------Depuis que
le fotbal est entré dans les moeurs à grands coups de pied
au cuir, c'est facile de faire du jeu avec un ballon réglementaire,
une cuissette, un maillot aux couleurs du club (j'ai pas écrit
cleube !), des souliers, un stade balayé exprès, soigné,
des vrais buts, une foule qui z'ont payé ou pas,qui siffle, qui
applaudit, qui crie : "A bas l'arbitre !" "Si tu veux,
je viens t'aider, feignant!" etc. C'est facile.
------Mais
avec une pelote en caoutchouc de chez "Coco et Riri" des buts
marqués par des cartables à chaque bout de la rue et des
bonnes soeurs qui vous versent des bidons d'eau sur la tête, pas
pour vous rafraîchir niais pour qu'on s'en aille, c'est pas plus
qu'un champion ?
-----La
place Lelièvre, la placette, elle est
prise en sandwich entre l'école de garçons et l'église
Saint Joseph. Elle appartient, par ordre : aux enfants de Bab-el-Oued
qui jouent à la délivrance, ou à ci, à ça,
aux boulomanes qui s'entraînent pour le championnat, aux jeunes
filles qui vont qui viennent soi-disant en discutant gravement, qu'en
réalité c'est pour se faire admirer, et aux petits vieux
du quartier qu'y prennent le soleil assis sur les bancs, la tête
appuyée sur la canne.
------L'église
Saint-Joseph elle est en sandwich au milieu d'à droite l'école
des Frères, à gauche l'école des Soeurs.
------Ces
deux rues pour jouer au fotbal, c'est pas mal pasqu'y a pas de circulation
que les passants qu'y voudraient passer par ces rues, vite y comprennent
qu'y a des chemins plus fréquentables.
------A quatre
heures et demie de l'après-midi, donc, la cloche de l'école
elle sonne la sortie et le début du match.
------On fait
les buts les équipes, mise en jeu.
-A moi, à moi !
- Qué, à toi ?
-Je suis démarqué.
-Ti' es fou ? Dans les tibias ?
-J'ai pas fait exprès !
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-Coup franc.
-Mais passe, passe, purée ! Je m'infiltrais direct
-il y est!
-Où, il y est ? C'était trop haut.
-Trop haut ?Ti' as même pas sauté.
- Et le coup d'oeil, qu'est-ce ti'en fait ?
------Le coup
d'oeil, personne l'avait eu car, à ce moment, une fenêtre
elle s'ouvrait et une bonne (!) soeur elle nous renversait un bidon d'eau
sur la tête.
------On se
sauvait tous, on l'insultait, les soeurs elles faisaient des signes de
croix, elles refermaient les croisées.
------On nommait
un arbitre, plus pour surveiller les soeurs que nous et le match y continuait
encore plus acharné.
------Y se
terminait de deux façons : à la fin du temps réglementaire,
c'est-àdire quand la nuit tombait et l'intérêt du
match aussi, car les parents y venaient un par un nous chercher.
------Ou au
milieu de la partie, quand la pelote elle rentrait dans les ordres en
cassant un carreau et alors on la revoyait plus.
------A sa'oir
les matchs qu'y faisaient entre eux les frères et les soeurs !
Roland Bacri
Et alors ! et oila !
Chez Balland
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