Algérie, Alger : l'enseignement
L'Institut d'Études Nucléaires de l'université d'Alger
avec les chercheurs algérois de l'atome
Un centre de recherches d'enseignement de techniques nucléaires.
+ ALDOCATOM

Notre cité peut s'énorgueillir de cette nouvelle et magnifique réalisation, témoignage moderne de haute civilisation. Voici, par d'éminents spécialistes, l'exposé des activités du nouveau Centre nucléaire. Texte technique, aride certes pour beanconp, mais dont l'incontestable valeur documentaire ne saurait être méconnue.
mise sur site le 20-9-2007
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Vue d'ensemble de l'Institut d'Etudes Nucléaires. Au ler plan: le Bâtiment des accélérateurs et laboratoires associés. A g.: l'aile SAMES; à dr.: l'aile Van de Graaff. -- Au fond: en chantier, l'édifice (8 étages) des laboratoires "Recherches" ; à g.: atelier, salles de travaux pratiques, centre de documentation. L'achèvement de l'ensemble pour juillet 1962.
Vue d'ensemble de l'Institut d'Etudes Nucléaires. Au ler plan: le Bâtiment des accélérateurs et laboratoires associés. A g.: l'aile SAMES; à dr.: l'aile Van de Graaff. -- Au fond: en chantier, l'édifice (8 étages) des laboratoires "Recherches" ; à g.: atelier, salles de travaux pratiques, centre de documentation. L'achèvement de l'ensemble pour juillet 1962.

Les Algérois qui empruntent l'avenue Maréchal de Bourmont ou l'avenue Maréchal De Lattre de Tassigny, n'ont pas manqué de remarquer, près du carrefour correspondant, un important chantier d'où a surgi très rapidement, s'élevant au-dessus des hauts d'Alger, une grande carcasse de béton armé à la finition de laquelle s'affairent de nombreuses équipes ; c'est la deuxième tronche de bâtiments - la tranche B - de l'Institut d'Études Nucléaires de l'Université d'Alger. Peut-être, poussés par la curiosité, ont-ils alors découvert, au bas de ces constructions, et comme caché dans un repli de terrain dont il épouse les formes, un bâtiment en forme de V, ayant encore la blancheur du neuf, mais déjà plein de vie, comme le nombre de personnes qui s'y rendent et l'importance de son parking suffisent à le montrer. Ce dernier bâtiment qui constitue la première tranche - la tranche A - de l'Institut d'Études Nucléaires - est en service depuis le 1er janvier 1960.

La création de cet Institut marque la décision de l'Université d'Alger d'assurer à ses étudiants et à ses chercheurs une solide formation et de puissants moyens d'investigations originales dans le domaine nucléaire et dans l'ensemble si riche des disciplines voisines, par exemple : l'Électronique - la Physique du solide - la Physique théorique etc... Elle apporte la preuve concrète de la volonté de notre Université de fournir une importante contribution à l'avancement de toutes ces branches de la science, tant en ce qui concerne la recherche fondamentale que la recherche appliquée ; enfin, elle témoigne de son souci de constituer en Algérie, un foyer vivant autour duquel viendront se fortifier toutes les initiatives relatives aux applications pratiques de ces disciplines. La nécessité de former rapidement, ici, sur place, des physiciens, des ingénieurs et des techniciens est évidemment particulièrement impérative à cause des besoins suscités par l'industrialisation de l'Algérie.

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Voici le remarquable ensemble " SAMES accélérateur principalement utilisé pour produire des neutrons de haute énergie (14 MeV)
Voici le remarquable ensemble " SAMES accélérateur principalement utilisé pour produire des neutrons de haute énergie (14 MeV)

L'importance de ces objectifs explique que, dès le début, les plus hautes autorités gouvernementales et scientifiques et la Municipalité d'Alger, aient porté un grand intérêt à la création d'un Institut d'Études Nucléaires dons notre ville. En tant qu'Algérois nous devons nous réjouir de cette décision qui a reconnu à notre Université la " vocation nucléaire " comme elle est reconnue à un certain nombre d'Universités métropolitaines soit, pour l'essentiel : Paris, Bordeaux, Grenoble, Lyon et Strasbourg.

