sur site le 12/82002
-Mars 1962 en Algérie
après les accords d'Évian
Témoignage - Mars 1962 : Camp d'internement de Paul Cazelles (Ain Oussera)
aea n°76, mars 2002.

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-------Dans les jours qui ont suivi le 19 mars 1962, ceux des Français d'Algérie qui résidaient dans «l'intérieur»étaient très mal informés des événements d'ALGER et des manifestations qu'ils entraînaient.
-------Nous savions que des accrochages avaient eu lieu entre la population de BAB-EL-OUED et les troupes chargées de quadriller le faubourg.
-------Un des matins qui suivirent ces premières journées de troubles (entre le 19 et le 26 mars, je pense), mon frère Jean CAZAUBON, pharmacien installé rue Mizon depuis 1948, put me joindre par téléphone à DJELFA où j'étais moi-même vétérinaire-inspecteur depuis 1954.
-------I1 m'apprenait que la population de BAB-EL-OUED était consignée dans ses logements et que les perquisitions accompagnées de rafles de la population masculine avaient pour but de briser toute velléité de résistance aux accords d'Evian. Il croyait savoir que le lieu de destination de toutes les personnes arrêtées était le camp d'internement de Paul CAZELLES (AIN-OUSSERA en arabe) à 50 kilomètres au sud de BOGHARI au coeur des Hauts Plateaux algérois. Leurs familles étaient dans l'ignorance totale de leurs sorts. Je connaissais bien Paul CAZELLES où mes activités m'avaient en particulier fait connaître la famille de Monsieur Auguste BATAILLER et celle de son fils PIERRE.
-------Grâce à eux, j'obtins la confirmation de la réouverture du camp de Paul CAZELLES précédemment occupé par les prisonniers FLN, et que l'on destinait maintenant à CEUX QUI VOULAIENT RESTER FRANÇAIS!
-------Nous avons été quatre de DJELFA à décider de nous rendre à Paul CAZELLES, distant de 100 kilomètres vers le nord. En toute hâte nous avons collecté vêtements chauds et quelques victuailles destinées aux plus démunis. Le vieil officier chargé de la triste mission de " garde-chiourme " , fut heureusement humain et compréhensif II nous autorisa à pénétrer dans le camp et me précisa lui-même le nombre de ses prisonniers: 735.
 

------J'ai moi-même passé ma jeunesse à BAB-EL-OUED, entre 1934 et 1946. J'ai donc très vite été reconnu par d'anciens camarades de classe et par d'anciens élèves de mes parents, instituteurs Place Lelièvre, rue de Normandie, rue des Lavandières et Notre Dame d'Afrique, pendant dix-sept ans.
-------Mon rôle consista donc à établir la liste du plus grand nombre possible d'internés. Ce recensement transmis par téléphone le soir même à mon frère, permit de rassurer les familles. Je peux affirmer qu'il y avait parmi eux des gens bien incapables d'action de révolte, jeunes garçons de 13 ou 14 ans, et personnes fort âgées. Je garde le souvenir d'un vieux Monsieur de 74 ans arraché à son foyer en pyjama, asthmatique sans ses médicaments et qui grelottait de froid dans la bise de mars des HAUTS PLATEAUX.
-------La présence fraternelle que nous avons pu leur apporter était bien dérisoire et nous avions conscience de cette impuissance, mais au moins ils surent qu'ils n'étaient pas oubliés. Leurs femmes et leurs enfants avertis par mon frère, connurent enfin leur destination et le sort qui leur était réservé.
-------Certains se reconnaîtront peut-être et pourront me faire savoir comment s'acheva leur exil. A partir de cette date en effet et celle de la sinistre tuerie du 26 mars, je ne suis plus jamais retourné à ALGER
. -------Nous avons quitté DJELFA le 17 juin 1962.

Docteur P. CAZAUBON
Tél. 05 59 03 23 07