Alger, Algérie
: vos souvenirs
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Les anniversaires on les commémore,
on les célèbre. On les aime ou on les hait
.c'est comme
les dimanches.
A défaut de les fêter, on peut, volontairement ou pas, les oublier, y penser ou ne pas y penser. Le conscient ou l'inconscient, le réel et le virtuel s'emboîtent l'un et l'autre pour marquer ou omettre le jour béni ou maudit. Saura-t-on pourquoi l'approche d'une date nous remplit de joie ou de peine ? On attend ou on redoute, on pressent ou on espère. On ne sait pas très bien qui du " lapsus " ou de " l'acte manqué " chevauche l'autre et vice et versa. Peut-on dire qu'il y a plus d'anniversaires négatifs que de positifs ? Cela dépend de l'individu ou de l'évènement mais généralement nous savons pourquoi et comment nous adhérons bon gré mal gré à tel anniversaire. L'intérêt personnel ou collectif porté à la chose permet de distinguer le " bon " anniversaire du " mauvais ". Aujourd'hui on commémore tout et n'importe quoi.
Autrefois, il y avait seulement les fêtes nationales et familiales.
On en rajoute un peu tous les ans car il faut bien que tout le monde vive
et le calendrier n'est pas totalement saturé. Bref, qu'il ait été mal ou bien vécu l'anniversaire réveille le passé. Il constitue une joie, une corvée, on s'y oblige par hypocrisie ou on subit par obligation ou manque de liberté. Un anniversaire c'est un rapport plus ou moins intense, froid, tiède ou chaud entre vivants s'adressant à d'autres vivants ou s'adressant à des personnes disparues. C'est aussi le rappel d'un événement connu, vécu, détesté ou apprécié, public ou privé. Ostentatoirement montré ou intimement caché, c'est toujours un instant de vie que l'on vit seul ou que l'on partage avec d'autres. On n'a jamais vu des morts commémorant l'absence ou la présence d'un des nôtres ou se réunissant pour célébrer l'un d'entre eux ! Cela va sans dire mais il est bon de l'écrire ! Un quart d'heure avant sa mort Lapalisse pouvait célébrer, un quart d'heure après c'est lui qui était célébré. Au risque de se répéter, mais il est bon de le préciser car deux précautions valent mieux qu'une : la mémoire est sélective et apprécie en qualité. Elle distingue : l'anniversaire " bonheur " de l'anniversaire " malheur ". Quand le premier est vivace le second s'estompe. Bien que le fait soit inaltérable du fait de sa répétition à une date fatidique la nature intervient et conduit l'événement progressivement à l'oubliance sempiternelle. La volonté humaine peut s'arque bouter pour retarder la mise au rebut mais rien n'y fera et la vie l'emportera. Aujourd'hui il pleut et il fait même assez froid en ce 19 février 2006. La France est dans le gris. La grisaille persiste dans l'actualité mais restons optimistes car le " bleu " reviendra aux beaux jours. C'est l'anniversaire de la naissance de mon père et celui de la bataille de Verdun. Mon père aurait eu 93 ans. Ce brave homme, parti trop tôt, me manque. Je fais mienne la pensée : " rien n'est plus présent que l'absence d'un père " et je médite en ce jour anniversaire. Aurait-il été heureux cet homme s'il était encore à mes cotés pour apprécier la situation ambiante au plan national ? La matière est abondante, à mon sens en tout cas, mais à chacun sa perception des choses en fonction de sa capacité à analyser, de sa culture, de son éducation, de son vécu, de sa bonne ou mauvaise foi, de sa liberté de penser ou d'écrire, de son honnêteté plus ou moins subjective, de sa capacité de discernement, de sa rigueur intellectuelle, de son intelligence qui ne l'oublions pas est la " faculté de s'adapter à une situation réelle ". Certains prétendent que la tolérance c'est la charité de l'intelligence. Pour ma part, je pense faire preuve de charité et de tolérance mais ne pouvant m'adapter je suis donc dépourvu d'intelligence. Modestement l'admettre, le reconnaître, le savoir et surtout l'assumer ce n'est certes pas un grand pas pour l'humanité mais c'est peut-être un petit pas pour atteindre le nirvana. Ouf ! Si je dois à chaque anniversaire m'interroger sur ce questionnement plus primaire que grégaire et moins parano que schizo je vais vider, avant la date de péremption, toutes les boites de médicaments se trouvant dans ma pharmacie ! A moins d'avoir recours comme beaucoup de mes chers compatriotes aux plantes apaisantes, je crains fort de ne plus trouver les repères dans notre Hexagone qui n'a plus vraiment de formes