sur site le 7/03/2002
-Le massacre des Musulmans qui ont servi la France
Est-ce pour sauvegarder la fiction d'une indépendance "réussie", d'accords d'Evian respectés, d'un honneur de la France préservé ? Un voile fût jeté par le gouvernement et par la presse sur la répression dont furent victimes les harkis, les moghaznis et les civils qui avaient donné des signes trop manifestes de leur attachement à la France.
pnha n° 50 octobre 1994

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-------Est-ce pour sauvegarder la fiction d'une indépendance "réussie", d'accords d'Evian respectés, d'un honneur de la France préservé ? Un voile fût jeté par le gouvernement et par la presse sur la répression dont furent victimes les harkis, les moghaznis et les civils qui avaient donné des signes trop manifestes de leur attachement à la France. Il n'y eut pas de procès publics. Humilations, mutilations et assassinats furent accomplis sommairement, "au coin du bois", à l'échelon des petits chefs locaux. On ne sait pas, on n'a pas voulu savoir combien cette épuration, dont Léo Palacio nous donne quelques exemples pris dans l'Oranais, fit de victimes. Les évaluations varient de 150 000 à 300 000. Ce qui fàit mal à l'honneur de la France, c'est que les unités françaises encore présentes en Algérie furent priées de .se claquemurer, de fermer les yeux et de limiter les rapatriements en France. C'est contre les directives officielles que certains officiers intervinrent pour sauver des vies.
-------Nous sommes à la fin du printemps de 1962. Dans le port de Nemours, près de la frontière marocaine, des bâtiments de transport de troupes de la Marine nationale sont venus tenter de récupérer des moghaznis, des S.A.S., des groupes d'autodéfense, des harkis des commandos Yatagan et Etincelle de la demi-brigade de fusiliersmarins pour les emmener en France et leur éviter ainsi des représailles qui ont déjà commencé.
Mais bienvite, l'amiral commandant la base stratégique de Mers el Kébir reçoit un télégramme impératif de son ministère : "La France reçoit trop de supplétifs musulmans. Il convient de n'accorder asile que dans des cas exceptionnels afin d'éviter que le G.P.R.A. ne prenne ombrage (sic) des centres français ouverts à ses opposants. L'accueil des harkis devra, pour l'instant, conserver son caractère provisoire".
-------Ces propos ont été connus et rapportés quelques mois plus tard par Jean Lacouture dans Le Monde du 13 novembre 1962 avec le commentaire suivant : "Parmi les victimes des sévices dont un grand nombre a pris un caractère de cruauté difficilement imaginable -scalps, nez percés d'un anneau, mutilations - beaucoup d'individus, venaient chercher dans les ports encore contrôlés parla Marine française un convoi commode vers la France".
Émasculés, empalés, cimentés...
-------C'est le Ministre des Affaires Algériennes qui, le 23 mai 1962, avait adressé à son haut-commissaire à Rocher
Noir, Christian Fouchet,les instructions ayant déclenché les ordres parvenus à l'Amirauté française : "Les supplétifs débarqués en métropole, en dehors du plan général de rapatriement, devront rejoindre, avant qu'il ne soit statué sur leur sort d'une manière définitive, le personnel regroupé .suivant les directives des 7 et 11 avril. Je n'ignore pas que ce renvoi (en Algérie) peut être interprété (...) comme un refus d'assurer l'avenir de ceux gui nous sont demeurés fidèles. Il conviendra donc d'éviter de donner LA MOINDRE PUBLICITÉ à cette mesure. Mais ce qu'il faut surtout éviter, c'est que le gouvernement soit encore amené à prendre de telles décisions ".
-------Les accords d'Evian devaient garantir la sécurité des biens et des personnes. Bien des musulmans comptèrent sur cet engagement et crurent qu'ils pourraient rester dans l'Algérie nouvelle. Mais dès le mois d'avril, la France commença le rapatriement de ses divisions, ne laissant sur place qu'un mince rideau de troupes entre les populations à protéger et les maquisards qui descendaient des djebels. Les représailles avaient commencé bien avant le 5 juille date officielle de la proclamation de l'Indépendance, elles furent atroces.
-------Au mois d'avril 1962, sur le pont d'un navire français
qui doit les emmener à Toulon, se tiennent plus d'une centaine de harkis qui ont eu la chance d'être embarqués par les fusilliers marins. Sur les quais du port de Nemours, des fellaghas les insultent, leur font des bras d'honneur. Soudain arrive un groupe hurlant
gesticulant, agitant des drapeaux F.L.N. et poussant devant eux un troupeau de bourricots. Chaque animal porte sur son dos un homme dont l'horrible blessure, au bas du ventre, prouve qu' il vient d'être émasculé. Le sang ruisselle sur les flancs de la bête, déjà couverts de mouches vertes. Les têtes des victimes sont tournées vers la croupe et une corde, liée à la queue, oblige les malheureux qui agonisent à se tenir courbés, pour mieux laisser voir les sévices infligés.
-------Plus loin, d'autres hommes sont dépouillés de leur djellaba et empalés sur des pics en bois qui servent à tendre les bâches qui recouvrent des sacs de ciment. D'autres seront enterrés sous ces sacs de ciment éventrés et arrosés d'eau ; lorsque le ciment aura pris autour du corps, sauf la tête, le tout sera jeté dans la mer. Des touques d'huile de moteur sont placés sur des feux de bois ; lorsque le liquide est devenu bouillant, on plonge d'autres victimes.
-------Ces scènes atroces se déroulent sous les yeux horrifiés des harkis, des marins et des officiers des navires qui, pour éviter toute intervention, avaient reçu l'ordre de fermer les cadenas des rateliers d'armes.
-------Un supplétif, pris d'une crise d'hystérie, se jette par dessus la rambarde, comme si son geste pouvait sauver la vie des suppliciés. IL est assommé à coups d'aviron alors qu'il tente de monter sur le quai. Et le bateau largue ses amarres, laissant derrière lui cette vision de cauchemar, tous ces musulmans qui avaient cru en la parole de la France et devenus, selon l'expression du Colonel Hervé de Blignières, président de l'Association pour la sauvegarde des familles et enfants des disparus, des "enterrés vivants".
 

