-----Les
eaux de Hammam-Bou-Hadjar présentent une singularité assez
curieuse : elles sortent d'un amphithéâtre de collines où
gît un massif de travertins, c'est à dire de roches calcaires
déposées en lits irréguliers. Il en résulte
un comportement assez capricieux des eaux : leurs points d'émergence
sont en perpétuel déplacement.
-----C'est
sans doute ce qui peut expliquer en partie cette histoire légendaire,
mais un peu fantaisiste, de la naissance d'une des sources de HammamBou-Hadjar
: un jour, il v a fort longtemps, une vache paissait paisiblement au pied
des collines. Soudain, plaçant malencontreusement son sabot dans
un petit trou, elle fit une chute. Et, aussitôt, l'eau se mit a
couler à l'endroit même où elle était tombée.
On appela alors cet endroit " la source de la vache "
-----Sans
doute avait-elle crevassé le sol à l'endroit même
où un flux d'eau cherchait à jaillir à l'air libre
Création romaine
-----Les romains
se sont intéressés à cette région. Habiles
architectes et grands constructeurs, ils créèrent Ad Dracones
qui ne fut, en fait, qu'un poste, peut-être important au plan militaire,
permettant le contrôle et la sécurité des convois
romains sur le grand axe Portus Magnus/Albulae ( SaintLeu / Aln-Témouchent
).
-----Ad Dracones,
la cité des dragons fut ainsi nommée en raison des sources
sulfureuses très appréciées des Romains, sources
qui semblaient cracher la lave et le feu.
-----Il est
probable que les armées et populations romaines s'attachèrent,
durant les deux à trois siècles où leur colonisation
fut poursuivie, à cultiver le blé et peut-être la
vigne ainsi qu'à développer l'olivier sur le pays. L'essentiel
des grands marchés romains portait en effet sur ces trois denrées
blé, vin et huile.
Évêché
-----On ne
peut passer sous silence la volonté romaine de développer
certes, la colonisation militaire mais aussi la colonisation religieuse.
-----La présence
tout autour d' Ad Dracones, d'autres évêchés comme
Alhulae (Aïn-Témouchent), Ad Crispae (Bou-Tlélis),
Ad Fratres (Nemours), Fluvio Assaris (Pont-de-I'lsser), Portus Sigensis
(Béni-Saf ) montrent que les Romains mêlaient intimement
l'administration civile et religieuse.
-----La position
d'Ad Dracones en tant qu'évêché fut relevée
jusqu'au Vème siècle. Deux au moins de ses évêques
nous sont connus Auxilius et Maddanius qui participèrent à
Carthage à ces congrès-conciles mi-religieux, mi-politiques
chargés de contenir la pression des évêques schismatiques
ariens, tous féaux des bandes vandales du roi Hunéric qui
allait ruiner le pays.
Bien avant le Vème siècle, l'invasion vandale mit fin à
la domination romaine et un pillage organisé anéantit pratiquement
les grands territoires agricoles édifiés par les légions
de Rome en terre africaine. Si donc Ad Dracones connut, ce qui est vraisemblable,
une première colonisation liée à la découverte
de ses terres fertiles tant au blé qu'à la vigne, les hostilités
entre Romains et Vandales, puis entre Vandales et Maures au Vlème
siècle, achevèrent de détruire ce pays naissant jusqu'à
lui rendre, au fil des siècles, son caractère quasi préhistorique.
-----Avant
l'ère romaine, les maghrébins fixés sur la région
habitaient de préférence les grottes assez nombreuses sur
cette contrée.. Les indigènes restèrent dans ces
régions, très assidus des sources dont les Romains leur
avaient vanté les vertus.
Un terrible séisme
-----Le VII
ème siècle fut marqué par le terrible séisme
qui engloutit Albulae (Aïn-Témouchent ) distante de seulement
25 km.
Il semble difficile de ne pas envisager le prolongement de cette catastrophe
jusqu'aux points de peuplement voisins comme Hammam-Bou-Hadjar, zone marquée
de failles volcaniques profondes et de vastes échancrures terrestres
comme le fameux " Fer àCheval ", voisin de la ville,
qui constitue l'affaissement tellurique le plus marqué de la région.
Les Béni-Ameur
-----Tout
au long des siècles qui suivirent, seule la vie pastorale et nomade
des habitants allait assurer le lent peuplement de cette région.
-----Un certain
nombre de familles assurait la représentativité de ce douar.
Leur installation est antérieure au XVllIème, à une
époque où s'établit enfin sur l'ouest algérois,
grâce à la médiation des grands chefs religieux, une
paix relative qui mit fin en particulier aux exactions des grandes bandes
qui avaient leur zone de repli au Maroc.
