L'ancien téléphone
dit manuel
Au préalable, donnons quelques explications sur
le fonctionnement du té léphone que, pour la commodité
de notre exposé, nous appellerons téléphone manuel
et qui, depuis plus de trente ans. a assuré cet important service
public.
Tous les abonnés d'Alger, dont le nombre atteint dix mille, sont
raccordés à la Grande Poste sur deux multiples, l'un en
batterie locale pouvant recevoir 7.000 abonnés, l'autre en batterie
centrale recevant 3.000 abonnés.
Au central, les téléphonistes sont assises devant des panneaux
meublés de tablettes horizontales percées d'innombrables
trous appelés jacks ou prise femelle. A ces panneaux aboutissent
les lignes d'abonnés qui s'épanouissent en un certain nombre
de dérivations appelées " multiplage ". Dans le
bas des panneaux arrivent également un certain nombre de lignes
d'abonnés (100 sur le meuble à batterie locale et 180 sur
le meuble à batterie centrale). L'opératrice, assise devant
ce panneau, a à surveiller et à répondre aux, appels
des abonnés précités. Ces appels se manifestent par
l'allumage d'une petite lampe. La téléphoniste dispose de
seize cordons souples, appelés dicordes, qui lui servent à
établir les connexions entre abonnés et les autres services.
Lorsque l'un de ces abonnés appelle le central, la lampe commandée
par son circuit s'allume. L'opératrice répond et. en même
temps que son correspondant énonce son numéro, elle approche
la fiche libre du cordon dicorde vers le groupe des mille et des centaines
annonces et, dès lors, elle a vite fait de se trouver en face des
dizaines et de l'unité terminant le numéro
demandé.
La communication prenant fin, l'abonné provoque, soit par le raccrochage
de son combiné soit par un tour de magnéto, soit en appuyant
sur le bouton d'appel, l'allumage d'une autre lampe dite de fin de communication,
ce qui avertit l'opératrice qui n'a plus qu'à s' assurer
de la fin de conversation.
Lorsqu'un abonné demande à correspondre avec l'interurbain,
l'opératrice du tableau dispose d'un certain nombre de jacks lui
permettant de passer son abonné au service de " l'inter ",
où une annotatrice inscrit la demande sur une fiche, ces fiches,
après classement par localité, sont remises par les boulistes
aux opératrices interurbaines desservant les localités demandées.
Le téléphone
automatique
Le téléphone automatique est
un merveilleux mécanisme, actif, précis, discret et infatigable
qui remplace les yeux, les oreilles, les bras et le cerveau des 'téléphonistes.-
Tout cela, grâce au simple fonctionnement de petits électro
aimants classiques, commandés directement par l'usager, sans aucune
autre intervention, tout au moins en ce qui concerne les communications
urbaines et, bientôt, celles de la périphérie algéroise.
Comme nous l'avons fait pour le téléphone manuel, nous allons
donner quelques explications élémentaires sur le principe
de fonctionnement de l'automatique.
Tous les appareils installés chez les abonnés sont munis
d'un cadran d'appel constitué par un disque percé de dix
trous en face desquels sont inscrits dix chiffres.
Pour appeler un correspondant, il suffit, après avoir décroché
le récepteur et entendu dans l'écouteur un signal l'invitant
à numéroter, d'introduire le doigt successivement dans les
trous du disque mobile correspondant au chiffre formant le numéro
de l'abonné demandé et de faire tourner chaque fois le disque,
dans le sens des aiguilles d'une montre, jusqu'à une butée
d'arrrêt; puis de l'abandonner pour qu'il revienne de lui-même
à son point de départ.
Ces simples manoeuvres actionnent chaque fois des électro-aimants
formant relais. Dès le décrochage de son récepteur,
l'usager connecte automatiquement sa ligne sur un enregistreur qui enregistre
les chiffres composés par l'abonné et les retransmet, commandant
ainsi toujours automatiquement les sélections successives jusqu'à
la connexion avec le correspondant demandé. Dès ses ma-Dès
ses manipulations terminées, .le demandeur perçoit dans
l'écouteur un signal d'attente indiquant que ses ordres sont en
train de s'exécuter et, sitôt après, un signal très
caractéristique dénommé " retour d'appel "
l'informera que la sonnerie du poste appelé est actionnée.
