 1933.
---------C'est la preuve la plus formelle des bienfaits de l'action sanitaire entreprise en Algérie.

L'ASSISTANCE MÉDICALE EN ALGÉRIE

---------L'Assistance médicale de l'Algérie est en pleine réorganisation depuis ces dernières années.

---------Les Assemblées financières ont adopté un programme de 260 millions et 146 millions ont déjà été votés pour son exécution.
---------Ce programme va permettre de doter l'Algérie :
----------D'un réseau hospitalier complet depuis les hôpitaux d'arrondissement aux hôpitaux auxiliaires et aux postes de secours des douars ;
----------d'un équipement très solide de lutte contre la tuberculose avec organes de dépistage, de traitement et de prophylaxie ;
----------d'une bonne organisation de protection maternelle et infantile avec services hospitaliers d'enfants et maternités, crêches, pouponnières, consultations et "Maison de l'Enfance" ;
----------de services de dépistage et de traitement du trachome ;
----------de services de traitement des maladies vénériennes ;
----------de services de dépistage et de traitement de la lèpre ;
----------de services de dépistage et de traitement du cancer avec création d'un centre de recherches.

LA RÉORGANISATION HOSPITALIÈRE

---------L'Administration a poursuivi en 1934, la réalisation du programme de réorganisation hospitalière dont les bases furent posées en 1929.
---------Ce programme comporte la reprise de 21 hôpitaux militaires sur 25 cédés et la construction de 9 hôpitaux nouveaux. Ce vaste plan de réorganisation s'échelonne sur quatre étapes dont les deux premières sont en cours d'exécution.
---------Voici, par étape, les villes dans lesquelles seront réaménagés, reconstruits ou créés, les hôpitaux civils ou auxiliaires prévus au programme :
---------1è étape (première année) . - Miliana, Batna, Bougie, Djidjelli, Mostaganem, Tlemcen, Saïda, Sidi-bel-Abbès.
---------2e étape (deuxième année) . - Aumale, Bou-Saâda, Cherchell, Dellys, Orléansville, Biskra, Guelma, Khenchela, La Calle, Sétif, Arzew, Mascara.
---------3e étape (troisième année) . - Fort-National, Médéa, Ténès, Tizi-Ouzou, Aïn-Béïda, Bordj-bou-Arréridj, Souk-Ahras, Tébessa, Bossuet, Nemours, Tiaret.
---------4e étape (quatrième année) . - Blida, Téniet-el-Haâd.

---------En ce qui concerne la cession des hôpitaux militaires et l'organisation des hôpitaux civils en hôpitaux mixtes, c'est-à-dire, pouvant abriter des civils et des militaires, un accord est intervenu entre la Colonie et le département de la guerre.
---------Depuis la première occupation, les hôpitaux militaires ont continué à recevoir de la manière la plus libérale les malades civils. Mais avec l'organisation nouvelle la formule se trouve inversée : l'Administration passe à l'Assistance publique qui assure elle-même avec son personnel médical les soins de ses malades et réserve au Service de Santé militaire Hôpital de Miliana des salles spéciales où les soldats sont traités par les médecins de
l'armée.
---------En ce qui concerne les hôpitaux militaires cédés l'Assistance publique dispose, dans des conditions de cession avantageuse, des bâtiments si solidement construits jadis par le génie ; en retour l'armée bénéficie pour ses malades de toutes les améliorations introduites par l'Administration civile.
---------La combinaison permet d'éviter de doubles frais généraux et est ainsi très avantageuse pour les deux parties.

