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MAHELMA
Historiquement Mahelma
est un village Guyot de la troisième ceinture de protection d'Alger.
Dans son plan du 12 mars 1842 le Directeur de l'Intérieur et de
la Colonisation décrit en ces termes le site du futur village :
Maelma (sic) est sur un magnifique plateau qui domine
la plaine de Staouéli et est à cheval sur la
grande route de Douéra à Koléa. Cette
situation a fait choisir ce point pour l'établissement
d'un camp construit en 1835 pour les zouaves. Tout près
sont plusieurs fontaines remarquablement belles et parfaitement
conservées. Les terres seraient placées en amphithéâtre
vers la plaine de Staouéli ; et le long d'un assez
riche vallon.
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Quelques remarques s'imposent à propos de ce texte.
D'abord sur l'orthographe Maelma (qui est aussi celle de la carte au 1/50
000). C'est une erreur manifeste.
Sur l'origine de ce toponyme, les arabisants compétents se divisent
: sachant que el ma signifie l'eau, que mahel signifie endroit, et que
helm signifie plantain, les uns traduisent " point d'eau " et
les autres " zone de pâture ". C'est sûr qu'il y
avait des moutons en 1835, et qu'il y avait une belle source d'un débit
de l'ordre de 2500 litres par heure qui fut captée entre 1835 et
1842 pour alimenter un abreuvoir et un bassin. Par contre la commune s'est
révélée par la suite plutôt pauvre en eau :
en 1950 encore beaucoup de fermes étaient alimentées par
des citernes ou par des puits profonds de 12m. Et les années sèches,
comme en été 1947, certains colons durent aller chercher
de l'eau au village au moyen de haquets chargés de tonneaux.
Pour aller de Douéra à Koléa il n'y a jamais eu de
route directe : il faut faire un détour par la côte, ou par
la Mitidja. Mahelma n'est donc pas à cheval sur la grande route
de Douéra à Koléa. Peut-être y avait-il en
1842 un projet de ce type par El Hadjer; mais ce dernier village n'ayant
pas été créé, une telle route directe ne fut
jamais tracée. Mahelma est sur la route de Douéra à
Zéralda qui n'est pas des plus directes !
Le " riche vallon " est celui de l'oued Safsaf (rivière
des peupliers) qui traverse ensuite la forêt des Planteurs dans
la commune voisine de Zéralda.
A vrai dire, c'est un village plus " Bugeaud "
que Guyot ", tant le rôle des militaires fut déterminant,
de la volonté même de Bugeaud. Mais ce n'est tout de même
pas un " village militaire " comme il est dit parfois : d'une
part parce que les rôles des militaires et des civils sont étroitement
imbriqués dès le début ou presque, d'autre part parce
que les militaires ont vite cédé la place aux civils.
Ce sont les zouaves qui sont les premiers arrivés
et installés, dès mars 1835,
dans un ancien poste de surveillance turc. De ce camp dépendait
un poste qui permettait de surveiller les deux versants, nord vers la
mer, et sud vers la Mitidja, se trouvant sur un point culminant au-dessus
du futur village.
Dès la fin 1842
Bugeaud songea à créer un centre de peuplement français
grâce à des militaires auxquels il ne restait que trois ans
de service. Il fit appel à des volontaires qu'il appâta en
leur promettant la propriété d'un lot au bout de trois ans
et en leur accordant une longue permission pour aller en France dire adieu
à leur famille et, si possible, trouver et ramener une épouse.
Je n'ai pas trouvé l'origine des terres. Guyot n'évoque
aucune tribu émigrée en 1839 et donc aucune confiscation.
On peut songer aux terrains de parcours hérités du poste
turc ; mais est-ce suffisant pour les 60 lots prévus en 1842 ?
Les 60 soldats devaient en priorité défricher et construire
les maisons. Ils étaient conduits par un officier, pas plus agriculteur
que ses soldats, le capitaine Pontenoy, que Bugeaud avait nommé
chef de Compagnie, Maire et Officier d'Etat Civil. Pour bâtir les
maisons les soldats reçurent l'appui des condamnés militaires,
on disait les pénitenciers, du Colonel Marengo.
Tous ces soldats ont réalisé les travaux de protection habituels
: un remblai en terre de trois mètres de haut de forme trapézoïdale
avec trois petits bastions, deux aux bouts de la grande base, et le troisième
au milieu de la petite base.
Très vite, comme partout, quelques civils étaient
venus s'établir près du camp des zouaves. En 1843, avant
la création officielle du village et de la commune par l'arrêté
du 22 mars 1844, il y avait au moins
un aubergiste et un marchand de vin. Dans le camp une chapelle avait été
aménagée dès l'origine.
