Guyotville
Chez nous à Guyotville
Préface

 
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----------Voici ressuscitée Guyotville, telle que tant d'Algérois l'on connue et aimée, sa plage de la Madrague au sable si doux, à l'eau si calme et si tiède, après la côte rocheuse aux fortes senteurs marines, sa forêt de Baïnem surplomblant la mer, les carrés de primeurs si bien ordonnés, méticuleusement toilettés en toutes saisons, les horizons lumineux du Plateau, la fébrile animation des expéditions de chasselas dès la fin de juin et en juillet (30.000 colis par jour) sans oublier le petit train littoral de jadis et le grand flambeau nocturne du phare du cap Caxine, l'un des plus hauts de France (64 mètres), dont les feux sont visibles à 100 kilomètres.
----------Comme si tout cela existait encore, le texte et les innombrables photos, un plan de la cité, une carte de la commune, reconstituent une présence émouvante, singulièrement vivante.
----------Il revenait au Docteur Georges Pélissier, arrière petit-fils de Mr Chazot, l'un des anciens proprétaires du Plateau, petit-fils de Jh. Pélissier, qui fut maire de la ville entre 1936 et 1941 puis entre 43 et 46, de mener à bien cette oeuvre difficile, la recherche des documents éparpillés par notre dispersion, puis la reconstruction de ces fragments avec tact et avec coeur.
----------Cette monographie est d'une portée très générale. Guyotville a été un exemple démonstratif des tâtonnements, des échecs et des réussites qui ont caractérisé des centaines de centres de population nés en Algérie pendant un siècle, aboutissant à des créations à la fois analoiues et originales.
----------Ici, au lieu-dit Ain-Bénian, où il n'y avait âme qui vive, avait été projetée l'implantation d'un village de pêcheurs. Et l'on apprend que le comte Eugène Guyot ne méritait guère de léguer son nom à la ville puisque le projet auquel il était hostile dut d'être poursuivi à la volonté tenace du maréchal Soult. Ce fut une injustice de la petite histoire, aggravée par le fait que son prénom lui aussi fut attribué à la commune limitrophe de Saint-Eugène.

----------Les imprévus constants de l'histoire algérienne firent que là où on attendait des pêcheurs, ce furent des agriculteurs qui vinrent : ils n'avaient rien des "gros colons" de la légende puisque leurs lots étaient initialement de 6 hectares ;plus tard, ils s' élevèrent jusqu' à 12! pionniersfrançais et espagnols en nombre égal, ils furent par la suite renforcés d'agriculteurs italiens ; tous attirés par la douceur d'un climat sans gel, ils introduisirent les primeurs et le chasselas précoce, épaulés par la puissante fondation voisine des Trappistes à Staoueli, fondée en 1843. Charles Pons en 1853 y importa les premiers plants et Patry-Gallaud en 1857 en diffusa le domaine autour de Guyotville.
----------Ce qui frappera surtout le lecteur ignorant jusque là de notre Algérie telle qu'elle fut c'est la vitalité ainsi que la cohésion de cette communauté humaine disparate à l'origine, rapidement fusionnée en un ensemble homogène aux qualités incontestables.

--------Groupés autour de leur clocher, nous voyons s'animer ces enfants nombreux dans les écoles des Soeurs et de l'Etat, ces adolescents robustes et sportifs, ces hommes et ces femmes actifs, paisibles, heureux ; nous revoyons la haute et belle stature du Docteur Le Rochais, métropolitain de l'Ouest, conquis par cette ambiance, qui fut pendant longtemps "le" médecin de Guyotville ; nous contemplons les multiples associations sportives et patriotiques, les sociétés de musique, le vaste stade; nous participons aux festivités et aux jours de peine jusqu'aux ultimes rassemblements des espoirs trompés.
----------En tournant les pages, on sent grandir et s'épanouir vigoureusement une ethnie européenne originale, française élargie, agglutinant l'apport des autochtones attirés par l'intense activité de ce vivifiant noyau et adoptés, incorporés jusque dans le conseil municipal de la ville.
----------Quelle tristesse que cette entité méritante ait été détruite ; mais aussi quelle fierté de pouvoir la montrer dans sa réalité à nos détracteurs tenus dans l'ignorance de ce que nous étions en vérité !
----------Combien il serait souhaitable que cette rétrospective soit vue et lue par de nombreux français métropolitains, qu'elle parvienne jusqu'à des bibliothèques publiques.
----------Et il est permis d'espérer qu'elle soit imitée par d'autres villes et villages de notre Algérie. Les Oranais, les Oraniens, si légitimement attachés à leurs origines, en ont déjà donné l'exemple, notamment dans "L'Echo de l'Oranie" sous la plume de François Rioland.
----------Mais, grâce à Guyotville, les Algérois ont compensé leur retard. Je ne connais pas d' étude plus complète en sa concision, plus éloquente en sa sobriété, un document plus probant pour ceux qui un jour, peut-être, entreprendraient de rétablir la vérité sur une histoire systématiquement dénaturée.

P. GOINARD.*
*Professeur de clinique chirurgicale à Alger puis à Lyon, ancien propriétaire au Plateau.
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----------Cette édition, limitée à 800 exemplaires, a été achevée d'imprimer le 23 mai 1980 sur les presses de l'imprimerie Gravite à Marseille.
EXEMPLAIRE N°6
----------Tous droits de traduction, d'adaptation, de reproduction, par tous procédés, réservés l'Amicale des Anciens de Guyotville. pour tous pays.(Autorisation du docteur Pélissier pour la copie sur ce site)