remaniée le 24-10-2003
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Mars 1962 en Algérie, après les accords d'Évian
Témoignage sur le 19 mars
par le colonel François Bard (INF-EMIA-Maréchal Franchey d'Es perey 55/56
Pieds-Noirs d'hier et d'aujourd'hui février 2000 n°109

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Pieds-Noirs d'hier et d'aujourd'hui février 2000 n°109
Témoignage sur le 19 mars
par le colonel François Bard (INF-EMIA-Maréchal Franchey d'Esperey 55/56


------L' auteur, membre de l'Épaulette et maire de la commune de Fay-en-Montagne (Jura) s'est exprimé devant son conseil municipal à propos du 19 mars. Nous publions ici son témoignage:
------" Je viens de vous donner lecture de la lettre de M. Barbier, président départemental de la FNACA nous demandant de prendre une délibération aux fins d'officialiser le 19 mars comme journée dédiée à la mémoire des 30 000 soldats français qui ont fait le sacrifice de leur vie ainsi qu'à celle des victimes civiles du conflit algérien.
Ancien officier d'active, en retraite, et colonel honoraire, j'ai participé aux opérations d'Afrique du Nord au Maroc et en Algérie, totalisant 55 mois de campagne dont 33 sur le sol algérien en tant que chef de section, commandant de compagnie opérationnelle, chef du commando de chasse 129, observateur puis observateur-pilote avion léger de 1'ALAT (1 124 heures de vol de guerre en 438 missions), j'ai opéré en ZOO, ZSO, ZNA et ZSA.
------Sachant très bien ce qu'ont été les " opérations de maintien de l'ordre " en Algérie, les peines et les sacrifices endurés par ceux qui y participaient, je suis tout naturellement porté à demander pour eux la reconnaissance par la nation de leur état d'anciens combattants ainsi que l'octroi des avantages qui s'y rattachent. Je suis bien sur très favorable à l'officialisation d'une journée du souvenir en mémoire de ceux qui y ont fait le sacrifice de leur vie. Mais je dis, en mon seul nom personnel, indépendamment de toute association et de tout parti, que je voterai contre l'adoption de la date du 19 mars pour cette journée. Je vous donnerai par la suite les raisons de mon attitude, Après m'avoir entendu, chacun de vous pourra, s'il en manifeste le désir, exprimer à son tour son opinion. Si vous le souhaitez, pour être plus libre dans votre choix, vous pourrez demander un vote à bulletin secret car il appartient à chacun de pouvoir se déterminer librement en la matière.
------J'ai vécu personnellement, directement, toute cette période de 1962, l'avant 19 mars, le 19 mars, l'après 19 mars, dans le sud-oranais jusqu'en août, dans l'Algérois ensuite. C'est pourquoi je peux aujourd'hui, en toute connaissance de cause, exprimer mon opinion sur ce qu'a été cette journée et sur les événements qu'elle a engendrés par la suite sans être traité de falsificateur de l'histoire.
------Le cessez-le-feu instauré par les accords d'Evian n'a pas été respecté par la partie adverse alors que le commandement français l'imposait à ses forces, obligeant celles-ci à assister, impuissantes, aux exactions commises par les membres de l'ALN-FLN. La date limite de participation aux opérations en A.F.N. prise en compte pour l'obtention de la qualité de combattant à d'ailleurs été fixée au 2 juillet 1962 par la loi du 9 décembre 1974.
------Voici quelques exemples significatifs de "l'après 19mars 1962":
------Le 14 avril 1962, le commando "Jaubert" de la marine se pose en hélicoptères près d'un regroupement situé en zone de souveraineté française dans le secteur de Geryville. Dès sa mise à terre, il est pris à partie par une katiba qui s'est implantée dans le regroupement au mépris des accords passés. Le Q.M. Recher, membre d'équipage, est abattu dès sa sortie de l'hélico., le Q.M. Robelin, est mortellement blessé par une grenade, deux autres commandos seront blessés. La katiba est anéantie bien que ses membres aient tenté de se mélanger aux civils du regroupement.
Dans le secteur de Méchéria, où je suis basé, je suis amené, à deux reprises, à guider les avions d'appui-feu sur des éléments adverses qui ont, les premiers, ouvert le feu sur nos troupes.
Le 5 juillet 1962, 1 500 pieds-noirs" sont massacrés dans Oran. Les troupes françaises sous les ordres du général Katz n'interviendront que le lendemain, après le départ des émeutiers Pourtant le 6 janvier 1961, le général De Gaulle avait assure : " Bien entendu et quoi qu'il arrive, la France protégera ses enfants dans leurs personnes et dans leurs biens ". Pour tenter de se justifier, le général Katz prétendra par la suite qu'il avait obéi à des ordres "superieurs"!
