Extraits de "l'hommage" de
Simone Veil à son prédécesseur, Pierre Messmer, lors
de son intronisation à l'Académie Française, en présence
de J. Chirac, V. Giscard d'Estaing et N. Sarkozy :
Sur le site de lAcadémie Française,
extrait du discours prononcé par Simone Veil. Fallait voir la tête
de Chirac à ce moment là !
Je névoque pas cette phase de la vie de Pierre Messmer sans
difficulté ni sans prudence. La gravité des événements
et leur extrême complexité nécessitent quon
aborde cette époque avec tact. Il serait malvenu de juger du haut
de notre chaire, nous qui bénéficions aujourdhui du
recul et de la sérénité. Mais
il faut rappeler que ce fut un temps où lon vit les dirigeants
dune grande démocratie intervenir dans le déroulement
de la justice, dicter la composition du haut tribunal militaire chargé
de juger les conjurés, convoquer le procureur pour lui inspirer
les conclusions de son réquisitoire, tenter de peser sur le verdict.
Jusquà la fin de sa vie, Pierre Messmer assumera publiquement
cette attitude, fustigeant la désobéissance au chef de lÉtat,
rappelant sans cesse la nécessité absolue du respect de
la légalité républicaine. En
privé, il se révèlera plus nuancé et, à
la fin de sa vie, entreprendra des démarches discrètes pour
rencontrer le commandant Denoix de Saint-Marc, lhomme qui commandait
le 1er REP lors du putsch dAlger. Quelque quarante ans après
les faits, Pierre Messmer estimera venu le temps de la « paix des
braves ».
Mesdames et Messieurs, on ne peut non plus évoquer
ces temps de malheur sans aborder un douloureux dossier. Ancien magistrat,
métant beaucoup investie pour améliorer la condition
des prisonniers du F.L.N. en Algérie et en métropole, je
nen suis que plus à laise pour aborder une autre page
tragique de notre histoire. En Algérie, des musulmans avaient accepté
de servir dans larmée française. On les appelait les
« moghaznis », ou plus communément les « harkis
». Leurs effectifs sélevèrent à 90 000
hommes et leurs familles. Les accords dÉvian stipulaient
quaucun Algérien ne serait inquiété pour ses
engagements passés, notamment dans larmée française.
Les autorités françaises voulurent croire à ce traité
et mirent tout en uvre pour quil fût respecté.
Pour nombre dofficiers français, ce fut un déchirement
dabandonner à leur sort des hommes qui avaient partagé
leurs combats. Certains décidèrent leur rapatriement en
métropole. Après y avoir un temps consenti, et ouvert des
camps dhébergement, les autorités françaises
publièrent des instructions très strictes mettant fin au
rapatriement. La plupart des harkis durent ainsi rester en Algérie,
en butte à lopprobre et souvent à dhorribles
représailles. Quel fut le nombre de victimes ? Les historiens sopposent
encore sur ces chiffres. La tragédie de ces familles entières
abandonnées laisse en tout cas une tache indélébile
sur notre histoire contemporaine.
Une nouvelle fois, Pierre Messmer se plia à la
rigueur dÉtat, au devoir dobéissance. Plus secrètement,
il souffrit de ce drame, évoquant même
dans des entretiens ultérieurs avec Philippe de Saint-Robert une
situation de « non-assistance à personne en danger ».
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