Ceci dit, examinons de façon plus détaillée, les objectifs propres de notre Institut et les moyens dont il dispose. Une remarque préliminaire s'impose c'est l'imbrication inévitable de la recherche et de l'enseignement. La recherche dans une direction donnée implique une forte infrastructure d'enseignement de même orientation et, réciproquement, il est difficile de pousser jusqu'à un niveau élevé un enseignement spécialisé si cours et travaux pratiques ne sont pas le prélude des séminaires et travaux d'investigation d'un centre de recherche actif.

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Salle de l'accélérateur
Salle de l'accélérateur, niveau supérieur

Commençons par la recherche. Le programme de l'Institut d'Études Nucléaires, pour ses premières années, a tenu compte d'un souci de continuité avec les travaux effectués antérieurementà la Faculté des Sciences et notamment au Laboratoire de Physique Théorique et de Physique Nucléaire.

Ce laboratoire possédait, en plus de spécialistes de physique théorique et de physique mathématique, des groupes de chercheurs expérimentés en électronique, en technique du vide, en physique du solide... Ces techniques sont à la base des méthodes d'investigation en Physique Nucléaire. Nous avons continué à les développer tant pour leur intérêt propre que pour celui qu'elles présentent pour la physique nucléaire proprement dite. Compte tenu de ces " conditions initiales ", le programme de recherches retenu pour les premières années prévoit essentiellement trois domaines :

-- Un domaine strictement Nucléaire. - Recherches sur les réactions nucléaires, transmutations par ions positifs ou par neutrons, expériences de polarisation, de diffusion. II s'agit de recherches effectuées dans le domaine dit des " basses énergies " qui utilise, comme projectiles, des corpuscules d'énergie inférieure à 15 ou 20 millions d'électron-volts. Ces chiffres peuvent paraître faibles devant ceux qui correspondent aux très grandes machines de la physique Nucléaire (30 milliards d'électron-volts pour la grande machine du C.E.R.N. à Genève, quelques milliards pour " Saturne " à Saclay) construites pour le domaine dit des hautes énergies.

L'énergie de nos projectiles est assez importante pour perturber les édifices nucléaires sons toutefois être suffisante pour rendre négligeables les liaisons entre les nucléons (ou constituants) du noyau. Elle permet donc une intervention assez nuancée pour l'étude d'une structure nucléaire considérée dans son ensemble. Au contraire, pour des projectiles de plusieurs milliards d'électron-volts, les énergies de liaison des nucléons sont négligeables vis-à-vis de l'énergie du projectile. Tout se passe donc comme si ce dernier entrait en interaction directement avec un nucléon libéré par rapport à la structure du noyau, l'énorme excédent d'énergie permettant de plus la création, par matérialisation, de nouvelles particules fondamentales (mésons, hypérons) dont l'étude est essentielle à la compréhension des champs de forces nucléaires.

En d'autres termes, le champ de recherches des basses et moyennes énergies est essentiellement celui de l'étude des structures nucléaires ; au contraire, celui des hautes énergies est plutôt l'étude des particules fondamentales.

A côté de ce domaine strictement nucléaire nous développons deux domaines frontières :


1. - Celui de l'Electronique. - Il s'agit là d'une technique de base pour la physique nucléaire dont les ensembles de mesure contiennent des multiplicités de dispositifs de nature électronique. A titre d'exemples, un sélecteur qui est un appareil d'usage courant en physique nucléaire contient environ 300 tubes ; une des premières expériences qui vient d'être faite avec notre accélérateur Von de Graaff a conduit à utiliser simultanément 1.200 tubes, plus d'un kilomètre de câbles coaxiaux pour la transmission des informations et plus de 3 kilomètres de câbles pour asservissements et télécommandes. Ainsi que cela a été dit, nous continuons d'ailleurs à développer nos recherches d'électronique non seulement pour les liens qu'elles ont avec la physique nucléaire mais aussi pour leur intérêt propre : techniques d'amplification des courants faibles, détection de signaux peu intenses ou milieu de parasites...

2. - La physique des solides et, plus spécialement, des semi-conducteurs. - Les semi-conducteurs, qui, depuis l'invasion du marché radio par les postes à transistors, ont largement attiré l'attention du public, sont étudiés par un groupe de chercheurs de notre Institut. Là aussi, il s'agit d'un ensemble de recherches qui s'harmonise très bien avec nos objectifs nucléaires, puisque, d'une part, les possibilités d'irradiation que nous offrent nos accélérateurs permettent l'étude de certains éléments semi-conducteurs et que, d'autre part, ces mêmes semi-conducteurs constituent maintenant d'excellents détecteurs de rayonnements nucléaires.

