-Racines
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Qu'est-ce, que vous se croyez ? Que nous on
flotte enl'air Pareils à des ballons d' la famill' Mon goal fier ? Qu'un jour oui, un jour non, on se pos' ousqu' on peut Comm' i nous pouss' le vent, et pas comm' nous on veut ? Ho ! l'ami, ça va pas ? Arrégare à mon pied, Que si j' me retiens pas, assaoir où j' t' le mets. Tout noir il a venu, comm' i fait l'artichaut Quand on l'a enlevé d' aousqu' il avait chaud. L'aute aussi, oir-moi ça, i se tient le cafard Comm' s'il aurait marché dessur un calamar. Tout ça, rapport à quoi ? Rapport à les racines Qu'elles nous charrient la sèv' Kifkif un pipeline Et que si tu les coupes, force à force, c'est forcé, I lui vient le sang noir, à le pied déchessé. Ah ! Si tu l'avais vu, du temps de ses vingt ans Pétrête moins, pétrête plus, enfin, ça fait longtemps... Ce pied, qu'on a planté cent trente ans en errière Ce pied qu'il a tant bien fait son trou dans la terre Ce pied, que ses racines, ell' s étaient si profondes Qu'un jour, ell' sont percé d' l'aut' côté à le monde, Au miyeu d'un miyon de miyards de Chinois, Que, sans mêm' le sa' oir, i march' nt la tête en bas, Et que, de oir cett' plant' pousser d'en bas en haut, I z' ont crié: mirac' ! et gloire au grand Mao ! Ce pied qui, ce pied que, avec gloire et honneur Pluss raciné que lui, si tu le ois tu meurs. Mon pèr', il aurait dit, par malic' : "corneillé" (L'illusion à vous aut' s, je vas pas l'espliquer A rapport que Racin', quâ mêm' qu' c'est un caïd Il s' le parodiait pas comm' l'auteur à" Le Cid" ). Aujord'hui, ça fait rien : ou Racin' ou Corneille, Ou Oreste, ou Roro, ou nous aut' s, c'est pareil. Nos pieds, i z' ont du coeur. Qu'i soyent en rangs par douze Ou par cent, ou par mille, comm' les grains de couscous, Là ousqu' i z'ont marché, elle a resté, la trace. Je sais : y' a des falsos qui oudraient qu'on s' l'efface ? Laiss' qu' i frott' nt et qu'i frott' nt pendant cinquante mille ans. au pluss i vont frotter, au pluss ell' brin' longtemps. La moral' d' cett' histoir'... d'un peu pluss, c'est plus
l'heure, Au couteau, c'est facile à couper, une racine.
Jean Brua |