Mars 1962 en Algérie
Mars 1962 : ce que prévoyaient les accords d'Évian pour les Pieds-noirs.
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Dans la tourmente des premiers mois de 1962, alors que la volonté du gouvernement français de se libérer au plus vite du fardeau algérien est manifeste, les Accords d'Evian sont officialisés au mois de Mars avec le gouvernement provisoire de la République Algérienne, sans que pour autant celui-ci n'y ait jamais apposé véritablement sa signature.
pnha n°44 mars 1994
sur site le 05/02/2002

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tract
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-------Les Pieds-Noirs algériens pourraient choisir les écoles de leur choix et les types d'enseignement et ouvrir librement et gérer des établissements d'enseignement ; ils pourraient également fréquenter les sections françaises que l'Algérie devait organiser dans tous les établissements scolaires.
-------La radio et la télévision algérienne devaient comporter des émissions en langue française selon l'importance reconnue à celle-ci.
-------Les biens des Pieds-Noirs algériens ne devaient faire l'objet d'aucune discrimination en matière de réquisition, de nationalisation, de réforme agraire et d'imposition fiscale.
-------Toute expropriation devait faire l'objet d'une indemnité équitable préalablement fixée.

-------Aucune discrimination ne devait frapper les Pieds-Noirs algériens en matière d'accès à l'emploi et à toute profession, sauf exigence de compétence.
-------La liberté d'association et le liberté syndicale devaient être garanties, les PiedsNoirs algériens ayant le droit de créer des associations et des syndicats et d'adhérer à ceux de leur choix.

-------2- Comment devaient être garantis les droits des PiedsNoirs prenant la nationalité algérienne.
-------Dès l'Indépendance devaient être mis sur pied deux organes : l'association de sauvegarde et la Cour des garanties.

-------a) L'Association de Sauvegarde : reconnue d'utilité publique et régie par le droit algérien, elle devait avoir pour objet d'ester en justice, y compris devant la Cour des garanties, pour défendre les droits personnels des PiedsNoirs algériens, notamment tous les droits précités, d'intervenir auprès des pouvoirs publics et d'administrer des établissements culturels et de bienfaisance. Cette association devait dans un premier temps être dirigée par un comité de neuf membres désignés par tiers, respectivement par les représentants de la vie spirituelle et intellectuelle, de la magistrature et de l'ordre des avocats.
Elle ne devait être ni un parti ni un groupement politique.

-------b) La Cour des Garanties
-------Institution judiciaire de droit interne algérien, cette juridiction devait être créée pour régler tous les litiges relatifs aux droits des Pieds-Noirs algériens et devait être saisie à la requête de toute partie algérienne intéressée.
Elle devait être composée de quatre magistrats algériens, dont deux Pieds-Noirs, désignés par le gouvernement algérien, et d'un président désigné par le gouvernement algérien sur proposition des quatre magistrats.

-------Elle devait pouvoir ordonner une enquête et prononcer l'annulation de tout texte réglementaire ou décision individuelle contraire à la déclaration des garanties et aux droits des Pieds-Noirs.
-------La Cour de garanties devait aussi se prononcer sur toute mesure d'indemnisation.
-------Ses décisions devaient être définitives et ne pourraient faire l'objet de recours.