En 1843 Pontenoy enregistre deux décès
de civils : une servante de l'auberge de 23 ans et un bébé
de 2 ans. L'année suivante se produisent les deux premières
naissances, l'une à l'auberge, l'autre dans le camp des zouaves
; et 3 décès (40, 33 et 3 ans).
Il est probable qu'en 1845 les maisons étaient
terminées puisque, désormais, c'est là que les naissances
eurent lieu. En 1845 il y eut aussi 10 décès de personnes
de moins de 40 ans. On ne faisait pas encore de vieux os dans le Sahel.
Au bout de trois ans les deux tiers des soldats, enfin
libérés de leurs obligations militaires, ont quitté
l'Algérie, peut-être parce qu'ils ne supportaient pas la
discipline militaire, ou le travail en commun ; ou parce que les femmes
ramenées du " pays " ne s'étaient pas acclimatées.
Les militaires retournés au pays furent remplacés avantageusement
par des civils mieux motivés.
Les premiers colons, comme partout ailleurs dans le Sahel,
récoltèrent des fourrages naturels qui poussaient ça
et là et qu'ils vendaient à l'Intendance, séchés
et bottelés. Ils y ajoutaient un peu d'élevage extensif
et la fabrication de crin végétal à partir des tiges
du palmier nain, selon le procédé mis au point à
Chéragas. Comme il y avait déjà une chapelle dans
le camp des zouaves, il n'y eut pas d'urgence à construire une
église. Elle fut finalement consacrée en 1875, 5 ans après
la promotion de Mahelma au statut de CPE. On aurait pu appeler le village
Mahelma-les-deux-églises, voire Mahelma-les-deux-mosquées,
car deux des quatre tribus de la commune, les Sidi Abdallah et les Zaatrias
en possédaient une.
A noter, incidemment, que Sidi Abdallah est le nom choisi
vers l'an 2000 pour la ville nouvelle en construction près de l'ancien
village.
En 1948 fut créé le Foyer rural pour remédier
à l'inconvénient, de moins en moins bien supporté,
du manque de distraction.
En 1949 un cantonnier
découvrit des ruines romaines à 5 km du village, du côté
de la Ferme Consulaire de Saint Ferdinand, censée être située
à l'emplacement d'une ancienne villa (domaine) romaine. Les premières
fouilles ont identifié cette ruine comme les restes d'un ancien
poste fortifié byzantin, donc postérieur à 533. La
vocation stratégique du site a été utilisée
par tous les envahisseurs. Des fouilles plus systématiques furent
entreprises en 2000, qui ont mis au jour de belles mosaïques d'époque
byzantine ou romaine.
Quelques dates
1835 - |
en mars. Etablissement d'un camp militaire
de surveillance |
1843 -
|
premiers défrichements par des
militaires |
1844 -
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22 mars. Arrêté de fondation
du village et de la commune, comme annexe de Douéra |
1870 - |
Mahelma est promu CPE, commune de plein
exercice |
1875 - |
Consécration de l'église |
1912
- |
Consruction de la première cave
coopérative de l'Algérois |
1948 -
|
Création du Foyer Rural |
1949 -
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Découverte des ruines byzantines |
1951 - |
Grave inondation du Mazafran |
Le territoire communal
Il est vaste : officiellement 3450 ha.
Il est composite avec trois éléments de plaines, un étroit
plateau dominant la plaine de Zéralda où se trouve le village
et un très large versant tourné vers la Mitidja.
Le plateau de Mahelma est en limite
de la crête sommitale séparant les deux versants du Sahel.
Son altitude maximale est 210m. Il est découpé par des oueds
peu ou très peu encaissés qui descendent vers la plaine
de Zéralda
Ce plateau est en majeure partie est cultivé.
On y trouve vignes et céréales sur des terres hamri de qualité
très convenable.
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sur l'image pour une meilleure lecture ( 130 ko)
Territoire communal de Mahelma
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Les trois plaines sont éloignées
les unes des autres
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La plaine du nord n'est que le prolongement de celle de Zéralda,
avec le même réseau en damier de chemins de ferme. La limite
de la commune est superposée à celle de la forêt des
Planteurs. La plaine est à environ 110m d'altitude, avec des points
bas restés marécageux encore en 1930.
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La plaine du sud appartient à la Mitidja,
dans sa partie la plus basse qui fut longtemps marécageuse. On
voit sur la commune de Boufarik voisine, les canaux de drainage et l'existence
de sources artésiennes. Les terres sont entièrement couvertes
de vignobles, avec quelques grandes fermes.
