---------A
l'origine de notre cité, et avant l'apparition de toutes constructions,
la colline sur laquelle s'édifie le quartier de la Casbah d'Alger
avait, bien entendu, des ravines beaucoup plus importantes.
---------Cette
croupe aux sous-sols constitués par les schistes brillants, était
sillonnée par des ruisseaux et des ravins dont les deux principaux
apparaissaient sur la carte de 1831. Ces deux dépressions s'étendent,
l'une de la Casbah à l'emplacement de l'ancien fort Bab-Azoun,
aujourd'hui square Bresson, l'autre de la Casbah à l'emplacement
de l'ancienne porte Bab-El-Oued que l'on peut approximativement aujourd'hui
situer près du Lycée Bugeaud. Elles constituent les deux
côtés égaux du triangle sensiblement isocèle
présenté par l'allure générale du plan d'EL-DJEZAIR.
Elles drainaient l'eau de pluie qui suivant des chemins souterrains, s'infiltrait
dans les diaclases, se répandait suivant les failles schisteuses
et, parfois, revenait à l'air sous forme de sources dont les principales
(l'AIN EL N'ZAOUKA, l'AIN EL OLDJ, l'AIN EL ATOCH, l'AIN AMRA, et les
sources de la Place du Gouvernement furent repérées et utilisées
par les habitants d'EL-DJEZAIR avant la restauration et la construction
des aqueducs. Peut-être même, les Phéniciens d'Ikosim
et les Romains d'Icosium ne les ont-ils pas négligées. La
présence de citernes d e grande capacité situées
encore aujourd'hui sous la Cathédrale pourrait nous permettre de
le croire.
Grâce aux renseignements que nous avons pu puiser dans les documents
établis à l'occasion du nivellement général
de la Ville d'Alger (Restitution topographique des plans
aériens de la C.A.F.) nous avons pu reconstituer, au moyen
de courbes de niveau, l'allure de la colline.
---------Bien entendu,
les points de nivellement utilisés représentent les cotes
d'aujourd'hui, c'est-à-dire selon toute vraisemblance, celles qui
sont déterminées par la cote du fond du thalweg augmentée
de la hauteur de l'égout et de l'épaisseur du remblai.
---------C'est
dire que la représentation actuelle par courbes de niveau nous
donne, néanmoins, une allure générale moins tourmentée
que celle d'origine.
---------Le
plan à courbes de niveau, ci-joint, .donne une idée de l'allure
générale de cette colline.
---------L'on
voit dans cette figuration, l'importance des thalwegs et des croupes et,
aussi, le parti que l'on pouvait tirer de ce site pour la construction
d'un groupement urbain, parti édilitaire autant que défensif.
---------Les
ravines ont été désignés par les lettres A-B-C-D-E-F-G.
---------Nous
relevons sur ce plan topographique, deux natures générales
de voies
---------a)
dans le bas, le tracé des rues rappelle,
dans son ensemble, le tracé en échiquier des Romains,
---------b)
dans la partie haute, le plan général
de ces rues est complètement différent. La rue Bab-El-Oued
semble être le cardo maximus N.S., la rue de la Marine le décumanus
E.O.
---------L'ensemble
présente une série de rues parallèles (rues des Trois
couleurs, Duquesne, de la Charte, d'Orléans, des Consuls) auxquelles
viennent se raccorder une série de rues perpendiculaires (Doria,
Navarins, des Lotophages, Bruyès, Bélisaire, Eginaïs,
de la Licorne, de la Marine).
---------Ce
tracé constitue, à n'en pas douter, une disposition qui,
déformée, certes, est l'ancienne trame urbaine de l'Icosium
des Romains.
---------La
grande voie reliant les portes Bab-El-Oued et Bab-Azoun (rues Bab-El-Oued
et Bab-Azoun) est située sur une courbe de niveau (cote 17) et,
à peu de chose près, ne présente pas de différence
de nivellement d'un point à un autre.
---------Nous
rappelons simplement qu'il a été établi que les rues
de la Marine, Bab-el-Oued et Bab-Azoun d'aujourd'hui, sont d'anciennes
voies romaines qui, aujourd'hui encore, ont révélé
quelques vestiges (notamment des dalles de rues), au cours des fouilles
faites à l'occasion de travaux.
---------Dans
la partie qui s'étend au-dessus de la ligne rues Bab-El-Oued et
Bab-Azoun, le tracé des voies est complètement différent.
Ce réseau, chaotique, désordonné, sillonne apparemment
la colline en tous sens et, pourtant, il présente deux aspects
de rues
---------
-celles qui sont situées sur les croupes et qui rappellent les
sentiers de la montagne kabyle ;
----------
celles que l'on décèle à l'emplacement des ravins.
---------Examinons
successivement ces deux sortes de voies
---------Parcours
---------A
: rue de la Mer Rouge, une partie de la rue Médée, rue de
Nemours.
---------B
: une impasse sans nom sur la carte, rue de la Girafe.
---------C-D
: rue de la Gazelle, rue du Chameau, rue de Thèbes,
rue comprise entre les rues des Sarrasins et de Thèbes.
---------Parcours
---------E
: rues du Lézard et Juba.
---------F
: rue du Regard, rue du Divan jusqu'à la place du Gouvernement
sous laquelle apparaissent des sources.
