-----Parmi les
monuments publics qui ont marqué une date dans les formes d'urbanisme
de la ville d'Alger, on peut citer la Grande Poste.
-----Elle marque à la fois l'extension
de la ville vers le Sud à une époque de développement
rapide : 1900-1910, au cours de laquelle 66 rues nouvelles furent créées,
et le souci dont on peut attribuer la paternité au Gouverneur Jonnart
d'adapter aux nécessités d'une grande cité le style
traditionnel de la décoration musulmane.
-----Les premiers bâtiments de la ville
européenne après 1830 ont été groupés
autour du triangle formant alors Alger (aujourd'hui la Casbah), la première
poste fut donc placée dans le quartier : rue jean Bart (1845 -1846).
-----Bientôt la ville s'étendant
à la partie Ouest de la porte Bab-Azoun, l'Hôtel des Postes
fut transporté rue Bab-Azoun en 1860 et, en 1879 sur le boulevard
à l'angle actuel de la rue de Strasbourg où se trouve encore
un bureau.
-----Mais les remparts entourant l'ancienne
ville turque, notamment ceux qui occupaient l'emplacement de l'actuel
boulevard Khemisti (ex. Laferrière) étouffaient la ville
dont la population croissait rapidement.
-----Leur démolition et leur déclassement
définitif par l'armée en 1893 permirent le développement
rapide du quartier d'Isly développement favorisé par la
réannexion de la commune de Mustapha en 1904. En 1899 la rue d'Isly
était bordée de terrains vagues; les portes d'Isly devaient
être démolies seulement en 1901.
-----Déjà les grands immeubles
à cinq étages du début de la rue étaient construits
; une petite église anglicane occupait l'emplacement actuel de
l'horloge et des chèques Postaux.
-----La nouvelle Préfecture et la
"Dépêche algérienne" terminées en
1906 sont déjà un exemple du style qui fut choisi lors de
la décision de construire le nouvel hôtel des Postes sur
l'emplacement ainsi dégagé.
-----La construction d'une nouvelle église
anglicane à Mustapha supérieur terminée en 1909 permit
de démolir l'ancienne, en laissant la place suffisante pour édifier
le nouveau monument qui fut commencé en 1910 et inauguré
en 1913.
La nouvelle Poste
-----En raison du caractère
public du monument, l'architecture tout en rappelant le style adopté
pour la "Dépêche Algérienne" devait tenir
compte de la nécessité de dimensions plus grandes en étendue
et en hauteur (feuillets d'El-Djezaïr - H. Klein 1914, pages 66-67).
-----Cette architecture notamment l'entrée
en haut d'un escalier, sous un parvis décoré de trois arceaux
et la galerie supérieure à colonnes jumelées, n'est
la reproduction d'aucun monument arabe, la forme particulière a
dû être créée en raison de la destination de
la construction.
-----En entrant l'impression première
qu'on éprouve résulte, non seulement du charme
du décor, mais de l'ampleur même de ce décor.
-----L'intérieur est ainsi décrit
par H. Klein
-----"Ce qui
frappe particulièrement c'est cette coupole dont la superbe décoration
en entrelacets rayonnants jaillit du centre où s'attache un pendentif
pour s'épanouir ensuite sur un premier cercle paré de pommes
de pin, puis sur un second constellé d'étoiles, et enfin
sur cette admirable couronne de stalactites.
-----L'architecte,
M. Voinot, a su utiliser les jeux de la lumière qui, bien qu'abondante
parce que nécessaire s'atténue à souhait en certains
endroits, combinant ces jeux d'ombre et de lumière dans lesquels
les architectes musulmans sont passés maîtres.
-----Suivant la formule hispano-mauresque,
le déco est polygonal, floral et épigraphique. L'épigraphie
est particulièrement somptueuse, on la retrouve dans la décoration
extérieure de l'édifice.
-----A l'extérieur, en panneaux verts couronnant le monument,
sont gravés les noms de la plupart des villes d'Algérie.
-----Sous le porche, autour des trois portes
d'entrée, (sur le petit et le grand arceau) "Le télégraphe
et le téléphone l'ont créé". A l'intérieur,
dans les cartouches polychromes, la même phrase se retrouve, à
laquelle est ajouté
"La hauteur de la construction qui a embelli l'oeuvre, avait été
choisie par le Gouverneur Général Jonnart".
-----Autour de ces cartouches, en caractères
andalous imitant une broderie : "Il n'y a de puissant que Dieu".
"Le pouvoir éternel lui appartient".
-----Enfin au-dessus en hautes lettres claires
"Dieu est vainqueur".
-----Cette dernière inscription se
renouvelle en haut du mur et sur le pourtour du hall. Ce décor
oriental, comme presque toute l'architecture musulmane recèle un
sens religieux ; les lignes de la polygonie évoquant continuellement
l'idée divine, le bouquet est le symbole de la prière, le
cyprès celui de la délivrance de l'homme, l'étoile
un symbole d'adoration (Klein, feuillets d'El-Djezaïr - 1914).
-----Il ne faut donc pas s'étonner
qu'un édifice public construit dans un style inspiré de
l'art mauresque ait voulu ainsi marquer la spiritualité qui le
caractérise.
Les heures historiques
et dramatiques
-----C'est devant la Grande
Poste, ainsi appelée désormais, que s'écoulera le
demi-siècle de présence française.
-----De grandes joies amèneront les
Algérois devant l'imposant édifice. Ainsi,en 1918, l'armistice
sera fêté de même que l'arrivée des américains
en 1942.
-----Hélas, des jours plus sombres
marqueront le monument.
-----Les Barricades seront dressées
non loin de la Grande Poste, prémices des drames de la fin de l'Algérie
Française. C'est à ses pieds que le 26 mars 1962, plus de
80 de nos compatriotes trouveront la mort sous les balles françaises.
Ce bâtiment, construit dans l'amour et la passion de l'orientalisme,
pour la grandeur de la France se trouvait être le symbole de notre
mort et du départ de la France d'Algérie.
-----Le ciel ne nous faisait-il pas payer
le prix de la destruction de la Chapelle écossaise, malgré
tous nos soins à louer Dieu sur tous les murs de la Poste ?
-----Le tribut demandé sera lourd,
nous en souffrons encore !
J-M Lopez
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