après avoir depuis longtemps perdu son fond. N'imaginant pas de solution pour modifier cette donnée contemporaine de type existentiel, dans laquelle notre pays baigne et tourne en rond et n'apercevant pas le moindre élément de changement, je reste confiné à ma lecture métaphysique de la marche du temps. Le prisme des couleurs peut quelque peu modifier les teintes ou dénaturer certaines visions des choses certes mais les faits sont têtus et les réalités demeurent. La couleur bleue a une palette suffisamment étendue pour que l'on puisse choisir entre le bleu roi, le bleu horizon, le bleu ciel, le bleu indigo, le bleu dur, le bleu touareg, le bleu de méthylène, le bleu de France etc. Il parait que le bleu donne du sens à la vie si on en croit certains peintres qui l'ont pas mal employé. Les 700.000 poilus de 14 qui ne sont jamais revenus de Verdun portaient la vareuse bleue et le pantalon rouge. Ils se sont fait tirer comme de la volaille, les lapins ayant depuis longtemps gagné leurs terriers. Le coq français s'égosillait. Ses plumes et sa crête se mêlaient en terre au sang de ces braves qui tombaient à chaque coup de fusil dans les champs garnis de coquelicots bordant la Marne. Le bleu et le rouge se mariaient. Les flaques d'eau, rouges de sang, et le ciel bleu azur se confondaient dans la mitraille. L'enfer d'abord, le déluge après, on ne savait pas on ne savait plus, ça tombait partout : des os, de la chair, de la boue, de la ferraille. Les capotes bleues boutonnées jusqu'au oreilles, les brodequins crottés, les godasses à clous, les pieds gelés, la tambouille, la popote, le quart de jus bouillant réchauffant les mains, la gniole, le feu, la peur, le gaz moutarde, le vaguemestre, le fourrier, le courrier, la relève Bref ! La " bleusaille" n'en revenait pas et n'en reviendrait pas. Partie en taxi pour une promenade, comme pour des " grandes vacances " notre armée de conscrits s'empêtrait dans " la Grande Guerre ". " Sale boche on aura ta peau ! Si toutefois on a du pot ". En ayant " la peur au ventre " il en étaient " bleus de peur "avant d'être " morts de peur " et bien vite " morts tout court ".
Mon grand père maternel redoutait le " péril jaune ". Avait-il raison ? Il nous parlait des chinois en disant : " une guerre militaire est toujours la suite d'une guerre économique ". Il avait fait le tour du monde après avoir connu à 17 ans les affres de la guerre. Il avait succédé à son propre père fauché par un obus quelque part en Artois. Cet homme était fier d'être porte drapeau le 11 novembre, le jour de la Saint Martin. D'Alger à Bel-Abbès et de Dunkerque à Perpignan, il célébrait à sa façon victoire et armistice aux accents de " Sambre et Meuse " et de " Tiens voilà du boudin ". Le boudin c'est toujours une affaire de sang. Là, sur la ligne bleue des Vosges on ne distinguait plus le sang Lorrain de l'Alsacien et encore moins de l'Africain. Celui qui " abreuve nos sillons " venait me semble-t-il de l'Outre Rhin mais aujourd'hui, à en croire certains, le sang des " colonies " ne pouvait être que " négatif ". Que faut-il célébrer en ce mois de février ? Dire " Merci " à nos poilus ? Hâtons nous, il n'en reste plus guère, ou évoquer le " Crime " commis pour cette guerre ? Bel anagramme de cinq lettres pour un mépris ou une reconnaissance. C'est ça l'anniversaire d'une page d'histoire qui se résume à deux mots : boucherie et vacherie. L'état d'esprit de nos poilus, en ce début de guerre sale, méritait le respect. De l'honneur et de la bravoure ils n'en manquaient pas. Nul ne le conteste : les récits, les livres, les lettres et les gravures nous le rappellent. Habillés de bleu, ces hommes voyaient la vie en rose ; la couleur des filles qu'ils reverraient dès le printemps en rentrant dans leur foyer. Ils se marieraient avec Mademoiselle Lebel et construiraient une belle chaumière dans laquelle ils afficheraient avec fierté leurs décorations et leurs trophées. Sur la cheminée on poserait cette douille d'obus, la photo d'un frère, d'un mari, d'un fils ou d'un père disparu dans la tourmente du soir ou dans l'aube du petit matin. Ici on rangera une vareuse mitée, un képi orné d'un galon doré, un épaulette du 106ème R.i, une fourragère noircie de sang ou de sueur, un morceau de plaque d'identité découpée en pointillés, un miroir argenté ou plus soigneusement encore, au fond d'un tiroir, on cachera un paquet de lettres enlacées d'un ruban de soie. Ils avaient retenu la leçon de la citoyenneté.