-------3) Les droits des Pieds-Noirs gui garderaient la nationalité française.
-------Comme pour les Français, ils avaient la qualité d'étrangers et devaient bénéficier d'une convention d'établissement conforme aux principes suivants :
--------- Ils pourraient circuler librement en Algérie et fixer leur résidence au lieu de leur choix ;
--------- S'ils quittaient l'Algérie, ils pourraient transporter leurs biens mobiliers, liquider leurs biens immobiliers, transférer leur capitaux et conserver le bénéfice des droits à pension acquis en Algérie ;
----------Ils bénéficieraient en Algérie de l'égalité de traitement avec les Algériens en ce qui concerne
---------------o La jouissance des droits civils en général ;
---------------o Le libre accès à toutes les professions avec tous les droits nécessaires, notamment celui de créer et de gérer des entreprises ;
---------------o Le bénéfice de la législation sur l'assistance et la sécurité sociale ;
---------------o Le droit d'acquérir et de céder la propriété de tous biens meubles et immeubles, de les gérer et d'en jouir sous réserves des dispositions concernant la réforme agraire;
--------- Ils jouiraient en Algérie de toutes les libertés énoncées dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme;
--------- Ils auraient le droit d'utiliser la langue française dans tous leurs rapports avec la justice et les administrations ;
--------- Ils pourraient ouvrir et gérer en Algérie des établissements privés d'enseignement et de recherche et suivre l'enseignement dispensé dans les sections françaises des établissements
algériens ;
--------- Ils pourraient librement saisir les juridictions algériennes pour faire valoir leurs droits personnels et relatifs à leurs biens et intérêts ;
--------- Aucune mesure arbitraire ou discriminatoire ne serait prise à l'encontre de leurs biens, intérêts et droits acquis, et aucune mesure de privation de leurs droits ne pourrait être prise sans une indemnité équitable préalablement fixée ;
---------Leur statut personnel, y compris le régime successoral, devait être régi par la loi française ;
--------- Les Pieds-Noirs français pourraient participer dans le cadre de la législation algérienne aux activités des syndicats, des groupements de défense professionnelle et d'intérêts économiques ;
---------Ils pourraient obtenir en Algérie des concessions,
autorisations et permissions administratives et être admis à conclure des marchés publics dans les mêmes conditions que les Algériens et que notamment les Pieds-Noirs algériens ;
---------Ils devaient être soumis aux mêmes taxes ou contributions que les Algériens ;
---------Ils bénéficieraient comme les Algériens de toute disposition mettant à la charge de l'Etat ou des collectivités publiques la réparation des dommages subis par leurs personnes ou par leurs biens ;
---------Aucune mesure d'expulsion à l'encontre d'un Pieds--Noirs français jugé dangereux pour l'ordre public ne devait être prise sans information préalable du gouvernement français, et sans lui laisser un délai suffisant pour régler ses affaires en cours ; dans ce cas, ses biens et intérêts devaient être sauvegardés
sous la responsabilité de l'Algérie ;
---------Enfin et c'était là la grande différence avec les Pieds-Noirs devenus Algériens, le gouvernement algérien se réservait le droit de déterminer éventuellement les droits civiques et politiques reconnus aux Pieds-Noirs restés Français, ainsi que les conditions de leur admission aux emplois publics.

Conclusion
-------L'Histoire a hélas montré que très rapidement l'Algérie nouvelle fit fi des Accords d'Evian qui sur le papier pourtant présentaient certains aspects prometteurs.
-------L'Histoire a montré aussi que la France ne fit rien pour les faire respecter ou en fut incapable. Dès l'indépendance acquise, les Pieds-Noirs furent atteints dans leur sécurité physique (massacres et disparitions de milliers d'entre eux à Oran début Juillet 1962 sans intervention de l'armée française), matérielle (nationalisation de leurs biens sans indemnité) et morale (cimetières et lieux de culte profanés).
-------Les Harkis aussi subissaient les pires massacres sous l'oeil passif de l'armée française.
-------L'exode massif du peuple Pieds-Noirs devenait inéluctable.
-------L'association dite "de sauvegarde" et la Cour dite "des garanties" ne furent jamais créées.
-------Toujours en vigueur sur le papier, les Accords d'Evian ne furent ou ne purent jamais être appliqués. La responsabilité des Etats Algériens et Français est directe et totale dans cette non-application et dans l'exode du peuple PiedsNoirs de sa terre natale.C.P. tract distribué en Algérie par le gouvernement français en 1962-------Dans la tourmente des premiers mois de 1962, alors que la volonté du gouvernement français de se libérer au plus vite du fardeau algérien est manifeste, les Accords d'Evian sont officialisés au mois de Mars avec le gouvernement provisoire de la République Algérienne, sans que pour autant celui-ci n'y ait jamais apposé véritablement sa signature.