---------G
: une partie de la rue de la Casbah, rue de Toulon, une partie de la rue
de l'Etat Major.
---------Si
nous suivons ces dépressions, nous remarquons qu'il existe, en
général, une source sur leur parcours ou à une de
leurs extrémités.
---------Les
principales émergences que l'on rencontrait sont
----------
l'AIN N'ZAOUKA située sur la dépression correspondant aux
rues du Chameau et de Thèbes,
----------
l'AIN ESSABAT située sur le ravineau de la rue de la Mer Rouge,
----------
"AIN EL ATOCH que l'on voit sur le prolongement de cette dernière
dépression,
---------'AIN
EL CHEIK HOSSAIN située sur la dépression de la, rue de
la Girafe,
----------
l'AIN EL DJEDIDA que l'on trouve sur la dépression de la rue du
Regard,
----------
l'AIN EL OLDJ qui, faisant exception, est située sur une ligne
de croupe, dans la rue de la Casbah
---------Le
croquis montre que tous ces ravineaux semblaient vouloir se rassembler
et, dans l'ensemble. convergeaient vers l'actuelle place du Gouvernement.
C'est ce qui explique que les sous-sols de cette dernière sont
toujours mouillés par de nombreuses infiltrations dont l'importance
a nécessité la captation de ces eaux et leur déversement
à la mer.
---------C'est
l'existence de ces sources qui explique celle des nombreux puits qui existaient
dans presque toutes les demeures d'EL-DJEZAIR.
---------En
résumé, nous pouvons déterminer trois sortes de rues
dans l'ancien EL-DJEZAIR
---------a)
la rue romaine qui a été conservée
par les Berbères, les Arabes et les Turcs et qui subsistant jusqu'ànos
jours (Ces rues du quartier de l'ancienne Préfecture
ont disparu à partir de 1940, au rnom'nt de la démolition
des maisons de ce quartier.), avec, bien entendu, quelques modifications,
a suivi 1a courbe de niveau (rues BabEI-Oued-Bab-Azoun, représentant
le cardo rue de la Marine perpendiculaire, représentant le décumanus
maximus),
---------b)
la rue créée par l'usage, sur
les croupes (rue de la Casbah, Porte Neuve qui, voies principales du quartier
de la Casbah, sont d'anciens sentiers nés de la même manière
que ceux de la, montagne kabyle. Plus utilisés parce que plus anciens
d'abord, offrant une circulation plus facile ensuite. ils ont créé
une voie principale, plus longue et plus droite que les autres. Ils constituent
en quelque sorte, les 2 voies radiales de la cité, qui sont des
voies de pénétration de la campagne ;
---------c)
la rue née de la dépression. C'est
celle créée par la construction des immeubles en bordure
du ravineau.
---------Comme
de nombreuses voies européennes construites dans une dépression
(la rue Valentin, la rue Burdeau, par exemple), la voie musulmane née
du ravin s'est formée de la manière suivante
---------Les
petits thalwegs qui recevaient les eaux de pluie, attiraient les maisons
sur leurs bords en raison de la facilité d'évacuation qu'ils
offraient pour l'écoulement simple et rationnel des eaux usées.
Ces eaux provenant des immeubles ne pouvaient s'écouler à
l'air libre, aussi, la nécessité de couvrir ces petites
dépressions se fit sentir.
---------L'on canalisa
donc ces thalwegs en construisant dans leur fond des ouvrages divers (buses
vernissées pour les petits débits, égouts à
section carrée, en maçonnerie de briques turques et de pierre
pour les évacuations plus importantes).
---------Ces ouvrages
légers suivaient les sinuosités du ravineau.
---------C'est
ainsi que prit naissance le réseau d'égouts d'EL-DJEZAIR
dont les éléments sont encore visibles de nos jours au cours
des sondages et des fouilles exécutés pour réparations
ou recherches. Ces ouvrages furent recouverts de terre et, de part et
d'autre, des immeubles furent édifiés qui ne pouvaient être
construits qu'à proximité. Il est d'ailleurs à remarquer
que dans l'Alger turc, il n'existe aucun ouvrage que nous désignons
aujourd'hui, par les noms de fosses étanches ou septiques.
---------La rue
fut ainsi constituée par l'espace laissé entre deux maisons.
au fur et à mesure des constructions. Certaines de ces demeures
furent par la suite, au cours de l'évolution d'EL-DJEZAIR, entièrement
édifiées sur des ravineaux et c'est ce qui explique que
certains égouts d'origine turque passent encore sous des maisons.
---------Par
la suite, et au fur et à mesure des nécessités, la
rue fut pavée au moyen de petits pavés de calcaire bleu
que l'on trouve rarement aujourd'hui, tous ces pavages ayant été
remaniés et remplacés en 1934 par les modèles en
usage aujourd'hui.
---------C'est cette
origine de la rue (ravineau) qui explique que les voies de la CASBAH D'ALGER
soient aussi tortueuses parce que, comme nous l'avons dit plus haut, les
égouts suivaient les sinuosités du ravin.
---------A ces trois
groupes principaux de voies, nous pouvons ajouter toutes les autres qui
les relier et qui présentent chacune un des trois types ci-dessus.