La limite de la commune suit au plus près la route départementale
D7 qui va jusqu'à Marengo, en longeant la bordure du Sahel. Elle
est à 24m d'altitude, au point le plus bas..
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La plaine du Mazafran dont la commune de Mahelma
ne possède qu'une petite part est couverte de riches alluvions.
On y trouve un grand domaine viticole, celui dit de Saint Hubert. Les
sols sont riches, mais pas à l'abri des crues du fleuve. Après
la crue de décembre 1951 qui fit de gros dégâts, des
travaux furent entrepris de débroussaillages et de rectification
des berges, ainsi que d'approfondissement.
Le versant sud occupe une bonne moitié
de la superficie de la commune. C'est un versant incommode et peu fertile.
Les oueds y sont plus encaissés qu'un nord, et surtout, les sols
y sont argileux La colonisation avait peu pénétré
cette région laissée aux indigènes.
Au total c'est la vigne qui domine nettement. Les statistiques indiquent
pour 1954 les surfaces cultivées suivantes : vignes 1014 ha
céréales
575 ha (dont blé 400 ; 50% blé dur, 50% blé tendre)
pommes
de terre 32 ha.
Il faut noter que la vigne avait beaucoup perdu depuis 1938. Elle couvrait
alors 300ha de plus, et les céréales 300ha de moins. Je
reviendrai sur cette tendance avec l'étude de Koléa.
La commune n'est traversé que par deux routes méridiennes.
Par contre dans le sens est-Ouest, il fallait faire le détour par
la plaine.
Le village centre
Mahelma, vue aérienne
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Mahelma, sur la carte
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Sur la carte c'est le village vers 1930 ; et sur la photo
satellitaire vers 2000. Malgré les extensions intervenues en 70
ans, on reconnaît encore le plan dédoublé associant
le triangle de l'ancien camp des zouaves à l'ouest, et le trapèze
du village de 1844 à l'est.
Mais, de toute évidence les vignobles de 1930 ont cédé
la place à des terres labourées pour d'autres cultures.
On peut suivre le tracé de l'oued Safasaf qui était écarté
du village en 1930, mais qui ne l'est plus du tout.
Par contre le tracé des routes n'est clairement visible que sur
la carte où leur largeur est très exagérée.
La route nord-sud est celle de Zéralda à la Mitidja. La
route vers l'est est celle de Sainte Amélie et Douéra. Les
autres sont des chemins vicinaux très secondaires.
Une rue de village de colonisation banale, avec trottoirs plantés
d'arbres et maisons bassesparfois appelées ici maisons Bugeaud.
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Une place centrale un peu inhabituelle, sans square, sans boulodrome
; mais avec puits ou fontaine recouvert d'une coupole
|
Le foyer rural de
1948 gérait un cinéma, une bibliothèque, un stade
et un court de tennis. C'est lui qui organisait la fête du village
l'été et l'arbre de Noël des écoles en décembre.
Il recevait les conférenciers d'El Riath venus de Birmandreis.
Il avait même créé un rucher expérimental.
La desserte du village était
assurée par la société des cars Seygfried avant leur
rachat par les auto-cars blidéens. Ils passaient par Saint Ferdinand
et Sainte Amélie. De 1900 à 1930 la plaine du domaine Saint
Hubert fut desservie par les trains des CFRA de la ligne d'Alger à
Koléa.
Suppléments sur le différentiel
démographique
Mahelma est le village du Sahel où le pourcentage des Européens
était, en 1954, le plus faible. C'est pourquoi je place ici quelques
données et quelques réflexions sur les différences
entre Européens et Musulmans en ce qui concernait la démographie
: les nombres et pourcentages,
les
évolutions ; croissance et migrations,
la
dispersion sur le territoire,
les
pyramides des âges.
J'irai du particulier au général, partant
du cas de Mahelma pour aboutir à celui de l'Algérie française.
Population
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Sur ce schéma qui concerne la
population municipale de Mahelma les Européens sont en bas
de chaque colonne, et les Musulmans en haut.Les nombres précis
sont les suivants:
1872
Européens 417 et Musulmans 386
1911
Européens 716 et Musulmans 860
1954
Européens 419 et Musulmans 4709
Les pourcentages d'Européens sont passé
de 52% à 45%,
puis à 8%
Il est bon d'avoir présent à l'esprit
que le Sahel est la région la plus européanisée
d'Algérie avec des villages très proches les uns des
autres.
