Alger, le Gouvernement Général
INAUGURATION D'UNE PLAQUE COMMÉMORATIVE
AU GOUVERNEMENT GÉNÉRAL

Recueillie, très simple, émouvante d'un émoi qui ne peut s'user, mais renaît au contraire incessamment de lui-même, puisque, malgré la multiplicité de célébrations pareilles, le souvenir de ceux qui acceptèrent le devoir de mourir échappe à la grâce d'être banal, s'est déroulée mercredi dernier, rue du Vieux-Palais, dans les bureaux du Gouvernement général, la cérémonie, devenue rituelle, d'exalter leur sacrifice et de confier à leurs noms, en récompense et pour la survie, l'immortalité écrite dans la pierre. Dans le cercle des familles, en présence de M. le Gouverneur général, des directeurs des Services et des hauts fonctionnaires, fut inaugurée la plaque commémorative des fonctionnaires du Gouvernement général qui périrent au cours de la guerre. Président de l'Amicale des Fonctionnaires du Gouvernement général, c'est à M. Courtaud qu'échut la pieuse tâche de commenter leur vie et leur mort et de procéder à leur présentation posthume.

Ils sont morts, dit-il, dans la plénitude de leur force, remplis d'une espérance que légitimaient grandement leurs hautes qualités. Ils nous ont donné l'exemple le plus réconfortant de patriotisme et d'humble abnégation. Les voilà maintenant entrés dans l'histoire de France et inscrits au livre d'or de l'héroïsme.

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Afrique du nord illustrée du 10-3-1923 - Transmis, par Par Francis Rambert.


janvier 2021

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INAUGURATION D'UNE PLAQUE COMMÉMORATIVE

INAUGURATION D'UNE PLAQUE COMMÉMORATIVE
AU GOUVERNEMENT GÉNÉRAL

Recueillie, très simple, émouvante d'un émoi qui ne peut s'user, mais renaît au contraire incessamment de lui-même, puisque, malgré la multiplicité de célébrations pareilles, le souvenir de ceux qui acceptèrent le devoir de mourir échappe à la grâce d'être banal, s'est déroulée mercredi dernier, rue du Vieux-Palais, dans les bureaux du Gouvernement général, la cérémonie, devenue rituelle, d'exalter leur sacrifice et de confier à leurs noms, en récompense et pour la survie, l'immortalité écrite dans la pierre. Dans le cercle des familles, en présence de M. le Gouverneur général, des directeurs des Services et des hauts fonctionnaires, fut inaugurée la plaque commémorative des fonctionnaires du Gouvernement général qui périrent au cours de la guerre. Président de l'Amicale des Fonctionnaires du Gouvernement général, c'est à M. Courtaud qu'échut la pieuse tâche de commenter leur vie et leur mort et de procéder à leur présentation posthume.

Ils sont morts, dit-il, dans la plénitude de leur force, remplis d'une espérance que légitimaient grandement leurs hautes qualités. Ils nous ont donné l'exemple le plus réconfortant de patriotisme et d'humble abnégation. Les voilà maintenant entrés dans l'histoire de France et inscrits au livre d'or de l'héroïsme.

Ce sont des fleurs qui sont tombées, mais leur souvenir restera impérissable. Le cruel oubli ne doit pas les faire mourir une seconde fois.

Comme on l'a dit d'autres héros des temps passés, leur dernier jour a été le triomphe qui a vengé leur mort et prolonge leur vie dans la mémoire des générations futures.

Comme les héros de l'Antiquité, ils resteront, dans les siècles à venir ... " toujours jeunes de gloire et d'immortalité ! " *

Puis, M. Courtaud procède à la lecture des noms gravés en lettres d'or sur la plaque de marbre :
Morts de 1914. - Delle (François), Dubujadoux de Costigliole (Guy), Lemas (Louis).
Morts de 1915. - Boettgenbach (Auguste), Cécile (Fernand), Sicurani (Tiburce).
Morts de 1916. - Clapot (Hugues), Gérolami (Jules), Gigot (Lucien).
Morts de 1918. - Cornac (Louis), Lambert (Gaston), Serain (Henri).
Morts en 1921 et 1922, des suites de blessures ou de maladies contractées sur le front. -
-Acquire (Charles), Desideri (François), Weiss (Joseph) ".

A ceux-ci, qui furent particulièrement des nôtres, conclut-il, nous avons le devoir d'ajouter le nom de Aynard, tué à Verdun, en 1916, et qui fut successivement directeur du Cabinet de M. le Gouverneur général Jonnart, directeur des Affaires indigènes et, en dernier lieu, ministre plénipotentiaire à Cettigné (Monténégro).

Son nom se trouve inscrit sur la plaque commémorative des fonctionnaires du Ministère des Affaires étrangères, mais nous n'oublions pas avec quelle profondeur de vues il a consacré ses dernières et bonnes pensées à notre Colonie, dans son bel ouvrage : L'œuvre française en Algérie.

