Bab-el-Oued, Alger
hôpital militaire du Dey
Un siècle d'histoire à l'hôpital du dey
Algeria et l'Afrique du nord illustrée, revue mensuelle, sept-oct 1942, n°16.Édition de l'Office Algérien d'Action Économique et Touristique (OFALAC), 26 bd Carnot ou 40-42, rue d'Isly, Alger
sur site le 18-11-2005

6 Ko
retour
 

----------L'HOPITAL MAILLOT, resté pour les vieux algérois, aussi bien que pour les T.A., l'Hôpital du Dey, est triplement respectable. II est, en effet, un des vestiges des propriétés deylicales. II est le doyen de tous les établissements hospitaliers de l'Afrique Française du Nord. II porte le nom d'un grand honnête homme et médecin militaire, dont la carrière connut ses plus belles pages à Alger, puis à Bône, avant de recevoir, tardivement, après des vicissitudes diverses, le couronnement d'une récompense nationale.
----------Il y aurait beaucoup à écrire sur ce bel hôpital, si intimement lié à l'histoire d'Alger, mais d'une part nous voulons donner le pas à l'illustration (note du site : se reporter aux vues de la galerie), d'autre part il est difficile malgré les recherches de feu Klein de suivre avec exactitude à travers son premier siècle d'existence la filière des étapes qu'il a traversées.
----------Nous devons à l'obligeance des Colonels Braconnier et Leportois, qui nous avaient généreusement ouvert les riches archives de leurs services, et, naturellement aussi, à l'inépuisable documentation de l'érudit Monsieur Fayolle la joie d'avoir renoué le fil d'Ariane.
----------Nous nous contenterons de marquer les traits principaux de l'histoire de l'Hôpital du Dey en choisissant quelques noms parmi ses fondateurs, ses malades, ses médecins ou chirurgiens traitants, en soulignant l'originalité et le mérite de ses constructions monumentales, en précisant son rôle, dans la génèse des centres intellectuels algérois.
----------Dans le palmarès des figures du passé que l'Hôpital du Dey fait évoquer, la première citation revient de droit au Duc de Rovigo. C'est à une généreuse pensée de ce survivant de l'époque impériale, déjà frappé d'un mal inexorable, que le Service de Santé militaire doit de s'être implanté dans les jardins du Dey et dans ses pavillons, au lieu de végéter dans d'obscures mosquées ou sur des terrains malsains (1832).

----------Au Médecin en chef Chevreau revient l'honneur d'avoir été le premier Directeur de l'Etablissement, à la bibliothèque duquel il a légué de beaux livres du 18è siècle, avant de mourir à Alger, où il est inhumé. Le chirurgien Guyon, les frères Monard, un des fils Broussais, professeur au Val de Grâce ainsi que Marchal de Calvi, Baizeau, Jaillatd, Raymond Bernard, L. Bonnet, pour ne citer que des morts ; Antonini, A. Bertherand, F. Lapasset et bien d'autres encore ont honoré l'hôpital à des titres divers.
----------Cinq des Présidents du Comité technique de Santé dont quatre professeurs du Val de Grâce ont appartenu au cadre médico chirurgical de l'établissement.
----------Maillot (1832-34), Dujardin-Baumetz (1884-85), H. Vincent (1891-97), Rouget (1897-99), Célestin Sieur ( 1902-1905).
----------Mais quatre noms sont à distinguer au premier chef parce qu'ils furent ceux de novateurs, dont œuvre originale est demeurée intacte ou a été développée par leurs émules et successeurs.
----------F. Maillot et Lucien Baudens, qui tout jeunes alors à moins de trente ans d'âge, (1832) se distinguent l'un par ses études cliniques sur la quininisation rationnelle des paludéens, sur les fièvres intestinales, sur la tuberculose en Algérie, l'autre par ses innovations de chirurgien conservateur et d'habile orthopédiste.
----------Beaucoup plus tard Hyacinthe Vincent commence (1891) dans un laboratoire pourtant bien modeste, comme trop de nos laboratoires en France, ses belles études de bactériologie et de pathologie exotique, qui le mèneront d'honneurs en honneurs à la Présidence de l'institut de France (1941). Enfin Ed. Hirtz, lui aussi dans les locaux misérables et exigus d'une ancienne écurie du Dey, fait ses premières recherches de radio-diagnostic, de montage de compas radiographique avec guidage et d'électrothérapie (1907).
----------Dans le martyrologe de l'établissement, toutes les formes de morts héroïques sont réunies, qu'il s'agisse du Pharmacien en Chef Jeannel, victime avec beaucoup d'autres de l'épidémie de choléra de 1849, du chirurgien et Professeur au Val de Grâce L, Tanton, mort de septicémie au front de Champagne en 1918, de Camors, succombant à la typhoïde, contractée au chevet de ses malades, de Vermale, ami du père de Foucauld, glorieusement tué au point d'eau d'Ain-el-Hadj (1917), un peu avant le vénérable ermite.
----------Parmi les visiteurs de l'hôpital nous devons citer outre les deux Larrey en 1842 et l'Empereur Napoléon III en 1860, le prince royal, le séduisant duc d'Orléans, toujours soucieux du bien être du soldat et qui exprime sa satisfaction de la tenue de l'hôpital dans une de ses lettres, datée de sa première inspection de l'Armée d'Afrique en 1835,
----------Les archives de l'hôpital, détruites ou dispersées, ne permettent malheureusement pas de retrouver les malades ou les décédés de marque, mais Monsieur Fayolle nous a signalé une lettre du futur Maréchal de Saint Arnaud, hospitalisé en 1840 et peu soucieux de prolonger son séjour au pavillon mauresque, dont il apprécie cependant le charme, ainsi qu'une plaquette, rédigée par l'homme politique Arthur Ranc, proscrit sous le second Empire, et qui reste reconnaissant à un médecin traitant de l'époque d'avoir substitué au séjour en prison celui moins rigoureux de l'Hôpital du Dey.
----------Etudions succinctement, maintenant, le cadre dans lequel ont gravité les personnalités.
L----------Ferme modèle du temps des Deys, la propriété constituait, en plus d'un potager, un magnifique verger dont il subsiste un inventaire minutieux. Il demeure encore des traces de l'irrigation méthodique établie à cette époque. Le pavillon mauresque affecté au Médecin-Chef est précédé du dernier vestige de cette double rangée de piliers, qui tout autour de la propriété ménageaient, jadis, des allées ombragées par de belles treilles.

