LA PHYSIOTHÉRAPIE A L'HÔPITAL
MAILLOT
Depuis un quart de siècle,
la médecine s'est enrichie d'une branche nouvelle, très
importante, la physiothérapie, qui met en uvre les divers
agents physiques.
On se doutait bien auparavant que certains de ces agents pouvaient produire
des effets utiles sur l'organisme humain, mais on n'en tirait parti
que d'une manière empirique. Actuellement, il est possible de
doser les effets et de conduire un traitement physiothérapique
avec la même sûreté qu'un traitement par médicaments
galéniques ou spagyriques, c'est-à-dire végétaux
ou chimiques.
Basée sur des découvertes très récentes,
la physiothérapie reste encore le domaine d'un petit nombre de
spécialistes. Plus peut-être qu'aucune autre partie des
sciences médicales, elle exige l'emploi de notions transcendantes
de physique et de mathématiques et l'on peut constater avec satisfaction
que des médecins tels que MM. Branly et d'Arsonval prennent cette
fois la tête du mouvement scientifique, tandis que l'initiateur
de la bactériologie, Pasteur, était chimiste comme Raspail
et de même que ce dernier, n'eut jamais le diplôme de docteur
en médecine.
Sans doute, à une époque déjà fort lointaine,
les philosophes réunissaient à la fois toutes les connaissances,
littéraires, médicales et scientifiques, mais, de nos
jours, il n'est plus possible de tout embrasser. Le latin et le grec
pur où les médecins commencent généralement
leurs études, ne sont cependant plus exigés d'eux et l'on
doit s'attendre à ce qu'il soit fait, dans les programmes de
l'Université, une place plus importante aux sciences qui, même
si les médecins se contentaient d'appliquer les découvertes
des autres, leur seraient néanmoins indispensables pour la pratique
intelligente de leur profession.
Ce changement d'orientation dans les études n'aurait pas nécessairement
pour effet de diminuer l'importance des qualités psychologiques.
Les médecins devront encore savoir observer le tempérament
spécial de leurs malades et inspirer à ceux-ci une confiance
absolue dans l'efficacité du traitement prescrit. Pour que la
guérison soit rapide, il faut que le moral soit bon et, de même
que l'avocat doit persuader les juges en défendant l'accusé,
le médecin doit remonter le moral de ses malades par des paroles
réconfortantes.
Nous pouvons donc ajouter incidemment que, sur le terrain politique,
les médecins, qui tiennent le second rang, après les avocats,
continueront à occuper une place aussi éminente. D'ailleurs,
les avocats eux-mêmes ne sont plus astreints à l'étude
du grec et du latin et seront pour la plupart moins instruits sur l'histoire
de l'ancienne république romaine que feu leur confrère
Robespierre et son ami le médecin Marat.
Mais laissons de côté la politique, qui n'a pas le droit
d'entrer à l'hôpital militaire d'Alger, où le centre
de physiothérapie de l'Algérie va nous permettre de passer
en revue les méthodes nouvelles.
Le premier service de physiothérapie fut créé,
en 1907, à l'hôpital Maillot, par M. le médecin-major
Hirtz, aujourd'hui professeur au Val-de-Grâce, Les excellents
résultats obtenus, notamment pour la guérison des blessés
du Maroc évacués sur Alger, firent donner une extension
rapide à ce service qui, dès avant la grande guerre, pouvait
être envié par les hôpitaux de France.
Le titulaire actuel est M. le médecin principal Miramond de Laroquette,
qui en avait été chargé en 1913 et 1914 et eu a
repris la direction à la paix. Tous les Algérois se rappellent
que, pendant les hostilités, l'Union des Femmes de France (section
algérienne) organisa à l'Hôtel Continental, transformé
en hôpital auxiliaire, un centre de physiothérapie où
des milliers de blessés furent soignés avec le plus grand
dévouement.
Depuis l'armistice, l'hôpital auxiliaire ayant été
fermé, le centre de physiothérapie est revenu à
l'hôpital Maillot où, sous l'impulsion de son directeur
actuel, il ne cesse de se développer et de se perfectionner.
Commençons notre visite rapide par les salles de mécanothérapie,
où l'on utilise l'agent le plus anciennement connu, le mouvement.
Là, des appareils variés permettent de faire jouer les
articulations des membres blessés et d'empêcher, par des
exercices gradués, les ankyloses et les atrophies.
Nous n'insistons pas sur le massage.
La lumière et la chaleur sont très employées et
on les associe généralement sous forme de bains de lumière
électrique ou de lumière solaire.
La cure solaire, pour laquelle les malades doivent être exposés
nus pendant une assez longue durée, ne peut être pratiquée
sans inconvénient à l'air libre en toute saison. Aussi
a-t-on récemment construit, à l'hôpital Maillot,
une galerie vitrée où pourra être maintenue, dans
la saison froide, une température minimum de 25° à
l'ombre.