Naturellement, toutes les recherches rapidement évoquées ci-dessus, impliquent, à côté de développements expérimentaux importants, des efforts théoriques sérieux. C'est pourquoi un groupe de physique théorique et de physique mathématique existe dans notre Institut. II travaille dons les domaines de la mécanique quantique, de la mécanique statistique et du calcul des probabilités.

Faisons encore la remarque suivante : nos préoccupations dont ce qui précède indique les tendances, ne sont pas seulement orientées vers la recherche fondamentale mais aussi vers la recherche appliquée comme en témoignent les contrats d'études passés avec notre Institut par les organismes les plus divers : réalisation de dispositifs électroniques utiles aux techniques nucléaires, dosimétrie de rayonnements, problèmes concernant le bruit de fond, problèmes relatifs à l'obtention de couches monocristalines...

Cet ensemble de recherches implique un équipement important et un personnel nombreux et spécialisé. Disons quelques mots de l'un et de l'autre. Nous ne détaillerons pas ici l'ensemble des équipements classiques tels que : appareils de mesure, oscillographes, générateurs étalonnés, groupes à vide, machines-outils qui sont monnaie courante dans tout organisme de recherche ayant l'orientation du nôtre. Notons cependant que la nature des recherches entreprises et les délais de livraison à Alger obligent à prévoir une masse importante de matériel courant. A côté de ce dernier, notre Institut possède des installations spécialisées ; citons en particulier :

- Un accélérateur d'ions ou d'électrons de 600 kev. à courant de faisceau intense construit par la Société S.A.M.E.S. de Grenoble.

- Un accélérateur Van de Graaff de trois millions d'électron-volts fourni par la Société High Voltage Engineering Corporation de Burlington (près de Boston U.S.A.).

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L'accélérateur Van de Graaff
L'accélérateur Van de Graaff

- Un spectromètre à protons.

- Un liquéfacteur d'hydrogène et d'hélium, construit par la Société T.B.T. à Grenoble.

- Tout un ensemble d'installations indispensables notamment pour l'étude des solides : microscope électronique, deux diffractographes électroniques, une installation de rayons X...

Naturellement, à côté de l'équipement, il ne faut pas oublier les problèmes vitaux posés par la constitution et l'implantation des équipes. Disons que le personnel à plein temps de l ' I n s t i t u t dépasse actuellement 110 personnes comprenant :

De g. à dr.: MM. J. Schmouker, A. Sarazin, R. Galiana, C. Rivière. A. Blanc-Lapierre, P. Dumontet. R. Barjon, M. Savelli.
L'état-major de l'Institut d'Etudes Nucléaires au cours d'une réunion de travail (professeurs et chefs de services).
De g. à dr.: MM. J. Schmouker, A. Sarazin, R. Galiana, C. Rivière. A. Blanc-Lapierre, P. Dumontet. R. Barjon, M. Savelli.

- 50 chercheurs; parmi ces derniers, il y a 8 professeurs ou maîtres de conférences. Les soixante autres personnes correspondent à des techniciens, à du personnel administratif ou aux services généraux. Pour donner une idée du volume de recherches disons que, au cours des cinq dernières années, les travaux effectués à l'Institut d'Études Nucléaires, ont donné lieu à environ 100 publications, communications ou conférences, et que ses physiciens ont participé à une vingtaine de congrès ou conférences internationales, (notamment à Paris, Londres, Sydney, Montréal, Boston, La Haye, Amsterdam, Florence, Bruxelles, Manchester, Berkeley, Boulder, Prague et Kingston). Indiquons aussi que, durant l'année universitaire actuelle, cinq thèses de Doctorat d'Etat auront été soutenues dans notre Institut.

L'enseignement donné par l'Institut d'Études Nucléaires, va, évidemment, dans le sens des recherches qu'il abrite. Dans le cadre de la licence, notre Institut prépare aux certificats d'études supérieures d'Électronique et de Physique corpusculaire. De plus, il possède deux centres d'études de 3è cycle : un centre de physique théorique et un centre de physique nucléaire. Il s'agit là de cycles de deux ans d'enseignement post-licence, constituant un véritable apprentissage du métier de chercheur. A la fin de leurs études de troisième cycle, les étudiants soutiennent une thèse de doctorat de spécialité sur les résultats qu'ils ont obtenus au cours de recherches originales.