Mahelma est ainsi :
à
3,5km de Sainte Amélie
à
8km de Zéralda
à
10,5 km de Saint Ferdinand
à
9,5km de Douéra
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La première explication
de ces évolutions est simple : au XXè siècle
les Européens commencent à déserter les campagnes,
même celles qui ne sont pas isolées, pour aller chercher
en ville des emplois non agricoles. Pour les villages du bled les raisons
de l'exode rural sont multiples : les enfants de colons stricto sensu
sont devenus ouvriers, employés, commerçants ou fonctionnaires
en ville. Ces changements de domicile et de métier furent décidés
dans l'espoir d'avoir une vie moins isolée et moins précaire,
à l'abri des mauvaises récoltes des années de sécheresse
et des vols de sauterelles, ainsi que d'une résidence plus proche
du lycée et du médecin. Sans s'en douter les pères
rapprochaient leurs valises du port d'embarquement de leurs fils ou petits-fils
!
Le Sahel est une des régions les moins touchées
par cette migration vers la côte. Ailleurs ce fut bien pire.
C'est en 1902 que les Européens
ont vendu aux Musulmans plus de terres qu'ils ne leur en ont acheté,
pour la première fois. C'est en 1906
que la population européenne rurale fut la plus élevée
en nombre : 210 000. Le pourcentage des Européens ruraux et citadins
s'effondra de 50% en 1906 à
37% en 1926 et à
30% en 1931. Ce mouvement vers les villes est banal ; il existait
aussi en métropole. Mais, en Algérie, il vidait le bled
de sa population européenne. En 1932 ce sont 51 centres de colonisation
(sur 523, hameaux non compris) qui sont officiellement " en
voie de dépérissement ".
Il y avait alors deux ans que le président Gaston Doumergue était
venu, en mai, inaugurer deux monuments destinés à sceller
l'indéfectible attachement de l'Algérie à la France,
celui de Boufarik à la gloire du Génie colonisateur français
et celui de Sidi Ferruch pour le centenaire du débarquement.
Monument aux Colons
|
La seconde explication est l'installation de
Musulmans dans les villages de colonisation
Ce n'est pas leur natalité, plus élevée que la nôtre,
qui est alors l'essentiel, car leur mortalité infantile est aussi
très forte. Ce sont les migrations internes qui gonflent le pourcentage
des Musulmans dans les villes et les villages de colonisation. Cela a
commencé par des travailleurs saisonniers qui restent, puis qui
font venir leur famille. A Mahelma ce serait après les mauvaises
récoltes de 1921 dans l'intérieur que le processus s'est
accéléré. Les migrants vers Mahelma venaient du Titteri
(Aïn Boucif et Sidi Aïssa) et très secondairement de
la Soummam (Sidi Aïch). Cet " exode rural " remplissait
les villages européens sans vider les mechtas du bled. Chaque village
du Sahel avait son douar fournisseur traditionnel de gueblis (ou guiblis),
travailleurs venus du sud.
Pyramide des âges
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Ce qui a valeur prédictive sur ces pyramides
des âges au 31 octobre 1954, c'est la base, très
rétrécie chez les Européens et très large
chez les Musulmans. A la baisse de la natalité chez les uns correspond
chez les autres une hausse grâce à la baisse de la mortalité
féminine en général et puerpérale en particulier.
Il n'est pas nécessaire d'être expert en démographie
pour comprendre que ces pyramides annoncent le vieillissement des uns
et l'extrême jeunesse des autres, ainsi qu' une submersion probable
des centres européens. Un journaliste du Figaro l'avait compris
dès 1930, écrivant au début des festivités
du centenaire " le centenaire, les lampions, le charme des décors
! Et derrière eux une élite qui guette et qui nous épie,
une élite d'une race qui à chaque heure croît en nombre
Le nombre- mot terrible, obsédant - dont tôt ou tard nous
subirons la loi ". Le pourcentage d'Européens qui avait
atteint le maximum de 13% vers 1914, a ensuite constamment diminué
jusqu'aux environs de 10%. Cette évolution ne pouvait pas s'inverser.
Ces moyennes masquaient d'énormes disparités régionales
: des Musulmans il y en avait partout, pas des Européens. Les Européens
de Mahelma et du Sahel, tout comme ceux n'ayant vécu que dans les
grandes villes, avaient peu ou pas conscience de ce que de vastes régions
n'avaient comme résidents européens provisoires que des
gardes forestiers et des instituteurs débutants du cadre B : citons
par exemple l'Aurès, les Nemenchas, l'Atlas saharien (sauf Djelfa),
la Kabylie des Beni Yenni et, toit près de mer, les monts du Dahra.
