Grande
Poste - Alger
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"...et sous la statue de Jeanne
d'Arc, place Laferrière où se tenaient les camelots et leurs
journaux choisis (Aspects de la France, Rivarol, qu'est-ce-que j'en sais
?), bien souvent il nous fut imposé de faire le coup de poing ". ------A Alger, en 1936, un comité se constitua pour élever une statue à la gloire de Jeanne d'Arc. Bône avait une Jeanne au bûcher, sculptée par Réal des Sarte, inaugurée le 15 mai 1931, Philippeville ne tarderait pas à avoir la sienne... Alger ne pouvant être en reste se devait de faire mieux et le fit. C'est le sculpteur Halbout du Tanney, ancien pensionnaire de la villa Abd-el-Tif, qui fut choisi. Il travailla à Alger et exécuta un modèle au quart d'exécution dans une salle de la caserne des Chasseurs transformée pour l'occasion en atelier. ------II créa une Jeanne guerrière, toute cuirassée, des poulaines aux gantelets, et présentant à bout de bras une épée nue dont la poignée forme croix. De cette gangue de fer seule émerge la tête avec ses cheveux coupés court qui lui font comme une espèce de casque. Du visage aux lignes pures se dégage une profonde résolution en même temps qu'un grand calme intérieur. Jeanne monte un destrier puissant, véritable machine de guerre pleine de force, un étalon que l'artiste étudia chez un éleveur normand de la région caennaise, région dont Halbout du Tanney est originaire. ------Le modèle en terre fut exécuté à Paris en 1939. La guerre vint contrarier le projet et la fonte fut en partie réalisée clandestinement chez Hohwiller, fondeur à Paris. Terminé après la guerre, le bronze fut exposé au salon des Artsites français en 1946. L'oeuvre fut jugée comme étant la meilleure des représentations de Jeanne d'Arc. Elle fut expédiée à Alger l'année suivante et installée face à la Grande Poste, dans l'un des squares en gradins formant le boulevard Laferrière. Elle fut solennellement inaugurée le 6 mai 1951, à l'occasion du cinq cent vingtième anniversaire de la mort de Jeanne d'Arc, par la municipalité dont le président était M. Gazagne. ------Les amicales des différentes provinces de France existant à Alger avaient coutume de venir déposer des gerbes de fleurs au pied du monument le jour de la fête de Jeanne d'Arc. ------Au moment de la déclaration de l'indépendance, la statue ne fut pas démontée. Après tout, Jeanne était une héroïne de l'indépendance qui avait combattu au XVème siècle une certaine forme d'impérialisme et, à ce titre, elle pouvait être " acceptée " par les Algériens. D'ailleurs, au cours de la guerre, certains nationalistes avaient tenté de déposer des gerbes de fleurs devant les statues des " Jeanne " d'Algérie notamment à Philippeville. ------Le 3 juillet 1962, les manifestants fixèrent un drapeau F.L.N. sur l'épée de Jeanne. Ce n'était qu'un début. Le 4 juillet " la foule qui se pressait autour du monument improvisait des danses frénétiques rythmées par le battement des mains et les youyous stridents des femmes en haïk ". ------Elle fut alors " mouquérisée " à l'aide d'un haïk blanc, le visage, bien entendu, voilé... II ne faut pas confondre indépendance des peuples et libération de la femme ! Plus tard, un écriteau fut suspendu au cou du cheval avec pour inscription " Hassiba bent Bouali ", nom de la militante F.L.N. condamnée à mort en 1957 et seule femme à avoir exécutée. ------Un mois plus tard, le vendredi 3 août, Ben Bella entrait à Alger, et les habitants organisèrent une bruyante réception. La nuit du vendredi au samedi fut extrêment agitée. Les derniers monuments français encore en place en firent les frais. Vers quatre heures du matin, des manifestants munis de grosses cordes, aidés par des voitures, renversèrent les deux tonnes et demie de la statue, puis ils décapitèrent Jeanne et coupèrent le bras droit qui tenait l'épée symbole de la croix. La statue mutilée et sens dessus-dessous resta ainsi quarante-huit heures. Les journalistes la photographièrent et leurs clichés parurent dans la plupart des journaux de France. ------Dans la nuit du 5 au 6 août des militaires français du génie emportèrent la statue pour la mettre dans un de leurs dépôts. ------Un matin de
mars 1963, le sergent Robert, occasionnellement manutentionnaire d'engins
de levage lourd, fut appelé à Fort-de-l'eau pour embarquer
la statue, à l'aide d'une grue Garwood de vingt tonnes, dans une
péniche de débarquement. Trois généraux et
bon nombre d'officiers assistèrent à l'opération.
La jetée était très étroite, le fardeau bien
volumineux, le grutier assez inexpérimenté... belle conjoncture
pour attirer les incidents. En effet, une fausse manoeuvre faillit envoyer
la statue par quelques brasses de fond. Seule une chance insolente fit
que la grue qui basculait s'arrêta lorsque la flèche fut
en contact avec la caisse contenant la statue. Il y eut un peu plus de
casse, mais le plus gros était fait. Le L.C.T. de la marine emporta
la statue au port d'Alger, quai Fedalah, où elle fut embarquée
sur un cargo. C'était le Sidi-Ferruch, un " moutonnier "...
quoi de plus naturel pour l'antique bergère de Domremy " comme
l'appela Charles Péguy ! Elle débarqua le 27 mai 1963 à
Marseille. Documentation Maître Halbout du Tanney et Mr Jean
Bercot.
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