Le Parc zoologique d'Alger.
Alger possède un
jardin zoologique, un jardin qui, par le nombre et la variété
de ses animaux, tient une place des plus honorables parmi les mieux
achalandés.
Je l'ai visité l'autre jour : il est situé, au surplus,
dans un des plus beaux cadres de verdure qui se puisse imaginer : le
Jardin d'Essai. J'ai pris un plaisir extrême à m'arrêter
devant chacune des multiples cages de ses collections vivantes, venues
des quatre coins du monde. J'y ai admiré l'allure superbe d'une
lionne de l'Atlas. Les gambades des singes, m'ont follement amusée
; le plumage des oiseaux, dont les ailes de certains semblent avoir
été peintes par le plus grand artiste, m'a tenu dans le
ravissement. Je suis restée longtemps devant une cage dont la
prisonnière semblait être une princesse des contes de fées,
transformée en cet oiseau royal. La gamme des couleurs de ses
plumes était fort imprévue, je dirais même audacieuse,
car aucun homme n'oserait réunir tant de teintes différentes
; mais ici elle faisait une harmonie parfaite.
Le pélican, en faisant quatre ou cinq tours sur son minuscule
étang, a voulu me rappeler qu'il n'avait nullement volé
sa réputation de meilleur voilier du monde parmi la gent ailée,
un voilier auprès duquel même le cygne, tant vanté,
fait pauvre figure.
Ce qui m'a cependant le plus émerveillée, c'est d'apprendre
que ce beau Jardin zoologique n'est pas l'uvre de la ville, mais
qu'il a été créé de toutes pièces
par un homme, M. d'Ange, à force de ténacité, de
patience et d'efforts ; son rêve fut de doter Alger d'un "
zoo " digne d'une grande capitale ; il y a complètement
réussi, et l'on se demande par quel miracle, répété
chaque jour, il arrive à donner la " becquée "
à toute cette grande famille de nos frères inférieurs,
rassemblés là autant pour l'instruction que pour l'amusement
des petits et des grands.
Actuellement, le " zoo " d'Alger compte un grand nombre d'oiseaux,
dont une superbe collection de perruches ondulées, vertes, bleues,
jaunes ; des singes de toutes tailles et de tous caractères,
doux ou grincheux, mélancoliques ou heureux de leur sort. Les
singes sont toujours amusants à voir, mais les plus amusants
de la collection de M. d'Ange sont deux chimpanzés : " Prince
" et " Lili ". Le premier a deux ans et demi environ,
le second dix-huit mois. On peut dire que " Prince ", derrière
les barreaux de sa cage, se conduit comme un enfant très gentil,
encore que capricieux parfois. Jaloux comme tous les petits des hommes,
il ne se gêne nullement pour cracher à la figure des visiteurs
quand ceux-ci se permettent de lui manquer le respect, je veux dire
quand ils ne lui donnent pas les cacahuètes qu'il demande en
tendant, tel un mendiant, ses longues mains velues. " Lili "
est beaucoup plus calme, moins capricieuse, sachant se tenir devant
le monde. C'est dans toute l'acception du mot une petite demoiselle
fort bien élevée. Il faut la voir, habillée d'une
robe, se promener sagement sur les allées du jardin, donnant
la main à Mme d'Ange.
Je me suis arrêtée un peu plus longuement sur " Prince
" et " Lili ", car ce sont les animaux les plus gracieux
du " zoo " d'Alger. Mais comme je l'ai dit plus haut, chacun
des pensionnaires de M. d'Ange mérite une visite spéciale.
Ce jardin zoologique est réellement une des attractions les plus
intéressantes d'Alger.