Si certains de mes lecteurs pensent que je suis en train
d'introduire l'idée que l'Algérie française était
condamnée à l'échec dès le début, ils
ont raison. L'Algérie française
fut une illusion, une illusion séculaire et unanimement
partagée, ou presque, mais une illusion : n'en doutons pas.
Les gouvernements français se sont engagés dans une colonisation
officielle sans avenir faute d'avoir
|
o Ou bien exterminé
les indigènes (comme les Guanches des Canaries par exemple)
N'en déplaise à Bouteflika, il n'y eut pas de génocide
en Algérie. |
o Ou bien refoulé les indigènes
comme en Nouvelle Angleterre par exemple. Seuls les
Turcs sont partis ; même les Koulouglis sont restés.
|
o Ou bien submergé
les indigènes, comme les aborigènes par les Anglais
en Australie |
|
o Ou bien assimilé les
indigènes, comme les indiens du Mexique christianisés
et
devenus hispanophones. Même s'il y a, sur les temples aztèques,
des explications en
nahuatl, tous les amérindiens lisent le texte espagnol. |
Pour que l'Algérie restât française
il eût fallu que la majorité des Musulmans le voulussent
et que les gouvernements de Paris rendissent la chose possible. Il n'en
fut rien, même s'il a toujours existé un " parti français
" en Algérie ; et dès 1830. Mais la France n'a pas
su ou pas voulu s'attacher les élites musulmanes.
Bien sûr il a existé une Algérie française,
mais en îles et îlots éparpillés ou enkystés
dans un océan arabo-berbère unifié par l'Islam ;
et en voie de submersion par les vagues montantes des populations indigènes.
Sur les cartes les deux Algérie se mêlaient, sur les routes
et dans les rues elles se croisaient, mais dans la vie quotidienne elles
se côtoyaient sans se mélanger. Les Musulmans pouvaient être
nos voisins ou nos compagnons de travail. Mais ces relations ne menaient
que très exceptionnellement au franchissement des seuils des foyers.
Il y avait certes, comme l'écrit joliment un des rédacteurs
des cahiers du centenaire sans doute géologue " des effets
de métamorphisme de contact " (cuisine, vêtement
ou pâtisserie) mais ils ne modifiaient que l'accessoire et laissaient
intact l'essentiel. Sur la famille, l'éducation des filles, la
place des femmes, le rôle de la religion, l'opposition était
irréductible. Il y avait des sujets tabous et des mariages impossibles
: on ne vivait pas ensemble, on vivait à côté.
L'histoire de l'accession des
franco-musulmans aux fonctions publiques est édifiante
quant au peu d'empressement des responsables français à
l'égard des élites indigènes.
1830-1866 |
Aucun accès ; sauf comme soldats..Jusqu'au
sénatus consulte du 14 juillet 1865 les musulmans sont
sujets français |
1866 |
Un décret fixe la liste des emplois accessibles,
tous d'exécution |
1919 |
La loi du 4 février fixe la courte liste
des emplois d'autorité inaccessibles |
1944 |
L'ordonnance du 7 mars rend accessibles tous les
emplois |
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Il n'avait fallu que 117 ans pour que les Français
musulmans aient accès à tous les emplois, en théorie
de moins car il n'y eut pas de Gouverneur Général musulman,
et guère de Préfets, de Proviseurs ou de Commandants d'armes.
De toute façon il demeura jusqu'à la fin une distinction
entre franco-musulman et Français tout court. Le terme officiel
de franco-musulman souligne, sans le vouloir, l'impossible unité
de fond. On ne distinguait pas des franco-juifs, des franco-catholiques,
des franco-protestants et des franco-rien du tout ; mais des franco-musulmans,
oui, et beaucoup, et de plus en plus, et partout, sauf dans la haute administration
tant en Algérie qu'en métropole.
Ce n'est pas l'indépendance que l'on peut reprocher
à de Gaulle : elle était inscrite dans l'évolution
démographique. C'est le chemin choisi pour y parvenir et c'est
le déshonneur d'une solution non conforme aux engagements pris
à l'égard des Européens et des loyalistes.
L'échec est aussi dans la complaisance à livrer le pouvoir
à une dictature à parti unique, sans y être forcé,
comme au Tonkin, par un désastre militaire. Il est difficile d'imaginer
pour le Mahelma de l'été 1962, comme pour l'Algérie
française en général, une fin plus misérable.
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