Chercher les mines sans détecteur
-------Parmi les innombrables musulmans qui payèrent leur fidélité, comment ne pas évoquer ces anciens harkis et moghaznis qui trouvèrent la mort, déchiquetés par des mines qu'ils devaient neutraliser avec une simple tige de fer sur les barrages des frontières tunisienne et marocaine où il y avait une mine au mètre carré. Les Français avaient pourtant confié à l' A.L.N. leurs plans de minage et leurs détecteurs électromagnétiques. Mais il était plus jouissif de voir suer d'angoisse et se volatiliser ceux qui avaient servi 1a France.
-------On ne saurait oublier les membres des commandos Georges et Cobra formés dans le secteur de Saïda par le colonel Bigeard. Ils étaient tous des rebelles ralliés.
-------Lors de son passage à Sdïda, en septembre 1959, De Gaulle en avait décoré plusieurs de la Croix de la Valeur Militaire, en les félicitant d'avoir, entre la rébellion et la France, choisi la France. Ce sont ces mêmes soldats qu'on laissera torturer et égorger quelques mois plus tard.
-------Les quelques rescapés de ces "vêpres algériennes" le furent grâce au courage et à l'initiative individuelle d'officiers français qui ne tinrent pas compte et ne firent pas tenir compte à leurs subordonnés de l'ordre qu'ils avaient reçu de ne pas intervenir.
-------Sur tout le territoire algérien, les exactions se multiplièrent à l'égard des supplétifs et aussi des civils musulmans qui avaient exercé loyalement leur attachement à l'Algérie française.
-------Des Européens aussi périrent ou disparurent sans laisser de trace.
-------A Oran, le 5 juillet, premier jour de l'indépendance algérienne, les chefs de corps furent réunis par le général Katz, commandant le secteur d'Oran, qui leur dit
"La ville est maintenant au mains des Algériens. Quoi qu'il arrive, vos hommes doivent rester l'arme au pied, sans intervenir dans le moindre incident".
-------On sait la suite : entre 500 et 1500 Européens furent égorgés, mitraillés dans les rues de la ville. Les massacres se produisent sous les yeux de soldats du contingent encore en place, dont les armes étaient vides.
-------Les gendarmes mobiles se contentaient de dire aux gens de rentrer chez eux. Contrevenant aux ordres, quelques unités militaires intervinrent, dont le 2è zouave, aux abords de la ville nouvelle. Le massacre ne cessa que sur l'intervention du nouveau préfet algérien Saïovah mis en place par le G.P.R.A.
-------Il existe encore, dans la banlieue oranaise du Petit Lac, près du dépotoir de la décharge publique, des charniers dans lesquels pourrissent, unis dans la mort, des corps d'Européens et de musulmans écrasés par les buldozers en une bouillie infâme.
-------Le prince Jean de Broglie, qui avait noué des liens étroits avec le gouvernement algérien et veillait à ne pas lui déplaire, avait avancé, en sa qualité de secrétaire d'Etat aux Affaires Algériennes, le chiffre de 3080 Européens disparus de mars à juillet 1962. Serge Groussard, dans L'Aurore, donnait le chiffre de 6080.
-------Mais ni les disparitions d'Européens, ni les mutilations et l'assassinat de dizaines de milliers de musulmans amis de la France ne suscitèrent le moindre émoi en France.