L'HÔPITAL MIXTE DE MILIANA

---------Parmi les hôpitaux à créer ou entièrement reconstruits, il en est un, celui de Miliana dont nous publions quelques documents photographiques, qui en sera le prototype.(note du site : à venir!)
---------Sa construction est terminée et son ouverture est prévue pour le mois d'octobre. On procède, actuellement, à l'aménagement intérieur. Il est l'oeuvre de l'architecte Salvador, conseiller technique du Gouvernement Général, qui s'est, depuis quelques années, spécialisé dans la construction des hôpitaux.
---------C'est un très beau type d'hôpital d'arrondissement, parfaitement situé, entouré d'arbres, parure magnifique qui a été respectée au cours de la construction.
---------L'ossature totale de l'immeuble est en béton armé ; les planchers sont en hourdis creux nervurés béton armé ; des dalles de liège ont été prévues pour éviter verticalement la transmission phonique. Les travaux de façade ont été exécutés pour permettre le passage de toutes les canalisations : vidange, chauffage, alimentation et eaux chaude et froide. Ces gaines visitables par des portes mobiles permettent également la ventilation verticale naturelle de chaque salle.
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---------L'hôpital de Miliana a été construit pour une capacité d'environ 220 lits : 60 lits militaires et 160 lits civils. La difficulté était de créer un pavillon militaire nettement indépendant et d'un accès facile à tous les services généraux. C'est ainsi que le bloc opératoire, au lieu de délimiter le côté hommes et le côté femmes, a été placé entre le bâtiment militaire et le bâtiment civil.
---------Dans les 160 lits civils on compte :
----------Au rez-de-chaussée : un service de médecine générale en deux quartiers (hommes et femmes) ;
----------Un service infantile ;
----------Un service vénérien (hommes) .
----------Au 1er étage un service de chirurgie générale en deux quartiers (hommes et femmes) ;
----------Un service spécialités.
---------Au 2e étage : un service contagieux par box séparés ;
----------Un service tuberculeux (hommes et femmes) .

---------Le sous-sol comprend les services généraux, les services de l'économat, les garages, dépôts, etc...
---------Un pavillon situé à l'extrémité de l'hôpital est réservé au logement du personnel.
---------D'autre part, l'établissement est doté d'installation frigorifique, de buanderie mécanique, d'installation de chauffage central. Un système d'absorption des vapeurs et buées est installé dans le sous-sol de l'usine.

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-------Voici d'autre part, quelques précisions, sur les hôpitaux actuellement en cours de construction, de cession ou de transformation.

---------1. - DÉPARTEMENT D'ALGER
---------Hôpitaux de Dellys et de Fort-National. - D'accord avec taire, l'Administration étudie l'échange de l'hôpital de Dellys où l'Armée désire conserver une infirmerie, contre celui de Fort-National.
---------Cette solution paraît la seule susceptible de procurer en ce centre l'hôpital qui y est prévu car il n'y a pas de terrain suffisant qui soit disponible.
---------Une commission mixte a déjà étudié sur place à Fort-National la possibilité de transformer les bâtiments de cet hôpital militaire en hôpital civil en y adjoignant, toutefois, une infirmerie de garnison.
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--------Hôpital de Bou-Saâda. - Il a été cédé à l'Algérie le 1er juin pour fonctionner comme hôpital auxiliaire. Les travaux d'aménagement sont en cours.

---------Hôpital de Tizi-Ouzou. - L'emplacement de cet établisse-ment qui doit être mixte et comprendre 126 lits civils et 24 lits militaires, a été envisagé sur le stand de tir et de tennis de Tizi-Ouzou, terrain offert par la Municipalité.
L'étude de ce projet est actuellement faite par le service des Travaux publics. L'exécution est prévue à la 3e étape mais sera avancée si les crédits le permettent.
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Hôpital de Cherchell. - La cession doit avoir lieu prochainement. On avait d'abord envisagé de transformer cet hôpital militaire en un hôpital auxiliaire géré par la Municipalité ; il a paru plus avantageux d'en faire, pour commencer, une annexe de l'hôpital de Marengo dont une partie des disponibilités seront réservées aux vieillards actuellement en excédant à Marengo.

---------Hôpital d'Orléansville. - Cédé à l'Algérie depuis le 1er mai 1935, il comprend un quartier d'hospitalisation (malades civils et militaires) et, provisoirement, un quartier d'asile pour aliénés tranquilles, ce qui permettra de décongestionner l'hôpital psychiatrique de Blida jusqu'à achèvement des constructions en cours.

---------Hôpital d'Aumale. - La cession de cet établissement avait été demandée mais elle doit être différée jusqu'à achèvement de l'infirmerie de garnison dont les troupes ont besoin.
---------Cette formation qui dispose de 300 lits est destinée à abriter un quartier important de tuberculeux qui recevra une partie des malades chroniques des hôpitaux d'Alger.

---------II. - DÉPARTEMENT D'ORAN

---------Hôpital de Sidi-bel-Abbès. - Les travaux d'exécution sont activement poussés ; hôpital d'arrondissement de 150 lits avec maternité, spécialités et quartier de vieillards.