A côté d'un centre de recherches et d'un centre d'enseignement, notre Institut veut aussi être le centre des techniques nucléaires mises à la disposition de tous à Alger.

A ce titre, il a mission dans le domaine de la documentation et dans celui de l'implantation des moyens propres à faciliter la diffusion et l'exploitation des techniques nucléaires. En liaison avec la Société algérienne de documentation atomique (ALDOCATOM). présidée par M. S. Bouakouir, secrétaire général adjoint de l'Administration à la Délégation Générale, l'Institut d'Études nucléaires met à la disposition des personnes ou des organismes intéressés un centre de documentation sur toutes les questions nucléaires. Par ailleurs il met sur pied des stages et sessions d'études sur les applications possibles et, tout récemment, un stage sur l'utilisation des radioéléments organisé avec l'aide de l'Institut national des Sciences et Techniques nucléaires de Saclay a rassemblé pendant deux semaines 40 spécialistes des questions liées à la biologie.

II ne suffit pas de documenter ; il faut aussi implanter les moyens qui permettront la diffusion des applications. Dans cet esprit, un centre de datage par le carbone 14 sera mis en fonctionnement vers la fin de l'année. Enfin, l'étude de l'implantation d'un réacteur qui rendra possible à Alger l'utilisation des radioéléments artificiels à vie courte est activement poussée.

Ce qui précède donne une vue d'en-semble des services que doit rendre notre Institut. Déjà, on peut considérer que certains objectifs sont atteints, d'autres ne le seront que lorsque l'ensemble des constructions et des moyens correspondants auront été mis en service. Actuellement, seule la tronche A est terminée. Elle fournit 3.500 m2 de surface utile. La tranche B dont la mise en service est prévue pour l'été 1962, permettra d'ajouter à cette superficie, en plus de locaux pour les services généraux près de 2.000 m- pour les services d'enseignement et près de 5.000 m pour ceux de fa recherche. ll s'agit là de
bâtiments d'aspect plus traditionnel que ceux de la tranche A, auxquels les exigences imposées par la présence des accélérateurs donnent plutôt les caractéristiques d'une usine que celles d'un laboratoire classique. C'est M. Michel Luyckx, architecte D.P.L.G., qui est maître de œuvre. Le Bureau d'Études est l'Omnium-Technique de l'Habitation (O.T.H.A.L.) dirigé à Alger par M. Lions.

Enfin, les travaux de construction sont effectués, compte tenu des directives de l'Ingénieur en chef du Service des travaux d'architecture de la Délégation Générale.

En résumé et pour conclure on peut, employant un langage que la physique des réacteurs a rendu courant, dire que l'Institut d'Études Nucléaires de l'Université d'Alger a maintenant très largement dépassé la " taille critique " la " divergence " étant bien assurée, il y a toute raison qu'il justifie tous les espoirs qui ont été mis en lui en assurant un solide rendement aux moyens qui lui ont été confiés.

A. BLANC-LAPIERRE,
Professeur à la Faculté des Sciences,
Directeur de l'Institut d'Étules Nucléaires de l'Université d'Alger.
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Recherches de physique nucléaire dans le domaine des basses énergies,
par le professeur Sarazin, directeur-adjoint
(l ) Depuis que cet article a été écrit, M. le Professeur Sarazin a été nommé Directeur de l'Institut de Physique Nucléaire de Lyon. II est remplacé à Alger, comme Directeur-adjoint, par le Professeur Suzor.

(Nota:je n'ai pas vérifié cette suite.L'OCR rechignant sur la forme des polices)
La connaissance profonde des mécanismes et des lois régissant les phénomènes nucléaires, c'est-à-dire se rapportant au noyau, nécessite la mise en oeuvre de moyens de plus en plus puissants. Les multiples travaux qui ont lieu dons de nombreux laboratoires depuis plusieurs années n'ont pas encore réussi à permettre l'interprétation de tous les phénomènes intranucléaires. Certes, depuis que Bohr a proposé son modèle d'atome en 1913 et que Chadwick a découvert le neutron en 1932, ce qui a permis de préciser la composition du noyau, des progrès considérables ont été faits. Le nombre de plus en plus grand de chercheurs qui s'intéressent à cos problèmes montre bien la complexité des phénomènes étudiés.