Des Grands Principes édictés par leurs pères, ils
savaient qu'un droit acquis entraînait en échange une obligation
de donner aux autres pour garantir l'avenir et perpétuer le mouvement
créé avant eux pour le bien public. La principale richesse
c'était ça précisément. " Tous ensemble
" ils allaient combattre pour elle. Mourir pour un drapeau ou pour
une marseillaise c'est autre chose que de " brailler " "
tous ensemble " pour en demander toujours plus à l'autre qui
est déjà parterre en attendant que se produise le dépôt
de bilan d'un Etat exsangue. La confiance accordée aux élus
du peuple n'était ni contestée ni contestable. Ils étaient
précurseurs de l'ambition républicaine, poussés par
les moteurs de liberté, d'égalité et de fraternité. |
La question de l'impéritie
de nos chefs militaires n'était pas à l'ordre du jour en ce
premier jour de bataille. Aujourd'hui, 90 années se sont écoulées
et sur la ligne Maginot que l'on disait imprenable, tout près de
Douaumont, on se souvient, on célèbre, on commémore,
on ne fête pas vraiment mais on nous rappelle les chants de bravoure
et l'engouement de ces poilus qui, la fleur au fusil, allaient chasser le
boche, l'envahisseur qu'on allait botter hors de nos frontières.
On tenait la crête, le bois de sapins, la plaine. Le " 9ème
de ligne est aux aguets bien retranché ", " On ne passe
pas ". Drapeau tricolore en tête, le seul qui vaille car c'est
l'emblème de notre Révolution, ils montaient au front, fiers
d'être français et de défendre le Pays. Le temps de
la résignation n'était pas encore de saison. C'était
le temps de l'union sacrée. Les trois couleurs soudaient la Nation
retrouvée depuis la prise de la Bastille. Les autres drapeaux étaient
prohibés ou n'avaient pas cours : surtout pas le blanc, signe de
lâcheté, de religion ou de royauté, et encore moins
le rouge qui aujourd'hui fleurit trop souvent dans nos rues. Les anniversaires
marquant les horreurs de l'idéologie marxiste-léniniste et
des millions de martyrs sacrifiés à la couleur pourpre sont
légions et point n'est besoin d'en rajouter. Que cette seule couleur
soit bannie à jamais dans notre pays ou seulement conservée
en souvenir de nos ancêtres issus du peuple de 1789 et que ce drapeau
brandi par le berger en bordure de route annonçant son troupeau ou
par le cheminot amorçant la manuvre reste le signal du danger
imminent.