L'action du soleil peut être, suivant les besoins, diminuée
par des écrans ou augmentée par des miroirs multiples
que M. Miramond de Laroquette a fait établir, sur le principe
des miroirs ardents attribués à Archimède. Cet
officier a donné beaucoup d'autres preuves d'une ingéniosité
toujours mise au service des blessés, mais la modestie nous semble
aussi nécessaire en parlant d'un ami qu'en parlant de soi-même
et nous croyons répondre à son désir en n'insistant
pas sur la part qui lui revient dans les progrès réalisés.
L'insolation peut être généralisée à
tout le corps ou limitée à la partie malade.
Les résultats sont excellents dans le traitement de nombreuses
maladies, particulièrement de la tuberculose et des suites des
blessures de guerre.
L'électricité est utilisée de diverses manières.
Par l'électrodiagnostic on évalue la gravité des
lésions subies par les centres nerveux et suit les progrès
vers la guérison.
Dans l'électrothérapie, on soumet le malade à des
courants continus, ou interrompus, ou statiques, ou à haute fréquence,
selon la nature de l'affection dont il souffre.
L'installation de radiologie du centre de physiothérapie est
particulièrement importante. Quatre postes de rayons X y fonctionnent
en permanence, soit pour le diagnostic, soit pour le traitement.
L'utilisation des rayons X est actuellement indispensable pour faire
un diagnostic précis dans un grand nombre de maladies, et l'on
sait eu outre quel est leur rôle dans la recherche des corps étrangers
et l'examen des fractures ou luxations.
Sans insister sur le détail des cas où les rayons X sont
employés à la guérison, nous signalerons que des
centaines de jeunes soldats indigènes, atteints de teigne faveuse,
sont, chaque année, traités et guéris à
l'hôpital Maillot ; ils seraient sans cela perdus pour l'armée.
Depuis un très petit nombre d'années, le radium est appliqué
à des usages thérapeutiques, et certaines de ses radiations
ont des propriétés analogues à celles des rayons
X.
Mais le radium offre parfois sur eux de notables avantages. Employés
par quantités extrêmement faibles et n'occupant qu'un très
petit volume, les sels de radium peuvent être introduits, par
des cavités naturelles ou artificielles, jusqu'au contact des
tumeurs, que les rayons X, émis de l'extérieur, n'atteindraient
pas sans agir trop fortement sur les tissus intermédiaires.
Malheureusement, le radium coûte très cher et le centre
de physiothérapie de l'Algérie n'en possède pas.
C'est une lacune regrettable. Les procédés nouveau de
la physiothérapie doivent, pour donner des résultats complètement
satisfaisants, être appliqués pur un personnel exercé.
On ne saurait par conséquent s'y prendre trop tôt pour
donner à nos grands hôpitaux, où passent tant de
malades, la possibilité de pratiquer ces procédés
et de tirer d'une expérience prolongée des éléments
de progrès.
Il serait trop long d'indiquer les multiples objets des recherches auxquelles
peut donner lieu la physiothérapie, soit pour en perfectionner
la technique, soit pour mettre à la portée de tout le
personnel les résultats de calculs souvent rébarbatifs.
Terminons cette rapide revue par une courte remarque, motivée
par l'absence de radium au centre de physiothérapie et, sauf
erreur de notre part, dans tous les grands hôpitaux de l'Algérie.
En France, on parait beaucoup compter sur le concours des citoyens fortunés
quand il s'agit de certaines dépenses. Les musées s'enrichissent
surtout par des dons et, l'année dernière, lorsqu'il fallut
loger la collection Doucet, constituant un cadeau de valeur considérable,
une dame généreuse fournit aussitôt deux millions.
De nombreux hôpitaux bénéficient également
des sentiments charitables des particuliers et ceux de Lyon sont remarquablement
bien dotés par les citoyens notables de cette ville.
La parcimonie apparente de l'État, dont le budget manque d'élasticité,
est donc, en l'espèce, la reconnaissance tacite de l'existence,
chez les citoyens aisés, de sentiments altruistes très
développés, qui se trouvent ainsi très heureusement
mis en lumière.
Il n'y a pas de raison pour qu'il en soit autrement en Algérie,
même en l'absence de milliardaires. Avec quelques dizaines de
billets de mille, on peut déjà faire beaucoup de bien.
NOTE DE LA RÉDACTION.
La publication de cet article nous fournit l'occasion de signaler une
invention que MM. Millot et Miramond de Laroquette viennent de réaliser
à Alger et qui a fait l'objet d'une communication à l'Académie
des Sciences dans sa séance du 28 février dernier. Il
s'agit d'une balance radiologique pour le dosage des rayons X en radiographie
et en radiothérapie.
Les pesées faites sur cette balance n'ont aucun rapport avec
le poids des rayons X mais sont un procédé original de
calcul pour résoudre très simplement tous les problèmes
d'application médicale des rayons X. L'emploi de cet appareil
permettra de renoncer aux approximations souvent dangereuses, auxquelles
la complexité des problèmes obligeait à recourir,
et les malades y gagneront autant que les médecins.