Si l'on devait résumer en quelques mots et en toute généralité le but des recherches de physique nucléaire, on pourrait dire que celles-ci consistent en l'étude des interactions des nucléons, protons et neutrons à l'intérieur des noyaux des atomes afin de préciser en particulier la nature et le mécanisme des forces qui en assurent la cohésion. De précieux renseignements peuvent être tirés de l'étude des noyaux clans un état excité, c'est-à-dire ayant une énergie interne supérieure à celle correspondant à l'état normal ou fondamental. Cette énergie supplémentaire sera la cause d'un réarragement des nucléons à l'intérieur du noyau sur lequel il sera possible d'obtenir d'intéressantes informations par l'étude du processus qui lui permettra de retourner à l'état fonda-mental. Des recherches de ce type ont déjà été effectuées à l'Institut d'Etudes Nucléaires.

Ces études peuvent être effectuées à partir des produits de décompositions de radioisotopes que l'on fabrique généralement dans des piles atomiques.

Dans d'autres cas, on obtient le noyau dans un état excité à partir d'une réaction nucléaire produite au moyen de particules (protons, deutons, particules alpha) accélérées dans un accélérateur de particules. Il est nécessaire que ces particules chargées aient une certaine énergie pour franchir la barrière de potentiel d aux forces répulsives des protons du noyau. noyau ainsi formé par capture d'un ou de pl sieurs nucléons supplémentaires est en gén rat dans un état excité. On aura encore, cor me précédemment, différents schémas possibles dont l'étude complète sera extrêmeme fructueuse.
ces particules chargées aient une certaine énergie pour franchir Io barrière de potentiel due aux forces répulsives des protons du noyau. Le noyau ainsi formé par capture d'un ou de plu-sieurs nucléons supplémentaires est en gêné-roi dans un état excité. On aura encore, comme précédemment, différents schémas possibles dont l'étude complète sera extrêmement fructueuse.

Les appareils nécessaires pour réaliser des recherches dans ce domaine, si l'on exclut les installations annexes, sont de deux types : les sources de porticules accélérées appelées accélérateurs et l'ensemble des appareillages de détection.

L'Institut d'Etudes Nucléaires d'Alger dispose de deux accélérateurs de particules. Le premier désigné par le nom du savant qui en conçu le principe : l'accélérateur Van de Graaff per-met d'obtenir des courants de 100 ou 200 microompères de particules (protons, deutons, particules alpha ou électrons) ayant une énergie de 3 millions d'électron-volts. Cet appareil fabriqué aux Etats-Unis a été installé à Alger en juin 1959. L'autre est de conception française et o été construit à Grenoble par la Société Anonyme des Machines Electrostatiques (SAMESI. II permet d'obtenir des courants de particules du même type que le précédent, mais ayant des énergies maximum de 600 kilo-électronvolts.

Pour la détection, l'Institut dispose d'ensembles de mPSres dont une grande partie a été conçue et réalisée, malgré leur complexité, dans ses laboratoires et ateliers, et qui permettent les mesures de durées de vie d'états excités, la mesure des énergies des divers rayonnements (rayons gamma, bêta, neutrons, particules chargées), la mesure de distributions angulaires, c'est-à-dire la détermination de la direction d'émission des rayonnements au cours d'une réaction nucléaire.

Ces appareillages permettent à l'Institut d'aborder les principales études classiques. Mais il était intéressant de disposer d'appareils encore plus perfectionnés permettant d'obtenir des informations sur des réactions dont la connaissance n'est encore que fragmentaire. C'est ainsi que les chercheurs de l'Institut ont installé à la suite de l'accélérateur Van de Graaff un dispositif de pulsation fournissant des "paquets" de protons pendant des temps inférieurs au milliardième de seconde, tout spécialement destiné à permettre des mesures de durée de vie d'états excités.

L'accélérateur SAMES a été complété par différents dispositifs afin d'être tout spécialement adapté aux mesures de diffusion de neutrons sur divers noyaux lourds. Les neutrons sont pro-duits en bombardant du Tritium au moyen de deutérons. L'énergie des neutrons diffusés est mesurée par une méthode dite de temps de vol. Elle consiste à déterminer le temps que met chacun d'eux pour parcourir une distance de deux mètres. Celui-ci étant fonction de leur vitesse, donc de leur énergie, il est asi possible de déterminer à partir d'une mesure du temps le spectre d'énergie des neutrons diffusés dont l'interprétation est extrêmement fructueuse. A la suite des mesures, il faut naturellement faire l'interprétation des résultats obtenus, ce qui nécessite des études théoriques extrêmement complexes qui sont facilitées par l'existence à l'Institut d'un groupe de recherches spécialement orienté vers les études de physique nucléaire théorique.

