----------L'HOPITAL
MAILLOT, resté pour les vieux algérois, aussi bien que pour
les T.A., l'Hôpital du Dey, est triplement respectable. II est,
en effet, un des vestiges des propriétés deylicales. II
est le doyen de tous les établissements hospitaliers de l'Afrique
Française du Nord. II porte le nom d'un grand honnête homme
et médecin militaire, dont la carrière connut ses plus belles
pages à Alger, puis à Bône, avant de recevoir, tardivement,
après des vicissitudes diverses, le couronnement d'une récompense
nationale.
----------Il
y aurait beaucoup à écrire sur ce bel hôpital, si
intimement lié à l'histoire d'Alger, mais d'une part nous
voulons donner le pas à l'illustration (note
du site : se reporter aux vues de la galerie), d'autre part
il est difficile malgré les recherches de feu Klein de suivre avec
exactitude à travers son premier siècle d'existence la filière
des étapes qu'il a traversées.
----------Nous
devons à l'obligeance des Colonels Braconnier et Leportois, qui
nous avaient généreusement ouvert les riches archives de
leurs services, et, naturellement aussi, à l'inépuisable
documentation de l'érudit Monsieur Fayolle la joie d'avoir renoué
le fil d'Ariane.
----------Nous
nous contenterons de marquer les traits principaux de l'histoire de l'Hôpital
du Dey en choisissant quelques noms parmi ses fondateurs, ses malades,
ses médecins ou chirurgiens traitants, en soulignant l'originalité
et le mérite de ses constructions monumentales, en précisant
son rôle, dans la génèse des centres intellectuels
algérois.
----------Dans
le palmarès des figures du passé que l'Hôpital du
Dey fait évoquer, la première citation revient de droit
au Duc de Rovigo. C'est à une généreuse pensée
de ce survivant de l'époque impériale, déjà
frappé d'un mal inexorable, que le Service de Santé militaire
doit de s'être implanté dans les jardins du Dey et dans ses
pavillons, au lieu de végéter dans d'obscures mosquées
ou sur des terrains malsains (1832).
----------Au Médecin
en chef Chevreau revient l'honneur d'avoir été le
premier Directeur de l'Etablissement, à la bibliothèque
duquel il a légué de beaux livres du 18è siècle,
avant de mourir à Alger, où il est inhumé. Le chirurgien
Guyon, les frères Monard, un des fils Broussais, professeur au
Val de Grâce ainsi que Marchal de Calvi, Baizeau, Jaillatd, Raymond
Bernard, L. Bonnet, pour ne citer que des morts ; Antonini, A. Bertherand,
F. Lapasset et bien d'autres encore ont honoré l'hôpital
à des titres divers.
----------Cinq
des Présidents du Comité technique de Santé dont
quatre professeurs du Val de Grâce ont appartenu au cadre médico
chirurgical de l'établissement.
----------Maillot
(1832-34), Dujardin-Baumetz (1884-85), H. Vincent (1891-97), Rouget (1897-99),
Célestin Sieur ( 1902-1905).
----------Mais
quatre noms sont à distinguer au premier chef parce qu'ils furent
ceux de novateurs, dont uvre originale est demeurée intacte
ou a été développée par leurs émules
et successeurs.
----------F.
Maillot et Lucien Baudens, qui tout jeunes
alors à moins de trente ans d'âge, (1832) se distinguent
l'un par ses études cliniques sur la quininisation rationnelle
des paludéens, sur les fièvres intestinales, sur la tuberculose
en Algérie, l'autre par ses innovations de chirurgien conservateur
et d'habile orthopédiste.
----------Beaucoup
plus tard Hyacinthe Vincent commence (1891) dans un laboratoire pourtant
bien modeste, comme trop de nos laboratoires en France, ses belles études
de bactériologie et de pathologie exotique, qui le mèneront
d'honneurs en honneurs à la Présidence de l'institut de
France (1941). Enfin Ed. Hirtz, lui aussi dans les locaux misérables
et exigus d'une ancienne écurie du Dey, fait ses premières
recherches de radio-diagnostic, de montage de compas radiographique avec
guidage et d'électrothérapie (1907).
----------Dans
le martyrologe de l'établissement, toutes les formes de morts héroïques
sont réunies, qu'il s'agisse du Pharmacien en Chef Jeannel, victime
avec beaucoup d'autres de l'épidémie de choléra de
1849, du chirurgien et Professeur au Val de Grâce L, Tanton, mort
de septicémie au front de Champagne en 1918, de Camors, succombant
à la typhoïde, contractée au chevet de ses malades,
de Vermale, ami du père de Foucauld, glorieusement tué au
point d'eau d'Ain-el-Hadj (1917), un peu avant le vénérable
ermite.
----------Parmi
les visiteurs de l'hôpital nous devons citer outre les deux Larrey
en 1842 et l'Empereur Napoléon III en 1860, le prince royal, le
séduisant duc d'Orléans, toujours soucieux du bien être
du soldat et qui exprime sa satisfaction de la tenue de l'hôpital
dans une de ses lettres, datée de sa première inspection
de l'Armée d'Afrique en 1835,
----------Les
archives de l'hôpital, détruites ou dispersées, ne
permettent malheureusement pas de retrouver les malades ou les décédés
de marque, mais Monsieur Fayolle nous a signalé une lettre du futur
Maréchal de Saint Arnaud, hospitalisé en 1840 et peu soucieux
de prolonger son séjour au pavillon mauresque, dont il apprécie
cependant le charme, ainsi qu'une plaquette, rédigée par
l'homme politique Arthur Ranc, proscrit sous le second Empire, et qui
reste reconnaissant à un médecin traitant de l'époque
d'avoir substitué au séjour en prison celui moins rigoureux
de l'Hôpital du Dey.
