-Racines
par Jean Brua
pnha n°69, juin 1996
sur site le 14/11/2002

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  Qu'est-ce, que vous se croyez ? Que nous on flotte enl'air
Pareils à des ballons d' la famill' Mon goal fier ?
Qu'un jour oui, un jour non, on se pos' ousqu' on peut
Comm' i nous pouss' le vent, et pas comm' nous on veut ?
Ho ! l'ami, ça va pas ? Arrégare à mon pied,
Que si j' me retiens pas, assaoir où j' t' le mets.
Tout noir il a venu, comm' i fait l'artichaut
Quand on l'a enlevé d' aousqu' il avait chaud.
L'aute aussi, oir-moi ça, i se tient le cafard
Comm' s'il aurait marché dessur un calamar.
Tout ça, rapport à quoi ? Rapport à les racines
Qu'elles nous charrient la sèv' Kifkif un pipeline
Et que si tu les coupes, force à force, c'est forcé,
I lui vient le sang noir, à le pied déchessé.
Ah ! Si tu l'avais vu, du temps de ses vingt ans
Pétrête moins, pétrête plus, enfin, ça fait longtemps...
Ce pied, qu'on a planté cent trente ans en errière
Ce pied qu'il a tant bien fait son trou dans la terre
Ce pied, que ses racines, ell' s étaient si profondes
Qu'un jour, ell' sont percé d' l'aut' côté à le monde,
Au miyeu d'un miyon de miyards de Chinois,
Que, sans mêm' le sa' oir, i march' nt la tête en bas,
Et que, de oir cett' plant' pousser d'en bas en haut,
I z' ont crié: mirac' ! et gloire au grand Mao !
Ce pied qui, ce pied que, avec gloire et honneur
Pluss raciné que lui, si tu le ois tu meurs.
Mon pèr', il aurait dit, par malic' : "corneillé"
(L'illusion à vous aut' s, je vas pas l'espliquer
A rapport que Racin', quâ mêm' qu' c'est un caïd
Il s' le parodiait pas comm' l'auteur à" Le Cid" ).
Aujord'hui, ça fait rien : ou Racin' ou Corneille,
Ou Oreste, ou Roro, ou nous aut' s, c'est pareil.
Nos pieds, i z' ont du coeur. Qu'i soyent en rangs par douze
Ou par cent, ou par mille, comm' les grains de couscous,
Là ousqu' i z'ont marché, elle a resté, la trace.
Je sais : y' a des falsos qui oudraient qu'on s' l'efface ?
Laiss' qu' i frott' nt et qu'i frott' nt pendant cinquante mille ans.
au pluss i vont frotter, au pluss ell' brin' longtemps.

La moral' d' cett' histoir'... d'un peu pluss, c'est plus l'heure,
Just' en quarant' huit pieds, je vous la sors par coeur

Au couteau, c'est facile à couper, une racine.
Mâ, mêm' qu'i reviendrait De Gaull', ou bien Amine,
Que un i tire en haut et l'aut' i tire en bas,
Pour l'arracher d' la terr', ou d' la têt', c'est zbouba !

Jean Brua