Le 11octobre 1962, au cours d'une mission de reconnaissance à vue, je suis amené à atterrir sur le terrain de Laghouat pour recompléter le plein en carburant de mon appareil. J'apprends que la veille au soir, un de mes camarades, capitaine qui fréquentait une institutrice algérienne, a été enlevé alors qu'il se rendait à son domicile. Son corps n'a jamais été retrouvé… !
------Dans toute l'Algérie des scènes d'enlèvements et de massacres d'Européens ou de musulmans fidèles à la France se déroulent, parfois sous les yeux de militaires français réduits à l'impuissance par les ordres du haut-commandement et révoltés par cette inaction forcée. Quelques-uns, obéissant à un sens de l'honneur très élevé, se sentent obligés d'intervenir pour protéger des vies. Ils sont sanctionnés et rapatriés d'urgence...
------Mais le pire est encore à venir. Dans leurs opérations, les troupes régulières françaises étaient appuyées par des supplétifs indigènes appelés harkis servant dans des harkas. ( Dans mes opérations de commando de chasse, j'en ai souvent eu sous mes ordres). Ces hommes avaient choisi la France. Déjà avant le 19 mars, ordre fut donné de les désarmer. Le 29 mars 1962, le haut-commissaire de la République en Algérie précise que les supplétifs seront licenciés avec une prime d'un mois et demi de salaire. Seuls les célibataires pourront s'engager dans l'armée française. Or ils sont presque tous mariés. Les départs à la sauvette commencent. Une note datée du 12 mai 1962, émanant du cabinet militaire du haut-commissaire précise que : "Le transfert en métropole des Français musulmans... s'effectuera sous la forme d'une opération préparée et planifiée..." Cette opération ne sera jamais mise sur pied. Tout le monde sait quel sort leur réservent les nouveaux maîtres de l'Algérie ce qui n'empêche pas le ministre d'Etat Louis Joxe d'adresser le 16 mai 1962 le télégramme suivant au haut-commissaire :
------" Ministre Etat Louis Joxe demande à haut commissaire rappeler que toutes initiatives individuelles tendant à installer métropole francais-musulmans sont strictement interdites. En aviser urgence tous chefs de SAS. et commandants d'unité". Cette interdiction ne sera pas suivie d'effet à 100 % aussi, le 15 juillet 62, le même ministre signe une autre directive dans laquelle il est précisé que .. " Vous voudrez bien faire rechercher, tant dans l'armée que dans l'administration, les promoteurs et les complices de ces entreprises de rapatriement, et faire prendre les sanctions appropriées. Les supplétifs débarqués en métropole, en dehors du plan général. seront renvoyés en Algérie. Je n'ignore pas que ce renvoi peut-être interprété par les propagandistes de l'O.A.S. comme un refus d'assurer l'avenir de ceux qui nous sont restes fidèles. Il conviendra donc d'éviter de donner la moindre publicité à cette mesure." Non seulement on les renvoyait à la mort mais il fallait que cela se fasse dans la discrétion tellement grande était la honte de ce geste infâme. Ceux qui avaient si bien servi la France, ceux qui avaient été nos frères d'armes, ceux qui avaient combattu à nos côtes, les fils des combattants du corps expéditionnaire français en Italie et de la Première Armée ; les vainqueurs du Garigliano, du Belvédère, de Toulon, de Marseille, des Vosges, de l'Alsace et du Rhin, tous ces fidèles serviteurs de la Patrie, nous les abandonnions sur ordre des plus hautes autorités de l'Etat aux tortures indescriptibles qui devaient préluder à leur mise à mort. Au cours d'un entretien qui eut lieu par la suite en Suisse entre le général Jacquin et Krim Belkacem, le chiffre des musulmans abattus par I'A.L.N. après le cessez-le-feu fut estimé à 150 000. Et ceux qui arrivèrent en France furent parqués dans les camps!
------Voilà ce que représente pour moi la date du 19 mars. Un jour de honte que plus de trente ans n'ont pu effacer de ma mémoire.
------Vous comprendrez maintenant peut-être pourquoi je vous dis ici solennellement et avec beaucoup de détermination que rien ni personne ne m'obligera à célébrer ou à participer à la célébration de cette journée. Je ne peux supporter que le sacrifice de mes camarades tombés au combat pour la France en Algérie et en A.FN. soit associé à ce jour d'infamie.
------Le 16 octobre 1977, le chef de l'Etat rendait un hommage national au soldat inconnu de la guerre d'Algérie. Pourquoi ne pas retenir cette date, ou une autre qui rappellerait un haut-fait d'armes des troupes françaises, pour rendre hommage dignement à nos morts ? Pourquoi ne pas décider d'une journée nationale du souvenir qui serait dédiée à la mémoire de tous ceux qui donnèrent (donnent et donneront encore...) leur vie pour la France au cours de tous les conflits qu'elle a connus tout au long de son histoire. C'est ce que je souhaite avec beaucoup de force.
------Merci de m'avoir écouté".

