Au dernier étage du Nouvel Hôtel de Ville,
un peu à l'écart des bureaux, la découverte du Laboratoire
municipal d'hygiène surprend toujours agréablement le visiteur
non prévenu. Vastes salles d'analyse aux placages immaculés,
paillasses ou tables faïencées de blanc couvertes d'appareils
étranges, contrastent avec le style habituel des locaux administratifs,
et l'on ne peut qu'être étonné de trouver ici pareille
installation modèle qu'envierait nombre de grandes capitales.
De construction récente, cette belle réalisation s'inclut
dans le plan définitif d'aménagement du Nouvel Hôtel
de Ville d'Alger et l'on ne saurait en parler sans évoquer la mémoire
du Docteur Lemaire, directeur du bureau d'Hygiène, qui, à
sa mort, en 1943, laissa des plans minutieusement étudiés
dans leurs moindres détails, image exacte de ce que devait être
le laboratoire actuel.
Commencés à la fin de l'année 1950, les locaux définitifs,
rapidement équipés en matériel, permettaient dès
octobre 1951, la centralisation des différents services d'analyse
bactériologique et le contrôle hygiénique, dispersés
dans des installations provisoires, avec des possibilités d'action
trop souvent limitées.
L'installation actuelle comprend trois grandes salles plus les dépendances
(bureau, laverie, resserre) couvrant au total plus de 145 mètres
carrés. Salle de préparation des milieux de culture microbienne,
salle de stérilisation, laverie, forment un tout bien distinct
de la salle d'analyse ayant entrée indépendante sur un couloir
latéral de distribution. Vastes pièces baignées de
lumière, faïencées à mi- hauteur, puis ripolinées
de blanc, toutes renferment le plus récent matériel de précision
qu'exigent les techniques modernes d'analyses médicales, offrant
ainsi à l'hygiéniste les possibilités immenses du
contrôle bactériologique pratique et de la recherche.
Sous cet aspect définitif, le Laboratoire constitue
une dépendance directe du bureau d'Hygiène de la Ville d'Alger,
un auxiliaire technique indispensable de celui-ci dans le dépistage
et la prévention des maladies transmissibles à l'homme.
Fermé au public, il ne peut, en aucun cas, recevoir d'analyses
privées, sa seule raison d'être étant la défense
de la collectivité. Essentiellement axé sur la bactériologie,
dans ses rapports les plus étendus avec l'hygiène en général,
il se distingue de façon absolue du Laboratoire de chimie annexé
à la Pharmacie municipale, ou du Laboratoire des abattoirs spécialisé
dans l'étude des viandes (examens d'urgence) et des produits de
charcuterie.
Son rôle consiste donc à effectuer toutes analyses bactériologiques
utiles aux diverses sections médicales et vétérinaires
du Service. Le relevé de son activité depuis le 1er janvier
1952 (date de sa mise effective en fonctionnement) traduit la diversité
de ses attributions :
1°/) analyse bactériologique des eaux de consommation distribuées
dans la Ville d'Alger par les soins des services municipaux. Contrôle
des opérations d'épuration ;
2°/ surveillance hygiénique des eaux de puits, sources, citernes
situées sur le territoire de la commune ;
3°/ surveillance hygiénique des piscines d'eau de mer et d'eau
douce ;
4°/ surveillance des denrées alimentaires vendues sur le territoire
de la commune et axée actuellement principalement sur le contrôle
hygiénique des laits, des crèmes glacées et des coquillages
;
5°/ analyses médicales des prélèvements effectués
par le Service de l'Inspection médicale scolaire dans les dispensaires
pour enfants scolarisés de la Ville d'Alger.
C'est ainsi qu'au cours d'une première année de fonctionnement
(1er janvier au 31 décembre 1952), 2.461 analyses ont été
effectuées.
Parmi toutes ces attributions, l'analyse bactériologique des eaux
de consommation occupe la place d'honneur. Nul ne saurait le nier, il
est de première importance pour une cité de pouvoir procurer
à la population de l'eau saine et pure. Seul l'examen microbiologique
permet le contrôle et la surveillance constante des eaux potables.
Il est nécessaire non seulement de reconnaître les contaminations
qui peuvent survenir par suite d'influence:- diverses, mais surtout de
les faire disparaître par la prise de mesures judicieuses. La liaison
étroite qui existe entre le Laboratoire, le Service municipal d'épuration
et le Service municipal des eaux offrent, dans ce domaine, les plus sérieuses
garanties.
Même souci de défendre la santé publique
en contrôlant les puits, les sources, en provenance de nappes trop
souvent polluées, les piscines soumises à des règles
sanitaires rigoureuses, ou en surveillant la qualité hygiénique
des denrées alimentaires qu'un consommateur non averti doit pouvoir
acheter sans risques.
Le lait, aliment de base destiné à des enfants, des malades,
des vieillards, a fait, au cours de l'année 1952, l'objet d'une
surveillance sévère. Plus particulièrement le contrôle
des laits pasteurisés a été organisé à
tous les stades, et cet effort municipal a été officiellement
reconnu par la Haute Administration algérienne. Par lettre en date
du 11 septembre 1952, le Gouvernement Général de l'Algérie
(Direction de l'Agriculture) demandait à Monsieur le Maire d'Alger
de bien vouloir accepter que le Laboratoire municipal d'hygiène
soit mis à la disposition de ses services pour le contrôle
officiel des ateliers de pasteurisation. Cet agrément fait l'objet
d'un arrêté gubernatorial en date du 28 février 1953.
Du même fait, en application d'un arrêté du 20 juin
1950, cette officialisation s'étend au contrôle hygiénique
des crèmes glacées, important problème d'actualité
médicale. Cas de fièvres typhoïdes, paratyphoïdes,
colibacilloses, dus à des produits de fabrication douteuse, ont
forcé l'attention des Pouvoirs publics dans la plupart des grandes
nations. Ici encore, la Ville d'Alger peut se flatter d'être ailée
de l'avant, et de posséder des moyens de contrôle ayant permis,
au cours du seul été 1952, l'analyse de 285 prélèvements.
Action rarement répressive, mais plutôt éducative
que les professionnels eux-mêmes sollicitent, comprenant que garantie
sanitaire, et intérêts commerciaux sont loin d'être
opposés.
Ajoutons enfin pour finir que le Laboratoire est en voie d'agrément
pour le contrôle bactériologique officiel des coquillages.
Attributions multiples, certes !
Mais avec un seul but, la défense de l'intérêt général,
cette belle réalisation, que le public ignore, et qui fait pourtant
honneur à notre grande cité, est une arme de choix pour
la sauvegarde du meilleur capital : la santé.
N'est-ce pas là la mission du Bureau municipal d'Hygiène
!
G. GILLES,
Chef du Laboratoire.
|