-----Il y
avait aussi, sur la région, une fraction de la puissante tribu
des Béni-Ameur capable de lever sur ses territoires innombrables
une véritable armée. Les Turcs, puis les Espagnols eurent
à négocier avec elle, ce qui, d'ailleurs n'empêcha
nullement les conflits
-----C'est
en 1805 que les Turcs, bien implantés à Oran, s'engagcnt
à réduire cette trop puissante tribu qu'ils accullent sur
le Témouchentois. Leur chef, Mélakéche, jette dans
la bataille toute sa force de cavaliers et de fantassins. La bataille
est longue et féroce, mais les Béni-Ameur sont finalement
vaincus à la sortie d' Hammam-Bou-Hadjar alors qu'ils refluaient
vers le Tessalah. Cette victoire fut, finalement, plutôt néfaste
à la puissance turque qui aurait dû s'allier les Béni-Ameur
plutôt que les combattre car le ressentiment des musulmans fut profond
sur toute la province d'Oranie.
-----Moins
de 25 ans plus tard, les forces françaises amenaient une paix décisive
sur la région après la reddition de l'Emir Abd-El-Kader.
La colonisation accélérée du pays ouvrait, elle,
une ère de prospérité.
L'épopée française
-----Hammam-Bou-Hadjar
vient d'un patronyme intrinsèquement arabe et que l'on peut traduire
ainsi " Bains chauds (Hammam) " références aux
sources, de la pierre (Hadjar), référence au rocher et à
ses concrétions calcaires, référence, peut-être
aussi, aux "Hadjaria",vieille tribu établie sur la région.
-----La création
du village a été soumise à la commission dite "
des nouveaux centres " - instituée par arrêté
du 23 août 1859-le 4 novembre 1873. Ce n'est toutefois que le 11
mars 1874 que la commission, présidée par M. Bonnafous,
commissaire civil, donne un avis favorable à la création
d'Hammam-Bou-Hadjar, sur le lieu même des eaux ainsi qu'il est précisé
dans le rapport.
Créé entre les eaux et l'ancien marabout de Bou-Hadjar,
le village va finalement prendre corps à l'emplacement du poste
romain Dracones, sur cette piste historique reliant Albulae (Ain-Témouchent)
à Regiae (Arbal).
-----Tout
voyageur était émerveillé de ce qui s'offrait à
sa vue un vaste horizon de plantations et de cultures, des fermes aux
toits clairs terminant de longues allées plantées d'oliviers
ou d'eucalyptus, toutes ces campagnes formant la commune d'Hammam-BouHadjar
avec, là-bas, en son centre, l'agglomération et son tracé
rectiligne, ses immeubles, ses villas et jardins pleins de charme, et
puis, bien visibles au-dessus le beffroi de l'Hôtel de Ville et
la flèche élégante de l'église inaugurée
en 1898.
La présence des Thermes si réputés pour les cures
et la fraîcheur des jardins (Jardin du Rocher, notre Petit Vichy
et le Jardin des Veuves) donnaient l'impression calme des oasis.
-----Ensemble
harmonieux s'il en fut, la ville et ses alentours donnaient aussi une
impression d'ordre et d'aisance, avec ce je ne sais quoi en plus, qui
semblait parfaire les lieux, les éclairer de cette lumière
vive, propre à mettre en valeur une architecture heureuse dans
la parfaite synchronie des lignes et des teintes.
-----Harmonie,
oui. harmonie! voilà bien le mot-clé propre à définir
ces longues diagonales qui, du cimetière aux thermes, ou des abattoirs
à l'ancienne gare, s'ouvraient à une animation permanente
alors même que leurs extrémités semblaient se perdre
dans les vignes dans ces vastes forêts de ceps où le soleil
filtrait comme dans l'échancrure d'un corsage jusqu'à la
gorge nourricière.
Lors de la conquête de l'Algérie, le lieu n'était
qu'un simple douar, connu cependant pour ses élevages et un certain
commerce de céréales provenant d'environ 2000 hectares de
terres cultivées. Le reste du territoire est abandonnée
aux troupeaux, encore ceux-ci sont-ils regroupés sur les basses
plaines, ou lentisques et palmiers-nains ne constituent pas la forêt
qui recouvre tant d'autres lieux.
-----Dans
les années 20, le Maire Jean Saint-Jean encourage les premières
initiatives qui visent à rassembler la jeunesse bou-hadjarienne
dans un grand club omnisport aux côtés de la vie associative
du village soulignée par une fanfare.
-----L'Union
Sportive d'Hammam-Bou-Hadjar, 1'USHBH, venait de naître. Dès
sa création en 1923 et jusqu'à la guerre en 1938, I'USHBH
se hissera en tête du hit-parade des équipes de football
et c'était sans compter le cyclisme, le Tennis, le Boules-Club
et le Judo-Club. Les associations se démultiplieront avec les Amitiés
Laïques, les Cols Bleus, l'Association Saint-Vincent de Paul, l'Amicale
des Marauders, l'Amicale des Francs-Comtois ou les Anciens Combattants.