Information U.N.C. Côte d'Or

------MOTION DU GROUPEMENT DU JURA A L' ATTENTION DU PRESIDENT NATIONAL DE L' EPAULETTE
------Les membres du groupement Jurassien de l'Epaulette ont pris connaissance des propositions de loi. émanant des groupes socialiste et communiste de l'Assemblée nationale et visant
- A substituer dans les textes législatifs et réglementaires (code des pensions militaires d'invalidité et des victimes dc guerre - code de la mutualité), a l'expression "aux opérations effectuées en AFN", l'expression "guerre d'Algérie et opérations effectuées en AFN" (proposition des socialistes déposée le 22-12-1998);
2 - A obtenir la reconnaissance du caractère de journée nationale du souvenir et du recueillement au 19 mars, date anniversaire du cessez-le-feu de 1962 en Algérie (proposition des communistes déposée le 7-7-1998).
En ce qui concerne la 1ère proposition, elle contient une idée généreuse qui consiste à ouvrir un droit à des titres de pension et à réparation, à une aide sociale, ainsi qu'à la délivrance de la carte du combattant à tous les anciens d'AFN ayant été exposés au feu des combats pendant 18 mois. Par contre, elle est discutable sur le plan juridique car peut-on assimiler à une guerre, notamment en Algérie, des opérations militaires qui avaient pour mission de maintenir l'ordre dans des départements français, face à des terroristes, ignorant les lois internationales de la guerre et soutenus et alimentés en armes par l'étranger (pays arabes et bloc soviétique).
Quant à la 2è proposition, il convient de souligner que si la date du 19 mars devait être retenue pour célébrer la fin de la " guerre " d'Algérie, elle ne saurait en aucun cas être celle d'une victoire sur l'ennemi comme le 11-11-1918 ou le 8-5-1945.
------Ce jour ne rappellerait pas non plus, comme en 1918 et en 1945, la paix retrouvée au milieu d'une liesse générale car:
- Conformément aux accords d'Evian du 18 mars. l'Armée française a respecté le cessez-le-feu dès le lendemain, alors que le FLN. continuait ses exactions en massacrant les musulmans fidèles à la France (Harkis) en enlevant et en massacrant des milliers d'Européens (Oran le 5 juillet 1962):
- Du 19 mars au 2 juillet 1962 (date de l'indépendance de l'Algérie), des luttes fratricides opposèrent les éléments de l'O,A.S. a des unités régulières faisant encore de nombreuses victimes militaires et civiles;
- les prisonniers de guerre du FLN., dont la plupart des appelés du contingent, étaient au nombre de 348.
On n'a retrouve que 5 survivants.
------Enfin le 19 mars est une journée de deuil pour un million de Français d'Algérie, condamnés à un tragique et douloureux exode, après avoir été arrachés à leur terre natale et dépouilles de leurs biens. Ils ne méritaient certes pas un tel destin, eux qui avaient largement contribué à faire de cette province un pays moderne et prospère, et qui, en grand nombre (16,4 % de la population européenne mobilisée de 1943 à 1945) avaient participé aux combats de libération de la Métropole.
------Les signataires de la présente pétition, compte tenu de ce qui précède, soucieux de leur devoir de mémoire, respectueux des Morts pour la France et de toutes les victimes, civiles et militaires, qui ont ensanglanté l'A.EN. de 1952 à 1962, également désireux de préserver la solidarité et la cohésion du monde combattant:
------1 - Dénoncent fermement et solennellement les arrières-pensées politiciennes qui se manifestent à la veille de grandes consultations électorales de 1999 et de
2002;
------2 - Expriment le souhait que la direction nationale de l'Épaulette intervienne auprès des autorités compétentes et mette tout en oeuvre pour que la date du 19 mars soit définitivement écartée du calendrier des journées nationales du Souvenir.

( Information U.N.C Côte d'Or )