Visitant les gigantesques travaux entrepris
au barrage de KERRATA
La centrale hydro-électrique de l'oued Agrioun
sera une des plus belles de France déclare M. NAEGELEN
Elle résoudra le problème de industrialisation de l'Algérie
Augmenter au ' maximum
la productivité du sol, résoudre en même temps le
problème de l'industrialisation de l'Algérie, à
la fois pour fixer sur place un certain nombre de travailleurs et subvenir
aux besoins d'une économie rurale moderne avec ses industries
annexes, voila, en bref, les objectifs des grandioses travaux d'aménagement
hydro-électrique de l'Oued-Agrioun, qu'ont visité hier
M. le ministre Naegelen, gouverneur général de l'Algérie,
et M. Gabriel Taix, conseiller technique pour l'électricité
au cabinet du ministre du Commerce et de l'Industrie.
Un débit de 180 millions de mètres
cubes
L'aménagement de l'Oued-Agrioun a pour but d'utiliser l'énergie
des eaux de cet oued et de son affluent l'Ahrzerouftis sur la plus grande
hauteur de chute possible. Au total, on disposera d'un débit
moyen de 180 millions de m³, utilisés sur 420 m. de chute
brute, fractionnée en deux usines. D'autre part, il a pour but
également, grâce à la création d'un barrage,
d'assurer une fourniture régularisée annuellement c'est-à-dire
de pouvoir fonctionner à plein au moment des fortes charges annuelles,
quelle que soit la saison.
L'étude économique qui a été faite avant
la mise en route des travaux, a fait apparaître un prix de revient
très sensiblement comparable au prix de revient de l'énergie
fournie par les usines thermiques.
Il est à noter d'ailleurs que ce prix de revient est forcément
plus onéreux en Algérie qu'en France, à pluviométrie
égale, en raison de l'extrême irrégularité
des précipitations.
Celle-ci nécessite la création d'ouvrages de retenue beaucoup
plus importants en moyenne que sur les rivières de France, et
c'est à ces ouvrages qu'est due l'augmentation du prix de revient.
Par contre, les aménagements hydro-électriques présentent
le grand avantage de nécessiter presque uniquement des charges
de capital, les dépenses de main-d'uvre et de matières
premières étant très faibles une fois les centrales
achevées.
C'est ainsi que le personnel de la centrale et du poste de l'Oued-Agrioun
comportera une vingtaine de personnes au maximum.
Le fait que les dépenses soient presque uniquement des versements
d'intérêts permet de conserver à l'énergie
un prix de revient indépendant des variations de salaires et
du prix du charbon. C'est donc un élément de stabilisation
intéressant :
1° A l'amont du village de Kerrata, le barrage de régularisation
(Iril-Emda) créera une retenue de
100 millions de mètres cubes. Il aura une hauteur moyenne de
60 mètres, une longueur en crête de 400 mètres.
Une usine de pied de barrage utilisera la chute créée
par lui.
2° Immédiatement à l'aval de Kerrata, à l'entrée
des gorges, un petit barrage voûte de dérivation, permet
l'entrée en galerie des eaux de l'oued. Il est utilisé
en étape provisoire comme barrage de retenue pour l'usine provisoire
des gorges du Chabelt-el-Akra. Sa hauteur hors sol est de 31 mètres.
3° Une galerie de 8 km 800 environ conduira les eaux jusqu'à
la vallée de l'Ahrzerouftis dans laquelle se trouve l'usine.
4° L'usine a été prévue sous une boucle de
l'Oued Ahrzerouftis, le niveau du radier étant à 60 m.
sous le niveau de la plate-forme.
Les travaux seront terminés en 1952
La création d'une usine souterraine a été motivée
par le souci d'utiliser au maximum, c'est-à-dire
sur la plus grande hauteur possible. les eaux de l'Oued Agrioun, ce
qui a permis accessoirement de la protéger contre les risques
de guerre.
Ajoutons que les installations de l'Oued Agrioun, commencées
en 1948. seront terminées en 1952. Elles fourniront cent quatre-vingt
millions de kilowatts-heure, c'est-à-dire le quart de la production
prévue pour cette année, soit sept cent millions de kilowatts-heure.
Précisons aussi que son usine souterraine sera la première
créée en Afrique française.