Ils correspondent chacun à une époque
----------
un suivant la courbe de niveau : ère romaine,
----------
un suivant la croupe : ère kabyle,
----------
un suivant la dépression postérieure à l'ère
kabyle (ère arabo-turque), tout au moins à l'origine de
quelques rues.
---------Ceci
peut nous conduire à situer les époques de constructions.
---------Selon
toute vraisemblance, les immeubles musulmans ont d'abord été
édifiés dans la ville roi ne sans doute pour plusieurs raisons
---------a)
possibilité d'utiliser les pierres provenant
des ruines de l'ancien Icosium. Elles furent récupérées,
sans aucun doute, par les Berbères de l'ère de Bologhine
pour la construction de DJEZAIR BENI MEZGHANNA et notamment de ses remparts,
---------b)
mise en uvre de ces matériaux sur un
endroit tout indiqué, les rues existantes ne nécessitant
que quelques aménagements au travers des siècles, se sont
présentées à nous avec, bien entendu, quelques légères
déformations,
---------c)
utilisation du site, non seulement pour ces deux
raisons, mais encore parce que cette portion de territoire comprise entre
la rue Bab-El-Oued et la cote (proximité de la mer) était
toute désignée comme étant la plus favorable pour
une ville appelée à devenir commerçante, si l'on
en croit IBN HAUKAL, qui fut frappé par le "
grand nombre de bazars " et " l'importance
des exportations de miel, de beurre, de figues et d'autres fruits.
" (LESPES. ALGER esquisse de géographie urbaine
(Edition 1952 page 44).)
---------Ces
exportations nécessitaient l'utilisation d'un mouillage naturel,
et, par là même, l'obligation d'avoir la ville près
de la mer.
---------Le commerce
devenant florissant (EL BEKRI au XIIè siècle,
LESPES (O.C., page 44)) la population augmentant, l'importance
de la ville grandit et la nécessité de construire se fit
sentir.
---------Les limites
de la cité devinrent insuffisantes ; canalisée par ses remparts,
elle prit un développement vers le haut de la colline et au-delà
de la ligne formée par les rues Bab-Azoun et Bab-El-Oued.
---------Cette partie,
comprise entre ces voies (ou peut-être un peu plus haut) et la citadelle
de Bologhine qui était située près de la mosquée
Sidi Ramdane, eut ses jardins envahis par les immeubles au fur et à
mesure de l'augmentation de la population.
---------Il est
hors de doute que ces derniers furent d'abord construits en bordure des
voies du type " B " énoncé plus haut, les voies
principales (rues Porte-Neuve et de la Casbah) situées sur les
lignes de crête des croupes.
---------La population
continuant à augmenter en raison de l'apport des populations refoulées
d'Espagne qui s'installèrent dans la partie haute de la cité,
il fallut construire encore et les immeubles s'accolant à ceux
déjà édifiés, envahirent petit à petit
les parcelles d'espaces libres entre la crête de la croupe et le
fond des thalwegs voisins.
---------Ces
bâtiments, pour " voir a la mer, se placèrent autant
que possible à peu près à la même horizontale
que leurs voisins et c'est ce qui explique que, dans l'allure générale
le plan des immeubles de la Casbah nous montre des constructions qui suivent
à peu près les courbes de niveau déterminées
sur nos croquis.
---------Mais l'arrivée
des Turcs avec ARROUDJ provoqua un apport de population nouvelle qui draina
avec elle les tribus, telles que celle de TEXANA (près de DJIDJELLI)
(Les originaires d' TEXANA s'étaient vaillamment
conduits au combat à côté des troupes d'ARROUDJ :
ce dernier 1es autorisa à le suivre dans ses aventures guerrières.
Ils devinrent ainsi les ravitailleurs des soldats d'ARROUDJ et, jusqu'a
nos jours, ont constitué une véritable corporation de marchands
de légumes. D'autres sont devenus des cantonniers que l'on retrouve
aujourd'hui dans les équipes municipales.). Les remparts
de la cité devinrent insuffisants, il fallait construire encore
; ruais les besoins de la défense l'imposant, l'on dut construire
une citadelle bien plus haute et augmenter la longueur des défenses.
---------L'espace
laissé libre entre les nouvelles constructions défensives
servit également à l'édification de nouveaux immeubles
dont certains devaient être sans aucun doute à usage militaire.
---------D'ailleurs,
si l'on en juge par le nom de deux rues situées dans cette partie,
il semble que des casernes de soldats turcs y étaient construites.
---------L'on
y relève, en effet, sur la carte de 1830, la rue des Mamelucks
et la rue des Janissaires (Bien que los noms de rues aient
été donnés et certains remaniés par les Français
en 1830, la plupart ont été déterminés par
des faits existants et notamment pour la circonstance par la présence
de bâtiments dans lesquels logeaient des soldats d'une certaines
catégorie, Il est hors d e doute que le gouvernement militaire
turc séparait les soldats de diverses origines (Mamelucks d'un
côté, Janissaires de l'autre),).
---------Ces
deux catégories de soldats étaient, les uns des Turcs (les
janissaires), les autres les Mamelucks venus d'Egypte après avoir
été placés après leur échec sous l'autorité
de SELIM ler.