Les Tirailleurs Sénégalais, Algériens ou Marocains côtoyaient les artilleurs d'ici ou d'ailleurs. Nos Spahis, nos Tabors, nos Goumiers et nos Zouaves, davantage pétris d'héroïsme qu'épris d'idéal peut-être, partageaient les mêmes souffrances dans le même patriotisme viscéral que nos vaillants soldats nés à peine vingt ans plus tôt dans la France profonde. Difficile de les coiffer du bonnet phrygien car avant 1830 ils ne pouvaient pas être cocardiers. En 14/18 c'était pour tout le monde encore un bonheur d'être français et de transmettre un héritage. Les monuments aux morts de nos villes et villages de France ont gardé en mémoire les noms de nos compatriotes en souvenir de leur sacrifice. Tous n'avaient pas la baraka. Ces fantassins avaient quitté leur ville ou leur campagne, leur usine, leur ferme, leur bureau ou leur commerce pour la Liberté. Dans chaque famille française, un arrière grand père y a laissé sa vie : " Il n'en est jamais revenu " - " il est revenu de la guerre la gueule cassée ", "Dans les tranchées, il a été gazé " " il est mort d'une pneumonie au retour du front " etc. Eux, ces " hommes " venus d'outre-mer, qui avaient survécus au massacre sont retournés sur leur sol natal, sans amertume, sans pension ou presque, avec une décoration au revers de leur burnous ou épinglée sur leur gandoura. Longtemps, je les ai vus et revus défiler à l'occasion de certaines commémorations de guerre gagnée ou perdue par la France arborant Légion d'Honneur, Croix de Guerre, Médaille Militaire et autres palmes généreusement gagnées mais chichement données.. Longtemps, ils ont porté nos couleurs avec panache, précédé de leur fanfare au son de " bagali-couscous-bagali-couscous ", bardé de turbans blancs et de chéchias rouges, derrière leur " bélier " emblème de leur appartenance à la communauté musulmane, oeuvrant pour la patrie unique en repoussant l'ennemi. Longtemps je les ai admirés pour leur bravoure et le sens du devoir qu'ils déployaient aux cotés de nos armées sur les champs de bataille d'Algérie, d'Italie, de Crimée, de Syrie, du Liban, de Libye, d'Indochine et d'ailleurs. Ils connurent eux aussi - moins souvent que des heures de gloire - leurs bonnes raisons de refuser de " monter à la baïonnette " et de servir de " chair à canon " et d'être ainsi fusillés pour refus d'obéissance. L'idée qu'ils se faisaient de la France aux cotés d'autres exilés venus d'Italie, de Malte, de Pologne ou d'ailleurs les incitait à croire en ce pays que l'on disait grand et généreux. Un droit ça se gagne mais ça oblige aussi ! Ils avaient fait la guerre ! " Une guerre on l'a fait que si il y a un butin !" la phrase n'est pas de moi mais elle est tristement humaine. Pour eux le butin c'était la France. Bâillonnés, sacrifiés ou cocufiés, quelle est la différence aujourd'hui ? Et puis, dans leur négritude, ils ont " produit " des enfants et des petits enfants dans la lignée et l'attachement qui était le leur en " 14 ". Certains même aujourd'hui, contribuent à la " victoire des bleus " ! Rejetés, démunis, trahis et re-trahis, déconsidérés par les dirigeants de leur ancienne terre deséspéremment fermée, trompés et re-sacrifiés par nos politiques comme l'ont été nos poilus de Verdun, reniés par ceux qui dans nos rues hurlaient " Paix en Algérie " quand d'autres mourraient pour un drapeau français refusant ainsi d'aider après l'avoir, maintes fois, été. C'est plus facile et moins risqué de gueuler, ou de beugler que de se réengager pour re-servir dans l'Armée d'Afrique partie du Tchad en passant par Koufra, Tobrouk, El Alamein et Monte Cassino etc., leurs fils l'ont fait, vingt ans plus tard pour la " seconde ", la " drôle de guerre " et pas seulement celle-là. C'est toujours une affaire de " cri " que l'on pousse ou de " coup de gueule " que l'on donne, mais eux ne connaissaient qu'un mot : " Vive la France ". Progressivement ils ont été raccourcis dans leur dimension humaine. Leur ardeur a faibli. Les " sauveurs " de la France se sont rabougris à tel point qu'ils se sont couchés pour enfin devenir des " sous-hommes ", des " cocus de l'Histoire " ! " Autre temps, autre murs ". Marianne a toujours ses mamelles mais elles sont vides ou le seront bientôt. Elle continue à donner la tétée à ceux qui, criant