-----Il y
avait beaucoup de fêtes dans le village. Certes, les patronales
y étaient réputées mais aussi celle du Tennis-Club,
des écoles, de l'USHBH; des Amitiés Laïques ou des
OEuvres Catholiques
-----Quant
à la fête annuelle, toujours largement dotée par la
municipalité, elle drainait des foules énormes tant l'ambiance
était extraordinaire.
-----Mais
la vedette était sans conteste le Bou-You-You, le tramway à
vapeur qui reliait Oran à Hammam-Bou-Hadjar.
Nous lui consacrerons, ultérieurement un article, mais signalons
tout de même que c'était un train peu ordinaire, moitié
bus, moitié tramway qui ne s'en laissait pas conter et vous crachait,
rageur, une envolée d'escarbilles charbonneuses à vous noircir
un ivoirien lorsque le mécano lui chatouillait la vapeur.
-----Lors
de ses ralentissements, nous avions le temps de descendre nous dégourdir
les jambes et de remonter en marche tant il prenait son temps notre Bou-You-You.
La fin de l'ère française
-----En 1960,
la population d'Hammam-BouHadjar comptait environ 16 000 habitants, dont
plus de 10 000 sur la seule agglomération. Les événements
qui sévissaient à Oran,les opérations militaires
dans le bled, avaient amené un certain nombre de familles à
se regrouper au village, regroupement encore facilité par la mise
en service des trop fameux " 374 logements " ouverts en bordure
de la route d'Ain-Témouchent et qui devaient rendre, un temps,
ce passage difficile.
-----Parallèlement,
la population européenne commençait sérieusement
de baisser. Chômage, menaces et exactions ajoutées à
la perspective de cette " Algérie algérienne "
voulue par le pouvoir, entraînaient peu à peu un certain
nombre de familles à quitter le village pour aller s'installer
en métropole. En dépit des pressions amicales exercées
pour les retenir, bien des familles quittèrent ainsi Hammam-Bou-Hadjar,
en majorité ouvrières, précisons-le. Mais ces départs,
outre qu'ils entamaient le moral de beaucoup, infléchirent dangereusement
la présence européenne qui chuta de près de 500 individus
en 5 ans.
-----A partir
de 1961, un plan fut mis sur pied pour enrayer cet exode naissant. Plan
aussi collectif que clandestin et qui apportait une aide substantielle
aux chômeurs, aux sans emploi du fait des événements.
Mais, outre que les familles aisées ne pouvaient donner qu'à
la mesure de leurs moyens, la colonie prenait, elle aussi, insensiblement,
pied en France.
-----La brèche
demeurait grande ouverte et le village continua à se vider. Là
est donc bien le commencement de ce reflux européen qui allait
s'amplifier en 1962/63 à l'indépendance de l'Algérie
puis à la saisie des biens, jusqu à vider Hammam-Bou-Hadjar
de la totalité des européens, puisque moins de 1% demeura
dans les lieux.
-----Français,
Espagnols, Italiens, Suisses, Belges, Portugais et Grecs, quelques autres
même, comme ces 'Russes blancs' que nous avons connus à Oran
et qui s'étaient établis après la révolution,
en 1917 dans leur pavs. Toutes ces origines déjà diluées,
toutes ces nationalités en partie évanouies, toutes ces
ethnies, à la fois différentes et complémentaires,
cohabitaient sans problèmes majeurs et avec solidarité.
Toutes, confondues et diffuses, livraient à l'Algérie une
descendance unificatrice qui composait précisément cette
vivante communauté pieds-noirs qui ne se révéla à
la mère-patrie que lorsque celle-ci, par son vote historique mais
imbécile, l'eut implacablement condamnée à l'exode
sans l'avoir entendue ni comprise.
Georges-Emile Paul
Hammam-Bou-Hadjar
1874-1962
L'Amicale des Bou-Hadjariens est née en 1982. Ludovic Muller, son
dévoué Président, aidé par J-E Garcia et Clotaire
Muller feront de cette amicale, une magnifique réussite avec un
grand rassemblement annuel à Valence en mars où tous les
Bou-Hadjaréens se retrouvent chaque année dans une même
joie renouvelée.
De plus, chaque année, un parking est réservé à
Nîmes pour le Pèlerinage à Santa Cruz, le jeudi de
l'Ascension, pour que le village se reconstitue le temps d'une journée.
Son adresse Ludovic Muller 45 rue Lénine 26800 Portes-Les-Valence
Tél 04 75 57 0510.
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