En réponse, avec un art parfait qu'il possède d'exprimer les plus fines nuances psychologiques et de traduire la précision concrète et lucide les sentiments les plus difficiles, M. Steeg, gouverneur général, représentant qualifié qui a charge, au nom du pays et des générations futures, de recevoir dépôt du monument, prononce un très émouvant discours dont nous détachons les termes suivants :
Mort pour la France ! Que pourrais-je ajouter à ces mots de suprême apothéose ? Comment traduire les sentiments de deuil, d'admiration, d'orgueil qu'ils éveillent dans nos âmes ? Je ne l'essaierai pas. Vous m'avez convoqué, Monsieur le Président, au nom de vos collègues, à cette manifestation de piété corporative et de patriotique gratitude. J'aurais aimé me laisser aller, dans le silence, à la gravité profonde de notre commune émotion ; mais je dois vous remercier de m'avoir permis d'associer la France et l'Algérie à l'hommage que la grande famille du Gouvernement général rend à ceux qu'elle pleure.

Vous, Messieurs, vous les avez tous personnellement connus. En écoutant les noms appelés, il y a un instant, vous évoquiez des visages familiers et chers, vous vous souveniez, sans doute, de quelques-uns de ces incidents qui rapprochent les jeunes hommes dans la carrière qu'ils parcourent de compagnie. Vous vous représentiez la bonne humeur railleuse de celui-ci, la timidité de celui-là, la raideur un peu solennelle de tel autre, la compétence et la probité professionnelles de tous.

Ceci, très intelligente défense des fonctionnaires que la légende diffamatoire s'efforce de ridiculiser et qui sont indispensables à la vie sociale :

On les accusait parfois de formalisme : mais la forme n'est-elle pas respectable lorsqu'elle devient le rempart de la loi, la sauvegarde du bien public, lorsqu'elle se dresse contre des exceptions qui risquent de constituer d'injustifiables privilèges ?

Une malveillance ignorante et systématique leur reprochait de s'abandonner à la routine, de préférer les précédents figés dans des dossiers moisis aux exigences impérieuses de la vie frémissante et mobile. Grief aussi banal qu'injuste. L'avenir meilleur ne sort pas du néant comme un monde, il naît des transformations continues du passé, ramassées dans le présent. Celui qui ne sait pas d'où il vient ne sait pas où il va.

Vous avez été les confidents de leurs ambitions ou de leurs rêves. Votre douleur de collègue, de camarade et d'ami s'avive à la pensée des vieux parents, des enfants, de l'épouse dont la mort a prématurément brisé les espoirs et détruit le bonheur.

Quant à moi, personnellement, je n'étais pas ici au poste que j'occupe aujourd'hui, alors qu'ils partaient pour lutter et pour mourir, alors que vous parvenait l'écho de leur bravoure, de leurs souffrances, de leurs exploits.
Je ne les ai pas connus ; cependant, je sais que, mêlés aux magnifiques troupes algériennes, ils ont été envoyés partout où se débattait le sort de la France, le plus souvent aux endroits que l'intensité de la mitraille ennemie, l'inclémence du climat, rendaient les plus périlleux.

Ils avaient choisi librement une profession qui leur apportait la sécurité d'un labeur conforme à leurs études et à leurs goûts. Plus épris de calme et de régularité que de gloire ou de fortune, ils acceptaient que l'originalité de leur effort personnel se confondit dans le fonctionnement anonyme et obscur de la machine administrative...

Puis, après le dernier hommage aux disparus qui surent passer, sans pusillanimité, du bureau pacifique aux tranchées sanglantes, au nom même des héros dont le sacrifice ne doit pas être vain, ni la mémoire oubliée, le droit affirmé de la vie qui continue, l'exaltation de la patrie de la race " qui a besoin d'être forte, non pour servir les autres, mais pour défendre sa propre indépendance ; non pour satisfaire à d'égoïstes calculs, mais pour défendre ses droits, le Droit, dont ni l'humanité civilisée, ni ses grandes associées de la veille, n'ont accepté d'assumer la décisive sauvegarde ".
Enfin, cette justification en quoi la cérémonie trouve sa moralité, ces mots qui ne visent à rien d'autre qu'à demander s'il est possible que tous nos morts soient morts pour rien :

Envahie, meurtrie, appauvrie, saignante, elle voudrait se détourner des visions d'horreur qui l'obsèdent. Elle ne le peut pas, elle ne le doit pas. Les réparations que ni sa modération, ni sa longanimité n'ont réussi à obtenir de l'Allemagne, elle les poursuit par tous les moyens dont elle dispose, elle les exige non seulement parce qu'elles lui sont dues, mais aussi parce qu'elle croit fermement que toutes les ressources, dont l'ennemi vaincu fera l'économie en ne payant pas ses dettes, seront employées à la préparation de nouvelles invasions, de nouveaux ravages, de nouvelles hécatombes.
Une telle angoisse n'est pas la paix. Or, c'est la paix qu'ont voulue les jeunes hommes dont nous saluons la mémoire. C'est la paix, la vraie paix que pour eux, pour nous, pour nos enfants, nous devons assurer à la France restaurée dans son intégrité, garantie dans sa sécurité !

L'impression fut profonde : dans chaque la volonté s'imposa que tel ne soit pas le sort. La volonté et après tout la certitude, puisqu'en français vouloir c'est pouvoir...