----------L'amiral
Ollive arrive sur le quai de Lapérouse. Il est entouré de
M. Stephan, administrateur général ; M. Traub, chef des
Chantiers de la Marine ; M. Van Eck, chef des Chantiers de Jeunesse en
Algérie.
----------L'ACCUEIL
enthousiaste réservé par le public, en 1941, aux fêtes
nautiques des Chantiers de la Jeunesse Marine de Matifou a engagé
les Chefs du Centre Siroco à les renouveler cette année
à pareille époque en élargissant et perfectionnant
toutefois leur formule.
----------Voilà
qui est très bien, ont-ils estimé, de cultiver la santé
et la force des hommes, de développer leur intelligence et leurs
connaissances maritimes, encore faut-il, c'est le point capital, qu'ils
les mettent sans hésitation au service d'une même mystique
et d'une cause supérieure.
----------Cette
pensée, évidente a priori, n'est pas aussi facile à
réaliser qu'on pourrait le croire. La tournure furieusement égoïste
de l'esprit français y met un frein sérieux, même
chez les plus avertis. Nous citerons à l'appui de cette opinion
la remarque déjà ancienne d'un professeur d'une de nos grandes
écoles. Il avait constaté, en le déplorant, que ses
élèves ne prêtaient aucune attention aux idées
générales, à la mystique qui crée pour tous
un plan directeur unique. Pourquoi donc ? l'auteur ne le dit pas, mais
on sait qu'il n'en était tenu aucun compte. dans les examens ni
dans l'avancement. Et cela suffit à tout expliquer : nos meilleurs
écoliers, cédant à une émulation justifiée
et à la mécanique du système, considéraient
que la technique était " rentable " mais que les principes
ne l'étaient pas. Les événements ont cependant de
ces manières plutôt brutales de .remettre quelquefois les
valeurs en place, qui ne devraient pas s'oublier ! En ce moment pouvons
nous douter d'une autorité et d'une hiérarchie spirituelles
intangibles fondées sur des millénaires d'expérience
? Nous laisserons à nos lecteurs le soin d'en juger, en leur rappelant
toutefois que jamais en France l'instruction n'a été aussi
vulgarisée, l'intelligence n'a joui d'autant de liberté
et de prérogatives,
autant dire de dévergondage, que depuis cinquante ans.
Nous en connaissons le piètre résultat.
*****
----------Revenons
a nos fêtes nautiques dont nous ne nous sommes pas tellement écartés
car le propre des idées est de suivre l'homme partout où
il se trouve, aussi bien en mer, qu'en l'air, que sur terre.
----------Nous
aurions voulu dégager le sens profond que les instructeurs du Centre
Siroco dirigés par le Chef Théréné, ont mis,
avec quel coeur et quel travail patient, dans ces manifestations. sous
le couvert de passionnantes luttes sportives.
----------Mais
un homme éminent l'a fait très brillamment. N'ayant pas
la pensée de l'égaler, nous préférons tout
simplement rappeler son discours. Il a tiré ses arguments de la
veillée du samedi soir, inspirée de notre histoire, plus
que des jeux nautiques qui révélaient la discipline et le
bel état physique des jeunes gens des Centres de la Marine.
----------Les
premières prières de la messe en plein air du dimanche matin
avaient été dites. Monseigneur Bressoles, aumônier
général des Chantiers de la Marine, montant alors sur l'estrade
improvisée, prononça une remarquable allocution devant la
foule des invités, des jeunes massés en carré et
de leurs Chefs. Derrière l'autel se dressait le mât où
les couleurs avaient été hissées quelques instants
plus tôt.
Monseigneur Bressoles a d'abord exprimé l'émotion qu'il
a éprouvée, en arrivant de Paris, à comparer la situation
des jeunes en Algérie et en zone occupée. Là-bas,
toute réunion est interdite et punie sévèrement.
" Nous n'avons pas la liberté, tel
était le sens de ses paroles, de les instruire
de leurs devoirs. Ils sont livrés à eux-mêmes. Ici
il vous est permis de vous rassembler, d'exalter en commun vos sentiments
patriotiques, de communier avec ferveur dans un même idéal,
une même foi sous la direction de Chefs qui accomplissent auprès
de vous un véritable apostolat.
----------Cela
voyez-vous est une grande consolation.
----------Vous
avez pu et vous avez eu raison de rappeler hier au soir dans une veillée,
quelques pages de l'histoire de notre Marine et de grouper autour d'un
sujet central, Jean Bart, les figures expressives de ces marins de Bretagne
ou d'ailleurs, qui livrèrent sous les enseignes de France de sanglants
combats ! Vous ne pouviez mieux faire que de donner comme modèle
de sacrifice celui d'Hervé de Portzmoguer et de ses hommes, crochetant
" le Régent " qui avait incendié leur vieille
" Cordelière " et le faisant sauter non loin du goulet
de Brest. "
----------En
effet, la veille, un sosie de Jean Bart, sur des tréteaux dressés
en bordure dela plage avec comme toile de fond les feux d'Alger, avait
raconté à ses gars la fin héroïque de la "Roberge"
à bord de laquelle, le 10 août 1512, moururent avec l'équipage
trois cents invités, hommes, femmes et enfants, surpris un par
un appareillage inattendu. Et, le récit fini : nos jeunes des Chantiers
déguisés en corsaires, torse nu, avaient repris en chur
la fameuse chanson qui fit entrer le fait d'armes dans la légende
----------Pendant
que nous faisons le guet
----------Parlons
un peu de Primauguet...
