sur site le 20-3-2003
-"Fotbal".
pnha, n°90, mai 1998

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------Depuis que le fotbal est entré dans les moeurs à grands coups de pied au cuir, c'est facile de faire du jeu avec un ballon réglementaire, une cuissette, un maillot aux couleurs du club (j'ai pas écrit cleube !), des souliers, un stade balayé exprès, soigné, des vrais buts, une foule qui z'ont payé ou pas,qui siffle, qui applaudit, qui crie : "A bas l'arbitre !" "Si tu veux, je viens t'aider, feignant!" etc. C'est facile.
------Mais avec une pelote en caoutchouc de chez "Coco et Riri" des buts marqués par des cartables à chaque bout de la rue et des bonnes soeurs qui vous versent des bidons d'eau sur la tête, pas pour vous rafraîchir niais pour qu'on s'en aille, c'est pas plus qu'un champion ?
-----La place Lelièvre, la placette, elle est prise en sandwich entre l'école de garçons et l'église Saint Joseph. Elle appartient, par ordre : aux enfants de Bab-el-Oued qui jouent à la délivrance, ou à ci, à ça, aux boulomanes qui s'entraînent pour le championnat, aux jeunes filles qui vont qui viennent soi-disant en discutant gravement, qu'en réalité c'est pour se faire admirer, et aux petits vieux du quartier qu'y prennent le soleil assis sur les bancs, la tête appuyée sur la canne.
------L'église Saint-Joseph elle est en sandwich au milieu d'à droite l'école des Frères, à gauche l'école des Soeurs.
------Ces deux rues pour jouer au fotbal, c'est pas mal pasqu'y a pas de circulation que les passants qu'y voudraient passer par ces rues, vite y comprennent qu'y a des chemins plus fréquentables.
------A quatre heures et demie de l'après-midi, donc, la cloche de l'école elle sonne la sortie et le début du match.
------On fait les buts les équipes, mise en jeu.
-A moi, à moi !
- Qué, à toi ?
-Je suis démarqué.
-Ti' es fou ? Dans les tibias ?
-J'ai pas fait exprès !


-Coup franc.
-Mais passe, passe, purée ! Je m'infiltrais direct
-il y est!
-Où, il y est ? C'était trop haut.
-Trop haut ?Ti' as même pas sauté.
- Et le coup d'oeil, qu'est-ce ti'en fait ?
------Le coup d'oeil, personne l'avait eu car, à ce moment, une fenêtre elle s'ouvrait et une bonne (!) soeur elle nous renversait un bidon d'eau sur la tête.
------On se sauvait tous, on l'insultait, les soeurs elles faisaient des signes de croix, elles refermaient les croisées.
------On nommait un arbitre, plus pour surveiller les soeurs que nous et le match y continuait encore plus acharné.
------Y se terminait de deux façons : à la fin du temps réglementaire, c'est-àdire quand la nuit tombait et l'intérêt du match aussi, car les parents y venaient un par un nous chercher.
------Ou au milieu de la partie, quand la pelote elle rentrait dans les ordres en cassant un carreau et alors on la revoyait plus.
------A sa'oir les matchs qu'y faisaient entre eux les frères et les soeurs !

Roland Bacri
Et alors ! et oila !
Chez Balland