--------Les Pieds-Noirs désemparés, écoeurés et révoltés par l'attitude française de reniement des promesses tenues et des engagements souscrits, et totalement écartés des négociations sur l'avenir de leur terre, ne crurent jamais dans ces accords.
-------Comment d'ailleurs pouvaient-ils y croire puisque le gouvernement français les écarta délibérément du vote référendaire du 8 Avril 1962 destiné à les approuver !...
-------L'histoire retiendra que les Pieds-Noirs eurent raison de ne pas y croire puisque d'une part les nouvelles autorités algériennes ne respectèrent en rien ces Accords, et que d'autre part le gouvernement français ne fit quasiment rien pour obliger son partenaire algérien à les respecter.
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-------Pourtant, sur le fond, les Accords d'Evian de Mars 1962 garantissaient les droits fondamentaux de ce peuple naissant que constituaient les Pieds-Noirs : droits politiques, sociaux, culturels et économiques, même si ces Accords, rédigés à la hâte, comportaient beaucoup de formules et termes flous et imprécis.
-------Il n'est pas inutile aujourd'hui, pour refixer la mémoire des Pieds-Noirs et de leurs enfants, et celle de l'opinion publique française, algérienne et internationale, de rappeler ce que prévoyaient ces Accords pour notre Communauté dans le cadre de la nouvelle Algérie qui devait naître.
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Le texte des Accords d'Evian, qui sont toujours en vigueur formellement, puisqu'ils n'ont pas été abrogés, faisait une distinction entre les Pieds-Noirs qui au bout des trois premières années d'indépendance demandaient la nationalité algérienne et ceux qui conservaient la nationalité française tout en restant en Algérie.
-------Mais pendant ces trois premières années, de Juillet 1962 à Juillet 1965, l'ensemble des Pieds-Noirs devaient bénéficier de plein droit, des droits civiques algériens et étaient considérés de ce fait comme des nationaux français exerçant les droits civiques algériens.
1 - Les droits des PiedsNoirs envisagés pour la période 1962-1965
Dès l'indépendance de l'Algérie, différentes mesures étaient prévues pour assurer aux Pieds-Noirs la protection de leurs personnes et de leurs biens et leur participation régulière à la vie de l'Algérie
-- Une juste et authentique participation aux affaires publiques, avec une représentation proportionnelle dans les assemblées politiques et dans la fonction publique ; leur participation à la vie municipale à Alger et Oran devait faire l'objet de dispositions particulières
ainsi Alger et Oran devaient être administrées par des conseils municipaux dont le président ou le vice-président serait un Pieds-Noirs durant quatre ans ; et ces deux villes devaient être divisées en circonscriptions municipales avec un PiedsNoirs à leur tête chaque fois que la population pieds-noirs dépasserait 50% du total ;

--- Le respect de leur droit de propriété : aucune mesure de dépossession ne devait être prise sans l'octroi d'une indemnité équitable préalablement fixée ;

---- Le respect de leurs particularismes culturels, linguistiques et religieux : les Pieds-Noirs pourraient utiliser la langue française au sein des assemblées et dans leurs rapports avec les pouvoirs publics et les tribunaux algériens, comprenant des magistrats Pieds-Noirs, et étant chargés de les garantir.
-------Chapeautant le tout et devant veiller à la protection des droits des Pieds-Noirs, et au respect de leurs garanties, étaient envisagée rapidement
la mise sur pied
- d'une association de sauvegarde
- d'une cour des garanties, institution de droit interne algérien.
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D'une manière générale, dès l'Indépendance proclamée, l'Algérie prenait l'engagement de garantir, outre les intérêts de la France, les droits acquis des personnes physiques et morales, c'est à dire des Pieds-Noirs.

