-Mars 1962 en Algérie
après les accords d'Évian
mars, mois de tous les malheurs
extrait de " aux échos d'Alger,mars 2001, n°72 "

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AEA MARS 2001 N72
MARS, mois de tous les malheurs
Marc LYSSET

"Mars, qui rit malgré les averses,
Prépare en secret le printemps,"

-----Ainsi, le poète saluait-il le mois de mars. Mars qui voit s'éloigner la froidure. Mars, mois pendant lequel chaque jour le soleil fait reculer la nuit. Mars, mois de l'équinoxe. Mars qui annonce le retour du printemps.
Mars, chez les Romains, était le dieu de la guerre. La guerre que l'on souhaite toujours courte et que l'on n'entreprend jamais sans l'espoir de triompher.
-----Pour nous, abandonnés, sacrifiés par la France notre patrie. Pour nous qui avons connu les horreurs de plus de sept ans de guerre civile, nous qui avons pleuré de rage en 1962, mars ne sera plus jamais comme avant.
Mars sera, pour toujours, le mois de tous les malheurs.
-----Personne, parmi nous, ne l'a oublié. En mars, deux dates nous ont marqués et elles ne sortiront plus de notre mémoire. Le 19, sans se soucier de nous, de notre avis, avec la rébellion, on signa les accords à Evian. Le 26, on nous fusilla rue d'Isly. Les accords d'Evian! Ce devait être le cessez-le-feu. La paix. En réalité, ce fut une immense hypocrisie. Cessez-le-feu! Oui, mais unilatéral. Durant les négociations, l'armée française avait déjà reçu l'ordre d'interrompre toute opération offensive, de ne pas répondre aux provocations de ceux qui, ayant perdu sur le terrain, allait gagner face à des plénipotentiaires mandatés pour obtenir la fin des combats, quel que soit le prix à payer.
-----Pour le F.L.N., ces fameux accords d'Evian furent de simples " chiffons de papier" n'engageant que la France. Après Evian, ni les Français de souche, ni les malheureux HARKIS " plaqués " par leurs chefs, ne furent épargnés. Combien de morts, de massacrés, d'enlevés, disparus pour toujours après le 19 mars?
-----Et le F.L.N. ne fut pas seul à nous harceler. Il y avait aussi les barbouzes. Les sinistres barbouzes, mercenaires sans honneur, venues de métropole ou d'ailleurs, pour éliminer les défenseurs de l'Algérie française.
Cessez-le-feu, nous avait-on dit. Exactement une semaine plus tard, le 26 mars, ce fut la tuerie sauvage de la rue d'Isly. Des éléments de l'armée ont ouvert le feu sur des PIEDS-NOIRS. Une attaque ignominieuse de militaires armés contre des civils sans défense, avançant derrière le drapeau tricolore. Un véritable " tir aux lapins "
-----On a longtemps ergoté sur de prétendues provocations. On a parlé de tireurs embusqués sur les toits. Bien à l'abri, prenant tout leur temps pour viser, ces fameux tireurs devaient être bien maladroits. On n'a relevé ni blessés ni morts parmi ceux qui nous assassinaient.
-----Il est vrai que pendant qu'on recherchait les " provocateurs "présumés, on évitait de poser les vraies questions. Quel est donc l'officier supérieur ou peut-être même le général qui, pour contenir une foule d'Européens exubérants, a eu l'idée " géniale " de faire appel à un régiment de tirailleurs algériens composé de jeunes recrues que l'armistice avait " déboussolées ". De jeunes soldats qui n'avaient reçu aucune formation en matière de maintien de l'ordre.
-----Pour palier cette carence, avait-on, au moins, pris la plus élémentaire des précautions? Leur donner un encadrement de qualité. Nullement. Qui commandait cette troupe le 26 mars? Leur chef se trouvait-il parmi ses soldats prêt à assumer ses responsabilités? A prendre, immédiatement, sur place, les mesures rendues nécessaires par l'évolution de la situation? A donner des ordres clairs, cohérents, compréhensibles par les soldats pour éviter la moindre " bavure "?Hélas non! Sur le terrain, il y avait le lieutenant OUCHENE. Par l'intermédiaire des radios, le monde entier a entendu son appel désespéré " Halte au feu! Halte au feu! ". Comme encadrement, dans une période troublée, c'était plutôt léger!
-----Certes, il y avait un chef de bataillon. Mais lui, n'avait pris aucun risque. Il était demeuré, bien à l'abri, au Bastion XV.
Et le colonel? Le père du régiment? Il était beaucoup plus loin encore. C'est au soleil à BERROUAGHIA, qu'on le retrouva. Un chef de corps qui, apparemment, préférait ignorer les missions confiées à son régiment. Quand on ne se mouille pas, on ne risque pas de s'enrhumer.
-----A ALGER, à l'époque, il y avait pléthore d'officiers supérieurs et de généraux. A l'Etat-major, il y a toujours les officiers de permanence. Combien en avez-vous vu accourir rue d'Isly au moment de la fusillade?
-----Dernière remarque. Au cours de cette agression contre la population d'ALGER, avez-vous entendu sonner un clairon pour réclamer le cessez-le-feu ? Négligence ? Incurie ? Crime, certainement. Contre une foule pacifique, on a envoyé des militaires en armes, prêts à tirer des balles mortelles. Mais on a oublié comment éviter l'irréparable. Quelle inconscience!!!Loin de moi l'intention de dramatiser. Mais que voulez-vous, pour nous qui nous souvenons, mars ne pourra plus jamais être le mois du renouveau, du retour des beaux jours. Mars est désormais le mois de tous nos malheurs. Le mois qui a creusé tant de tombes quand on attendait qu'il ouvre la porte au printemps.Marc LYSSET
-----Chaque 26 mars, des cérémonies du souvenir sont organisées dans toutes les grandes villes. A Paris, c'est en l'église de St-Nicolas du Chardonnet, 23, rue des Bernardins, 75005 Paris, que l'Association des Familles des Victimes du 26 mars 1962 et leurs Alliés - B.P. 27 - 95321 St-Leu La Forêt Cedex, a instauré ce qu'est devenue, malheureusement, une tradition.