----------Qui
commandait " La Cordelière ",
----------La
frégate armée à Morlaix
----------Pour
faire la chasse aux Anglais.
----------Le
failli chien nous fit venir,
----------Fit
force voiles pour s'enfuir.
----------Hervé,
le gagnant de vitesse,
----------Dit
: " la mer sera mon linceul !
----------Mais
je n'y veux pas coucher seul. "
----------Et
l'abordant par son tribord
----------II
foutit la flamme à son bord...
----------Et
pour corser l'illusion, deux embarcations, toutes voiles dehors, avaient
simulé le combat et les incendies au moyen de feux de Bengale.
----------"
Que de modèles de vaillance s'écria encore l'aumônier
général, on pourrait citer après
Prumauguet. La Méditerranée n'en a pas manqué, à
ne retenir que le Chevalier Paul et le bailli de Suffren. "
----------"
Vous eûtes raison encore, d'évoquer nos morts en un tableau
saisissant qui fit surgir du fond de la rade d'Alger en grappes serrées
leurs silhouettes floues, ceux de jadis mêlés à ceux
de la grande guerre, puis ceux des derniers combats : Dunkerque, Mers-el-Kebir,
Dakar, Beyrouth, Madagascar. Leur souvenir et leur culte, pieusement conservés
dans vos coeurs, est le sûr garant de l'avenir. S'il a suffi un
jour, de crier : " debout les
morts " pour relever les énergies,
il faut maintenant crier : "
debout les vivants ". Il vous
incombe la rude tâche de redresser les erreurs commises et de conduire
notre pays vers de nouvelles destinées. Vous vous appuierez sur
le passé, il a façonné son caractère, et.
sur la chrétienté qui a forgé notre civilisation,
et dont, qu'ils le veuillent ou non, tous les Français subissent
l'influence. "
----------Et
voilà, nous permettons-nous d'ajouter, l'idée directrice,
jeunes gens, la mystique qui commandera à votre intelligence et
à vos forces.
**
----------La veillée,
à laquelle les Chantiers de la Jeunesse apportèrent l'appoint
de leur musique se termina en apothéose. Soudain, les notes de
la Marseilllaise rompirent le silence et le pavillon national apparut
seul en pleine mer, sous le feu des projecteurs, suspendu à la
voûte du ciel, tandis que cinq canots se détachaient de la
plage pour converger vers lui, et, arrivés à le toucher,
le saluaient en mâtant ensemble leurs avirons.
-La
journée de dimanche a terminé en beauté cette
semaine de sport qui vit s'affronter sur l'eau les équipiers
des Chantiers de Jeunesse de la Métropole et de l'Algérie
|
----------La journée
de dimanche a terminé en beauté cette semaine de sport qui
vit s'affronter sur l'eau les équipiers des Chantiers de Jeunesse
de la Métropole et de l'Algérie.
----------Les
compétitions furent suivies par un nombreux public, si nombreux
que les tribunes prévues pour le recevoir se trouvèrent
trop petites. Notons que l'organisation était parfaite en tous
points, et que, la qualité du spectacle et la sympathie aidant,
ce fut un gros succès, qu'il faut tout entier attribuer au Chef
du Centre Siroco et à des collaborateurs prévenants et infatigables.
Tout dévouésà leur tâche, ils la poursuivent
avec une ardeur dont nous avons apprécié les résultats
: ils nous ont montré une splendide jeunesse rivalisant d'ordre
et d'entrain, fière de porter les couleurs de la Marine.
----------Le
centre Siroco avait aussi fait appel à des éléments
civils pour les Championnats de natation de grand fond et pour les régates
à la voile. Les yachtmen, les équipages de bateaux de commerce,
les nageurs d'Alger prêtèrent avec joie leur concours, si
bien que, grâce à une ordonnance parfaite du programme, l'intérêt
du spectacle, décalé sur plusieurs plans, ne se démentit
pas un seul instant.
----------En
fin d'après-midi eut lieu la distribution des récompenses.
L'amiral Ollive, commandant les Forces maritimes du Sud, avait tenu à
les offrir lui-même aux vainqueurs. Il était accompagné
du capitaine de corvette Spitz de son Etat-Major et entouré de
plusieurs personnalités : M. Stephan, administrateur général
de l'Inscription Maritime ; M. Van Heck, commissaire régional des
Chantiers de la Jeunesse; Monseigneur Bressolles ; M. Rabaud, délégué
de la Jeunesse ; le Colonel commandant le 19e Gmnie ; Capitaines de vaisseau
Tanguy et Adam ; M. Merz, représentant le Commissariat général
de Chatelguyon ; MM. de Fredaigue, Feyeux et Pouzadoux, commissaires régionaux
; M. Clévenot, chef de la Section Alger Ville de la L.F.C. ; M.
Célerier, président de la Ligue Maritime ; M. Montagné,
chef de la Section Marine de la Légion française des Combattants.
M. D.
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