La gigantesque usine souterraine d'Ahrzerouftis
Au cours de la matinée, le gouverneur général et
sa suite se sont rendus par voie ferrée étroite dans
la galerie d'amenée, longue de près de 9 km. et revêtue
de béton d'un diamètre de 3 mètres. Là M.
Naegelen fit sauter à la dynamite la dernière semelle
de rocher, large de 70 centimètres, séparant les deux
tronçons de la galerie.
Puis il visita, les travaux de retenue de l'Iril Emda, le barrage de
dérivation de Kerrata et, dans
l'après-midi, l'usine souterraine d'Ahrzerouftis, vaste cathédrale
haute comme la nef de Notre-Dame de Paris et située à
60 mètres nous terre.
Allocution de M. Naegelen
Avant de quitter ce gigantesque champ de travail qui porte la marque
du génie français et fait honneur à la technique
et au rude labeur de nos ingénieurs, M. Naegelen a bien voulu
nous déclarer :
" Je suis venu il y a un an presque jour pour jour, et rien n'était
encore visible de ces travaux gigantesques que vous venez de voir aujourd'hui.
L'usine d''Ahrzerouftis me fait songer a une espèce de cathédrale
moderne avec sa nef.
Après avoir vu les tunnels d'amenée des eaux de l'oued
Agrioun, je ne peux que vous dire mon immense satisfaction, car les
prévisions ont été réalisées et que,
même, nous sommes quelque peu en avance sur le rythme qui avait
été prévu. D'autre part, en dehors du fait de l'importance
de ces travaux, vitaux pour l'avenir de l'Algérie, nous avons
pu donner du travail à un grand nombre d'ouvriers.
Une entreprise indispensable
La consommation augmente sans cesse de 12 % environ chaque année.
Aussi était-il, non pas nécessaire. mais indispensable
qu'une telle entreprise soit mise en chantier, surtout que l'énergie
thermique revient plus cher que l'énergie hydraulique.
Nous avons un retard à rattraper dans ce pays par rapport au
Maroc si nous voulons lui donner le développement correspondant
l'industrialisation projetée.
Une des plus belles centrales de France
La France a montré ici ce qu'elle est capable de faire, ce que
sont capables de faire ses ingénieurs. Ces entreprises de travaux
publics privées et cela a également sa valeur, car des
réalisations d'une telle ampleur ne sont pas sans frapper les
populations.
La centrale hydro-électrique d'Ahrzerouftis est incontestablement
l'une des plus belles de France. Ce sera notre fierté d'avoir
donné à nos populations l'énergie électrique
dont elles ont besoin et ceci grâce au concours de la métropole
sans lequel rien n'aurait pu être réalisé. "
Les personnalités
Au cours de sa visite, le gouverneur général était
accompagné de Mme Marcel-Edmond Naegelen ; M. Taix, conseiller
technique pour l'Électricité au cabinet du ministre de
l'Industrie et du Commerce ; colonel Boisseau ; capitaine Granger, du
cabinet du gouverneur ; MM. Augarde, député de Bougie
; Aït Ali, représentant M. Saïah Abdelkader, président
de l'Assemblée algérienne ; Bensalem, président
de la sixième commission des grands travaux ; Bisgambiglia ;
Décaillet, délégué de la région ;
Sahli Mohand, délégué ; Pélabon. secrétaire
général du Gouvernement général ; Tixier,
directeur général des Finances ; Drouhin, directeur de
l'Hydraulique ; Bouakouir, directeur de l'Énergie, du Commerce
et de l'Industrie ; Papon, préfet de Constantine ; Fournier,
conseiller général, maire de Kerrata ; Byr, sous-préfet
de Bougie ; Maisonneuve, président du
conseil d'administration de l'E.G.A. ; Weckel, directeur général
de l'E.G.A. ; Peron, chef des travaux de l'E.G.A. ; Cevrot, adjoint
à M. Peron ; Fayart, ingénieur à l'E.G.A. des grands
travaux de Marseille ; Richard, directeur général ; Maure,
directeur des travaux ; Farot, Fade et Castilii, ingénieurs de
la société Campenon Bernard ; Pigeot, directeur général
des entreprises, et Lanilis.
son adjoint à l'entreprise d'Ahrzerouftis, directeur ; MM, Tansimi
; Forès, rapporteur général du budget.