Si le poste est occupé, un autre signal à cadence musicale
lente dit " signal d'occupation " se fait entendre et le demandeur
n'a plus qu'à raccrocher et à rappeler quelques instants
après.
Pour obtenir automatiquement l'interurbain, les renseignements ou les
réclamations, le demandeur, après avoir décroché
son microphone, n'a qu'à entraîner deux fois le disque mobile
en composant les chiffres indiqués au cadran même.
L'interurbaio a par exemple, le chiffre 10. Après l'établissement
de cette combinaison, l'abonné sera automatiquement et directement
relié avec l'inter sans passer par l'annotatrice, ce qui est un
gain de temps appréciable. L'opératrice de l'inter, après
avoir noté le numéro demandé, prie alors son correspondant
de raccrocher et l'appelle quelques instants après ; ce rappel
est fait pour s'assurer de l'identité du demandeur et éviter
que des " resquilleurs " empruntant le numéro d'un abonné
ayant des provisions puissent obtenir des communications interurbaines
au frais de l'abonné précité.
Cette nouvelle disposition de l'interurbain permet un écoulement
plus rapide du trafic, car si l'opératrice ne peut obtenir immédiatement
la communication demandée, elle note et passe l'instance, grâce
à un minuscule tapis roulant, à l'une de ses collègues
spécialisée pour l'établissement de ces communications
différées.
Toutes les communications
urbaines ou interurbaines seront payantes
Toutes les communications urbaines, sauf
celles à destination des services spéciaux (numéros
à deux chiffres) seront payantes ; elles viendront s'ajouter au
forfait actuellement en pratique, mais ce dernier sera réduit dans
de sensibles proportions. Un compteur notera automatiquement le nombre
de conversations urbaines de chaque demandeur. En effet, les communications
entre abonnés urbains s'établissent automatiquement sans
le secours d'une opératrice. Aussi a-t-on chargé un compteur
d'inscrire chaque conversation.
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Le montage de l'automatique s'est fait, sans
interrompre ni gêner le service quotidien du téléphone
manuel, sous la direction de M. Charvet, ingénieur de la Compagnie
Thomson-Houston, adjudicatrice de ces installations, et avec le concours
des services techniques des P.T.T. sous le contrôle de M. Dèze,
ingénieur des P.T.T.
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Quelques détails supplémentaires.
Si l'on ajoutait bout à bout les circuits des abonnes algérois
du téléphone, on pourrait facilement établir un circuit
qui ferait un tour complet de la terre. 11 y à en effet 40.000
kilomètres de lignes à deux conducteurs
Toutes ces lignes arrivent aux centraux par de gros câbles qui aboutissent
à des tunnels. De là, ces câbles sont amenés
dans un ordre parfait jusqu'aux salles des répartiteurs, où
les circuits d'abonnés s'épanouissent, classés par
centaines, sur des châssis où chaque ligne est protégée
par des fusibles, des parafoudres, des bobines thermiques. En outre, des
lampes d'alarme signalent, automatiquement, les avaries sur chaque section.
Dans ces salles se trouvent des tables de contrôle et de mesure
de haute précision qui permettent de déterminer rapidement
la cause et le lieu d'un dérangement.
Dans chaque central automatique, des tables identiques assurent, de même,
la localisations de tout mauvais fonctionnement des organes automatiques.
Si l'on sait que dans un simple cadre des circuits de l'automatique, cadre
de 60 centimètres au carré, il y a 24.000 connexions soudées,
l'on appréciera le rôle et l'importance de ces tables de
contrôle qui, cependant, sont rarement mises au travail..
En terminant, signalons que l'administration s'efforcera de réaffecter
le plus grand nombre possible de teléphonistes dont l'emploi sera
vacant par suite de la nouvelle installation.
Remercions tout particulièrement M. Escande, directeur des services
algériens des P.T.T. : M. Lelluch. ingénieur chef des P.T.T.
et M. Delpoux. ingénieur en chef de la Compagnie Thomson-Houston
d'Algérie, pour l'amabilité avec laquelle ils nous ont documenté.
Fred BEDEIL
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