----------Que le Génie militaire, après maints projets et contre projets, élaborés à partir de 1847, après quelques hésitations légitimes traduites par les plans successifs, après une période provisoire et ingrate d'hôpital baraqué (1832-1855), ait réussi, sans mutiler les jardins, sans raser le pavillon mauresque principal, au contraire en ménageant les perspectives facilitées par trois terrasses naturelles, à dresser l'ensemble resté harmonieux mais inachevé de bâtiments symétriques, noyés dans une végétation jadis luxuriante, c'est là un tour de Force auquel tout observateur impartial doit rendre un légitime hommage. Coincidence ou conséquence, seul parmi tous les chefs, qui se remplacent tous les deux ans en moyenne, le Médecin-Chef Léonard est demeuré treize ans en place au moment de l'édification des premiers blocs hospitaliers. Vertu de la continuité, soeur de la stabilité...
----------La date tardive des premiers travaux (1855) a permis fort heureusement aux ingénieurs architectes de bénéficier de l'expérience acquise par l'équipement sanitaire de l'Algérie, entrepris il y a un siècle et pour commencer, en Oranie. L'absence de ces bâtiments conventuels dans lesquels en France on a voulu trop souvent par économie caser les troupes ou leurs malades, a obligé le Génie militaire a bâtir, à chercher des orientations favorables, à créer des surfaces ombreuses soit par des galeries ajourées, soit par des plantations, ajoutant une note d'agrément. La Métropole bénéficiera elle-même da cette expérience africaine au moment où, sous le Second Empire, on procède à la rénovation da nos Hôpitaux thermaux et régionaux (Cherbourg, Vincennes, Bayonne, Barèges, etc...)
----------Sans doute nous pouvons déplorer l'absence de coquetterie ou de couleur locale, mais l'Algérie n'a pas d'architecture propre comme le Maroc ou la Tunisie, hormis la maison familiale citadine ou campagnarde.
----------A l'Hôpital du Dey, les Sapeurs ont vu noble et grand, comme en témoigne le projet primitif, demeuré partiellement inachevé. On doit regretter, mais on ne pouvait faire autrement pour sauvegarder l'alignement des nouveaux bâtiments, le sacrifice d'une " douéra " qui clavait être charmante avec son dôme et son bassin intérieur, alimenté par des sources voisines. C'est là que le jeune et enthousiaste Baudens ouvrait son propre logis aux élèves, guère moins jeunes que lui, de l'éphémère Hôpital d'Instruction, où il enseignait l'anatomie chirurgicale.
----------En effet l'hôpital du Dey a eu l'honneur presqu'à sa fondation, mais durant deux ans seulement, d'être désigné comme hôpital d'instruction. Sans doute était-ce prématuré, à cette époque héroïque, au cours de laquelle la densité de la population européenne et des éléments de qualité restait faible ; mais l'idée était heureuse.
----------Il faut souligner cette louable tradition, honorée par les médecins ou pharmaciens des armées de terre, de mer et plus tard des colonies, qui les pousse, dès qu'ils prennent pied sur une terre nouvelle à observer avec une noble ardeur, à décrire, puis avec le goût français pour la logique, à démontrer et à instruire. L'Egypte, le proche ou l'Extrême Orient, les Amériques, les Indes, Madagascar, l'Afrique Noire ainsi que l'Afrique du Nord ont été les pi'iers de ce temple, édifié par la science française pour le bien de l'humanité.
----------Oublions donc les aigreurs d'un Stéphanopoli critiquant son collègue Chevreau, un peu soporifique paraît-il dans son enseignement. Trait bien français aussi et qui souligne le mérite des luttes pour le bon combat, menées par un eaudens, un Maillot, p'us tard par le Pharmacien Millon, par A. Bertherand, fondateur de l'Ecole de Médecine d'Alger, mère elle-même des vivantes facultés de Médecine et de Pharmacie où la Médecine militaire continue à professer sous la robe et la toge, tantôt en dermatologie, tantôt en ophtalmologie, en physiologie, en médecine légale.
----------Tel est le vrai trésor, que renferme, suivant la légende, l'hôpital du Dey, dont Maillot demeure le méritant et noble parrain.

Médecin Colonel SIEUR.


----------Les jardins du dey et quelques bâtiments furent créés par Hassan-Pacha, dey d'Alger de 1791 à 1799. Le dey Hussein éleva d'autres constructions en 1820.
----------L'Administration des Domaines prit possession de la propriété en 1830, comme bien du beylick, et, la céda au Corps d'occupation à charge par celui-ci de l'affecter uniquement à un hôpital militaire.
----------L'Hôpital du Dey ne prit le nom d'Hôpital Maillot qu'en 1917.