---------Ces
divers rapprochements nous permettent d'affirmer que c'est dans cet espace
compris entre les remparts de BOLOGHINE (950) et ceux d'ARRCUDJ (1580)
qu'ont dû s'installer les éléments militaires du premier
corsaire turc d'ALGER.
---------Par
la suite, la population augmenta encore considérablement (voir
notre courbe démographique) pour atteindre en 1634, dit le père
DAN, le nombre de 15.000 immeubles et de 100.000 habitants.
---------Cet
afflux considérable d'habitants fut déterminé, selon
Gramaye par plusieurs causes dont les principales étaient
----------
L'arrivée des Maures rejetés d'Espagne en 1609, qui occupèrent
300 constructions nouvelles ;,
----------
L'apport des populations par suite de la démolition du quartier
Bab-Azoun pour motifs militaires en 1573 sur l'ordre de ARAB AHMED ;
----------
La natalité dépassant la mortalité,
----------
L'arrivée de nombreux et fréquents renforts turcs.
---------Cette
importante poussée démographique nécessita la construction
de nombreuses maisons et, sur les espaces libres, furent édifiées
d'autres constructions qui avaient peut-être un petit jardin. La
population augmentant, les jardins disparurent, le moindre espace se couvrit
de maisons et, lorsqu'il n'y eut plus de terrains libres, l'on construisit
au-dessus des rues. C'est ce qui nous explique aujourd'hui encore, que
de nombreuses rues de 1a Casbah sont recouvertes par les immeubles se
touchant par leurs avancées ou sont même entièrement
couvertes par des maisons construites en voûtes (ESSABAT).
---------Il
est utile de faire remarquer que la population d'Alger augmentant très
rapidement et dans de grandes proportions (HAEDO l'évaluait en
1580 à 60.000 habitants), le désir d'allonger les remparts
et de déplacer la citadelle n'a pas été dicté
à notre sens, en premier lieu, par un soin d'ordre stratégique,
mais bien plutôt, par la nécessité immédiate
de mettre à l'abri les populations qui affluaient vers la cité.
---------La
défense de la cité nécessita la construction d'une
nouvelle citadelle à l'emplacement où nous la voyons aujourd'hui.
---------Si BOLOGHINE
a construit une citadelle, ce qui semble vraisemblable, celle-ci devait
se trouver à un emplacement plus favorable. Un profil en long suivant
1, 2, figure III, nous montre que la colline présente une crête
militaire qui vraisemblablement fut choisie pour servir à l'édification
d'un ouvrage à la fois défensif et d'observation. Si ce
dernier (citadelle, fortin, ou autre) a existé, il devait se trouver
au sommet et à la rencontre des deux côtés du rempart.
--------Nous allons
donc essayer de déterminer approximativement la situation de cet
ouvrage de l'ère de BOLOGHINE.
---------Le
seul document précis que nous possédons est le plan relevé
par le capitaine du Génie MORIN en 1831.
---------En examinant
cette carte, nous voyons à droite et à gauche, en bordure
des grands fossés que nous appellerons fossé Bab-Azoun et
fossé Bab-el-Oued, deux sortes de blockhaus, identiques. Celui
que l'on voit sur le rempart Bab-el-Oued existe encore aujourd'hui. Il
est situé en face de la clinique de Verdun. On le désigne
improprement sous le nom de " fort turc " : il est de construction
berbère l'autre de même forme, situé sur le rempart
Bab-Azoun, a disparu. Il y a tout lieu de croire qu'en raison de la structure
figurée sur la carte de1830, il devait être de même
nature et de même construction que le fort berbère dont les
vestiges demeurent.
---------Sur tout
le parcours des remparts jusqu'à la Casbah, nous ne voyons pas
sur cette carte d'ouvrages similaires. Les seules constructions du même
genre qui apparaissent sont situées plus haut (à peu près
égale distance de la Casbah et de ces ouvrages) et sont de nature
complètement différente.
Examinons, maintenant la ligne continue des rues du Centaure, Médée,
des Palmiers, Annibal et Ramdane.
---------Non seulement
il n'existe pas dans tout le restant de la Casbah une ligne typiquement
régulière de rues qui se suivent mais encore nous constatons
que le sommet de cette ligne brisée, se situe sur la crête
militaire.
---------D'autre
part, elle est, dans son allure générale, parallèle
à celle figurée par le rempart d'ARROUDJ.
---------Nous
sommes donc conduits à avancer que c'est approximativement par
là que passait l'ancien rempart berbère
---------Cette
forme d'évolution n'est pas différente de celle des autres
villes : la rue est née sur le rempart. Nous ne voudrions pas avancer
que cette crête militaire a été intentionnellement
choisie par les Berbères car ceci nous conduirait à situer
l'ancienne citadelle en cet endroit, mais nous pensons que le rempart
de BOLOGHINE passait par la ligne que nous avons déterminée
sur notre plan.
---------Le
profil en long établi suivant 1-2 (voir croquis) peut-être
comparé au croquis établi par M. le professeur MARCAIS dans
son étude sur ACHIR , ce croquis qui représente " BENIA
vue de la piste conduisant à AIN-BOUCIF ", montre la parfaite
analogie entre le profil en long de BENI-ACHIR et celui du J'bel d'Alger
autrement dit entre la ville de l'émir ZIRI le Sanhâdjien
(10e siècle) et celle de son fils BOLOGHINE (créateur au
10è ' siècle de DJEZAIR BEN MEZGANA).