II - Les droits des PiedsNoirs envisagés à partir de 1965
-------Ces droits devaient varier selon que les Pieds-Noirs, à partir de Juillet 1965, allaient demander la nationalité algérienne ou conserver la nationalité française, ces différences de droits portant essentiellement sur les droits civiques et politiques et sur l'accès aux emplois publics.
-------1 - Les droits des PiedsNoirs devant prendre la nationalité algérienne
-------Ils devaient jouir du même traitement et des mêmes garanties en droit et en fait que les autres Algériens et être soumis aux mêmes devoirs et aux mêmes obligations.
Les droits et libertés définis par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme devaient leur être garantis ; aucune mesure discriminatoire ne pouvait être prise à leur égard en raison de leur langue, de leur culture, de leur religion et de leur statut personnel, ces traits caractéristiques leur étant reconnus et devant être respectés.
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Les Pieds-Noirs devenus Algériens devaient être durant cinq ans dispensés du service militaire.
-------Ils devaient participer justement à la gestion des affaires publiques, qu'il s'agisse des affaires générales de l'Algérie ou de celles des collectivités locales, des établissements publics ou des entreprises publiques.
-------Ils pourraient être électeurs et éligibles dans le cadre d'un collège électoral unique commun à tous les Algériens...
-------Une juste et authentique représentation devait leur être réservée dans toutes les assemblées.
-------Dans les assemblées politiques et administratives (conseils régionaux, généraux et municipaux), des sièges devaient leur être réservés en proportion de leur population dans chaque circonscription électorale.
-------Dans les assemblées économiques, sociales et culturelles, la représentation des Pieds-Noirs algériens devait tenir compte de leurs intérêts moraux et matériels.
-------Dans les assemblées municipales, cette représentation devait être proportionnelle à leur nombre dans la circonscription considérée.
-------Dans toute commune où les Pieds-Noirs algériens seraient en nombre insuffisant pour être représentés proportionnellement mais supérieurs à cinquante, un adjoint spécial Pieds-Noirs devait être désigné par vote pour siéger avec voix consultative au conseil municipal.
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Dans les différentes branches de la fonction publique également, et notamment dans la justice, une proportion équitable de Pieds-Noirs algériens devait être assurée. Ils devaient être également associés aux travaux d'élaboration d'un nouveau code civil afin que soit pris en compte leur statut chrétien ou juif qui pouvait être en contradiction avec les règles du Coran.
-------En matière judiciaire, outre une participation équitable et proportionnelle dans la composition du corps judiciaire algérien, des garanties spécifiques étaient prévues pour les Pieds-Noirs algériens :

---------- Le double degré de juridiction, y compris en ce qui concerne les juridictions d'instruction (c'est à dire la possibilité de faire appel de toute décision de justice) ;
---------- Le jury (avec trois juges professionnels et neuf jurés) en matière criminelle ;
--------- Les voies de recours traditionnelles : pourvoi en cassation et recours en grâce ;
---------- La présence d'un magistrat Pieds-Noirs algérien dans tout tribunal civil ou pénal devant lequel comparaîtrait un Pieds-Noirs algérien ;
--------- La présence d'un tiers de Pieds-Noirs algériens dans le jury criminel ayant à juger un Pieds-Noirs algérien ;
-------- La présence d'un échevin Pieds-Noirs algérien avec voix consultative auprès de toute juridiction pénale qui aurait à juger un Pieds-Noirs algérien au cas où le juge unique ne serait pas Pieds-Noirs ;
--------- La présence d'une majorité de juges Pieds-Noirs algériens dans le tribunal ayant à juger un litige portant sur le statut personnel d'un Pieds-Noirs (en matière de droit de la famille, divorce, succession...).

-------L'Algérie devait garantir également la liberté de conscience et la liberté des cultes catholique, protestant et israëlite, en assurant à ces cultes la liberté de leur orga
nisation, de leur exercice et de leur enseignement, ainsi que l'inviolabilité des lieux de culte.
-------Les textes officiels devaient être publiés et notifiés en français et en arabe ; les Pieds-Noirs algériens devaient avoir le droit d'utiliser le français de leurs rapports avec les services publics algériens et dans la vie politique, administrative et judiciaire.---