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médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes
ici en 1928. Amélioration notable plus tard, dans les revues à
venir. " Algeria " en particulier.
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TEXTE COMPLET SOUS L'IMAGE.
Le dessèchement du lac Halloula
Voilà longtemps
qu'on parle d'assécher ces terres submergées chaque hiver
par les eaux dévalant des collines prochaines.
Pour drainer la cuvette qu'environnent les centres de Montebello, de
Marengo, de Bourkika et d'Ameur-el-Aïn, déjà, dans
ma jeunesse, des spécialistes préconisaient des travaux
variés. Les uns parlaient de creuser un tunnel sous le coteau
que domine le tombeau de la reine, afin d'entraîner les eaux de
la plaine dans la mer. Les autres, partisans d'un projet moins coûteux
conseillaient d'élargir, d'approfondir et de cimenter l'actuel
canal qui, de Montebello, s'en va déverser lentement le trop-plein
du lac dans le Mazafran. Les derniers s'en tenaient simplement à
quémander de modestes crédits pour planter des pieux d'eucalyptus
destinés à maintenir les berges boueuses du chenal.
Pendant ce temps les années s'écoulaient. Piqués
par les moustiques et grelottant de fièvre, les colons attendaient.
Puis fatigués d'attendre, ne voyant rien venir et n'espérant
plus rien des Pouvoirs Publics oublieux, chacun d'eux luttait individuellement
contre les eaux du lac en drainant sa propriété et en
absorbant des comprimés de quinine.
Navré et désolé de voir une région qui,
sans cet excès d'humidité, serait la perle de la Mitidja,
un colon de l'endroit, M. Marc d'Héré, décida un
jour de devenir l'apôtre du dessèchement. Sans doute, lui
aussi eut ses heures de découragement. Néanmoins, visitant
ses voisins et ranimant leur foi, organisant des réunions, des
conférences, il fut si convaincant qu'il réussit à
créer un syndicat pour le dessèchement du lac Halloula.
Par la suite, il gagna à sa cause non seulement la presse toujours
prête à venir en aide aux justes revendications, mais aussi
des hommes politiques de son département. Enfin, M. le Gouverneur
Général Bordes, qui est homme d'action, après étude
de la question, lui donna son appui.
Pour fêter cette union féconde qui, grâce à
MM. le Gouverneur Bordes et Marc d'Héré, vient d'être
réalisée entre l'Administration et les riverains du lac,
les habitants de Montebello organisaient dimanche dernier une manifestation
inoubliable. A l'appel de leur président qui depuis des années
plaide en faveur de l'assainissement du marais pestilentiel, tous les
agriculteurs de la région étaient accourus pour saluer
respectueusement le Gouverneur Général qu'accompagnaient
MM. le Préfet d'Alger, Viellard-Baron, directeur des Travaux
publics ; Scotto di Vettimo. ingénieur en chef du département
; Rouzaud, directeur, et Jouaville, chef de l'Exploitation des Chemins
de fer de l'État, ainsi que MM. Marcel Bordes, chef de Cabinet
du Gouverneur ; Thirion, secrétaire général de
la Préfecture.
Après une visite en compagnie de M. Marc d'Héré
et de tous les élus de la région sur les rives du lac,
le cortège se rendait à la cave coopérative de
Montebello, où un apéritif était servi. M. Muller,
maire de la commune, dont Montebello est l'annexe, et M. Salles, président
de la Cave Coopérative, souhaitaient la bienvenue à M.
Bordes et aux personnalités de sa suite. En quelques mots aimables,
M. le Gouverneur les remerciait et, l'heure du banquet ayant sonné,
tout le monde se dirigeait vers les tables dressées au milieu
des pressoirs et des cuves, dans la cave fleurie et décorée
avec un goût exquis par Mme d'Héré et sa sur
Mlle Magne.
Après un repas parfait servi par M. Saint-Albin, propriétaire
du Grand Hôtel Moderne à Marengo, la série des discours
fut ouverte par M. d'Héré, président du Syndicat.
Rappelant les efforts de ses devanciers, il tint à dire au Gouverneur
la joie d'une population certaine désormais de voir se réaliser
un projet qui lui tient à cur.
Profitant de la circonstance, l'orateur demanda que soit mise en exploitation
la voie ferrée Coléa-Marengo-Alger. Exutoire naturel des
3.000 hectares de terre que l'on va sous peu reprendre au lac Halloula.
Après d'autres discours, M. Bordes se leva et dit :
" Avec l'aide des services du Gouvernement Général,
j'ai pu mettre debout une combinaison qui permettra de réaliser,
dans un avenir très prochain, l'uvre que vous attendez
depuis de longues années. Il faut en reporter le mérite
sur ceux qui ont fait l'union de tous les intéressés.
C'est une grande leçon civique que vous avez donnée ici.
Vous avez eu la compréhension très nette que rien ne peut
se faire de grand et de durable sans l'entente, et votre exemple doit
être cité. Je vous en félicite, moi, qui ai le devoir
de conduire l'Algérie dans la voie du progrès, grâce
à l'union, à l'union entre Français sans doute
mais aussi entre toutes les racés. Il faut, Messieurs, que cette
union se fortifie encore pour pouvoir se concrétiser en résultats
apparents ".
Des applaudissements prolongés saluèrent ce discours aux
belles envolées oratoires.
Quelques instants après, le Gouverneur Général
suivi des élus et d'une nombreuse suite se dirigea en automobile
vers le
tombeau de la reine.