UN GRAND ÉTABLISSEMENT DE BAINS
A ALGER
Les Bains Parisiens.
L'utilité de l'hygiène
n'a pas besoin d'être démontrée et elle a été,
en effet, comprise de tout temps. On ne peut douter, en particulier,
que l'usage de se baigner ne soit très ancien, car cet usage
est fondé sur des besoins, qui ont commencé avec la vie
même de l'humanité : entretenir la propreté du corps,
le défendre des chaleurs excessives et le délasser de
ses fatigues. Aussi les annales historiques qui remontent à la
plus haute antiquité nous ont-elles transmis d'intéressants
détails sur cette coutume. Les filles du Pharaon se baignaient
dans le Nil, la princesse Nausica, fille du roi des Phéniciens,
se plongeait tons les jours dans l'eau claire d'une fontaine et Hélène
se livrait fréquemment, dans l'Eurotas, au milieu de ses compagnes,
au plaisir de la. natation. Les Perses et les Égyptiens paraissent
avoir été les premiers à élever des établissements
publics, et l'histoire rapporte qu'Alexandre, entrant dans la salle
de bains de Darius, s'écria en voyant le luxe qui y régnait
: " Est-ce au sein d'une telle mollesse que l'on peut commander
à des hommes".
De l'Asie, l'usage des bains se répandit en Grèce et il
passa tellement dans les murs de ce peuple que le bain y était
une des obligations de l'hospitalité.
Homère, qui parle très souvent des bains, fait raconter
ainsi à Ulysse la réception que lui lit la magicienne
Circé, dans son palais enchanté : " Une nymphe nous
apporta de l'eau, alluma un grand feu et prépara le bain. Aussitôt
que j'y fus entré, on versa de l'eau chaude sur ma tête
et sur mes épaules, on me parfuma d'essences précieuses,
et je n'en sortis que lorsque je ne me ressentis plus de toutes les
fatigues et de tous les maux que j'avais souffert ".
Les Romains faisaient également un usage extrêmement fréquent
des bains et s'exerçaient à traverser le Tibre à
la nage, avant que s'introduisit l'usage des bains publics. Ce fut sous
les empereurs que l'on construisit les thermes, édifices immenses
et dans lesquels les Romains déployèrent une magnificence
digne des maîtres du monde. Aux bains de Caracalla, trois mille
personnes pouvaient se baigner à la fois, il y avait seize cents
sièges de marbre, ou de porphyre, des baignoires de granit reposaient
sur le sol ou étaient suspendues en l'air, de sorte que l'on
pouvait prendre son bain en se balançant ; d'immenses portiques,
des exèdres ou salles de conversation et des bibliothèques
étaient annexés à l'établissement. Des promenades
plantées de platanes et de sycomores, des espaces découverts
et sablés entouraient les bâtiments et regorgeaient d'une
quantité d'objets d'art, bustes, statues, bas-reliefs, mosaïques,
etc..
Partout où ils s'établissaient, d'ailleurs, les Romains
avaient pour habitude de construire des thermes. On retrouve encore
aujourd'hui les débris de ces magnifiques constructions dans
toutes les villes mortes d'Algérie et la splendeur de leurs ruines
est suffisante pour donner une haute idée de leur importance
dans la société antique.
Plus tard, le Christianisme, dans son ardent désir de protester
contre le sensualisme païen, affecta le plus profond mépris
du corps, dans le but d'exalter l'âme. Le mysticisme érigea
alors la malpropreté en acte méritoire. On parut prendre
à la lettre cette parole de Salvien : " La maladie du corps
est la santé de l'âme ", et de Montalembert, dans
son Histoire des momies d'Occident, nous cite comme d'admirables exemples,
ces bandes de saints, qui, nus, ne se lavant jamais, laissant pousser
indéfiniment leurs ongles, leurs cheveux et leur barbe, ressemblaient
à des spectres et se laissaient dévorer le corps, le visage
et les lèvres par la vermine.
Cependant le bon sens devait prévaloir sur les exagérations
du mysticisme. Bien qu'au moyen âge, l'hygiène publique
et privée fut, en général, singulièrement
négligée, les relations sociales, le désir de plaire,
l'influence bien constatée que les soins du corps exercent sur
la santé, la civilisation généralisèrent
de plus en plus le goût de la propreté et l'usage du bain.
La science hygiénique a, aujourd'hui, définitivement fait
admettre l'impérieuse nécessité des soins corporels.
Le bain et les lavages agissent puissamment sur la peau en permettant
à la respiration de s'exercer librement et on sait même
qu'ils sont, dans leurs diverses variétés, d'un grand
secours pour le médecin et très souvent employés
en thérapeutique. Ces notions. qui ont pénétré
dans toutes les classes de la société, ont amené,
de nos jours comme dans l'antiquité, la création d'installations
spéciales et publiques où pratiquer l'hygiène.
Certes, quand on se reporte par la pensée aux imposants établissements
de bains romains ou orientaux, on est frappé du contraste, que
présentent, avec eux, nos bains modernes, mais nos murs
s'accommoderaient mal avec les pratiques parfois efféminées
de l'antiquité et surtout nous avons moins de loisirs dans une
société où, suivant la formule, le temps est de
l'argent. D'ailleurs, si nos installations son! moins luxueuses, leur
agencement et leur outillage arrivent, dans les plus récentes,
à être pour ainsi dire parfaits et à répondre
entièrement à tous nos désirs.
Au nombre de ces établissements perfectionnée, il convient
de signaler aux Algérois Les Grands Bains Parisiens, une maison
fondée en 1870, mais qui vient d'être transformée
avec les plus heureuses modifications. Son nouveau propriétaire,
M. Nicolas Caccuitolo s'est, en effet, spécialement attaché
à offrir à sa clientèle non pas un luxe inutile
et tapageur, mais une décoration de bon goût et l'ensemble
de ces aménagements qu'on est convenu d'appeler le confort moderne.
Les cabines, au nombre de 30 et d'une propreté méticuleuse,
sont claires, vastes, bien aérées et l'eau coule à
volonté, au gré du client. Certaines sont à deux
baignoires et six mieux aménagées encore sont dites de
luxe.
Cet établissement comprend également des cabines de douches
à eau chaude et eau froide, une salle de massage avec lits de
repos et ,enfin, un immense local où se trouvent réunis
les appareils d'hydrothérapie les plus perfectionnés :
caisse de sudation moderne pour traiter les rhumatismes, les douleurs
arthritiques, la sciatique, etc., bain de siège, etc..,etc..
En plus du personnel ordinaire très bien stylé, d'excellents
pédicures, masseurs ou masseuses sont, bien entendu, à
la disposition de la clientèle
L'une de nos photographies permet d'admirer un superbe jardin d'hiver
où, après un bain un peu prolongé, l'on peut se
reposer agréablement, de sa légère lassitude. L'on
peut même, grâce à un service de restauration de
tout premier ordre, s'alimenter légèrement, si on le désire,
en thé, chocolat, etc..
Tels sont succinctement décrits, ces bains modèles. Il
convient de féliciter leur distingué propriétaire
de n'avoir rien négligé et d'avoir fort bien fait les
choses.
Soulignons, pour terminer, la situation de ces Grands Bains Parisiens
au centre de la ville et à un arrêt du tramway. Elle complète
la série des nombreux avantages que cet établissement
assure à ceux qui en sont les habitués.