Marengo,
Le desséchement du lac Halloula
Afrique du nord illustrée du 30-6-1928 - Transmis par Francis Rambert
janvier 2021

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Le desséchement du lac Halloula

Le dessèchement du lac Halloula

Voilà longtemps qu'on parle d'assécher ces terres submergées chaque hiver par les eaux dévalant des collines prochaines.

Pour drainer la cuvette qu'environnent les centres de Montebello, de Marengo, de Bourkika et d'Ameur-el-Aïn, déjà, dans ma jeunesse, des spécialistes préconisaient des travaux variés. Les uns parlaient de creuser un tunnel sous le coteau que domine le tombeau de la reine, afin d'entraîner les eaux de la plaine dans la mer. Les autres, partisans d'un projet moins coûteux conseillaient d'élargir, d'approfondir et de cimenter l'actuel canal qui, de Montebello, s'en va déverser lentement le trop-plein du lac dans le Mazafran. Les derniers s'en tenaient simplement à quémander de modestes crédits pour planter des pieux d'eucalyptus destinés à maintenir les berges boueuses du chenal.

Pendant ce temps les années s'écoulaient. Piqués par les moustiques et grelottant de fièvre, les colons attendaient. Puis fatigués d'attendre, ne voyant rien venir et n'espérant plus rien des Pouvoirs Publics oublieux, chacun d'eux luttait individuellement contre les eaux du lac en drainant sa propriété et en absorbant des comprimés de quinine.

Navré et désolé de voir une région qui, sans cet excès d'humidité, serait la perle de la Mitidja, un colon de l'endroit, M. Marc d'Héré, décida un jour de devenir l'apôtre du dessèchement. Sans doute, lui aussi eut ses heures de découragement. Néanmoins, visitant ses voisins et ranimant leur foi, organisant des réunions, des conférences, il fut si convaincant qu'il réussit à créer un syndicat pour le dessèchement du lac Halloula. Par la suite, il gagna à sa cause non seulement la presse toujours prête à venir en aide aux justes revendications, mais aussi des hommes politiques de son département. Enfin, M. le Gouverneur Général Bordes, qui est homme d'action, après étude de la question, lui donna son appui.

Pour fêter cette union féconde qui, grâce à MM. le Gouverneur Bordes et Marc d'Héré, vient d'être réalisée entre l'Administration et les riverains du lac, les habitants de Montebello organisaient dimanche dernier une manifestation inoubliable. A l'appel de leur président qui depuis des années plaide en faveur de l'assainissement du marais pestilentiel, tous les agriculteurs de la région étaient accourus pour saluer respectueusement le Gouverneur Général qu'accompagnaient MM. le Préfet d'Alger, Viellard-Baron, directeur des Travaux publics ; Scotto di Vettimo. ingénieur en chef du département ; Rouzaud, directeur, et Jouaville, chef de l'Exploitation des Chemins de fer de l'État, ainsi que MM. Marcel Bordes, chef de Cabinet du Gouverneur ; Thirion, secrétaire général de la Préfecture.

Après une visite en compagnie de M. Marc d'Héré et de tous les élus de la région sur les rives du lac, le cortège se rendait à la cave coopérative de Montebello, où un apéritif était servi. M. Muller, maire de la commune, dont Montebello est l'annexe, et M. Salles, président de la Cave Coopérative, souhaitaient la bienvenue à M. Bordes et aux personnalités de sa suite. En quelques mots aimables, M. le Gouverneur les remerciait et, l'heure du banquet ayant sonné, tout le monde se dirigeait vers les tables dressées au milieu des pressoirs et des cuves, dans la cave fleurie et décorée avec un goût exquis par Mme d'Héré et sa sœur Mlle Magne.

Après un repas parfait servi par M. Saint-Albin, propriétaire du Grand Hôtel Moderne à Marengo, la série des discours fut ouverte par M. d'Héré, président du Syndicat. Rappelant les efforts de ses devanciers, il tint à dire au Gouverneur la joie d'une population certaine désormais de voir se réaliser un projet qui lui tient à cœur.

Profitant de la circonstance, l'orateur demanda que soit mise en exploitation la voie ferrée Coléa-Marengo-Alger. Exutoire naturel des 3.000 hectares de terre que l'on va sous peu reprendre au lac Halloula.

Après d'autres discours, M. Bordes se leva et dit :
" Avec l'aide des services du Gouvernement Général, j'ai pu mettre debout une combinaison qui permettra de réaliser, dans un avenir très prochain, l'œuvre que vous attendez depuis de longues années. Il faut en reporter le mérite sur ceux qui ont fait l'union de tous les intéressés.

C'est une grande leçon civique que vous avez donnée ici. Vous avez eu la compréhension très nette que rien ne peut se faire de grand et de durable sans l'entente, et votre exemple doit être cité. Je vous en félicite, moi, qui ai le devoir de conduire l'Algérie dans la voie du progrès, grâce à l'union, à l'union entre Français sans doute mais aussi entre toutes les racés. Il faut, Messieurs, que cette union se fortifie encore pour pouvoir se concrétiser en résultats apparents ".

Des applaudissements prolongés saluèrent ce discours aux belles envolées oratoires.

Quelques instants après, le Gouverneur Général suivi des élus et d'une nombreuse suite se dirigea en automobile vers le tombeau de la reine.