---------Il
est d'ailleurs reconnu que le premier souci des constructeurs de villes
berbères était de choisir un emplacement sur une montagne
ou une colline, d'où jaillissait une émergence suffisante
pour assurer l'alimentation en eau des citadins. Cette source alimentait
la ville par gravité et en la traversant de part en part. Pour
DJEZAIR BEN MEZGANA, les habitants choisirent l'Aïn N'Zaouza qui
a été utilisée jusqu'en 1830 par les Turcs.
--------Le
plus souvent également, d'autres sources se trouvaient à
l'intérieur de l'enceinte. Ceci permettait aux Berbères,
souvent attaqués, d'assurer l'alimentation en eau de leur cité
et d'éviter d'aller jusqu'à la rivière en bas de
la montagne.
---------Ce
système de distribution de l'eau avait l'avantage d'alimenter la
ville sans trop de difficulté, hormis celle de canaliser l'eau.
Il mettait la source à l'abri d'un assaillant éventuel grâce
à la construction d'un rempart. Cette enceinte fortifiée,
quand l'assiette de la ville est inclinée, affecte la forme d'un
triangle dont le sommet occupe la partie supérieure de la colline
; la base est constituée par une dépression.
---------Sur
le croquis à courbes de niveau que nous avons dressé, nous
avons figuré l'emplacement approximatif des sources qui alimentaient
vraisemblablement les puits des immeubles de la Casbah.
---------Nous
constatons que l'Aïn-N'zaouka déjà citée, se
trouve à la partie haute de la ligne continue de rues sous lesquelles
nous supposons l'existence ancienne du rempart berbère.
---------A
l'intérieur de ce territoire urbain du X"" siècle,
l'on trouve également plusieurs autres sources dont les principales
sont : l'AIN EL-ATOCH, l'AIN EL-DJEDIDA, l'AIN EL-OLDJ, l'AD'T EL-SOLTAN.
---------C'est
là un fait caractéristique : toutes les villes berbères
sont construites à proximité de sources (ce qui est fort
compréhensible) et autant que possible de telle manière
que la source soit située à la partie supérieure
de la ville.
---------Si
l'on compare la colline sur laquelle s'édifie la vieille EL-DJEZAIR
à la colline d'ACHIR, ville du père de BOLOGHINE, fondée
quelques années avant, l'on constate que les profits sont à
peu près les mêmes.
---------Les
points A, Al (crête réelle), B, B1 (crête militaire),
C, C1 (bas de collines) sont à peu près identiques dans
les deux cas et l'on voit que la forme et la constitution du site étaient
arrêtées à priori dans l'esprit de ceux qui voulaient
construire une ville à cette époque.
---------Empruntons
à M. Georges MARCAIS le croquis ci-après que nous comparons
à la coupe du djebel d'Alger et nous constaterons que les sites
choisis étaient à peu près les mêmes.
---------Le
même auteur nous dit au sujet d'ACHIR
---------"
Dans l'intérieur de la ville, les eaux
jaillissent de deux sources dont on ignore la profondeur : l'une "
s'appelle Aïn SOLAYMAN et l'autre, THALA'N TIRAGH ".
---------Nous voyons
également l'analogie avec DJEZAIR BEN MEZGANA qui était
alimentée copieusement, notamment par l'AIN N'ZAOUKA, l'AIN ED-DJEDIDA,
l'AIN EL-OLDJ, l'AIN ESSOLTAN. Bien entendu, d'autres émergences
de moindre importance devaient également être utilisées.
---------Aucun autre
site ne pouvait être plus favorable pour l'édification de
cette cité. Il présentait, en effet
---------- Une trame
urbaine partiellement existante ;
----------
Des ruines favorables à la construction ;
----------
Une situation choisie à la fois près de la mer et sur une
colline d'où l'on pouvait surveiller facilement la mer tout en
se protégeant des attaques venant de terre ;
----------
Une exposition Est très favorable.
----------
L'avantage d'avoir des sources d'eau potable.
************
---------Tout le
développement qui précède nous permet d'émettre
dans les lignes générales, quelques idées sur l'évolution
de la cité depuis les Phéniciens jusqu'à nos jours.
---------Nous avons
déjà vu que la découverte de pièces phéniciennes
dans le quartier de l'ancienne Préfecture permet de confirmer les
suppositions que l'on a déjà faites sur l'existence des
Phéniciens qui auraient occupé les îlots (EL-DJEZAIR)
et certainement quelques point de la côte algérienne (voir
notre article sur ALGER aux époques phénicienne et romaine.).
---------M. LESCHI
et M. CANTINEAU ont reconnu qu'elles étaient d'origine punique
et leur étude a fait l'objet d'une communication à l'Académie
des Inscriptions et Belles Lettres (C.R. de 1951, p. 263).
---------M.
CANTINEAU a établi que le nom IKOSIM étaient composé
de deux mots : l'un signifiant îles (voir notre article
sur ALGER aux époques phénicienne et romaine.), l'autre
plus difficile à interpréter (KOSIM) signifierait épines
ou oiseaux impurs.
