EN ADOPTANT DES SCEAUX D INSPIRATION ISLAMIQUE
Les gouverneurs de lAlgérie ont respecté une tradition
remontant au prophète
Vingt sceaux gubernatoriaux
sur les vingt-cinq existant sont luvre des Racim La Direction
de lIntérieur et des Beaux-Arts au Gouvernement general
a publié récemment, sous le haut patronage de Roger Léonard,
un très bel ouvrage historique et artistique (au rage limité
à 1.000 exemplaires) sur les sceaux officiels des gouverneurs
generaux depuis la conquête jusquà nos jours.
Cest à M. Georges Marçais, membre de lInstitut,
directeur du Musée Stéphane-Gsell à Alger, que
fut confié le soin, dans cette uvre, d« établir
la dignité éminente et vénérable »
du cachet gubernatorial et den définir les origines.
Un tel « album » navait été réa
lisé depuis 1934, époque de M. Jules Carde.
Le texte en était alors de M. Jean Mirante, directeur des Affaires
indigènes au Gouvernement général, avec une préface
autographiée du gouverneur général de lépoque.
Les lointaines origines
du sceau
Ces « marques attestant la personnalité et lautorité
» de nos gouverneurs successifs étant en général
assez mal connues du grand public, nous avons cru bon, en nous inspirant
principalement de ces deux ouvrages, de faire le rapide historique de
ces « cachets ».
Ces brèves remarques aideront ainsi « à lintelligence
de lillustration décorative » des sceauxgubernatoriaux
que nous avons reproduits ici.
Tout dabord, que lon sache que la sigillographie, science
du sceau, « prend place dans lapréhistoire ».
M. Georges Marçais affirme, en effet, que « la science
moderne nous apporte la preuve que lhomme, bien avant de savoir
écrire, sest servi de marques attestant la propriété
quil revendiquait sur les choses ». Les gouverneurs ont
voulu respecter une coutume traditionnelle
Pour souligner la place importante que le sceau a tenu, de tous temps,
dans lOccident musulman,
M. Jean Mirante, lui, n'hésite pas à nous citer des textes
puisés dans les « Prolégomènes » d'Ibn
Khaldoum.
En voici quelques-uns dont la valeur documentaire na dégale
que le pittoresque et le merveilleux :
Au sujet du sceau-insigne-royal, on lit dans les Prolégomènes,
II, page 66 : « Ce bijou fait en or fin
et garni dun rubis, dune turquoise ou dune émeraude
était porté par un sultan comme une marque de sa dignité
»,
Plus loin, pour faire ressortir le côté pratique du sceau,
pour garantir, par exemple, le secret dune
correspondance, on apprend, dans ces mêmes prolégomènes
que « dans le Maghreb, on posait, sur lendroit où
lon avait percé la feuille, un morceau de cire sur lequel
on appliquait un cachet portant une devise appropriée à
cet usage ».
Pour garantir linviolabilité d'un bien « on apposait
la cire revêtue de lempreinte sur un système de
nuds liant divers objets ».
« Système plus sûr que nos serrures, affirme
M. Mirante, car il est, en pratique, impossible de contrefaire un sceau
».
Le cachet était également, à cette époque,
une délégation dautorité. La preuve ? «
Quand Er-Rechid voulut ôter le vizirat à El-Fadal pour
le donner à Djafer, frère de celui-ci, il dit à
leur père Yahia : Mon père, je veux faire passer le sceau
de ma main droite à ma main gauche ».
Le sceau du Prophète
Quant à M. J. Allan, dans son étude sur le « Khâtim
» (sceau, cachet et autre anneau considéré comme
tel), que nous avons également parcouru, il soutient que les
sceaux étaient dun usage courant à La Mecque à
lépoque du Prophète.
L auteur se base sur la légende daprès laquelle
dans la Ville Sainte, dix-sept personnes seulement
savaient écrire au moment où le fondateur de lIslam
commença sa prédications ».
Le Prophète lui-même avait comme sceau un anneau d'argent
portant linscription « Mohamed Rassoul Allah ».
Cet anneau fut successivement légué aux khalifes : Bou
Beker, Omar et Othman.
Ce dernier le perdit, « lan de la perte de lanneau
», mais le remplaça, et lusage du sceau se perpétua
ainsi que la coutume dy graver des maximes dordre religieux.
Cette tradition fut pieusement reprise, entre autres, par les deys dAlger,
les beys gouverneurs des provinces et plus tard par la plupart des gouverneurs
généraux de lAlgérie française. Le
sceau depuis la présence française
A ce sujet M. Marçais nous explique que « Si, de 1830 à
1870, seuls le maréchal Bugeaud et le maréchal Pélissier
eurent leur sceau personnel à partir de 1871, avec lamiral
de Gueydon la tradition sétablit : désormais à
lexception dAbel Grévy (1879) tous les gouverneurs
généraux voulurent disposer dun cachet, dont la
composition fut luvre de décorateurs et de calligraphes
algériens.
Vingt de ces sceaux sur vingt-cinq ont été créés
« par deux générations de la même lignée
», nous avons nommée la « dynastie » Racim.
Depuis 1927, cest Mohamed qui tient le flambeau.
Quelques précisions sur les sceaux gubernatoriaux
M. Mirante nous précise qu « au début de la
conquête, les chefs de la colonie, militaires ou civils, navalent
pas de sceaux à caractères arabes ».
Qu« il faut arriver à Bugeaud, en 1843, pour trouver
le premier cachet de gouverneur de nette inspiration islamique ».
Que « seuls le maréchal Pélissier (1860) et lamiral
de Gueydon (1871) usèrent des signes distinctifs de leur grade
ou de leur devise personnelle en latin ».
Lamiral Abrial. en 1940, le général Weygand et M.
Yves Châtel, en 1941, feront également figurer respective
ment sur leur sceau lancre, lépée et les insignes
de préfet.
M. Mirante précise également que les gouverneurs se servent
plus spécialement de leurs sceaux pour marquer les lettres quils
envoient aux grands chefs.
Et il termine en signalant une remarque de M. W. Lacroix : « On
pourrait être surpris des devises religieuses adoptées
par nos gouverneurs pour leurs cachets arabes. Les chefs ont voulu ainsi
continuer à imiter les sceaux des émirs musulmans et respecter
une coutume traditionnelle qui a sa valeur dans le monde indigène
et quil aurait été inopportun dabandonner.
»
LE SCEAU DU MARÉCHAL BUGEAUD :
Le premier des gouverneurs généraux à avoir possédé
un sceau personnel fut le maréchal Bugeaud. Voici la traduction
de la devise quil sétait choisie : « La confiant
en lEspoir, son serviteur : le maréchal Bugeaud, gouverneur
du royaume dAlger. Dieu - qu'il soit exalté - a dit : «
Certes là terre. il la donne en héritage à qui
il veut parmi ses serviteurs ». Anne 17.59 ( 1843J.
LE SCEAU DU GÉNÉRAL
WEYGAND :
Le sceau du général Weygand est reconnaissable à
ce quil est le seul a être traversé par une épée
(signe de sa qualité de soldai). Voici sa traduction : «
Le chef diligent pour le bien des serviteurs de Dieu et la garde du
pays, son serviteur : le général suprême Weygand,
gouverneur général de lAlgérie . Que Dieu
la garde secrètement et ouvertement ! 1941. »
LE SCEAU DE M. ROGER LÉONARD :
contient ces mots ! « Le confiant en celui qui agit et choisit,
son serviteur : Roger Léonard, gouverneur de la généralité
de lAlgérie. Que Dieu le garde dans le secret et ouvertement
! ». Année 1951.