L'Institut d'Etudes Nucléaires d'Alger est parfaitement équipé pour atteindre les buts qu'il s'est fixés. Le dynamisme des groupes de recherches qui l'animent et les premiers résultats obtenus font bien augurer de son avenir.

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La physique théorique,
par le Professeur P. Dumontet.
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La physique de l'infiniment petit a fait ou cours de ces trente dernières années des progrès considérables. Si les physiciens du début du siècle, qui exploraient les molécules et les atomes, pouvaient taire des expériences qui te-noient sur a la table à l'heure actuelle, les physiciens qui fouillent la structure nucléaire utilisent des techniques de plus en plus complexes, impliquant un matériel énorme et nécessitant la collaboration de plusieurs équipes de techniciens et de chercheurs

L'accroissement considérable des moyens matériels à mettre en oeuvre pour effectuer une expérience de physique nucléaire a été simultanément suivi d'un développement important des théories nécessaires pour expliquer les phénomènes physiques correspondants. Les pro-grès rapides des techniques et de la théorie ont fait nature respectivement deux genres bien distincts de physiciens : les expérimentateurs et les théoriciens.

Le développement de la physique théorique, bien que moins spectaculaire pour le grand public, est aussi important et nécessaire que celui de la physique expérimentale- Les théoriciens ont une lourde tache : celle de modeler, à partir des résultats expérimentaux et des lois fondamentales, des schémas permettent de comprendre la structure microscopique de la matière. Naturellement est nécessaire qu'expérimentateurs et théoriciens aient des contacts permanents pour permettre de faire la synthèse de leurs connaissances.

L'Institut d'Etudes Nucléaires d'Alger n'a pas négligé cet aspect théorique de la physique nucléaire actuellement un groupe de physique théorique comprenant une dizaine de chercheurs y travaille activement.

Ce groupe s'occupe plus particulièrement de l'étude des modèles nucléaires proprement dits et de la théorie des réactions nucléaires produisant des particules polarisées.

A côté de cet effort d'ordre théorique spécialement orienté vers l'exploitation et l'interprétation des résultats expérimentaux de la physique nucléaire, nous continuons à étudier des questions relevant de domaines qui taisaient déjà l'objet d'investigations dans nos laboratoires avant l'apparition des accélérateurs. Notamment des chercheurs étudient les problèmes théoriques liés aux propriétés des semi-conducteurset aussi diverses questions de physique mathématique relevant du domaine de la mécanique statistique ou de celui du calcul des probabilités. En particulier, des études sont consacrées aux phénomènes de fluctuations en physique et spécialement aux fluctuations connues en radioélectricité sous le nom de " bruit de fond ". On sait que le bruit de fond limite la sensibilité des récepteurs radioélectriques : l'intérêt de la réduction des effets perturbateurs du bruit apposait aujourd'hui de façon encore plus spectaculaire si l'on songe aux énormes portées radioélectri ques, de l'ordre de dizaines de millions de kilomètres qui sont requises pour les problèmes de communication avec les satellites !

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Les recherches sur les semi-conducteurs,
par M. Savelli, maître de Conférences.

Dans l'ensemble des diverses formes possibles de l'état solide, les semi-conducteurs sont actuellement l'objet de nombreuses études; une des raisons de l'intérêt qui leur est porté est que les recherches auxquelles ils donnent lieu s'étalent depuis des problèmes touchant à des questions de physique très générale, telles que l'étude des structures ordonnées périodiques liées à l'état cristallin jusqu'à la construction et la mise ou point de dispositifs qui envahis-sent la technique et les applications comme, par exemple, les transistors.