---------L'évolution
de la cité est liée à celle de la population. bien
entendu, nous ne savons rien sur l'importance de celle-ci aux différentes
époques (phénicienne, romaine, berbère). Tout au
plus en 1150, EDRISI en parle comme d'une ville " très
peuplée dont le commerce est florissant ".
---------Ce
n'est qu'à partir de 1450 que les observateurs nous donnent des
évaluations. L'on y relève notamment les chiffres suivants
---------En
1450 : 20.000 habitants ;
---------En
1518 : 30.000 (Léon l'Africain) ;
---------En
1580 60.000 (HAEDO).
---------En
1634 : 100.000 (?) (Père DAN),
---------En
1755 : 100.000 (LAUGIER de TASSY).
---------Bien
que ces chiffres ne soient que des approximations parfois exagérées
et des évaluations découlant de l'observation de ceux qui
les ont écrits, il n'en reste pas moins vrai qu'ils constituent
aujourd'hui un ordre de grandeur très vague peut-être, mais
qui nous donne néanmoins la preuve que pendant ces siècles
(XVIè, XVIIè et début du XVIIIè) la cité
connut un véritable afflux de population qui devait nécessairement
se traduire par une extension, par de nouvelles constructions et, bien
entendu, par la nécessité d'agrandir les remparts.
---------Nous voyons
donc que la construction d'une nouvelle fortification par AROUDJ n'a pas
été dictée par le désir de modifier ce qui
existait, et n'est pas nécessairement la preuve que ce qui existait
était mal fait, mais plutôt parce que les constructions défensives
de BOLOGHINE ne répondaient plus aux besoins et aux exigences de
la cité.
---------La construction
de ce rempart a donc été une nécessité créée
par une obligation démographique. Il faut remarquer que la citadelle
actuelle ne se situe pas sur la crête militaire, mais sur la crête
réelle, ce qui montre que la force d'évolution de la ville
l'a emporté sur les nécessités défensives.
---------Toutes
les constatations qui précèdent nous permettent donc de
fixer, avec une approximation suffisante, les limites des quatre cités
----------
La Phénicienne ;
----------La
Romaine ;
----------
La Berbère ;
----------
L'Arabo-Turque.
---------Nous
avons reporté ces limites sur le plan déjà paru dans
un article précédent. Nous y voyons:
---------La
Ville Phénicienne : Elle devait se limiter
au bord de la mer et approximativement à l'avenue du 8-Novembre
actuelle puisque c'est à cet endroit (sur la butte représentée
par les courbes de niveau de la figure 1) que l'on découvrit les
pièces phéniciennes dont nous avons fait mention plus haut.
---------Les
îles situées en face de la côte devaient être
très utilisées, surtout lorsque les habitants risquaient
une attaque de l'arrière-pays.
---------La
Ville Romaine : Elle est nettement déterminée
par les rues en quadrillage (l'échiquier romain) avec son cardo
maximum N.S. (la suite rues Bab-Azoun et Bab-el-Oued) et son décumanus
E.O. (la rue de la Marine).
---------Le
grand cardo semblait être la limite de la ci:é romaine dont
a retrouvé de nombreux vestiges ; EL BEKRI nous apprend d'ailleurs
que cette ville de " construction antique " frappe par sa grandeur.
Voici ce qu'en écrivait au XIè siècle cet écrivain
musulman
---------"
Cette ville est grande et de construction antique,
elle renferme des monuments antiques et des voûtes solidement bâties,
qui démontrent par leur grandeur qu'à une époque
reculée elle avait été la capitale d'un empire. On
y remarque un théâtre dont l'intérieur est pavé
de pièces de diverses couleurs qui forment une espèce de
mosaïque " (Traduction de Slane).
---------Ce
théâtre se trouvait en dehors de la partie habitée
(à l'emplacement de la cathédrale actuelle).
---------Si
nous savons qu'ICOSIUM a eu ses magistrats et ses décurions et
si, par conséquent, elle a été une cité d'une
relative importance, nous ne savons rien de sa population.
---------Nous supposons
que les voies d'ICOSIUM ont dû également être protégées
par les textes qui s'appliquaient aux " via publica " au-dessus
desquelles il était défendu de suspendre des vêtements
à sécher, le déposer des cadavres d'animaux, etc...
(Pierre LAVEDAN : DG.tioinaire des antiquités (p.
1.016 voirie).
---------La
Ville Berbère : Limitée par la ligne
de remparts indiquée sur notre carte, elle possède, à
l'intérieur, deux voies situées sur les lignes de crêtes
de deux croupes importantes.
Ces deux rues nées de l'usage du sentier, comme le sentier de la
montagne kabyle, pourraient être assimilées à deux
voies de pénétration. Elles sont d'ailleurs les deux artères
principales de la Casbah d'Alger : la rue Porte-Neuve et la rue de la
Casbah.
---------A l'origine,
la ville berbère ne devait s'étendre qu'à l'emplacement
de la cité romaine, la partie du J'bel comprise entre les remparts
devant servir à des jardins permettant d'alimenter en partie la
population qui devait pouvoir vivre en vase clos en cas d'attaque venant
de l'arrière-pays.
---------Un
commerçant de Bagdad, IBN HAWKAL, qui fut en même temps un
voyageur parcourant au Xè siècle l'Afrique du Nord dans
tous les sens, décrivait ainsi DJEZAIR BEN MEZGHANNA
---------"
La ville est bâtie sur un golfe et entourée de murailles.
