MOULOUD FERAOUN
romancier kabyle
reçoit le prix du roman populiste

Echo du 16-6-1953 - Transmis par Francis Rambert, mon copain de Bugeaud

MOULOUD FERAOUN
romancier kabyle
reçoit le prix du roman populiste

Le Prix du roman populiste 1953 vient d’être décerné à Mouloud Feraoun, écrivain kabyle dont nous avions aimé La terre et le sang, paru dans cette belle collection « Méditerranée » que dirige, aux Éditions du Seuil, Emmanuel Roblès.

Après Sartre, Henri Troyat, Armand Lanoux, le prix Populiste distingue un écrivain qui est de la lignée d’Amrouche et de Mouloud Mammeri et rejaillit sur cette littérature d’inspiration nord-africaine qui, elle aussi, a sa place au soleil.

Cette terre kabyle, terre pauvre de figuiers et d’oliviers, qui oblige ses hommes à s’expatrier régulièrement, Mouloud Feraoun l’aime avec ses contraintes, mais aussi ses forces spirituelles. Car malgré le rythme saisonnier entré dans les mœurs qui volt les villages se vider au printemps puis se remplir l’hiver, la tradition impose la loi du retour.

- Je ne sais si nous pourrons nous déraciner ainsi définitivement, me dit Mouloud Feraoun. J’ai vu débarquer, il y a deux ans, un vieil aveugle qui était en France depuis 1907. Il revenait mourir chez nous.

Que voulez-vous ? Il y a ce fameux cimetière avec ses dalles de schiste. Il appelle les gens peut-être...
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MOULOUD FERAOUN
romancier kabyle
reçoit le prix du roman populiste

Le Prix du roman populiste 1953 vient d’être décerné à Mouloud Feraoun, écrivain kabyle dont nous avions aimé La terre et le sang, paru dans cette belle collection « Méditerranée » que dirige, aux Éditions du Seuil, Emmanuel Roblès.

Après Sartre, Henri Troyat, Armand Lanoux, le prix Populiste distingue un écrivain qui est de la lignée d’Amrouche et de Mouloud Mammeri et rejaillit sur cette littérature d’inspiration nord-africaine qui, elle aussi, a sa place au soleil.

Cette terre kabyle, terre pauvre de figuiers et d’oliviers, qui oblige ses hommes à s’expatrier régulièrement, Mouloud Feraoun l’aime avec ses contraintes, mais aussi ses forces spirituelles. Car malgré le rythme saisonnier entré dans les mœurs qui volt les villages se vider au printemps puis se remplir l’hiver, la tradition impose la loi du retour.

- Je ne sais si nous pourrons nous déraciner ainsi définitivement, me dit Mouloud Feraoun. J’ai vu débarquer, il y a deux ans, un vieil aveugle qui était en France depuis 1907. Il revenait mourir chez nous.

Que voulez-vous ? Il y a ce fameux cimetière avec ses dalles de schiste. Il appelle les gens peut-être...

Tizi-Hibel, un gros village de 2.700 habitants posé sur une crête, comme une calotte blanchâtre, a vu naître Mouloud Feraoun, le petit « Fouroulou » dépeint dans « Le fils du pauvre ». Fils de fellah, comme les enfants kabyles, il n’a pas échappé à une Jeunesse difficile où la tranche de pain rapportée du marché par son père lui semblait du gâteau. La viande était rare alors, mais il y avait à profusion des figues et du couscous d'orge bien huilé.

Mis à l’école dès l’âge de 7 ans, Mouloud Feraoun passait son certificat d’études en 1925, à 12 ans, dans cette école de Fort-National qu'il dirige maintenant. Quelle découverte pour lui fut l’histoire enfantine d’Ernest Lavisse dont lui fit cadeau un cousin revenant de France !

Ce manuel, je l’ai appris par cœur. J’imaginais à ma façon Vercingétorix, Louis XI et Jeanne Hachette. Quant aux élèves studieux que le livre situait à droite de Charlemagne, ils étalent pieds nus comme mol et portaient des chéchias et des gandourahs.
Peut-être parlaient-ils kabyle quand ils étalent chez eux avec leurs parents.
- Quelle part de réalité entre dans « La Terre et le Sang » ?

- « La Terre et le Sang » est un véritable roman. Il y a effectivement une Française dans mon pays, et depuis longtemps, mais elle n’a absolument rien à voir avec Marie.

J'ai voulu montrer qu’une Française peu exigeante peut accepter de vivre chez nous la vie de nos femmes, comme j'en avais un exemple sous les yeux.

« Ce livre aura une suite : l’histoire du fils de Marie né vers 1928, un jeune homme de 25 ans, vivant en Kabylie avec sa mère ».
- Il est évident qu’il aura les réactions de ceux de son âge. Il vivra avec son temps. L’action se déroulera en partie en France, en partie ici. Le premier chapitre de mon roman a paru dans « Simoun 8 ».

Pour l’achever, il lui faudra retourner en France, voir de près les gens de chez lui à Barbés, à Lille ou à Thionville. En 49, il a passé un mois à Paris qui ne l'a pas beaucoup enchanté.

- Quand on sort d’un bled kabyle, pour plonger directement dans ce monde, on se sent traqué, ahuri, perdu.

Lui qui avoue n’être à l’aise que seul, il a cependant désiré la ville à cause de ses enfants, six, dont l’aîné a 13 ans, le dernier 6 mois.

- Nous sommes tous en train de nous transformer rapidement ; nous avons l'eau, l’électricité, le médecin, le pharmacien, le boulanger. Mes enfants ont appris avant moi à distinguer une « Frégate » d’une « Vedette » et une 203 d’une « Traction ».

Il s’en amuse bien plus qu’il ironise, occupé par ses obligations professionnelles, le cours complémentaire dont il est le maître à tout apprendre créé en octobre dernier dans son école de Fort-National.

- En octobre, j’ai ouvert une classe, mais dans cette classe j’ai une 6e et une 5e . Je fais marcher les deux sections tout seul. Il me faut m’occuper aussi de l’organisation pédagogique de l’école, de l’administration, gérer une cantine scolaire, animer une société sportive, intéresser les adultes à la bibliothèque de l’école. Une fois cela rempli je peux m’isoler et travailler pour mon plaisir. J’ai besoin d’un moment tous les jours. Je m’en tire parce que je n’aime ni sortir, ni me trouver en compagnie. Une habitude du bled. Une habitude salutaire, je crois.

Sa profession de foi littéraire est toute classique. Nos auteurs des 17e et 18e siècles sont ses familiers.

Il a lu aussi beaucoup de romans de Balzac aux Russes. Et Daudet, et France et Gide. « La Peste », de Camus, l'a vivement impressionné.

C’est un livre qu’il a relu, comme il a lu en entier l’œuvre de Roblès.

- En réalité, je n’ai de préférences que pour les ouvrages où je sens battre la vie, sans hypocrisie et sans tricherie. J’ai compris qu’il y avait beaucoup de tricheurs en littérature, mais ceux-là, je le crois bien, ne me tromperont plus.

Le signe d'une vie sincère, nous l’apprécions dans ce talent kabyle net, vigoureux, de belle venue que protègent les montagnes de Kabylie et qui les auréole aujourd’hui.