-LAMARTINE
, village d'Algérie en 1900
par Edgar Scotti ()
LE CHEF-LIEU de la commune mixte du Chélif, créé
en 1888 sur 1 445 ha, puis agrandi en 1894 sur 597 ha, s'étend
dans le pittoresque défilé de l'oued Fodda (la rivière
de l'argent), dont le centre du même nom, se trouve à 11
km au nord. Situé au sud-est d'Orléansville dont il est
distant de 34 km et à 197 km au sud-ouest d'Alger, le village prit
le nom d'un de nos grands poètes et hommes politiques, né
à Milly près de Mâcon en 1790, mort à Paris
en 1869. Arrosé par les eaux du massif de l'Ouarsenis qui culmine
à 1 985 m, Lamartine, à 216 m d'altitude, bénéficie
d'un bon climat avec des températures qui varient entre 14 °C
en hiver et 42 °C en été.
L'oued Fodda, affluent du Chélif, permet par des canaux de dérivation
d'irriguer 200 ha de cultures diverses. L'alimentation en eau est assurée
par des sources. Les terres d'alluvions sont propices aux céréales.
Lamartine dispose d'une pépinière communale en plein rapport.
Le village établi sur les terres du douar Harchoun, abrite le siège
de la commune mixte du Chélif, qui s'étend sur 192 083 ha
en plaines, coteaux et montagnes. En 1900, cette commune mixte avait une
population de 48 113 autochtones et 701 Français, alors que Lamartine
avait en cette même année 333 habitants dont 253 Européens.
Le village est desservi par la gare PLM de l'oued Fodda sur la ligne de
chemin de fer d'Alger à Oran.
La commune de
Lamartine au début du xxe siècle
Administration de la commune
mixte
Administrateur: M. Eugène Pons; premier adjoint: M. Félix
Aumerat; deuxième adjoint: M. Marius Cauquil; secrétaire:
MM. Albert Colombaire, François Brandstaetter et François
Magnon; khodja : MM. Ben Omar Benatchi et Mohammed Boukandoura;
garde champêtre, crieur public: M. Victor Gibert; instituteur:
M. Noël Antoniotti à l'école communale de garçons;
institutrice: Mme Brandstaetter à l'école communale
de filles; médecin de colonisation : D' Reisser, résidant
à l'oued Fodda; fanfare: Les enfants de Lamartine, avec M.
François Magnon comme chef de musique; curé : M. l'abbé
Bonnefond ; cantonniers: MM. Rochette et Weinert.
Artisans et commerçants
En raison de sa situation à l'extrémité d'une
route desservant des douars ou fractions de douars et avec la construction
du barrage " Steeg" ou de Lamartine sur l'oued Fodda,
le village abritait de nombreux représentants des professions
libérales, artisans et commerçants. Cafetier: M. Étienne
Guignard; cordonnier: M. Arnaudeau; bourrelier-sellier: M. Claude
Autissié; garde des eaux: M. Raphaël Bois; épiciers:
MM. Léon Boilleau et M. Hadj Sadok; transport des dépêches:
M. Laveaux; tailleur de pierres: M. Vieilledent; forgeron : M. Arevoir;
hôtel : M. Laveaux; maçons: MM. Juan Lorenzo et Esposito;
charron: M. Jean-Marie Artigues.
Agriculteurs
Vouée à la céréaliculture, la région
située en aval du barrage s'est progressivement orientée
vers des productions plus intensives dont la culture fut rendue
possible par les perspectives de l'irrigation. C'est ainsi que pour
remédier aux rendements insuffisants des céréales,
les champs, dans les années qui suivirent la Première
Guerre mondiale, se couvrirent des petits flocons blancs du coton.
En raison de leur faible teneur en calcaire les terres étaient
propices à la production de pois chiches, lentilles et autres
cultures vivrières nécessitant la mise en oeuvre d'une
importante main-d'oeuvre locale complétée par des
apports saisonniers. Parmi les agriculteurs citons les noms de MM.
Guignard, Curtet, Vieilledent, Bouguin, Vaulpré, Jaugea,
Bagur, Milan, Marchai, Laveaux, Paltot, Arnaudeau, Paufert, Sautel,
Bonhomme, Boilleau, Maury, Yarzac, Bellet, Bitchine, Bronchier,
Artigues, Lunel, Chardenet, Bordas, Perre, Martin Sautel, Autissié,
Janvion, Fabre, Florent (père), Eugène Florent.
Viticulteurs
Venus de régions viticoles du Languedoc et des Alpes-Maritimes
des agriculteurs introduisirent à Lamartine des plants de
vigne " vitis vinifera" entourés de chiffons humides.