Léo Palacio

Harkis, je suis fier de vous

-------C'est avec le respect que nous devons à nos aînés, à nos parents que je m'adresse à vous tous, afin de vous dire combien je suis fier d'être fils d'ancien combattant harkis. Ces harkis qui se sont efforcés de nous donner une éducation, de nous élever du mieux qu'ils ont pu, et ceci au prix de lourds sacrifices dans des conditions difficiles de rapatriement.
-------Parqués sur le plateau du Larzac, sous des toiles de tentes, les baraques du Pont Juvénat, la Cité Massaviol, la Cité Portally et les anciennes baraques du champ de manoeuvre... Bref, ils ont fait d'énormes sacrifices et ont préféré nous cacher leur peine, leur amertume, leurs regrets...
NOUS NE SOMMES PAS AVEUGLES POUR AUTANT!
-------Car même s'ils ne nous disent pas un seul mot sur la guerre d'Algérie, leurs souvenirs, leurs peines, qui les hantaient et leurs gâchaient la vie. Nous savons combien ils ont souffert.
-------L'histoire ne se refait pas, le passé est mort comme on dit chez nous "LIFETH METE". Mais nous, leurs enfants, les jeunes qui représentons l'avenir de notre communauté, nous avons le courage de dire haut et fort
Nous sommes fiers de nos parents, les anciens combattants harkis
" -------Nous voulons rester debouts, tout comme les Bretons, les Alsaciens, les Corses, les Catholiques, les Israélites les Protestants, les Orthodoxes et bien d'autres"...
-------Nous appartenons à une communauté qui a travers sa culture, ses traditions et ses coutumes doit cohabiter dans le respect des particularismes culturels, religieux et moraux des autres français que nous respectons.
-------Je sais, combien les Harkis aiment leurs enfants tout comme ils aiment la France. Et croyez le, mon souci comme celui de bien d'autres est d'aider les jeunes de mon âge à vivre notre originalité sans complexe dans l'amitié, avec l'ensemble des jeunes de notre beau pays la France.
Anciens Harkis, mes aînés, mes parents, jeunes gens et jeunes filles de mon âge, je suis sûr que vous ne serez pas insensibles à mon appel.
-------Place à la modération dans nos propos et à la concertation dans un intérêt général. Nous sommes une force de proposition et non une force de contestation, à nous de le démontrer en nous mettant au travail.
-------Pour ma part, je suis fils de Harkis et fier de l'être. Mon coeur est Amitié et Amour, ce qui ne laisse point de place à la haine et à la rancune ou à la révolte.

Abel Ameur Un fils de Harkis