le plus fort, réclament et obtiennent la manne céleste sans l'avoir méritée. Un certain général, dont j'ai oublié le nom, disait d'eux que c'étaient des veaux : " vaille que vaille " ou " vaille que vaux, la France va de plus mal en plumeau " ! Mais qu'importe ! Elle ne gagne plus beaucoup de médailles et sera vite sur la paille. A défaut d'avoir bouté les boches en 14 en peu de temps, elle a laissé choir aujourd'hui ceux qui, loin de leur douar, n'ont pas eu leur nom gravé en place publique. On ne leur a même pas donné une vulgaire pâtée, eux qui, pour défendre le Pays occupé, rêvaient de la mettre aux Allemands. Aujourd'hui on célèbre la peur. Aujourd'hui la France a peur. Peur de ses fantômes, peur de la grippe aviaire, peur de l'amiante, peur de ses Grands Hommes, de ses Victoires, de Napoléon, d'Austerlitz, Du Clémenceau, peur de son Passé qui n'a rien de " positif ", peur du racisme, peur de l'extrême droite, peur de l'extrême gauche, peur de l'Europe, peur d'être chrétienne, peur d'être laïque, peur de la Vérité, peur du terrorisme, peur de l'Islam et du communautarisme, peur du chômage qu'elle ne veut pas maîtriser, peur de la rue, peur de ses jeunes, peur des ses vieux, peur des réformes à entreprendre pour la sauver du déclin fatal dans lequel elle s'est embourbée. Apres le " Grand Bourbier " de 14, elle redoute le " Grand merdier ". De la boue à la bouse il n'y a que l'odeur qui diffère. Fini le modèle français, fini l'ambition, fini le rayonnement, fini l'exemple à suivre, fini les valeurs, fini la langue Le "Bleu " est devenu le " Blues ". Aujourd'hui il fait de plus en plus froid. La France grelotte. Elle est de plus en plus frileuse. Le temps est couvert. Avant de choper un coup de froid ou un coup de sang je ferai mieux de regagner ma chaumière et d'écouter un vieux disque. Tiens, si j'écoutais Louis Amstrong jouant la " Vie en rose " par exemple. Ca changerait de rêver un peu, de quitter ce monde pour retrouver le sien .trompette d'harmonie ou clairon de cavalerie c'est simplement une affaire de son ou de piston mais c'est quand même mieux que celui du canon. Tu vois mon cher papa, ou plutôt tu ne vois pas,
la vie ici continue et c'est mieux que tu ne sois plus là. Crois-tu
que tu repartirais à Tunis ou à Bizerte avec les Corps Francs
pour défendre la Liberté d'être français ?
Quand tu nous racontais, avec une immense discrétion, " ta
" guerre de Syrie aux cotés des tirailleurs et des artilleurs
embarqués comme toi à bord et dans les cales du Général
Mangin, moi je ne retenais que l'aventure à l'autre bout du monde,
le Liban et son cèdre, l'Egypte et le canal de Suez dessinait sur
la carte, la grandeur de la France et j'oubliais le reste. Tu avais ramené
un peu de paludisme et un ulcère à l'estomac en pensant
qu'il s'était formé après avoir avalé, sans
eau, un comprimé de quinine mal absorbé. Tu n'avais rien
d'un derviche tourneur mais, d'autres que toi, avaient connu la danse
de Saint-Guy. Tu avais, des mois durant, dormi sous des camions aux cotés
des chevaux qui tiraient les pièces d'artillerie. Tu avais eu froid
et tu avais eu chaud. La " dingue ", comme tu disais, ça
rend fou ! Je ne me souviens pas - et même si mes idées sont
courtes je pense avoir une bonne mémoire - que tu te sois insurgé
une seule fois pour cette " campagne " tout aussi stupide que
les autres guerres. Toi encore tu étais un homme mais traitais-tu
de " sous-hommes " ceux qui, comme toi, parlaient la même
langue en partageant avec toi et les bêtes les mêmes souffrances
? C'est vrai que tu étais né dans les montagnes sur les
contreforts de l'Atlas dans une maison forestière où vivaient
tes parents. C'est sans doute vrai aussi qu'une nourrice berbère
a pu te donner de son lait quand ta mère ne le pouvait et tandis
que ton père arpentait les plaines de la Somme et de la Picardie.
Alors papa, ton lait devenu sang était-t-il de la même couleur
que celui les autres hommes ? Comme c'est bizarre, je n'ai pas vérifié
la couleur du mien semblable au tien ! J'en suis bleu quand j'y pense,
bleu de rage ! Je ne savais pas que dans mes veines coulait, peut-être,
du sang de " sous homme " mais qu'importe ! Bon anniversaire. 19 février 2006.
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