----------Etudions
succinctement, maintenant, le cadre dans lequel ont gravité les
personnalités.
L----------Ferme
modèle du temps des Deys, la propriété constituait,
en plus d'un potager, un magnifique verger dont il subsiste un inventaire
minutieux. Il demeure encore des traces de l'irrigation
méthodique établie à cette époque. Le pavillon
mauresque affecté au Médecin-Chef est précédé
du dernier vestige de cette double rangée de piliers, qui tout
autour de la propriété ménageaient, jadis, des allées
ombragées par de belles treilles.
----------Que
le Génie militaire, après maints projets et contre projets,
élaborés à partir de 1847, après quelques
hésitations légitimes traduites par les plans successifs,
après une période provisoire et ingrate d'hôpital
baraqué (1832-1855), ait réussi, sans mutiler les jardins,
sans raser le pavillon mauresque principal, au contraire en ménageant
les perspectives facilitées par trois terrasses naturelles, à
dresser l'ensemble resté harmonieux mais inachevé de bâtiments
symétriques, noyés dans une végétation jadis
luxuriante, c'est là un tour de Force auquel tout observateur impartial
doit rendre un légitime hommage. Coincidence ou conséquence,
seul parmi tous les chefs, qui se remplacent tous les deux ans en moyenne,
le Médecin-Chef Léonard est demeuré treize ans en
place au moment de l'édification des premiers blocs hospitaliers.
Vertu de la continuité, soeur de la stabilité...
----------La
date tardive des premiers travaux (1855) a permis fort heureusement aux
ingénieurs architectes de bénéficier de l'expérience
acquise par l'équipement sanitaire de l'Algérie, entrepris
il y a un siècle et pour commencer, en Oranie. L'absence de ces
bâtiments conventuels dans lesquels en France on a voulu trop souvent
par économie caser les troupes ou leurs malades, a obligé
le Génie militaire a bâtir, à chercher des orientations
favorables, à créer des surfaces ombreuses soit par des
galeries ajourées, soit par des plantations, ajoutant une note
d'agrément. La Métropole bénéficiera elle-même
da cette expérience africaine au moment où, sous le Second
Empire, on procède à la rénovation da nos Hôpitaux
thermaux et régionaux (Cherbourg, Vincennes, Bayonne, Barèges,
etc...)
----------Sans
doute nous pouvons déplorer l'absence de coquetterie ou de couleur
locale, mais l'Algérie n'a pas d'architecture propre comme le Maroc
ou la Tunisie, hormis la maison familiale citadine ou campagnarde.
----------A
l'Hôpital du Dey, les Sapeurs ont vu noble et grand, comme en témoigne
le projet primitif, demeuré partiellement inachevé. On doit
regretter, mais on ne pouvait faire autrement pour sauvegarder l'alignement
des nouveaux bâtiments, le sacrifice d'une " douéra
" qui clavait être charmante avec son dôme et son bassin
intérieur, alimenté par des sources voisines. C'est là
que le jeune et enthousiaste Baudens ouvrait son propre logis aux élèves,
guère moins jeunes que lui, de l'éphémère
Hôpital d'Instruction, où il enseignait l'anatomie chirurgicale.
----------En
effet l'hôpital du Dey a eu l'honneur presqu'à sa fondation,
mais durant deux ans seulement, d'être désigné comme
hôpital d'instruction. Sans doute était-ce prématuré,
à cette époque héroïque, au cours de laquelle
la densité de la population européenne et des éléments
de qualité restait faible ; mais l'idée était heureuse.
----------Il
faut souligner cette louable tradition, honorée par les médecins
ou pharmaciens des armées de terre, de mer et plus tard des colonies,
qui les pousse, dès qu'ils prennent pied sur une terre nouvelle
à observer avec une noble ardeur, à décrire, puis
avec le goût français pour la logique, à démontrer
et à instruire. L'Egypte, le proche ou l'Extrême Orient,
les Amériques, les Indes, Madagascar, l'Afrique Noire ainsi que
l'Afrique du Nord ont été les pi'iers de ce temple, édifié
par la science française pour le bien de l'humanité.
----------Oublions
donc les aigreurs d'un Stéphanopoli critiquant son collègue
Chevreau, un peu soporifique paraît-il dans son enseignement. Trait
bien français aussi et qui souligne le mérite des luttes
pour le bon combat, menées par un eaudens, un Maillot, p'us tard
par le Pharmacien Millon, par A. Bertherand, fondateur de l'Ecole de Médecine
d'Alger, mère elle-même des vivantes facultés de Médecine
et de Pharmacie où la Médecine militaire continue à
professer sous la robe et la toge, tantôt en dermatologie, tantôt
en ophtalmologie, en physiologie, en médecine légale.
----------Tel
est le vrai trésor, que renferme, suivant la légende, l'hôpital
du Dey, dont Maillot demeure le méritant et noble parrain.
Médecin Colonel SIEUR.
----------Les
jardins du dey et quelques bâtiments furent créés
par Hassan-Pacha, dey d'Alger de 1791 à 1799. Le dey Hussein éleva
d'autres constructions en 1820.
----------L'Administration
des Domaines prit possession de la propriété en 1830, comme
bien du beylick, et, la céda au Corps d'occupation à charge
par celui-ci de l'affecter uniquement à un hôpital militaire.
----------L'Hôpital
du Dey ne prit le nom d'Hôpital Maillot qu'en 1917.
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