C'est ainsi qu'au début du xxe siècle un petit vignoble
d'une quinzaine d'hectares était créé à
Lamartine par MM. Laveaux, Paufert, Perre, Bellet, Marchai, Bagur,
Vaulpré, Autissié, Janvion. Cette production fut par
la suite abandonnée au profit de cultures arbustives comme
les agrumes: orangers, mandariniers, clémentiniers, citronniers,
cédratiers.
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Situé au milieu du massif de l'Ouarsenis, Lamartine
disposait d'une brigade de gardes commandés par M. Mérat.
Ces gardes étaient dispersés dans les maisons forestières
isolées que le randonneur découvrait au détour d'un
sentier. Celle des Béni Boutlouane était occupée
par M. Quilichini et son épouse. Il convient à cette occasion
d'évoquer les dures conditions de travail de ces forestiers isolés,
dont les épouses infirmières à l'occasion surent
capter la confiance de leur entourage. Deux postes étaient en effet
vacants en 1900 dans les maisons forestières de ce secteur.
Le barrage de Lamartine
Appelé aussi barrage " Steeg " du nom
d'un gouverneur général, celui de Lamartine, construit sur
l'oued Fodda, est le premier des grands ouvrages hydrauliques algériens.
Le cours de cet oued se fraye un passage dans une gorge profonde, au travers
du massif du " Koudiat Larouah " située à 9 km
en amont du village de Lamartine. Sa construction commencée en
1928, fut précédée d'un rapport de M. E. Ficheur
en date du 7 mars 1910, pour être achevée en juin 1932. L'ouvrage
impressionnant, barrant une profonde vallée est fondé sur
des calcaires très fissurés dont l'imperméabilisation
nécessita pour la première fois l'injection à haute
pression de produits chimiques intégrés au ciment. La cuvette
du barrage draine les eaux d'un bassin-versant de 800 km2; la pluviométrie
estimée à 560 m/m, l'apport annuel de l'oued au barrage
était en moyenne de 85 millions de m3.
L'ouvrage de Lamartine est un barrage-poids en maçonnerie s'élevant
de 89 m au-dessus du thalweg et de 170 m de longueur de crête.
Dans cette région affectée par de grands séismes,
plusieurs secousses telluriques comme celles de 1934 et de 1954, restèrent
sans conséquence. Les eaux du barrage étaient distribuées
dans un périmètre irrigable de 18 000 ha, sur la rive gauche
du Chélif en amont du seuil de Pontéba, à l'exception
de Wattignies et de Carnot situés sur la rive droite du fleuve.
Pour éviter l'ensevelissement
et l'oubli
Vues du barrage (coll. J.P.Herbault)
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Le souvenir du village de Lamartine, créé
en 1888, reste toujours présent dans la mémoire de tous
ceux qui le connurent et notamment parmi les descendants des hommes et
des femmes qui, conformément à leurs aptitudes, à
leur culture, à leurs traditions mirent leurs talents et leur savoir-faire
à la disposition de tous ceux qu'ils côtoyaient dans les
rues de leur village.
Cette note trop succincte permettra peut-être à tous ceux
qui eurent des attaches familiales à Lamartine d'y trouver des
réponses aux questions qu'ils peuvent se poser sur les activités
que leurs grands- parents pouvaient bien avoir dans ce village de la vallée
du Chélif balayé par les vents en hiver ou courbé
sous le souffle sec et chaud du sirocco en été.
À défaut d'y retrouver leurs racines, leur rue, leur maison
ou leur école dont probablement aujourd'hui, il ne subsiste plus
rien, ils pourront au moins partager avec d'autres un peu de l'état
d'esprit de ceux qui étaient au contact des fellahs des douars
qui vinrent en toute confiance les rejoindre à Lamartine. Nourrissant
l'intelligence collective de ce village, ils éviteront son appauvrissement
et l'oubli au profit d'une mémoire unique.
o
Remerciements:
C'est grâce à l'amabilité du br Georges Duboucher,
de MM. Jacques Piollenc et Jean-Pierre Herbault que cette évocation
du village de Lamartine est rédigée. Qu'ils en soient bien
vivement remerciés.
Bibliographie:
- Guide Louis Piesse de 1889 pour l'Algérie, la Tunisie et le Maroc,
Hachette éditions. - Annuaire général de l'Algérie
et de la Tunisie, Lagelle, 1901.
- La documentation personnelle de l'auteur.
- Martin (R.), Les grands barrages et les irrigations en Algérie,
(directeur des irrigations). - L'ceuvre agricole française en Algérie,
ouvrage collectif édité par l'Amicale des Anciens Élèves
des Écoles d'Agriculture d'Algérie " Le barrage de
l'oued Fodda ", p. 112 et suivantes.ondragstart="return
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