Elle renferme un grand nombre de bazars et quelques sources près
de la mer. C'est à ces sources que les habitants vont puiser l'eau
qu'ils boivent. Dans les dépendances de cette ville se trouvent
des campagnes très étendues et des montagnes habitées
par plusieurs tribus berbères. "
---------Nous voyons
par cette citation que la totalité de l'espace compris entre les
remparts n'était pas recouverte de maisons.
---------Puis, les
seules voies importantes, drainant le maximum de passants, étaient
situées à l'emplacement des rues de la Casbah et Porte-Neuve
; les immeubles furent construits de part et d'autre et le commerce y
fut créé.
Les groupes d'immeubles qui, dans la ville berbère doivent passer,
à notre sens, en deuxième étape de construction,
sont ceux situés de part et d'autre de ces voies.
---------Par la
suite, les besoins de la population se faisant- encore sentir, il fut
nécessaire de construire encore, et, contrairement à ce
que l'on serait tenté de croire, les constructions ne furent pas
édifiées suivant le pointillé de notre croquis ci-joint,
mais plutôt en bordure de la voie née du ravin. (Figure 4.)
***********
---------Nous avons
expliqué plus haut de quelle manière cette voie s'était
développée ; nous pensons que la troisième étape
de construction s'est manifestée en bordure de la rue du type n
3 (rue née du° ravin), suivant (3).
---------Il
est possible que cette voie soit également de l'époque berbère,
mais toutes les voies provenant des ravineaux ne sont pas de cette époque,
ne serait-ce d'ailleurs que celles qui furent construites après
l'édification du rempart d'ARROUDJ, dans la partie de territoire
comprise entre ces deux remparts.
---------L'espace
"A " fut ensuite rempli par d'autres constructions.
---------Epoque
Arabo-Turque.
---------Lorsque
les Turcs prirent possession d'EL DJEZAIR, l'afflux de la population qui,
de 1518 à 1580, fut évalué à 30.000 par les
observateurs de l'époque, créa de nouvelles nécessités.
---------De nombreux
ravineaux furent canalisés et, ainsi, de nouvelles rues furent
créées. L'on peut dire que la plupart des rues du ravin
sont du XVIè siècle.
---------La
construction du rempart et celle de la Casbah qui dura près de
85 ans, fut réalisée en même temps que les maisons
édifiées pour abriter la population grandissante mais à
partir du moment où il n'y eut plus d'espaces libres, l'on construisit
sur les rues, ce qui explique que l'on voit aujourd'hui les rues recouvertes
par des constructions en voûte (Essabat).
---------Pour
la commodité de la circulation des piétons, ces rues très
étroites de la " CASBAH " d'Alger furent pavées
avec de petits pavés calcaires.
---------Les
rues de la " CASBAH " comme toutes les rues musulmanes sont
étroites au point, disait ROBINET, " qu'un
cordonnier qui, tirerait la ficelle s'userait bien vite les coudes ".
Pourtant n'exagérons rien.
---------Revêtues
de ces petits pavés bleus, elles ne constituent que de simples
accès aux portes des maisons et c'est pourquoi la " Casbah
" des Turcs comportait en 1830 plus de 151 impasses que nous avons
dénombrées sur la carte de 1831.
---------Ce
plan désordonné des rues qui peut paraître inconcevable
à nos esprits d'occidentaux, avait sa raison d'être parce
que la circulation chez le musulman s'effectuait soit à pied, soit
par âne, mulet ou cheval. Rares sont les larges rues et, hormis
la rue de la Casbah qui présente une largeur moyenne de 3 mètres,
les autres sont de simples sentiers aménagés ou bien, comme
nous l'avons vu, créées sur le ravin. La longueur totale
de ces voies était en 1830 de 15.000 mètres.
---------M.
le professeur MARÇAIS nous apprend (conférence faite à
l'Institut d'Urbanisme) : "(Les grands problèmes
d'urbanisme musulman) qu'un auteur égyptien du XIVe siècle
dit que les artères principales devaient être assez larges
pour permettre à deux chameaux chargés de paille de s'y
croiser. Des règlements sévères rétablissaient
parfois un alignement dans ces rues et interdisaient de les encombrer
d'étalages, de banquettes et d'auvents. Au XVme siècle,
une décision du cadi du Caire permit de sévir contre les
abus de cette nature. "
---------Cette
citation semblerait contredire ce qui précède, mais dans
EL DJEZAIR on peut affirmer qu'il n'y eut jamais d'alignement préconçu.
---------En
effet, William SCHALLER, dans son " Esquisse sur l'état
d'Alger " nous apprend que les rues ne sont que de "
simples allées " et que la plupart d'entre elles ne
permettaient pas le passage de deux chevaux de front. La seule qui, à
cette époque, aurait pu être appelée la grand-rue
pouvait permettre, avec de grandes précautions, le passage de front
de deux charrettes. C'était la rue tortueuse qui s'étendait
de Bab-el-Oued (la porte de l'oued qui était la porte nord) à
Bab-Azoun (la porte du sud).
---------Cette
rue principale se trouvait à l'emplacement des rues Bab-el-Oued
et Bab-Azoun actuelles qui étaient déjà les artères
les plus importantes de la période romaine.
