Alger,
Bab-el-Oued
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La nécessité
où je suis, à la fin de chaque trimestre, de solliciter
des médecins militaires la visite de mes organes malmenés
par les climats coloniaux, me conduisit à faire plusieurs
séjours à l'hôpital Maillot. Dès l'abord,
je fus séduit par les verdures puissantes et calmes qui encadrent
les bâtiments. Les arbres et les feuillages sont sympathiques
au malade ; il trouve à leur ombre un repos plus familier,
plus chaud que celui qui lui est dispensé par le clair obscur
de sa chambre. Puis j'aimai les longues avenues ombreuses et l'harmonie
des terrasses où l'on monte par quelque escalier de marbre
que précède un portail à la mauresque ; j'errai
avec plaisir dans les cours pavées de marbre blanc, entourées
de galeries à arcades de style arabe, égayées
par un jet d'eau dans une atmosphère capiteuse illuminée
de soleil ; il n'y a point d'obscurité céans ; les
murs sont tapissés de céramiques aux luisances changeantes,
qu'avive la moindre lumière. Les plafonds de bois à
poutrelles apparentes furent peints de couleurs vives, qui s'affrontent
dans un agréable dessin géométrique. Les fenêtres
ouvrent sur les jardins pleins de chants d'oiseaux, de frondaisons
mouvantes, de parfums de fleurs, de brises chantantes. Certaines
chambres, sur la façade qui regarde la côte ont un
charme quasi voluptueux, presque équivoque. Le dey jadis
y tenait ses concubines. Dès que l'on pousse les volets,
le ciel trempé de mer nous saute au visage ; la mer brasillante
de soleil se dresse devant nous, pénètre dans, le
logis, l'envahit. On est à l'hôpital, mais cet hôpital
est un palais mauresque, un palais toujours vivant, demeuré
intact au milieu de ses anciens jardins qui, seuls, subirent des
modifications depuis un siècle.
En principe, j'estime que l'architecture des époques défuntes ne convient point à notre temps, qui connaît des besoins qu'ignoraient nos pères. Mais au pavillon arabe de Maillot, on a approprié avec goût une demeure berbéresque, où foisonnait la lumière, à notre civilisation. Les malades eux-mêmes, étendus sur leur chaise longue dans les galeries, ne jurent point avec le paysage ; les amples étoffes qui les vêtent, les corps dolents, les gestes lents, les visages douloureux s'accordent à merveille au décor oriental, où passent, formes blanches discrètes, médecins et infirmières. Il n'y a point ici d'éclats de voix, de bruits de la rue, d'appels saugrenus. C'est la maison où l'on se recueille, où l'on s'oppose à la mort au milieu d'une nature exubérante de vie. Les aspects n'ont aucun caractère funèbre ou impassible : ils sont de douceur et de joie. Ils ne nous convient en aucune façon à émigrer dans un monde qu'à tort sans doute on estime meilleur que notre diabolique planète. Aux environs du pavillon mauresque sont, des bâtiments modernes, dont la construction n'est pas encore tout à fait terminée. Là sont couchés, dans des salles claires, aérées, et bien ordonnées, les soldats et les sous-officiers en traitement. Des installations sont à citer comme modèles, en particulier celles de chirurgie et de radiothérapie. Quant au personnel, il est à la hauteur de sa tâche. *** La qualité médiocre des photos de
cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1933. Amélioration
notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria
" en particulier. |
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La nécessité
où je suis, à la fin de chaque trimestre, de solliciter
des médecins militaires la visite de mes organes malmenés
par les climats coloniaux, me conduisit à faire plusieurs séjours
à l'hôpital Maillot. Dès l'abord, je fus séduit
par les verdures puissantes et calmes qui encadrent les bâtiments.
Les arbres et les feuillages sont sympathiques au malade ; il trouve
à leur ombre un repos plus familier, plus chaud que celui qui
lui est dispensé par le clair obscur de sa chambre. Puis j'aimai
les longues avenues ombreuses et l'harmonie des terrasses où
l'on monte par quelque escalier de marbre que précède
un portail à la mauresque ; j'errai avec plaisir dans les cours
pavées de marbre blanc, entourées de galeries à
arcades de style arabe, égayées par un jet d'eau dans
une atmosphère capiteuse illuminée de soleil ; il n'y
a point d'obscurité céans ; les murs sont tapissés
de céramiques aux luisances changeantes, qu'avive la moindre
lumière. Les plafonds de bois à poutrelles apparentes
furent peints de couleurs vives, qui s'affrontent dans un agréable
dessin géométrique. Les fenêtres ouvrent sur les
jardins pleins de chants d'oiseaux, de frondaisons mouvantes, de parfums
de fleurs, de brises chantantes. Certaines chambres, sur la façade
qui regarde la côte ont un charme quasi voluptueux, presque équivoque.
Le dey jadis y tenait ses concubines. Dès que l'on pousse les
volets, le ciel trempé de mer nous saute au visage ; la mer brasillante
de soleil se dresse devant nous, pénètre dans, le logis,
l'envahit. On est à l'hôpital, mais cet hôpital est
un palais mauresque, un palais toujours vivant, demeuré intact
au milieu de ses anciens jardins qui, seuls, subirent des modifications
depuis un siècle.
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