---------Hôpital de Mostaganem. - Les travaux d'aménagement commencés depuis un an, ne vont pas tarder à être achevés.
---------Cet établissement va constituer un très bel hôpital mixte avec 160 lits civils et 70 militaires ; il disposera d'une maternité indépendante.

---------Hôpital de Saïda. - II sera constitué par l'agrandissement de l'hôpital auxiliaire actuel. L'avant-projet a été approuvé, et on procède actuellement à l'établissement du projet.

---------Hôpital de Tlemcen. - Ce projet a été retardé par les forma-lités d'achat de terrain qui doivent donner lieu à des expropriations.
---------Le plan est à l'étude, il doit comprendre un hôpital mixte de 240 lits dont 130 civils et 1 10 militaires ; si les crédits le permettent il sera construit un quartier d'hospice pour 50 vieillards.

---------III. - DÉPARTEMENT DE CONSTANTINE

---------Hôpital de Batna. - Cet hôpital qui figure à la première étape de la cession devrait déjà être repris par la Colonie ; c'est le mauvais état des bâtiments qui est cause du retard ; les avis divers émis par les architectes ont motivé plusieurs expertises à la suite des-quelles l'étude du projet a été décidée ; dès qu'elle sera au point, les travaux commenceront.

---------Hôpital de Bône. - La reconstruction sur l'ancien champ de manoeuvres, auprès de la gare, avait été décidée l'an dernier. Mais l'étude du terrain a fait ressortir la nécessité de faire des travaux d'assainissement que l'état du budget ne permet pas, pour le moment, d'envisager.
---------Il a donc été décidé que la réorganisation se ferait sur place par extension et utilisation des bâtiments et par construction des autres services nécessaires.
---------Un premier bâtiment sera sous peu mis en chantier.

---------Hôpital de Djidjelli. - Les travaux d'aménagement intérieur sont terminés ; cet hôpital extrêmement coquet et très confortable donne toute satisfaction. Il comprend un quartier d'enfants tuberculeux ganglionnaires ou osseux envoyés pour cure marine (30 lits) ; un quartier indigène (12 lits) ; des chambres séparées pour malades ordinaires et ménages ; et un quartier de 40 vieillards.

---------Hôpital de Sétif. - Les travaux de construction sont commencés depuis 2 mois sur un très bon emplacement à l'entrée de la ville du côté d'Alger.

---------Hôpital de Guelma. - Il est procédé actuellement à la mise au point du projet définitif d'aménagement de cet hôpital.

---------Hôpital d'A ïn-Beïda. - L'hôpital militaire est vétuste et a besoin de beaucoup de réparations ; il semble préférable de bâtir un hôpital civil entièrement neuf.

---------Hôpital de Souk-Ahras. - Il a été prévu le transfert de l'hospice de Souk-Ahras dans les bâtiments de l'hôpital militaire convenablement restaurés, 90 vieillards pourront ainsi être hébergés. Dégagé de cette catégorie d'hospitalisés, l'hôpital civil de Souk-Ahras pourra mettre à la disposition de l'autorité militaire les 35 lits prévus dans le projet de convention et taire face aux besoins hospitaliers de la population civile.

---------Hôpital de Tébessa. - En raison du peu d'importance de cet hôpital il a été prévu qu'il deviendrait une annexe de l'hôpital de Souk-Ahras. Il doit avoir 70 lits dont 13 réservés aux militaires.

---------Hôpital de Bordj-bou-Arréridj. - L'Administration envi-sage de transformer cet établissement en hôpital annexe de celui de Sétif. Il disposera de 40 lits dont 5 militaires.

---------Hôpital de la Calle. - Les travaux d'aménagement de cet hôpital-préventorium sont actuellement en cours.
L'établissement comportera un quartier pour les hospitalisations locales avec 30 lits, c'est la partie qui est mise en construction et un préventorium pour enfants de 150 lits dans les locaux de l'hôpital militaire.

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---------Cet exposé, simple énumération de faits matériels et de chiffres, ne donne encore qu'un faible aperçu de l'oeuvre capitale entreprise par la France en Algérie : celle d'assurer l'Assistance médicale sous toutes ses formes à des populations de toutes races.

Louis-Eugène ANGELI.