L'existence des transistors montre que l'on peut, avec des dispositifs semi-conducteurs, avec un très grand nombre des fonctions qui, jusqu'à ce jour, étaient confiées à des tubes à vide ; mais on a, avec les transistors, la possibilité d'utiliser des dispositifs bien plus petits fonctionnant sous des tensions bien plus faibles et, en général, plus robustes. Les cellules photoélectriques à vide peuvent elles aussi être, dans une large mesure, remplacées par des jonctions semi-conductrices qui sont sensibles à divers rayonnements et en particulier aux rayonnements photoniques, c'est-à-dire de même nature que la lumière. Ces jonctions semi-conductrices pourront servir capter l'énergie solaire et rentrer dans la constitution de photopiles. Elles pourront aussi, si l'on met à profit leur capacité pour détecter des rayonnements nucléaires divers, servir de détecteurs dans un laboratoire de physique nucléaire. En particulier un très gros intérêt s'attache actuellement à cet emploi des jonctions semi-conductrices qui permettent d'avoir des détecteurs, d'une part très petits, d'où une bonne localisation spatiale du rayonnement et, d'autre part, sans inertie, c'est-à-dire permet-tant de localiser dans le temps le passage d'une particule avec une précision considérable de l'ordre d'une fraction de milliardième de seconde.

Les recherches actuellement en cours à l'Institut d'Etudes Nucléaires sur les semi-conducteurs sont essentiellement orientées dans quatre directions :
1°/Obtention et étude de couches minces semi-conductrices, qui sont appelées à jouer un très grand rôle dans diverses applications photo-piles solaires et détecteur de particules nucléaires ayant une meilleure résolution que les chambres à ionisation,

2°/Etudes du bruit de fond dans les dispositifs électriques semi-conducteurs. - Connaître les raisons profondes du bruit de fond limitant la sensibilité des jonctions et des transistors qui tendent à remplacer de plus en plus les tubes à vide, est un problème fondamental, dont la solution permettra d'augmenter encore les performances de ces dispositifs.

3" Etude de l'effet de surface présenté par les semi-conducteurs. - A cause des dimensions finies des cristaux semi-conducteurs, leurs propriétés sont perturbées plus ou moins par des phénomènes superficiels dépendant fortement des traitements mécaniques, chimiques, électrolytiques que la surface a subis et aussi, de l'ambiance gazeuse dans laquelle est plongé le semi-conducteur. II est essentiel de connoitre la corrélation existant entre ces perturbations et l'état de surface, dans le but soit de l'utiliser (par exemple détection de rayonnements nucléaires à barrière de surface), soit au con-traire de le rendre négligeable.

4" Etude des défauts créés par les rayonnements nucléaires sur les solides. - Ce domaine de recherches s'est rapidement développé ces dernières années pour de nombreuses raisons pratiques ou théoriques :
--a) Nécessité de connaitre les transformations subies par les matériaux entrant dans la construction des réacteurs nucléaires.
--b) Importance de plus en plus grande du problème de la détection des rayonnements nucléaires et de celui de la transformation directe de leur énergie en énergie électrique.
--c) Possibilités de modifier par bombardement nucléaire les propriétés électriques des solides.
--d) Possibilités de créer par irradiation des défauts dans les réseaux cristallins et par conséquent intérêt indéniable pour l'étude théorique et expérimentale des défauts de réseau dans les solides.

Le personnel travaillant dans le domaine de I'Etat solide, à l'Institut d'Etudes Nucléaires, comprend environ 25 personnes dont, une douzaine de chercheurs. Il dispose d'appareils de base, tels que : diffractogrophes électroniques, microscope électronique, appareil de rayons X. avec diffractomètre, spectrophotomètre d'absorption, et utilise les techniques du vide poussé (pression de l'ordre du milliardième de millimètre de mercure) et, de l'électronique.

ALDOCATOM
Société Algérienne de documentation Atomique

La société ALDOCATOM a été fondée en 1956. Dès cette époque, il était évident que les applications de la science nucléaire allaient se développer largement, qu'il s'agisse des problèmes directement liés à l'énergie nucléaire elle-même ou, par exemple, de ceux, extrêmement nombreux, qui découlent des multiples utilisations possibles des radioéléments. Il était visible que toute cette évolution devait retentir, à plus ou moins brève échéance, sur les programmes industriels et sur les plans de financement.

C'est pourquoi, le Gouvernement Général de l'Algérie et les principaux organismes industriels ou bancaires de ce pays, ont désiré se grouper pour créer une Société chargée de rassembler et de tenir à jour une documentation sur l'évolution des perspectives industrielles ouvertes par le développement de l'énergie atomique ou bien encore de résoudre certains problèmes techniques d'ordre très pratique et intéressant tout un secteur de l'économie.