---------Cette
grande voie était jalonnée de magasins et de boutiques de
toutes sortes. C'était d'ailleurs la grande rue des Souks, le "
Souk et Kébir ", grouillante, bruyante, parfois turbulente
; véritable kaléidoscope humain, cette rue Bab-Azoun ignorait
également l'alignement rectiligne. Large de 2 m. à 2 m.
50, elle comportait plusieurs affectations commerciales dont les plus
bruyantes et les plus malodorantes se trouvaient aux endroits les plus
éloignées de la cité : à proximité
des portes.
---------L'autre
rue principale (sur laquelle s'est superposée la rue de la Marine
actuelle) aboutissait à la porte de la Marine, elle était
couverte, sur la moitié de sa largeur, par les encorbellements
des maisons. C'est là que l'on trouvait les souks des bijoutiers,
des fondeurs, des plombiers, des graveurs sur corne et même des
teinturiers (Paul Eudel).
---------Les
autres voies de la Casbah ont été décrites plus haut
et présentent toute l'allure de ces rues méditerranéennes
que l'on trouve notamment dans les vieilles villes de Naples et de Toulon
dans lesquelles nous retrouvons des habitations couvrant aussi la rue.
---------C'est
cet ensemble de sentiers grimpants et tortueux, en bordure desquels, craintives,
se blottissent et se serrent les maisons musulmanes, qui contribue à
donner à la Casbah d'Alger ce cachet particulièrement typique
et tourmenté que nous lui connaissons tous.
---------Si,
aujourd'hui, nous désignons ces voies par des noms familiers, il
n'en fut pas de même autrefois. Les désignations se rapportaient
le plus souvent à des fonctions urbaines et notamment à
des groupes de
profession ; parfois, le nom de la rue signalait la présence d'un
puits, d'un monument ou d'une mosquée.
---------C'est
ainsi, par exemple, que la rue Bab-Azoun avait des dénominations
différentes suivant les différentes activités commerciales
ou professionnelles que l'on y rencontrait. ---------Tout
près de la porte d'Azoun, que l'on peut situer à l'emplacement
du théâtre municipal actuel, la rue s'appelait Souk es Semarin
(des maréchaux-ferrants). Comme on le voit, cette profession bruyante
était située à l'extrémité de la ville,
loin de la demeure du Dey.
---------D'autre
part, et ce qui semble plus normal, elle était placé aux
portes de la ville sur le passage des cavaliers qui venaient de la plaine.
Le groupage des maréchaux-ferrants en cet endroit était
certainement déterminé par le désir de chacun d'eux
d'être plus facilement le plus rapproché de l'arrivant qui,
laissant son cheval à ferrer, partait à pied dans la cité
pour y effectuer ses emplettes.
---------En
se déplaçant vers la Place du Gouvernement on relevait le
Souk er Raba (marché aux grains), le Souk et Azara (des palefreniers),
le Souk Kerratin (des tourneurs).
---------La
rue Porte-Neuve s'appelait dans sa partie supérieure Bab-Ed-Djedid,
ce qui signifiait la porte neuve, puis plus bas, on relevait le nom Djama
ben Chemoun et plus bas encore elle prenait le nom de Souk et Semen (le
marché au beurre) ou bien encore Souk et Kittani (marché
au chanvre).
---------Les
noms de rues ont varié suivant les époques et, comme nous
le disions plus haut, ils ont été changés, surtout
avant les dénominations françaises, en fonction des activités
ou de la population. C'est ainsi, que l'emplacement de la rue Palmyre
actuelle a connu, à différentes époques, trois désignations
correspondant à trois activités.
---------En
1563, ce lieu s'appelait le souk des Kabyles, en 1650, il était
désigné par le souk des marchands de sel et en 1830, il
était le souk el-Kébir (le grand marché).
---------Nous
avons relevé également avec intérêt l'ancienne
désignation de la rue du Rempart (Ben essaour essetara), qui a
été traduit : " entre la muraille et le parapet ".
Il ne fait aucun doute qu'il s'agit du chemin de ronde du rempart.
---------Nous
pourrions multiplier les nombreux exemples des noms de rues dont le sens
rappelle l'activité qui s'y manifestait, l'exposé de ces
noms aux sens pittoresques mériterait à lui seul tout un
article.
---------Toutes
les rues de tous les pays ont leur histoire ; toutes ont un nom qui rappelle
une de leurs caractéristiques. A Strasbourg, la rue " du marché
aux cochons ", ou la rue " des fagots " à La Rochelle,
évoquent leur vie passée.
---------Nous
voyons que nos ancêtres, qu'ils fussent Français, Musulmans
ou autres ont tous eu le même souci de dénommer leurs voies
par un nom rappelant une activité ou se rattachant à un
fait caractérisant le quartier. Ce n'était, au fond, pas
tellement déraisonnable. Gageons que les édiles de ces époque;
lointaines ne s'embarrassaient pas des mêmes considérations
que celles d'aujourd'hui, sans doute fort louables en soi, mais qui ne
permettront pas de donner à nos rues modernes un nom qui soit une
page de leur histoire urbaine.
E. PASQUALI,
Ingénieur
Chef du Service d'Urbanisme
de la ville d'Alger.
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