C'est la raison qui a conduit à la création de la Société ALDOCATOM. A peu près simultanément fut décidée la mise sur pied de l'Institut d'Etudes Nucléaires de l'Université d'Alger et il est apparu qu'il y avait intérêt à organiser le Centre de documentation d'ALDOCATOM en liaison avec cet organisme. C'est pour celà qu'ALDOCATOM a été domiciliée d'abord à la Faculté des Sciences d'Alger puis à l'Institut d'Etudes Nucléaires dès que celui-ci a possédé ses bâtiments propres, c'est-à-dire à partir du 1-1-1960.

L'article 3 des statuts définit claire-ment l'objet de la Société: elle a pour but l'étude des problèmes posés par le développement d e s connaissances scientifiques dans le domaine d e l'Energie nucléaire, la constitution de toute documentation s'y rapportant et Io recherche de ses possibilités d'utilisation à des fins industrielles, agricoles, comme=iales, médicales, pharmaceutiques et de tous ordres, etc...

Ce sont évidemment les problèmes de documentation qui se sont imposés les premiers. Comme cela a été dit, un Centre de Documentation a, dès la création d'ALDOCATOM, été mis sur pied en liaison étroite avec celui de l'Institut d'Etudes Nucléaires. Sa mi-se sur pied et son fonctionnement ont été grondement aidés par les facilités que le Commissariat à l'Energie Atomique a bien voulu lui accorder.

Ce Centre de Documentation possède une assise suffisante pour être capable de fournir, soit les éléments d'information qui sont demandés par les adhérents, soit les bases d'enquêtes spécialisées. Il reçoit plus de 80 périodiques et possède environ 1.500 ouvrages. Un très grand nombre de rapports ou d'articles divers ont été ras-semblés. Afin de rendre l'utilisation des documents et l'extraction des in-formations plus aisées, de nombreux fichiers ont été mis sur pied. Leurs gammes s'étendent depuis certains domaines touchant aux connaissances fondamentales jusqu'à d'autres relevant de la documentation technique ou commerciale.

L'utilisation et la diffusion des informations font intervenir les moyens d'action suivants :
a/ une salle de lecture permet la consultation directe des différents documents.

b/ALDOCATOM publie un bulletin trimestriel qui informe ses membres de l'évolution des applications de la physique nucléaire, de l'activité du centre, des nouvelles publications reçues et des cours, congrès, conférences, etc... En plus d'articles généraux ou d'une sorte de revue de l'actualité nucléaire, ce bulletin publie les résultats d'enquêtes sur des sujets très di-vers tels que l'utilisation des bétons spéciaux pour la protection des piles atomiques, le traitement des fruits par les radiations ionisantes, l'action des rayonnements sur les solides, les possibilités offertes par les accélérateurs à électrons pour la stérilisation industrielle, le datage par le carbone 14, le problème de l'assurance contre les risques atomiques, etc...
et
C/ Enfin des séances de discussion et d'information ont été organisées. Je tiens à marquer que les possibilités de documentation rassemblées par ALDOCATOM sont largement ouvertes et qu'il faut noter l'esprit de coopérotion dans un but non lucratif qui anime l'ensemble des actionnaires de la Société. II y a là une réunion de bonnes-volontés publiques et privées qui mérite d'être signalée.

Les Sociétés ou Collectivités qui font partie d'ALDOCATOM sont les suivantes :

Délégation Générale de l'Algérie, Banque Industrielle de l'Afrique du Nord, Bureau de Recherches Minières de l'Algérie, Société Algérienne des Ets G. Bompard, Ciments artificiels d'Oranie, Société N.A. des ciments Lafarge, Crédit Lyonnais, Laminoir et Tréfilerie d'Afrique, Région économique de l'Algérie, SOGEI, Société métallurgique d'El Aria, Société française Radio-électrique Afrique, Société d'études et de réalisations industrielles en Algérie, Télécommunications radioélectriques et téléphoniques, Télécommunications radioélectriques et téléphoniques africaines, Union industrielle africaine, Worms et Cie, Banque de Paris et des Pays-Bas, Neyrpic-Afrique.

S. BOUAKOUIR,
Secrétaire Général adjoint de l'Administration,
Président-Directeur Général de la Sté ALDOCATOM.